Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 20060928

 

Dossier : A-334-06

Référence : 2006 CAF 314

 

 

ENTRE :

Tomasz Winnicki

appelant

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intimée

 

 

 

Appel jugé sur dossier sans comparution des parties

 

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                              LE JUGE MALONE

 


Date : 20060928

Dossier : A-334-06

Référence : 2006 CAF 314

 

 

ENTRE :

Tomasz Winnicki

appelant

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intimée

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE MALONE

[1]               Tomasz Winnicki (TW) a trente ans et a vécu chez ses parents à London, Ontario, les cinq dernières années. Il n’a pas de casier judiciaire. 

 

[2]               En septembre 2003, une plainte a été déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) selon laquelle TW aurait fait preuve de discrimination fondée sur la religion contre des personnes ou des groupes de personnes, en communiquant de façon répétée des messages par le moyen d’un site Web qui seraient susceptibles d’exposer des personnes juives à la haine ou au mépris, contrairement au paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la Loi). 

 

[3]               En attendant la décision finale du CRTC, le juge de Montigny de la Cour fédérale a prononcé, le 4 octobre 2005, une injonction interlocutoire interdisant à TW de communiquer par Internet des messages susceptibles d’exposer des personnes à la haine ou au mépris contrairement au paragraphe 13(1) de la Loi.

 

[4]               Le 14 mars 2006, la Commission a introduit une procédure pour outrage au tribunal contre TW en raison de sa présumée violation de l’injonction interlocutoire du 4 octobre 2005.

 

[5]               Le 13 avril 2006, la Commission a rendu sa décision finale relativement à la plainte contre TW. Elle a conclu que les messages qu’il avait affichés sur Internet contrevenaient au paragraphe 13(1) de la Loi. Une ordonnance de cesser et de s’abstenir a été rendue et certaines sanctions pécuniaires ont été infligées. 

 

[6]               La décision de la Commission a été déposée et inscrite comme une ordonnance de la Cour fédérale aux fins d’exécution le 19 avril 2006. En conséquence, il a été ordonné à TW de payer une sanction pécuniaire de 6000 $, que la Commission devait recevoir au plus tard 120 jours après qu’il eut été informé de la décision. TW devait aussi payer 5000 $ à titre d’indemnité spéciale et 500 $ pour le préjudice moral subi. 

 

[7]               TW n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission et ne s’est encore conformé en aucune façon à l’ordonnance de la Cour fédérale du 19 avril 2006. 

 

[8]               Le 12 juillet 2006, le juge von Finckenstein de la Cour fédérale a déclaré TW coupable d’outrage au tribunal et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois pour avoir violé l’injonction interlocutoire prononcée par le juge de Montigny. 

 

[9]               TW est incarcéré depuis le 13 juillet 2006 au Centre correctionnel du Centre‑Nord, situé à  Penetanguishene, Ontario. TW a cessé d’afficher des messages sur le forum et le site Web de Vanguard News Network (VNN) le 11 juillet 2006. 

 

[10]           Des accusations relatives aux armes portées contre TW en vertu du Code criminel pour un présumé incident survenu le 12 septembre 2004 à Toronto sont pendantes.

 

[11]           Dans un avis d’appel daté du 3 août 2006, TW a demandé d’être acquitté de l’outrage au tribunal ou de subir un nouveau procès. À titre subsidiaire, il a demandé que sa peine soit réduite au temps déjà purgé. 

 

[12]           TW demande maintenant d’être libéré sous caution avec conditions en attendant l’audition de son appel, conformément à l’article 398 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Les avocates de la Commission s’opposent à sa libération et, à titre subsidiaire, demandent l’audition accélérée de son appel et des conditions de libération sévères.  

 

[13]           La Cour suprême du Canada a indiqué que le critère permettant de déterminer si une personne coupable d’outrage au tribunal doit être libérée en attendant l’audition de son appel est semblable à celui appliqué dans le cadre d’une demande d’injonction provisoire. Ce critère à trois volets est énoncé plus précisément dans l’arrêt faisant autorité RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, au paragraphe 35 (ci‑après RJR-MacDonald), c’est‑à‑dire :

1.           Il existe une question constitutionnelle sérieuse à juger.

2.           Le respect du nouveau règlement causera un préjudice irréparable.

3.           La prépondérance des inconvénients, compte tenu de l'intérêt public, favorise le maintien du statu quo jusqu'à ce que notre Cour ait réglé les questions juridiques.

 

[14]           En appel, TW a soulevé des questions relativement à des éléments de preuve que le juge von Finckenstein aurait admis à tort, en violation de l’article 13 de la Charte, ainsi que relativement à l’omission de permettre des observations au sujet de la détermination de la peine et à la peine indûment sévère imposée pour un délinquant primaire. Il ne fait aucun doute qu’une question sérieuse a été soulevée dans le cadre du présent appel. 

 

[15]           Une incarcération injustifiée causera un préjudice irréparable à TW. En conséquence, le deuxième volet du critère est également rempli.

 

[16]           Le troisième volet du critère est plus difficile, c’est‑à­‑dire l’examen de la prépondérance des inconvénients causés aux parties. Il faut ici déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le sursis en attendant une décision sur le fond. Ce faisant, la Cour doit prendre en compte les intérêts de la justice ainsi que l’intérêt public, ce dernier, selon sa définition, comprenant à la fois les intérêts de l’ensemble de la société et les intérêts particuliers de groupes identifiables (voir RJR-MacDonald, aux paragraphes 66 et 75).

 

[17]           Selon mon analyse, la prépondérance des inconvénients favorise clairement la libération de TW sous des conditions sévères, en vertu de l’article 398 des Règles, comme suit :

(a)         L’appelant demeurera au 12 Snowdon Crescent, London, Ontario, N6E 1G4, et donnera à la Cour son numéro de téléphone ainsi que l’adresse et le numéro de téléphone de son ancien employeur ou de son employeur actuel. L’appelant ne pourra changer de lieu de résidence, de lieu d’emploi ou de numéro de téléphone sans en aviser la Cour au préalable.

 

(b)        L’appelant demeurera dans la province d’Ontario et son passeport, s’il en a un, sera remis à son avocat, M. James Foord, qui en aura la garde. 

 

(c)         L’appelant devra se rendre au Centre correctionnel du Centre‑Nord, situé au 1501, avenue Fuller, Penetanguishene, Ontario, le jour précédant celui où doit avoir lieu l’audition de l’appel A-334-06, soit le 16 janvier 2007.

 

(d)        L’appelant n’entrera pas en contact directement ou indirectement avec M. Richard Warman ou avec les commissaires, employés ou avocats de la Commission, sauf par l’intermédiaire de son avocat, M. James Foord, pour des motifs directement liés au présent appel.

 

(e)         L’appelant ne troublera pas l’ordre public et se conduira bien.

 

(f)          L’appelant n’affichera et n’écrira absolument aucun message sur Internet, sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, signé de son nom ou d’un pseudonyme utilisé précédemment ou non. 

 

(g)         L’appelant versera à la Cour une caution en argent de 5000 $ ou son équivalent payable au receveur général du Canada.

 

[18]           J’ordonnerais également ce qui suit :

(a)         Il sera sursis à l’ordonnance du juge von Finckenstein, datée du 12 juillet 2006, et l’audition de l’appel sera accélérée. 

 

(b)        Les avocats de l’appelant et de l’intimée s’entendront sur le contenu d’un dossier d’appel au plus tard le 13 octobre 2006.

 

(c)         Le dossier d’appel sera signifié et déposé au plus tard le vendredi 27 octobre 2006.

 

(d)        L’appelant signifiera et déposera son mémoire des faits et du droit au plus tard le lundi 27 novembre 2006.

 

(e)         L’intimée signifiera et déposera son mémoire des faits et du droit au plus tard le jeudi 14 décembre 2006.

 

(f)          L’audition du présent appel aura lieu le mardi 16 janvier 2007 à 14 h à l’édifice Thomas D’Arcy McGee, 10e étage, 90, rue Sparks, dans la ville d’Ottawa.

 

(g)         L’audience durera 2 heures.

 

 

« B. Malone »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A-334-06

 

INTITULÉ :                                                               Tomasz Winnicki

                                                                                    c.

                                                                                    LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                          LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 28 SEPTEMBRE 2006

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

James Foord

POUR L’APPELANT

 

Joy Noonan

Judith Parisien

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Foord & Murray

200, rue Cooper, bureau 4

Ottawa (Ontario)  K2P 0G2

POUR L’APPELANT

 

 

 

Heenan Blaikie s.r.l.

55, rue Metcalfe, bureau 300

Ottawa (Ontario)  K1P 6L5

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.