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Date : 20061218

Dossier : A-467-05

Référence : 2006 CAF 413

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS                 

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

CAMP MINI-YO-WE INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 29 novembre 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2006.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE LINDEN

                                                                                                                        LE JUGE EVANS

 


 

 

 

Date : 20061218

Dossier : A-467-05

Référence : 2006 CAF 413

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS                 

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

CAMP MINI-YO-WE INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

I.   Introduction

[1]               Il s’agit de l’appel d’un jugement du juge Bonner, de la Cour canadienne de l’impôt (le juge) en date du 9 septembre 2005 (2005 CCI 601). Dans ses motifs, le juge a déterminé que la taxe sur les produits et services doit, en vertu du paragraphe 165(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi), être perçue sur les sommes facturées par l’appelante, un organisme de bienfaisance enregistré, aux personnes participant à ses camps d’été pour les jeunes.

 

[2]               En règle générale, la Loi exonère la plupart des fournitures des organismes de bienfaisance. Le présent appel concerne une exception à cette règle, soit la fourniture par un organisme de bienfaisance d’un « service de supervision ou d’enseignement dans le cadre d’une activité récréative ou sportive ». L’appelante prétend que, en raison du caractère chrétien évangélique du camp et de ses programmes, elle n’entre pas dans le cadre de cette exception.

 

II.   Contexte législatif

 

[3]               Le paragraphe 165(1) de la Loi exige que le fournisseur d’un service perçoive la TPS sur la contrepartie versée pour ce service. Cette règle est assujettie à un certain nombre d’exemptions fondées sur des variables comme la nature du fournisseur, la nature des produits ou services fournis, la nature du consommateur ou de l’acheteur des services et l’endroit où les produits et services sont consommés. Une fourniture exonérée est définie au paragraphe 123(1) et signifie une fourniture figurant à la partie V.1 de l’annexe V de la Loi.

 

[4]               L’article 1 de la partie V.1 exonère spécifiquement la fourniture d’un bien ou d’un service par un organisme de bienfaisance. Toutefois, il existe des exceptions et l’exception pertinente dans le cadre du présent appel est l’alinéa 1f) de la partie V.1, lequel est ainsi rédigé :

1. La fourniture de biens ou de services par un organisme de bienfaisance, à l’exclusion des fournitures suivantes :

f) la fourniture d’un service de supervision ou d’enseignement dans le cadre d’une activité récréative ou sportive, ou un droit d’adhésion ou autre droit permettant à une personne de bénéficier d’un tel service, sauf si,…

1. A supply made by a charity of any property or service, but not including a supply of

    

 (f) a service involving, or a membership or other right entitling a person to, supervision or instruction in any recreational or athletic activity….

 

 

[5]               Un organisme de bienfaisance est défini au paragraphe 123(1) de la Loi comme étant un « organisme de bienfaisance enregistré » au sens où cette expression s’entend à l’article 248 de la Loi de l’impôt sur le revenu. On ne conteste pas que l’appelante est un organisme de bienfaisance enregistré, et que ses objectifs et ses activités sont caritatifs et donc susceptibles de se qualifier potentiellement pour l’exonération de la TPS suivant l’article 1 de la partie V.1. 

 

III.   Les faits

[6]               L’appelante poursuit ses fins de bienfaisance en administrant des programmes dans différents domaines religieux comme des organisations missionnaires, des activités de publication et de diffusion, des séminaires et des camps. Pendant les années d’imposition en cause, l’appelante a administré des camps destinés aux enfants de différents groupes d’âge dans quatre endroits en Ontario. Il y avait quatre types de camps possibles : un camp pour filles, un camp pour garçons, un camp junior et un camp appelé « Discovery » (découverte). Ces trois premiers camps étaient pour les enfants âgés entre six et quinze ans, alors que le camp Discovery était un programme d’entraînement au leadership religieux pour les jeunes âgés entre 16 et 18 ans. Pendant l’hiver, l’appelante poursuit son travail avec ses jeunes bénévoles et les entraîne aussi pour la saison des camps d’été.

 

[7]               Aux camps pour enfants, l’appelante a fourni des services à des garçons et à des filles, soit notamment de la supervision, de l’enseignement religieux et de l’enseignement en matière d’activités récréatives et sportives. Les services incluaient aussi une supervision de nuit pour tous les enfants pendant toute la durée de leur séjour. Le camp offrait une gamme complète d’activités typiques pour un camp d’été, comme le canot, le kayak et la natation.

 

[8]               Voici comment l’appelante a annoncé la mission de tous ses camps :

[traduction] Mini-Yo-We est un camp chrétien dont la mission est de présenter Jésus-Christ et son message de la parole de Dieu par un excellent programme de camping qui allie l’enseignement spirituel, le plaisir et l’activité physique ainsi que l’apostolat annuel du personnel et des campeurs, en association avec des Églises et ministères évangéliques.

 

[9]               Le personnel et les conseillers du camp senior étaient choisis sur le fondement de leur parcours religieux. En plus des conseillers bénévoles, la majorité du personnel administrant les camps faisait partie des « Commended Workers of Plymouth Brethren », l’équivalent du clergé ou des ministres dans d’autres mouvements religieux. Même s’il s’agissait de camps Plymouth Brethren, ils étaient offerts aux campeurs de toute allégeance religieuse.

 

[10]           Les enfants arrivaient au camp le dimanche après-midi, et ils y demeuraient pour une semaine. Les horaires de chaque camp étaient suivis quotidiennement. Normalement, les enfants se levaient vers 7 h 30 et déjeunaient à 8 h 30. Après le déjeuner, les enfants participaient à ce qu’on appelait l’« impact period » (la période choc), laquelle comprenait des pratiques religieuses et de l’enseignement. Le reste de la matinée était réservé à de l’enseignement récréatif et sportif. L’après‑midi comportait des périodes de repos, de nettoyage et environ une heure était allouée pour que les enfants choisissent leur propre activité, telle que la natation ou le kayak. Après souper, les enfants participaient souvent à des activités de groupe comme le baseball ou le soccer et pour environ quarante‑cinq minutes à la fin de la journée, ils faisaient leurs dévotions.

 

[11]           Une seule somme était facturée pour couvrir le coût de tout le programme de camping. Le coût de l’enseignement sportif et récréatif était de cinq à dix pour cent du coût total du camp. Le reste couvrait les dépenses comme le logement, les repas, l’entretien des installations, l’assurance, les installations elles-mêmes et le travail.

 

[12]           En 2000, après que le ministre du Revenu national (le ministre) a mis fin à l’appel interjeté devant notre Cour à l’égard de la décision Camp Kahquah c. La Reine, [1998] 4 C.T.C. 2882 [Camp Kahquah], l’appelante et un certain nombre d’autres organismes de bienfaisance enregistrés ont arrêté de percevoir la TPS sur les sommes versées pour leurs programmes. Dans cette affaire, le juge de la Cour de l’impôt avait déterminé que l’unique fin poursuivie par le Camp Kahquah était d’administrer un camp chrétien, et que les installations récréatives et l’enseignement étaient accessoires à cette fin. En conséquence, il a conclu que Camp Kahquah n’était pas visé par l’alinéa 1f).

 

[13]           Néanmoins, le ministre a établi la cotisation de l’appelante suivant la partie IX de la Loi, pour la période allant du 1er octobre 1999 au 31 décembre 2001, sur le fondement que la TPS était exigible sur les sommes facturées pour participer au camp. L’appelante s’est opposée et a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

IV.   Décision de la Cour de l’impôt

 

[14]           Le juge a conclu que le programme de l’appelante supposait de la supervision ou de l’enseignement en matière d’activités récréatives et sportives et que, en plus du temps accordé exclusivement aux activités, la religion se jumelait aussi à tous les aspects de la vie quotidienne au camp (motifs, paragraphe 12). Toutefois, l’élément prédominant du service fourni était la supervision et l’enseignement récréatif et sportif, un élément non touché par la fin religieuse poursuivie par le camp ou par les périodes de prière et de réflexion (motifs, paragraphe 20). En tentant de distinguer la décision Camp Kahquah de la présente affaire, le juge Bonner a énoncé ce qui suit au paragraphe 25 :

À mon avis, la décision Kahquah peut être distinguée de la présente espèce. Elle semble reposer sur des conclusions selon lesquelles la fourniture d’installations récréatives et de services d’enseignement faisait partie de l’objectif religieux de la contribuable et y était accessoire et qu’il ne s’agissait donc pas de la fourniture d’un service de supervision ou d’enseignement dans le cadre d’une activité récréative ou sportive comme l’exigeait la législation examinée dans cette affaire.

 

 

 

[15]           Le juge a donc conclu que le tarif de l’appelante pour ses services était assujetti à la TPS sous l’empire de la Loi.

 

V.   Norme de contrôle judiciaire

[16]           Dans un contrôle en appel, la nature des questions en litige détermine les normes de contrôle applicables. Les questions de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte, tandis que les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de fait et de droit ne seront infirmées que si le juge a commis une erreur manifeste et dominante (voir Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235).

 

[17]           La présente affaire concerne des questions mixtes de fait et de droit; toutefois, lorsqu’une question mixte de fait et de droit est, par essence, plus juridique que factuelle et vice versa, des questions se posent. En conséquence, lorsque la question en litige concerne une question d’interprétation judiciaire d’un critère juridique, alors la décision du juge à cet égard sera révisée selon la norme de la décision correcte. Lorsque le juge a appliqué le critère juridique approprié aux faits présentés, alors une plus grande déférence est justifiée et sa décision sera révisée suivant la norme de l’erreur manifeste et dominante sauf si une question de droit plus générale se dégage sans difficulté.

 

VI.   Questions en litige

[18]           Trois questions particulières doivent être tranchées :

1.       Le juge a‑t‑il commis une erreur justifiant annulation de la décision en interprétant et en appliquant l’alinéa 1f)?

 

2.       Le juge s’est-il trompé en tranchant que la règle des fournitures accessoires de l’article 138 ne s’applique pas?

 

3.       Le juge aurait-il dû suivre la décision antérieure de la Cour de l’impôt Camp Kahquah?

 

 

VII.   Analyse

 

Question 1 :    Le juge a‑t‑il commis une erreur juridique en interprétant et en appliquant l’alinéa 1f)? 

 

[19]           Le juge a considéré la nature des services fournis par les camps plutôt que leur objet. Au paragraphe 23, il est écrit :

De mon point de vue, l’objet caritatif (religieux) qui sous‑tend les activités de l’appelante ne peut être considéré comme soustrayant les activités à la portée de l’alinéa f), à moins que cet objet et les mesures adoptées pour le mettre en œuvre soient si dominants dans l’ensemble que la nature du service fourni est modifiée, c’est‑à‑dire qu’un camp d’été pour enfants où prédomine la surveillance ou l’enseignement dans le cadre d’activités récréatives ou sportives devient autre chose. En l’occurrence, l’objectif ne donne pas lieu à une telle modification. Le service fourni était un service de camp d’été et non, par exemple, un service d’école religieuse offrant une période ou deux de gymnastique.

 

[20]           L’appelante soutient que le juge s’est trompé en ne considérant pas, dans son interprétation de l’alinéa 1f), l’objet véritable des activités récréatives offertes par le camp. Pour soutenir sa position, elle s’appuie sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Vancouver Society of Immigrant & Visible Minority Women c. MRN, [1999] 1 R.C.S. 10. Le paragraphe 152 est ainsi rédigé :

... c'est en réalité la fin pour laquelle une activité est exercée, et non le caractère de l'activité elle-même, qui détermine s'il s'agit d'une activité de bienfaisance. [...] l'examen doit porter non seulement sur les activités d'un organisme, mais aussi sur les fins qu'il poursuit.

 

[21]           Toutefois, le juge Gonthier a formulé ce passage pour déterminer si des activités étaient caritatives en vue d’établir l’admissibilité d’un demandeur à l’enregistrement comme organisme de bienfaisance sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas notre cas. Ici, le ministre a admis que la fin de bienfaisance poursuivie par l’appelante est la promotion de la religion. Il me semble que si le critère de la fin poursuivie s’appliquait à l’alinéa 1f), la réponse serait toujours que l’activité est caritative et l’exception ne s’appliquerait jamais. Selon mon analyse, le juge avait raison de mettre l’accent sur la nature des activités plutôt que leur fin.

 

[22]           En l’espèce, le juge a commencé son analyse en examinant à la fois les versions française et anglaise de l’alinéa 1f), et il a conclu que, bien qu’il y ait, à son sens, un écart entre les deux versions, elles s’appliquent toutes deux. L’appelante soutient que le juge a commis une erreur en arrivant à cette conclusion parce que l’exonération générale ne tombe pas du simple fait qu’un service comporte de l’enseignement ou de la supervision dans le cadre d’activités récréatives ou sportives.

 

[23]           La version anglaise de l’alinéa 1f) traite d’un service « involving supervision or instruction in any recreational or athletic activity ». La version française énonce :  « la fourniture d’un service de supervision ou d’enseignement dans le cadre d’une activité récréative ou sportive ». L’appelante avance que, en conciliant les différences entre les versions française et anglaise d’une loi, il faut rechercher le sens qui est commun aux deux (Perrier Group of Canada c. Sa Majesté La Reine, [1996] 1 C.F. 586), ce qui en l’occurrence est le sens plus étroit de la version française.

 

[24]           À mon avis, le juge Bonner avait raison de conclure que, en l’espèce, les différences entre les textes français et anglais sont sans importance. Dans le cas qui nous occupe, les services sont visés sans contredit tant par la version française et que par la version anglaise de l’alinéa 1f), et point n’est besoin de les concilier. La version anglaise exclut de l’exonération tout service, par un organisme de bienfaisance, qui suppose de la supervision ou de l’enseignement dans le cadre d’une activité sportive ou récréative. Le programme de l’appelante est visé par la version anglaise de l’alinéa 1f) parce qu’il suppose de la supervision ou de l’enseignement religieux, sportif et récréatif. Le libellé n’exige pas que l’activité sportive et récréative soit la composante majeure.

 

[25]           De la même façon, les services offerts par l’appelante sont visés sans contredit par la version française du texte, soit « l’enseignement religieux dans le cadre d’une activité récréative ou sportive ». En conséquence, tout écart entre les versions française et anglaise de l’alinéa 1f) n’exonère pas l’appelante de la TPS, puisque toutes deux s’appliquent au service fourni.

 

Question 2 :    Le juge s’est-il trompé en tranchant que la règle des « fournitures accessoires » de l’article 138 ne s’applique pas?

 

[26]           Une des questions en litige présentées au juge était de savoir si la transaction consistait en une fourniture unique composée de deux éléments interreliés, ou si l’on était en présence de fournitures multiples, soit deux services fournis pour une contrepartie unique avec une composante dominante et une composante récessive. Le juge a conclu que cette transaction était une fourniture unique; les sommes étaient payées pour l’ensemble de l’expérience de camping.

 

[27]           L’appelante fait maintenant valoir que le juge s’est trompé en n’appliquant pas la règle des « fournitures accessoires » de l’article 138 de la Loi :

138. Pour l’application de la présente partie, le bien ou le service dont la livraison ou la prestation peut raisonnablement être considérée comme accessoire à la livraison ou à la prestation d’un autre bien ou service est réputé faire partie de cet autre bien ou service s’ils ont été fournis ensemble pour une contrepartie unique.

 

138. For the purposes of this Part, where

 

(a) a particular property or service is supplied together with any other property or service for a single consideration, and

 

(b) it may reasonably be regarded that the provision of the other property or service is incidental to the provision of the particular property or service

 

the other property or service shall be deemed to form part of the particular property or service so supplied.

 

[28]           D’après mon analyse, l’article 138 s’applique seulement dans le cadre de fournitures multiples. S’il n’y a qu’une fourniture unique (avec plusieurs composantes), alors cet article ne trouve pas application. Pour déterminer si des services multiples ont été fournis, je me reporte à l’analyse du juge Sharlow dans l’arrêt Hidden Valley Golf Resort Assn. c. Canada (2000), 257 N.R. 164, au paragraphe 17 :

Dans chaque cas, il est utile de se demander s'il serait possible d'acheter chacun des divers éléments séparément et d'obtenir néanmoins un article ou service utile. Car si cela n'est pas possible, il faut alors nécessairement conclure qu'une fourniture mixte qui ne peut pas être divisée aux fins de la taxe est en cause.

 

[29]           En l’espèce, selon la preuve présentée, il n’était pas possible de facturer des sommes distinctes pour les services religieux et pour des services récréatifs et sportifs fournis par l’appelante. Les activités étaient trop interreliées. Aussi le juge a-t-il, avec raison, conclu que l’article 138 était inapplicable en l’espèce.

 

Question 3 :    Le juge aurait-il dû suivre la décision antérieure de la Cour de l’impôt Camp Kahquah?

 

[30]           L’appelante prétend que le juge avait le devoir de traiter avec courtoisie judiciaire la décision rendue dans Camp Kahquah étant donné que ces affaires sont, quant aux faits et quant au droit, presque identiques. Le juge Bonner, soutient-elle, aurait dû pouvoir fournir une explication compréhensible et crédible de sa divergence de vue, ce qu’il n’a pas fait. Cela vaut d’autant plus que la décision Camp Kahquah est bien motivée et n’a pas été infirmée depuis 1998, et donc qu’elle aurait dû être suivie par le juge.

 

[31]           En raison du principe de la courtoisie judiciaire entre juges de la Cour de l’impôt, un juge ne décidera pas à la légère de ne pas suivre une décision antérieure de ce tribunal. Toutefois, le fait de ne pas avoir suivi une décision antérieure n’est pas un motif d’appel devant notre Cour. En face de décisions contradictoires de la Cour de l’impôt, la fonction de notre Cour, en appel, est de décider quelle décision énonce correctement le droit, s’il en est.

 

[32]           Avec égards, je ne crois pas que les motifs de la décision Camp Kahquah auraient dû être suivis. Dans cette affaire, en déterminant si la fourniture était exonérée, le juge a accepté la preuve présentée quant à l’objet du camp plutôt que la nature des services fournis. Voici ce qu’il a dit au paragraphe 27 :

J’accepte la preuve détaillée présentée par les témoins de l'appelante, qui ont souligné l'objet déclaré du camp et le fait qu'il était effectivement exploité dans le but d'atteindre cet objet. J'accepte notamment la preuve selon laquelle les camps en question n'existeraient pas sans la dimension religieuse et sans la possibilité d'évangéliser et de convertir les campeurs. [...] En outre, on peut comprendre que, comme l'indique la preuve, les enfants n'auraient pas particulièrement envie de participer à un camp religieux n'offrant pas certains des sports d'été qui font partie du programme au camp en question.

 

[33]           La faiblesse principale de ce raisonnement est que l’analyse est fondée sur l’objet sous‑jacent du camp. Comme je l’ai dit, ce n’est pas l’objet, mais la nature de la fourniture qui doit être examinée. Il ne devrait pas importer que l’objet sous-jacent du contribuable soit caritatif. Il ne devrait pas non plus importer que l’activité récréative soit nécessaire pour rendre le camp plus attrayant pour les enfants. Le fait est que tant le camp Kahquah que le camp Mini-Yo-We supposaient de la supervision ou de l’enseignement dans le cadre des diverses activités sportives ou récréatives, ce qui est suffisant pour l’exclure de l’exonération générale accordée aux organismes de bienfaisance.

 

[34]           Enfin, l’affirmation de l’appelante selon laquelle la décision Camp Kahquah a été maintenue depuis 1998 est sans conséquences. Le fait que Sa Majesté ait déposé un appel relativement à cette décision et l’ait ensuite abandonné signifie seulement que notre Cour n’a pas encore considéré si elle était juste sur le plan juridique. Il n’aurait pas non plus importé que Sa Majesté n’ait pas même décidé d’interjeter appel. Sa Majesté n’est pas obligée de déposer ou de poursuivre un appel ou d’offrir une explication publique pour justifier sa décision d’agir d’une certaine façon.

 

VIII.   La question incidente

[35]           Une question incidente se pose. Le Conseil canadien des œuvres de charité chrétienne et le Christian Sunday School Missions ont demandé l’autorisation d’intervenir dans le cadre du présent appel. Cette requête a été rejetée parce qu’il n’avait pas démontré que l’intervention proposée aiderait le tribunal puisque l’avocat de l’appelante était pleinement apte à présenter l’appel.

 

[36]           Lorsque l’appel a été débattu, l’appelante a présenté une requête pour directives en vue de modifier l’avis d’appel et son mémoire pour y inclure une demande de réparation additionnelle en vertu de l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, L.C. 1985, ch. F-7. Cette réparation, si elle avait été accordée, aurait forcé le ministre à établir une nouvelle cotisation pour tous les contribuables touchés pour la période allant de la décision Camp Kahquah à aujourd’hui.

 

[37]           Dans le cadre d’un appel, la règle générale en matière d’allégations des parties est que l’appelant ne peut soulever un point qui n’a pas été soulevé devant l’instance inférieure à moins que toute la preuve pertinente soit au dossier : 671905 Alberta Inc. c. Q’Max Solutions Inc., [2003] 4 C.F. 713 (C.A.), au paragraphe 35. En conséquence, la Cour ne devrait pas donner effet à un point soulevé en appel pour la première fois à moins qu’il s’agisse manifestement d’un point de droit qui n’exige pas de preuve additionnelle.

 

[38]           Dans le cadre de la requête qui nous est soumise, les faits et la preuve relatifs à la nouvelle réparation recherchée en vertu de l’article 44 sont soulevés pour la première fois et n’apparaissent pas au dossier de l’instance inférieure. L’appelante n’a pas non plus présenté de preuve relative aux contribuables tierces parties, à savoir la preuve de leur identité et celle des services déjà offerts pouvant être qualifiés de programmes de camps chrétiens évangéliques.

 

[39]           Le ministre subirait un préjudice sérieux du fait de la modification proposée, qui cherche à soulever des questions qu’il n’a pas eu la possibilité de réfuter ou à l’égard desquelles il n’a pu faire enquête ou formuler une réponse. À mon avis, la réparation recherchée par la modification proposée n’est ni juste ni convenable et outrepasse la portée de l’article 44.

 

[40]           Je rejetterais donc la requête pour directives.

 

IX.   Conclusion

 

[41]           L’appel devrait être rejeté avec dépens.

 

 

 

 

 

« B. Malone »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

    A.M. Linden, j.c.a. »

« Je suis d’accord

    John M. Evans, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Évelyne Côté, LL.B., dipl. trad.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-467-05

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DU JUGE BONNER (COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT) EN DATE DU 9 SEPTEMBRE 2005, DOSSIER NO 2003-1556 (TPS)G

 

INTITULÉ :                                                                           CAMP MINI-YO-WE INC.

 

                                                                                                c.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 29 NOVEMBRE 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LE JUGE MALONE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LINDEN et LE JUGE EVANS

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 18 DÉCEMBRE 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Patrick Boyle

Duane Milot

 

POUR L’APPELANTE

 

 

Justine Malone

Richard Gobeil

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fraser Milner Casgrain, s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

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