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Date : 20061030

 Dossier : A-648-05

Référence : 2006 CAF 356

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

ERNST ZUNDEL

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 30 octobre 2006.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 30 octobre 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                           LE JUGE EVANS

 


Date : 20061030

 Dossier : A-648-05

Référence : 2006 CAF 356

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

ERNST ZUNDEL

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 30 octobre 2006)

 

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Ernst Zündel d’une décision du juge Hughes de la Cour fédérale (Zündel c. Canada, 2005 CF 1612), dans laquelle le juge accueillait une requête de la Couronne en rejet d’une action en dommages-intérêts que M. Zündel avait intentée contre elle.

 

[2]               Dans sa déclaration modifiée, M. Zündel allègue que la Couronne l’a illégalement détenu au Canada puis expulsé en Allemagne au motif, entre autres, qu’il constituait une menace pour la sécurité du Canada.

 

[3]               M. Zündel soutient que les dispositions concernant le certificat de sécurité de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27, en vertu desquelles il a été détenu et expulsé, contreviennent à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et ne justifient pas, en droit, les dommages qui lui ont été infligés du fait de sa détention et de son expulsion.

 

[4]               Bien que le juge Blais, un juge désigné de la Cour fédérale, eût examiné et confirmé le caractère raisonnable du certificat de sécurité, M. Zündel a choisi de ne pas poursuivre la question constitutionnelle au cours de cette procédure. Cependant, avant le renvoi de M. Zündel, la Cour d’appel fédérale a conclu, dans une autre affaire, que les dispositions concernant le certificat de sécurité de la LIPR étaient valides : Charkaoui (Re), [2005] 2 R.C.F. 299, 2004 CAF 421. Cette décision a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada et l’audience a eu lieu en juin 2006. L’arrêt de la Cour suprême dans cette affaire est attendue.

 

[5]               Le juge Hughes a radié la déclaration de M. Zündel en vertu du paragraphe 221(2) des Règles des Cours fédérales parce qu’elle ne révélait aucune cause d’action valable. Il a conclu que la Couronne n’est responsable des actes accomplis par ses agents en vertu d’une loi qui a été jugée invalide que si leur comportement a été « clairement fautif », qu’ils ont fait preuve « de mauvaise foi » ou qu’ils ont commis un « abus de pouvoir » : Mackin c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances), [2002] 1 R.C.S. 405, 2002 CSC 13, au paragraphe 78.

 

[6]               Le juge Hughes a conclu que, comme M. Zündel n’avait pas allégué qu’un de ces actes fautifs avait été commis, son action en dommages-intérêts était vouée à l’échec, même si la Cour suprême abrogeait par la suite les dispositions de la LIPR concernant le certificat de sécurité. Le juge Hughes a conclu que, comme il ne pouvait pas y avoir de recours en dommages-intérêts, les paragraphes de l’acte de procédure de M. Zündel qui demandaient que les dispositions contestées de la LIPR soient déclarées invalides n’avaient pas d’objet pratique. Comme la Cour suprême examine présentement les mêmes questions, il est inutile de consacrer à la présente affaire des ressources judiciaires limitées, parce que « la contestation du demandeur est redondante » (paragraphe 22).

 

[7]               Cependant, le juge Hughes aurait refusé de radier la déclaration modifiée pour abus de procédure, parce que la jurisprudence permettait à M. Zündel d’engager une action distincte pour la question constitutionnelle, plutôt que de la soulever dans la procédure sommaire visant le contrôle du caractère raisonnable du certificat de sécurité. D’après le juge Hughes, le fait de permettre à M. Zündel d’exercer les recours qui lui étaient ouverts, peu importe quels étaient ses motifs, ne mine pas l’intégrité du processus juridictionnel.

 

[8]               En l’espèce, l’avocat de M. Zündel a reconnu que la viabilité de la cause d’action dépend de l’invalidité des dispositions contestées de la LIPR. Nous répétons que, avant le renvoi de M. Zündel, la Cour avait maintenu la validité des dispositions contestées de la LIPR dans l’arrêt Charkaoui (Re).

 

[9]               Néanmoins, l’avocat de M. Zündel soutient que la question en litige en l’espèce est de savoir s’il existe un soupçon de possibilité que la Couronne puisse être tenue responsable de délits commis dans l’exercice d’une charge publique ou de négligence en raison du fait que les avocats ont contesté les diverses tentatives de M. Zündel de soulever la validité constitutionnelle de la loi, et qu’ils ont agi ainsi dans le but illégitime de l’empêcher d’obtenir une décision à ce sujet avant qu’il soit expulsé et qu’il en a subi les préjudices prévisibles découlant de cette expulsion.

 

[10]           Nous ne sommes pas convaincus que, même en appliquant la norme rigoureuse énoncée dans Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S 959, pour la radiation des actes de procédure, il puisse être conclu que l’acte de procédure en l’espèce révèle un délit.

 

[11]           À notre avis, il n’y avait rien d’inapproprié dans la position que la Couronne a adoptée dans l’une ou l’autre des instances évoquées. Par conséquent, au cours du contrôle du certificat de sécurité devant le juge Blais, il était approprié que la Couronne adopte la position, vu la jurisprudence telle qu’elle était alors, que le juge n’avait pas la compétence de traiter la question constitutionnelle dans cette procédure.

 

[12]           Cependant, M. Zündel aurait pu soulever la question devant le juge Blais et, si le juge avait rendu une décision qui lui était défavorable au sujet de la question de compétence, il aurait été possible de porter la décision en appel. En effet, il a été conclu que durant cette période, les juges désignés avaient la compétence pour se prononcer sur les contestations constitutionnelles des dispositions de la LIPR en vertu desquelles les certificats de sécurité sont émis : Charkaoui (Re), [2004] 3 R.C.F. 32, 2003 CF 1419, conf. par [2005] 2 R.C.F. 299, 2004 CAF 421. M. Zündel a plutôt choisi d’adresser la question constitutionnelle à la Cour supérieure de justice de l’Ontario par voie de bref d’habeas corpus et de retirer l’avis de question constitutionnelle qu’il avait présenté à la Cour fédérale.

 

[13]           Les avocats de la Couronne ont contesté la demande d’habeas corpus de M. Zündel. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a refusé d’exercer sa compétence, en faveur de la Cour fédérale (R. c. Zündel (2003), 127 A.C.W.S. (3d) 115), décision qui a été maintenue par la Cour d’appel de l’Ontario (R. c. Zündel (2004), 241 D.L.R. (4th) 362). Une fois de plus, nous ne relevons rien d’inapproprié dans la position que les avocats de la Couronne ont adoptée dans ces instances.

 

[14]           Enfin, l’avocat de M. Zündel soutient qu’il était inapproprié que la Couronne demande le rejet de l’action, parce qu’elle avait précédemment fait valoir qu’une action devant la Cour fédérale était la façon appropriée de contester la validité constitutionnelle de la loi.

 

[15]           Nous ne sommes pas de cet avis. La Couronne pouvait, à juste titre, faire valoir que l’acte de procédure ne révélait aucune cause d’action valable, parce qu’il était évident que les faits allégués ne constituaient pas un délit. Pour cette raison, la Couronne pouvait de nouveau de façon appropriée soutenir que si elle avait raison à ce sujet, la déclaration d’invalidité que M. Zündel demandait était sans objet pratique, puisque la Cour suprême du Canada était déjà saisie, dans l’arrêt Re Charkaoui, de la question constitutionnelle qu’il soulèvait.

 

[16]           En l’absence d’une irrégularité dans les actes que la Couronne a accomplis au sujet de la question constitutionnelle à tout stade du litige, nous ne voyons pas comment il pourrait être allégué que le comportement de la Couronne était délictueux, que ce soit dans le cas d’une instance en particulier ou de toute la procédure prise dans son ensemble. M. Zündel aurait pu maintenir son avis de question constitutionnelle devant le juge Blais et, s’il avait perdu, porter la décision en appel.

 

[17]           Nous ne sommes pas d’accord avec M. Zündel que la Couronne a l’obligation légale, dont l’inexécution peut donner lieur à une action en dommages-intérêts, de coopérer avec un particulier au cours du litige en n’opposant aucune objection à ses tentatives de soulever une question constitutionnelle. Nous notons aussi que les actes de procédure de M. Zündel ne prêtent aucune mauvaise intention à la Couronne en ce qui a trait à sa conduite de la procédure.

 

[18]           La Couronne n’avait pas non plus l’obligation légale de surseoir au renvoi de M. Zündel jusqu’à ce que la Cour suprême rende son arrêt dans l’affaire Re Charkaoui. Il existe cependante une obligation prévue par la loi d’exécuter, dès que les circonstances le permettent, une mesure de renvoi prise contre un résident permanent : LIPR, alinéa 46(1)c), paragraphe 48(2) et alinéa 49(1)a). De plus, la Cour avait déjà maintenu la validité des dispositions de la LIPR en vertu desquelles la mesure de renvoi avait été prise contre M. Zündel.

 

[19]           Dans les circonstances, l’action de M. Zündel n’aurait pas été plus solide si elle avait été fondée sur la négligence.

 

[20]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« John M. Evans »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-648-05

 

INTITULÉ :                                                   ERNST ZUNDEL

                                                            c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE LUNDI 30 OCTOBRE 2006  

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              (LES JUGES LINDEN, NADON ET EVANS)

PRONONCÉS À

L’AUDIENCE :                                             LE JUGE EVANS

 

COMPARUTIONS :                              

 

Peter Lindsay                                                   POUR L’APPELANT

                                                                

Chi-Kun Shi                                                     POUR L’APPELANT

 

Donald A. MacIntosh                                       POUR L’INTIMÉE

 

Jamie Todd                                                      POUR L’INTIMÉE

 

Lorne McClenaghan                                         POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter Lindsay

Avocat

Toronto (Ontario)                                             POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR L’INTIMÉE


 

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