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Date : 20061027

Dossiers : A-487-05
A-488-05

A-489-05

A-490-05

A-491-05

A-492-05

 

Référence : 2006 CAF 350

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON               

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

City Water International Inc.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 19 octobre 2006

Jugement rendu à Ottawa, le 27 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE LINDEN

LE JUGE NADON

 


 

 

Date : 20061027

Dossiers : A-487-05

A-488-05

A-489-05

A-490-05

A-491-05

A-492-05

 

Référence : 2006 CAF 350

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON               

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

City Water International Inc.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

I.  Introduction

[1]               Il s’agit d’appels d’un jugement rendu le 14 septembre 2005 ([2005] A.C.I. no 457) par un juge suppléant (le juge) de la Cour canadienne de l’impôt. La seule question à l’étude est de savoir si certaines personnes qui travaillaient comme techniciens en entretien et en réparation pour le compte de City Water International Inc. (City Water) exerçaient un emploi assurable au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (LAE), et un emploi ouvrant droit à pension au sens du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (RPC).

 

[2]               Il ressort clairement des deux lois qu’un employé est une personne ayant conclu un contrat de louage de services, et non un contrat d’entreprise (voir l’alinéa 5(1)a) de la LAE et l’alinéa 6(1)a) du RCP). Afin de trancher si les travailleurs étaient liés à City Water par un contrat de louage de services, le juge devait procéder à une analyse conformément aux enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (Sagaz). Sagaz constitue essentiellement une reformulation du droit établi par la Cour dans l’arrêt ayant fait jurisprudence Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., 87 D.T.C. 5025 (Wiebe Door), rendu par le juge MacGuigan.

 

[3]               Sur la question de savoir si les travailleurs avaient été embauchés à titre d’employés ou à titre d’entrepreneurs indépendants, le juge Major, rédigeant l’opinion unanime de la Cour suprême dans Sagaz, a déclaré au paragraphe 47 :

Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

 

[4]               En outre, au paragraphe 48, le juge Major a déclaré que les facteurs énumérés ci‑dessus ne sont pas exhaustifs et qu’il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’espèce.

 

II. Le contexte factuel

[5]               City Water vend et loue des purificateurs d’eau (les purificateurs) à des entreprises et à des particuliers. L’Agence du revenu du Canada a délivré des avis de cotisation à City Water pour les années d’imposition 2002 et 2003, le calcul desquelles tenait pour acquis que certains des travailleurs occupaient des emplois assurables et ouvrant droit à pension.

 

[6]               City Water fournit à ses clients deux services distincts : l’installation des purficateurs et par la suite leur entretien et leur réparation. Le présent appel ne concerne que les travailleurs qui entretiennent et réparent les purificateurs (les travailleurs en entretien). Les contrats d’embauche de ces travailleurs ont été conclus oralement. Les modalités de leur emploi ont été définies par l’administration de City Water et chaque travailleur les a approuvées avant de commencer à travailler. Dès le début, City Water a clairement fait savoir aux travailleurs en entretien qu’ils étaient embauchés à titre de travailleurs autonomes.

 

[7]               Les travailleurs en entretien effectuaient tant des travaux de routine que des travaux d’urgence chez les clients de City Water. Pour les travaux de routine, ils recevaient une liste des clients qu’il fallait visiter dans les 30 jours suivants et ils pouvaient ensuite établir à leur guise l’horaire de ces visites pendant cette période. Ils avaient la liberté de planifier leur trajet et d’assurer le service comme il leur convenait et ils n’avaient pas à effectuer un nombre préétabli de visites par jour ou par semaine. Pour ce qui est des visites d’urgence, elles devaient être effectuées le plus tôt possible. Ces travaux d’urgence étaient payés à part aux employés qui les avaient effectués.

 

[8]               Aucun représentant de City Water n’allait chez le client pour superviser ou inspecter les travaux effectués par les travailleurs en entretien.

 

[9]               Comme il avait été convenu à leur embauche, les travailleurs en entretien n’avaient pas droit au paiement de vacances, d’heures supplémentaires ou de congés de maladie. Ils ne bénéficiaient d’aucun avantage social et aucune retenue salariale n’était effectuée. Ils devaient envoyer des factures et justifier le travail effectué, les heures travaillées et les dépenses réclamées, et ils étaient payés à l’heure selon des taux différents. Ils n’étaient pas tenus de se rendre quotidiennement au bureau de City Water. City Waters tenait des réunions mensuelles à Toronto afin d’informer les travailleurs en entretien des nouveaux produits, afin de payer le travail effectué et afin d’attribuer les tâches pour le mois à venir. La présence à ces réunions n’était pas obligatoire.

 

[10]           Les travailleurs en entretien ne devaient avoir qu’un tournevis et une clé à molette. City Water leur fournissait tous les autres outils de travail, comme un sceau, des éponges, des serviettes, des pastilles pour tester l’eau, des gants, du désinfectant, du nettoyant pour verre, des filtres de rechange, une clé de plastique pour les filtres et un appareil pour mesurer la teneur en métaux de l’eau.

 

[11]           Les travailleurs en entretien devaient également fournir leur propre véhicule automobile, ou leur propre bicyclette s’ils travaillaient au centre-ville de Toronto. Beaucoup d’entre eux parcouraient de grandes distances dans la région du Grand Toronto et ailleurs afin de fournir les services. Ils assumaient les coûts de l’assurance et de l’entretien de leur véhicule ou de leur bicyclette. Certaines dépenses leur étaient remboursées, comme l’essence et le stationnement, et ils recevaient chaque mois une indemnité pour usage de leur véhicule personnel lorsqu’ils parcouraient plus de 100 kilomètres.

 

[12]           Dans la ville de Toronto, les travailleurs, s’ils n’avaient pas à être rappelés pour reprendre le travail, recevaient une prime de rendement de 200 $, dont étaient déduits 50 $ par rappel jusqu’à ce que les 200 $ soient épuisés.

 

III. La décision du juge

[13]           Sur la question du contrôle, le juge a conclu que City Water exerçait peu ou aucun contrôle ou surveillance sur les travailleurs en entretien. Cependant, il a conclu que ce facteur ne devait pas avoir la même valeur que dans d’autres affaires, car l’absence de contrôle, à son avis, découlait de la simplicité de la tâche à exécuter. Pour ce qui était des outils, le juge a conclu que l’usage d’un véhicule automobile n’était pas nécessaire puisque trois travailleurs se déplaçaient à bicyclette pour assurer le service d’entretien plutôt qu’en automobile. En conséquence, il a jugé que City Water fournissait la plus grande partie des outils utilisés par les travailleurs en entretien.

 

[14]           Le juge a ensuite examiné la possibilité qu’avaient les travailleurs en entretien de réaliser un profit. Il s’est appuyé sur la décision de la Cour dans l’arrêt Hennick c. Canada (M.R.N.) (1995), 53 A.C.W.S. (3d) 1134 (C.A.F.), et a conclu que la rémunération selon un taux horaire, que les heures travaillées soient des heures supplémentaires ou des heures normales, ne constitue pas un profit. Ainsi, les travailleurs n’avaient pas la possibilité de réaliser un profit avec leur travail d’entretien et de réparation. Enfin, le juge a conclu que, puisqu’ils n’avaient pratiquement aucune dépense, ils ne couraient aucun risque de perte.

 

[15]           Dans ses conclusions de fait, le juge a conclu que l’intention des parties était que tous les travailleurs soient des entrepreneurs indépendants. À cet égard, il a mentionné l’arrêt de la Cour Wolf c. Canada (C.A.F.), [2002] 4 C.F. 396, où le juge Noël a conclu que, en règle générale, lorsqu’un contrat est conclu et qu’il est exécuté conformément à ses modalités, on ne peut faire abstraction de l’intention des parties. Toutefois, il ne semble pas que le juge ait réellement pris en considération les intentions des parties en tirant sa conclusion finale : il a statué que, pendant la période en cause, dans la mesure où les travailleurs effectuaient des tâches d’entretien et de réparation, le revenu ainsi gagné était un revenu d’emploi. 

 

IV. La norme de contrôle

[16]           Dans notre examen de la décision du juge, les questions de droit sont susceptibles de contrôle selon la décision correcte, tandis que les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de fait et de droit ne seront infirmées que si le juge a commis une erreur manifeste et dominante (voir Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235). En l’espèce, il s’agit de questions de droit ainsi que de questions mixtes de fait et de droit. En conséquence, sur les questions purement de droit, la décision du juge sera examinée selon la décision correcte. Cependant, là où le juge a tiré une conclusion en appliquant un critère juridique à un ensemble de faits, il s’agit d’une question mixte de fait et de droit qui sera contrôlée selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

 

V.  Analyse

 

1. Le contrôle

[17]           City Water soutient que le juge a commis une erreur en concluant qu’il fallait attribuer peu de valeur au critère contrôle en raison de la simplicité de la tâche exécutée par les travailleurs en entretien. Elle prétend que rien dans la doctrine ou la jurisprudence ne permettait au juge de réduire la valeur de ce critère pour le motif que la nature du travail ne nécessitait que peu de contrôle. 

 

[18]           Un contrat d’emploi nécessite l’existence d’un rapport de subordination entre l’employé et l’employeur. La notion de contrôle est le facteur clé permettant de qualifier cette relation (voir D&J Driveway Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 453). City Water a également fait référence à l’arrêt Le Livreur Plus Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 68, où la Cour a appliqué le critère énoncé dans Wiebe Door pour déterminer si l’emploi de deux travailleurs était assurable selon la LAE. En examinant le critère contrôle, le juge Létourneau a déclaré au paragraphe 19 :

[…] il ne faut pas […] confondre le contrôle du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l'ouvrier chargé de les réaliser […] Comme le disait notre collègue le juge Décary dans l'affaire Charbonneau c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) […] « rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur. »

 

En d’autres mots, contrôler la qualité du travail ne revient pas à contrôler son exécution par les travailleurs engagés pour le faire. 

 

[19]           D’après mon analyse, la simplicité de la tâche ne peut en rien influer sur le contrôle et ne doit pas être prise en compte quand il s’agit d’établir l’existence ou non d’une certaine subordination. Par conséquent, le juge a commis une erreur de droit en concluant qu’il ne fallait attribuer que peu de valeur au critère contrôle en raison de la simplicité de la tâche exécutée par les travailleurs en entretien. En l’espèce, City Water trouvait les clients, mais laissait la prestation comme telle du service aux travailleurs en entretien sans exercer de supervision. Par conséquent, le critère contrôle laisse clairement entrevoir la possibilité qu’il s’agisse d’un contrat d’entreprise.

 

2.  Qui a fourni l’équipement?

[20]           Le juge a pris note que City Water fournissait presque tous les outils de travail. Dans son analyse, il n’a pas accordé d’importance au fait que la plupart des travailleurs utilisaient leur propre véhicule. Au contraire, il a conclu que les travailleurs en entretien n’étaient pas obligés d’avoir un véhicule pour le motif que trois des cinquante‑sept travailleurs pouvaient se déplacer à bicyclette pour fournir le service. Cette interprétation de la preuve a amené le juge à conclure que ce facteur suggérait qu’il s’agissait d’une relation d’emploi.

 

[21]           City Water soutient que, en ce qui concerne l’équipement, la question est de savoir si les véhicules ont été fournis par les travailleurs et s’ils ont été utilisés pour l’entretien et la réparation des purificateurs (voir Sagaz, au paragraphe 47), et non de savoir s’ils étaient nécessaires. Également selon elle, s’il faut juger de la nécessité de l’équipement, il faut examiner le caractère raisonnable de son utilisation. Dans l’arrêt Precision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2002 CAF 207, le juge Sexton a examiné le critère de propriété des outils et a affirmé au paragraphe 25 :

Il a été jugé que si les instruments de travail appartenaient au travailleur et qu'il était raisonnable que ceux-ci lui appartiennent, ce critère permet de conclure que la personne est un entrepreneur indépendant même si l'employeur présumé fournit des outils spéciaux pour l'entreprise en cause.

 

 

[22]           En l’espèce, la plupart des travailleurs en entretien devaient parcourir des distances appréciables et l’avocat du ministre a convenu, dans sa plaidoirie, que les travailleurs en entretien avaient raisonnablement besoin d’un véhicule pour effectuer leur travail. En conséquence, selon mon analyse, le juge a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître l’importance des véhicules fournis par les travailleurs en entretien, qui étaient essentiels à leur travail. Le fait d’avoir à fournir un véhicule, ce qui constitue un investissement majeur, favorise donc la conclusion selon laquelle les travailleurs en entretien avaient été embauchés à titre d’entrepreneurs indépendants.   

 

3.  La possibilité de réaliser un profit

[23]           Le juge a conclu que les travailleurs n’avaient pas la possibilité de réaliser un profit parce qu’ils étaient payés à l’heure. Cependant, City Water soutient que le fait de payer les travailleurs selon un taux horaire n’était pas décisif. Selon elle, les travailleurs avaient la possibilité de réaliser un profit, car les travailleurs effectuant des visites d’urgence recevaient un paiement à part, les travailleurs n’étaient pas payés pour corriger leurs erreurs et ils devaient le faire à leurs frais, et ceux qui travaillaient dans la ville de Toronto pouvaient gagner jusqu’à 200 $ de plus s’ils n’avaient pas à reprendre les travaux. 

 

[24]           De la façon que j’analyse les faits en l’espèce, la possibilité de réaliser un profit revenait entièrement à City Water. Les travailleurs en entretien étaient assurés de recevoir un salaire horaire et pouvaient recevoir une prime de rendement. Bien qu’il soit vrai que les travailleurs pouvaient gagner plus d’argent s’ils travaillaient plus d’heures, la jurisprudence établit clairement que cela ne constitue pas une possibilité de réaliser un profit (voir Hennick, au paragraphe 14). Il est vrai qu’ils étaient incités à travailler plus fort et à recevoir 200 $ supplémentaires, mais cela n’équivaut pas au risque commercial de diriger une entreprise (voir Page c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CCI 211, au paragraphe 38). En conséquence, je serais d’accord avec le juge quand il a conclu que les travailleurs n’avaient pas la possibilité de réaliser un profit, ce qui suggère qu’il s’agissait d’un contrat de louage de services. 

 

4.  Le degré de risque financier

[25]           Puisque j’ai conclu que, selon la preuve, les travailleurs en entretien avaient besoin d’un véhicule, je dois également juger s’ils risquaient de subir des pertes de quelque ordre que ce soit. La preuve démontre que les travailleurs en entretien se voyaient rembourser plusieurs dépenses, y compris l’essence, le stationnement et le téléphone cellulaire. Ils recevaient également chaque mois une indemnité pour utilisation d’un véhicule personnel. Surtout, ils ne couraient aucun risque d’assumer une créance irrécouvrable puisqu’ils étaient assurés d’être payés, que le client paye City Water ou non. 

 

[26]           Compte tenu des faits au dossier, je conviendrais avec le juge que les travailleurs en entretien ne couraient aucun risque de perte, indépendamment du fait qu’ils devaient assurer leur propre véhicule. Le facteur risque financier suggère que les travailleurs en entretien se chargeaient de leur travail dans le cadre d’un contrat de louage de services.

 

5.  Les autres facteurs

[27]           Le bilan des facteurs analysés ci‑dessus ne donne pas un résultat clair. Par conséquent, il est nécessaire d’établir la valeur qu’il faudrait accorder à l’intention de City Water et des travailleurs en entretien au moment de la conclusion du contrat.

 

[28]           S’il peut être établi que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, sont conformes à la relation juridique que les parties souhaitaient établir, alors il ne peut être fait abstraction de leur déclaration d’intention (voir l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national, 2006 CAF 87, au paragraphe 61). Royal Winnipeg n’était pas tranché quand le juge a rendu sa décision.   

 

[29]           Royal Winnipeg reprend essentiellement les principes de droit énoncés par la Cour dans l’arrêt Wolf, précité au paragraphe 15. Dans cette affaire, la Cour devait trancher la question de savoir si M. Wolf était un employé ou un entrepreneur indépendant. Le juge Noël, qui était d’accord avec la juge Desjardins quant à la décision à rendre, mais qui avait procédé à une analyse différente, a affirmé aux paragraphes 122 à 124 :

[…] Mais, dans une issue serrée comme en l'espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l'intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.

 

[…] Mon évaluation de l'ensemble de la relation entre les parties ne n'amène pas à une conclusion claire et c'est pourquoi, selon moi, il faut examiner la façon dont les parties voyaient leur relation.

 

[…] Il s'ensuit que la manière dont les parties ont pu voir leur entente doit l'emporter à moins qu'elles ne se soient trompées sur la véritable nature de leur relation. À cet égard, la preuve, lorsqu'elle est évaluée à la lumière des critères juridiques pertinents, est pour le moins neutre. Comme les parties ont estimé qu'elles se trouvaient dans une relation d'entrepreneur indépendant et qu'elles ont agi d'une façon conforme à cette relation, je n'estime pas que la juge de la Cour de l'impôt avait le loisir de ne pas tenir compte de cette entente […]

 

 

[30]           Donc, il ne convient d’accorder de la valeur à l’intention des parties que si le contrat reflète de façon satisfaisante la relation juridique qui les unit (voir Royal Winnipeg, au paragraphe 81). En l’espèce, il n’existe aucun accord écrit prétendant qualifier la relation juridique entre les travailleurs en entretien et City Water. Toutefois, les parties concevaient de la même façon la nature de leur relation. Selon la preuve, les deux parties croyaient que les travailleurs étaient autonomes et chacune a agi en conséquence. 

 

[31]           Selon mon analyse, puisque les facteurs pertinents ne suggèrent pas de résultat clair, le juge aurait dû accorder plus d’importance à l’intention des parties en l’espèce. Le juge devait examiner les facteurs à la lumière de la preuve non contestée et se demander si, dans l’ensemble, les faits concordaient avec la conclusion voulant que les travailleurs soient des personnes « travaillant à leur compte » (voir Sagaz, précité au paragraphe 3) ou s’ils concordaient plus avec la conclusion voulant que les travailleurs soient des employés. En omettant de ce faire, il a commis une erreur manifeste et dominante sur une question mixte de droit et de fait. S’il avait procédé à cette analyse, à mon sens, il n’aurait eu d’autre choix que de conclure que City Water n’était pas l’employeur des travailleurs en entretien.

   

VI. Conclusion

[32]           Les présents appels devraient être accueillis, la décision rendue le 14 septembre 2005 par la Cour canadienne de l’impôt devrait être infirmée en partie et les cotisations pour les années d’imposition 2002 et 2003 devraient être renvoyées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen en tenant compte des présents motifs. City Water devrait avoir droit aux dépens pour la procédure devant la Cour et devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

 

« B. Malone » 

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

     A.M. Linden, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

     M. Nadon, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                                          A-487-05

                                                                                                A-488-05

                                                                                                A-489-05

                                                                                                A-490-05

                                                                                                A-491-05

                                                                                                A-492-05

 

INTITULÉ :                                                                           CITY WATER INERNATIONAL INC.

                                                                                                c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                                   LE 19 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LE JUGE MALONE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LINDEN

                                                                                                LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 27 OCTOBRE 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Louise R. Summerhill

POUR L’APPELANTE

 

 

Arnold H. Bornstein

Jenny P. Mboutsiadis

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aird & Berlis,

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 


 

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