ENTRE :
CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DE L'EST DE DRUMMOND,
aux droits de la Caisse populaire du Bon Conseil
et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
Audiences tenues à Montréal (Québec), les 7 et 8 novembre 2006.
Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 8 novembre 2006.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE LÉTOURNEAU
Dossier : A-624-05
Référence : 2006 CAF 366
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DE L'EST DE DRUMMOND,
aux droits de la Caisse populaire du Bon Conseil
Appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
Intimée
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 8 novembre 2006)
[1] Nous sommes saisis d’un appel d’une décision du juge Pinard de la Cour fédérale (juge). Par sa décision, le juge rejetait un appel de l’appelante mettant en cause le mécanisme de perception de la fiducie présumée prévue aux paragraphes 227(4) et (4.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supplément), telle que modifiée (LIR), et 86(2) et (2.1) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, telle que modifiée (LAE).
[2] Les faits donnant naissance au litige sont assez simples et ont fait l’objet de l’entente suivante entre les parties :
1. Pour les mois de mai 2000 à janvier 2001, Les Entreprises Camvrac Inc. (ci-après, « la débitrice ») a fait défaut de remettre à Sa Majesté des déductions à la source totalisant 26 863,53 $, réparties de la façon suivante :
Déductions à Déductions Date de
Mois la source LIR à la source LAE cotisation
Mai à octobre 2000 2 608,64 $ 2 950,08 $ 5 déc. 2000
Novembre 2000 2 703,45 $ 549,65 $ 15 fév. 2001
Décembre 2000 11 583,13 $ 2 010,87 $ 15 fév. et
1 mai 2001
Janvier 2001 3 686,58 $ 771,13 $ 15 fév. et
1 mai 2001
TOTAL 20 581,80 $ 6 281,73 $
2. Le 19 septembre 2000, la défenderesse consentait à la débitrice un prêt au montant de 277 000,00 $;
3. Le 25 septembre 2000, la débitrice déposait auprès de la défenderesse une somme de 200 000,00 $ et cette dernière émettait donc le 16 octobre 2000 un certificat de dépôt échéant le 16 octobre 2005;
4. Au moment de son émission, le certificat de dépôt fut donné en garantie du prêt de 277 000,00 $ consenti à la débitrice. Les extraits les plus pertinents du contrat de garantie intervenu entre la défenderesse et la débitrice sont les suivants :
1. Droit de rétention et de compensation. « Pour garantir le remboursement, en capital, intérêts, frais et accessoires, de toutes sommes dues ou pouvant être dues à la caisse par le déposant en vertu d’un contrat d’ouverture de crédit de 277 000,00 $ qui lui a été consenti le 18 septembre 2000 et en vertu de toutes les dettes ou obligations présentes ou futures, directes ou indirectes du déposant, le déposant s’engage à maintenir et consent à ce que la caisse retienne, dans le ou les comptes ou sur le ou les certificats de dépôt mentionnés ci-après, la somme de 200 000,00 $ ».
[…]
7. Défaut. Le déposant sera en défaut dans les cas suivants :
a) si l’une ou l’autre des obligations prévues aux contrats de crédit ou aux présentes n’est pas respectée;
b) si le déposant ou l’emprunteur deviennent insolvables ou en faillite ou s’ils font une proposition concordataire et que celle-ci est rejetée ou annulée;
[…]
En cas de défaut :
a) toutes les sommes dues en vertu des contrats de crédit deviendront immédiatement exigibles;
b) il y aura compensation entre le ou les contrats de crédit et le ou les certificats de dépôt ou sommes d’argent indiqués ci-dessus, que ceux-ci soient échus ou non;
[…]
5. Le 25 novembre 2000, la débitrice a fait défaut de payer la portion intérêts de sa dette;
6. Le 7 février 2001, la débitrice faisait cession de ses biens;
7. Le 21 février 2001, la défenderesse notait la compensation entre le produit du certificat de dépôt à savoir un montant de 200 000,00 $ et la somme de 277 000,00 $ que lui devait la débitrice
Note : La demanderesse soutient que la compensation s’est effectuée à cette date, soit le 21 février 2001 tandis que la défenderesse soutient que la compensation s’est opérée automatiquement le 25 novembre 2000, à la date de défaut de la débitrice;
8. Le 12 juin 2001, la demanderesse envoyait à la défenderesse une mise en demeure lui enjoignant de payer le montant protégé par la fiducie présumée;
9. À ce jour, la somme de 26 863,53 $ demeure toujours impayée.
(nous soulignons)
[3] L’appelante a soumis en ces termes les trois questions suivantes pour adjudication :
Question 1 : Le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit en considérant que l’encaissement par l’appelante du certificat de dépôt suite à l’opération de la compensation constituait un « produit découlant » au sens du paragraphe 227(4.1) de la LIR ?
Conséquemment, le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit, compte tenu du libellé actuel des paragraphes 227(4.1) de la LIR et 86(2.1) de la LAE, en concluant que ces dispositions permettaient à l’intimée d’exercer directement et personnellement contre l’appelante son droit de bénéficiaire sur les sommes qui ont fait l’objet d’une compensation effectuée par elle ?
Question 2 : Le juge de première instance a-t-il appliqué correctement les règles de droit en matière de compensation lorsqu’il a refusé de retenir comme date de compensation le 25 novembre 2000 au lieu du 21 février 2001 ?
Question 3 : Le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit, compte tenu du libellé actuel des paragraphes 36(2) et 37(2) de la Loi sur les cours fédérales, dans la computation des intérêts imposés à l’appelante ?
[4] En réponse à la première question, nous sommes satisfaits que le juge n’a commis aucune erreur dans l’interprétation des dispositions des paragraphes 227(4) et (4.1) de la LIR. La définition de « garantie » que l’on retrouve au paragraphe 224(1.3) est suffisamment large pour couvrir le droit de rétention et de compensation que l’appelante détenait sur le certificat de dépôt du débiteur fiscal. Pour reprendre les termes mêmes de la définition du paragraphe 224(1.3), l’appelante possédait un « droit sur un bien qui garantit l’exécution d’une obligation, notamment un paiement » (en anglais « any interest in property that secures payment or performance of an obligation »).
[5] En outre, le droit de rétention et de compensation était conféré à l’appelante par voie contractuelle. Il se retrouvait dans une « Convention de mise en garantie d’épargne ». Contrairement aux prétentions de l’appelante, le juge a eu raison de conclure qu’il s’agissait non pas d’une compensation légale, mais bien d’une compensation conventionnelle, i.e. d’un droit octroyé par convention et, qu’au terme de cette convention de mise en garantie, l’appelante pouvait et devait l’exercer afin que la compensation s’opère.
[6] En conséquence, le juge n’a pas commis d’erreur en appliquant à l’appelante les dispositions des paragraphes 227(4.1) de la LIR et 86(2.1) de la LAE afin de recouvrer les sommes dues.
[7] C’est aussi à bon droit que le juge a conclu que le droit de compensation avait été exercé par l’appelante le 21 février 2001 et non le 25 novembre 2000 comme le soutient l’appelante. On peut voir au dossier d’appel qu’après le 25 novembre 2000, le montant de la somme prêtée était toujours de 277 000 $ et que les intérêts dus ont été comptabilisés par l’appelante sur cette somme : voir dossier d’appel, pages 138 et 141. Il ne pourrait en être ainsi si une compensation de 200 000 $ s’était opérée à cette date du 25 novembre 2000 sur le prêt de 277 000 $.
[8] Enfin, quant à la troisième question, nous n’avons pas été convaincus que le juge a erré en procédant à la quantification des intérêts selon les paragraphes 36(2) et 37(2) de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. (1985) ch. F-7. L’existence de la dette fiscale de l’appelante constituait le fait générateur de l’action en recouvrement intentée contre elle et celui-ci est survenu ailleurs que dans une province : voir Markevitch c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94 ainsi que Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.) c. Banque nationale du Canada, 2004 CAF 92.
[9] De même, il n’y a pas lieu d’intervenir quant à la date retenue par le juge pour la computation desdits intérêts.
[10] Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens, ceux-ci étant toutefois limités au niveau de l’audition à un seul jeu de dépens puisqu’il y eut audition commune des dossiers A-624-05 et
A-426-05.
« Gilles Létourneau »
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-624-05
APPEL DE L’ORDONNANCE DE L’HONORABLE JUGE PINARD, DE LA COUR FÉDÉRALE, DU 22 NOVEMBRE 2005, NO DU DOSSIER T-1253-02.
INTITULÉ : CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DE
L’EST DE DRUMMOND c. SA MAJESTÉ
LA REINE DU CHEF DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATES DE L’AUDIENCE : Les 7 et 8 novembre 2006
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
PRONONCÉS À L’AUDIENCE : LE JUGE LÉTOURNEAU
COMPARUTIONS :
|
POUR L’APPELANTE
|
|
POUR L’INTIMÉE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lévis (Québec)
|
POUR L’APPELANTE
|
Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉE
|