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Date : 20060928

Dossier : A-521-05

Référence : 2006 CAF 317

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

RÉAL BEAULIEU

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 27 septembre 2006.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 28 septembre 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER

 


 

Date : 20060928

Dossier : A-521-05

Référence : 2006 CAF 317

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

RÉAL BEAULIEU

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel du jugement de la Cour canadienne de l’impôt (« CCI ») rendu par le juge Dussault, le 18 octobre 2005 ([2005] GSTC 161) accueillant en partie l’appel de la cotisation émise le 15 décembre 2000 pour la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000 en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accisetaxe sur les produits et services, L.R.C. (1985), ch. E-15
(« LTA ») et déférant la cotisation au Ministre du Revenu national (le « Ministre ») pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le rajustement de 30 509,43 $ apporté à la taxe sur les produits et services (« TPS ») doit être réduit à 15 318,88 $.

 

[2]               Ce faisant, le juge Dussault annulait la cotisation telle qu’elle fut émise, mais retenait la position alternative retenue par le Ministre. Selon l’appelant, cette position alternative fut invoquée pour la première fois après l’expiration de la période de prescription de sorte que le juge Dussault n’avait pas le pouvoir d’ordonner qu’une nouvelle cotisation soit établie pour y donner effet.

 

CADRE LÉGISLATIF

[3]               Le paragraphe 298(6.1) de la LTA permet au ministre d’avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation, sous réserve de deux limites.  La Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (« LIR ») contient une disposition semblable au paragraphe 152(9).

(6.1) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation établie à l’égard d’une personne après l’expiration des délais prévus aux paragraphes (1) ou (2) pour l’établissement de la cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente partie :

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que la personne n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

 

 

(6.1) The Minister may advance an alternative argument in support of an assessment of a person at any time after the period otherwise limited by subsection (1) or (2) for making the assessment unless, on an appeal under this Part,

(a) there is relevant evidence that the person is no longer able to adduce without leave of the court; and

(b) it is not appropriate in the circumstances for the court to order that the evidence be adduced.

 

[4]               Le sous-alinéa 298(1)a)(i) de la LTA prévoit le délai de prescription applicable à la cotisation ici en cause:

298. (1) Sous réserve des paragraphes (3) à (6.1), une cotisation ne peut être établie à l’égard d’une personne en application de l’article 296 après l’expiration des délais suivants :

a) s’agissant d’une cotisation visant l’un des montants suivants, quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l’article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration :

(i) la taxe nette de la personne pour sa période de déclaration,

298. (1) Subject to subsections (3) to (6.1), an assessment of a person shall not be made under section 296

(a) in the case of

(i) an assessment of net tax of the person for a reporting period of the person,

[…]

more than four years after the later of the day on or before which the person was required under section 238 to file a return for the period and the day the return was filed;

 

 

FAITS PERTINENTS

[5]               L’appelant opère un commerce connu sous le nom de Aubaines Plus R.B. enr., à Montréal. Ce dernier vendait des fournitures taxables (produits de tabac et autres) au sens de la LTA.

 

[6]               Au cours de l’année 2000, Mme Sylvie Lynch, agent du Ministère du Revenu du Québec agissant aussi pour le compte du Ministre du Revenu national, a entrepris une vérification des livres comptables de l’entreprise de l’appelant concernant l’application de la Loi sur la taxe de vente du Québec, L.R.Q., c. T-0.1 (« LTVQ ») ainsi que de la LTA.

 

[7]               La vérificatrice a constaté de nombreux écarts dans les documents présentés par l’appelant. Entre autres, il existait un écart entre les relevés bancaires et les rubans de caisse « Z » du commerce. Le fait que les ventes de tabac n’étaient presque pas enregistrées, une journée par semaine, et d’autres déficiences dans le système comptable de M. Beaulieu (les caisses n’étaient pas équipées d’un deuxième rouleau enregistrant les ventes) ont exacerbé le problème.

 

[8]               Or, Mme Lynch a pris la décision de tenter de reconstituer les ventes par le biais des « factures d’achat et des achats comptabilisés dans le registre de l’appelant majorés par une marge brute de profit » (Réponse de l’intimée à l’Avis d’appel, Dossier d’appel à la p. 38). Selon cette méthode, des montants de 12 855,72 $ en TVQ et de 30 509,43 $ de TPS n’avaient pas été remis au fisc pour la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000.

 

[9]               Ces montants furent réclamés par cotisations émises par les Ministres dans l’exercice de leurs juridictions respectives en vertu de la LTVQ et de la LTA, et l’appelant se prévalut de son droit d’appel dans les deux cas.

 

[10]           L’appel portant sur la TVQ a été entendu devant la Cour du Québec avant que ne procède l’appel devant la CCI en vertu de la LTA. Devant la Cour du Québec, l’appelant, par le biais de son expert (M. Hamelin), a contesté la méthode de calcul retenue par la vérificatrice. Il a démontré que cette méthode n’était pas fiable puisque Mme Lynch avait omis de tenir compte du coût des inventaires d’ouverture et de fermeture pour établir le coût des marchandises vendues. Au cours de son témoignage, l’expert de l’appelant a cependant reconnu que des taxes de l’ordre de
3 721,30 $ pour la TVQ et de 15 318,88 $ pour
la TPS n’avaient pas été remises par l’appelant pendant la période pertinente.

 

[11]           Dans un jugement rendu le 10 juin 2004, la Cour du Québec a retenu les conclusions de l’expert à l’effet que la méthode de ventes reconstituées, utilisée pour établir les cotisations, était sans fondement. Il a cependant refusé d’ordonner qu’une cotisation soit émise afin de prélever la TVQ que l’expert de l’appelant avait reconnue comme étant exigible. En effet, après avoir relaté l’argument de l’appelant selon lequel une telle cotisation serait tardive, le juge de la Cour du Québec a expliqué sa décision comme suit :

No 500-02-099049-012, Cour du Québec (Aznar, J.C.Q.), 10 juin 2004

 

[45]         Sur cette question, le Tribunal est d’opinion qu’il n’a pas à décider, à ce stade, de la légalité ou du bien fondé de cette cotisation éventuelle.

 

[46]         Si le Ministre du Revenu décide d’émettre une cotisation à cet égard et que le requérant décide d’en contester la légalité au motif de prescription ou pour toute autre raison, il pourra le faire en temps opportun.

 

[47]         Le Tribunal n’a pas à décider à ce stade-ci si la cotisation que pourrait émettre le Ministère du Revenu est tardive ou non.

 

 

 

[12]           Je crois nécessaire de préciser que le juge Dussault n’avait pas le loisir d’éviter cette question. Selon la LTA, la CCI, lorsqu’elle accueille un appel à l’encontre d’une cotisation, peut soit l’annuler ou la référer au Ministre pour nouvelle cotisation selon ce qu’indique la preuve. Face à l’admission de l’appelant, à l’effet qu’un montant de 15 318,88 $ de TPS n’avait pas été remis, la CCI devait déterminer si le Ministre avait le pouvoir d’émettre une nouvelle cotisation prélevant le montant, et le cas échéant, elle devait référer la cotisation au Ministre pour que la taxe non remise soit cotisée selon la Loi.

 

[13]           Après que la Cour du Québec eût statué, l’intimée, avec l’approbation de la partie appelante, a amendé sa Réponse à l’Avis d’appel pour y inclure le paragraphe suivant :

[9]           À défaut, l’intimée soutient subsidiairement que l’ajustement à la taxe nette devrait être fixé à 15 318,88 $, le tout selon les relevés de caisse (ou « Z » de caisse) de l’appelant, tel qu’il sera démontré lors de l’audition par le biais du dépôt de documents de l’appelant et par son propre témoignage.

 

 

[14]           L’intimée reconnaît que la prescription était acquise lorsque l’amendement fut inscrit.

 

[15]           Comme le prévoyait l’entente sur les faits déposée par les parties, l’appel devant la CCI fut entendu selon la preuve déposée devant la Cour du Québec, sous réserve du témoignage de l’expert de l’appelant et de la vérificatrice qui furent à nouveau appelés à témoigner. L’entente précisait aussi la question en litige en ces termes :

C.            L’APPELANT ET L’INTIMÉE DÉCLARENT QUE LA SEULE QUESTION EN LITIGE EST RELATIVE À LA SOMME DE 15 318,88 $ APPARAISSANT À LA PAGE 10 DU RAPPORT DE L’EXPERT PRODUIT À L’ONGLET 7 DE LA PRÉSENTE ENTENTE

 

9.             L’appelant prétend que la somme de 15 318,88 $ ne fait pas partie des montants déterminés et cotisés par l’avis de (nouvelle) cotisation alors que l’intimée prétend que ladite somme est incluse dans la cotisation en litige.

 

10.           Plus précisément, l’appelant prétend que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour décider de ce montant de 15 318,88 $ et que le ministre du Revenu en application de la L.T.A. ne peut émettre un avis de cotisation relativement à ce montant de 15 318,88 $ compte tenu du délai de 4 ans.

 

11.           L’intimée prétend que, puisque le litige porte sur le montant de taxe nette, la somme de
15 318,88 $ est incluse dans la cotisation en litige.

 

12.           L’appelant n’est pas d’accord avec la formulation de l’intimée au paragraphe 11 et précise que, selon l’avis de (nouvelle) cotisation, un ajustement de 30 509,43 $ a été apporté lors de la vérification et ce montant ne peut comprendre la somme de 15 318,88 $.

 

13.           L’appelant reconnaît que les montants apparaissant sur la page 10 du rapport d’expertise (onglet 7) ne sont pas contestés.

 

D.            CONCLUSION

 

EN CONSÉQUENCE, les parties déclarent qu’il s’agit de la seule question en litige et sont d’accord pour procéder selon les documents produits en annexe à la présente entente.

 

 

[16]           Lors du procès devant le CCI, l’expert de l’appelant a réitéré l’opinion selon laquelle l’ajustement de 30 509,43 $ établi par l’avis de cotisation ne pouvait être retenu puisque fondé sur une méthode erronée. Il a aussi répété l’admission selon laquelle la TPS et la TVQ non versées se situaient à 15 318,88 $ et 3 671,30 $, respectivement. Selon l’expert, ce sont les écarts entre les taxes déclarées et remises selon les formulaires FPZ-500 et les taxes perçues selon les « Z » de caisse qui ont permis d’identifier ces montants (pièce A-1, onglet 7).

 

[17]           La vérificatrice a pour sa part reconnu qu’elle avait retenu la méthode de vente reconstituée et non pas les écarts révélés par les « Z » de caisse pour établir à 30 509,43 $ le montant de la cotisation.

 

DÉCISION DE LA CCI

[18]           Dans le cadre de sa décision, le juge Dussault a précisé que l’avocat de l’intimée ne défendait plus le réajustement de 30 509,43 $ mais le montant moindre de 15 318,88 $ — dont l’appelant a lui-même admis le bien-fondé (Motifs, para. 34).

 

[19]           Après avoir expliqué la nature de la méthode utilisée par la vérificatrice pour arriver au montant de 30 509,43 $, le juge Dussault a reconnu d’entrée de jeu que les montants de 30 509,43 $ et de 15 318,88 $ ne pouvaient se recouper (Motifs, para. 30).

Il paraît évident, en toute logique, qu’elle ne pouvait ajouter à ces écarts constatés en fonction de toutes les ventes reconstituées les écarts préalablement constatés à l’analyse d’autres documents ou registres, dont les Z de caisse. Procéder ainsi aurait évidemment eu comme résultat une double imposition puisque certaines ventes et la TPS applicable à celles-ci auraient été prises en compte plus d’une fois.

 

 

 

[20]           Malgré ceci, il a jugé que le montant de 15 318,88 $ était compris dans la cotisation. Selon lui, la cotisation en litige a comme fondement le fait que la TPS perçue par l’appelant sur l’ensemble de ses ventes n’a pas été remise, et la méthode utilisée pour identifier le manque à gagner n’est qu’un moyen utilisé pour identifier l’étendue du montant non remis. Il s’ensuit que le montant moindre établi selon les écarts révélés par les « Z » de caisse fait partie de la cotisation (Motifs, para. 53).

 

[21]           En l’occurrence, l’avocat de l’intimée a reconnu que la cotisation n’était valide que pour partie en fonction des écarts révélés par les rubans de caisse « Z ». Selon le juge Dussault, une cotisation ainsi réduite est comprise dans la première. La position alternative avancée au soutien de la cotisation constitue tout au plus un nouvel argument, au sens du paragraphe 298 (6.1) de la LTA (Motifs, para. 54).

 

ERREURS ALLÉGUÉES À L’ENCONTRE DE LA DÉCISION DONT EST APPEL

[22]           L’appelant soutient que le montant de 15 318,88 $ ne fait pas partie de l’ajustement de
30 509,43 $ qui sous-tend la cotisation en litige. En effet, il est clair, selon l’appelant, que les taxes non remises constituées par le premier montant ne sont pas les mêmes que celles constituées par le deuxième. Il s’agit là de la seule constatation que le juge devait faire pour disposer du litige selon la question soumise par les parties.

 

[23]           Quoi qu’il en soit, le juge Dussault, prétend l’appelant, ne pouvait ignorer l’ « aveu » de la vérificatrice qui a reconnu séance tenante que le montant de 15 318,88 $, tel qu’établi par les écarts entre les remises et les rubans de caisse « Z », ne fait pas partie du montant cotisé selon sa méthode de calcul.

 

ANALYSE

[24]           Comme le juge Dussault l’indique au début de son analyse, il est évident que le montant de 30 509,43 $ ne recoupe pas le montant de 15 318,88 $ (voir le paragraphe 19, ci-haut) et que donc on ne parle pas stricto sensu des mêmes taxes. Mais là n’est pas la question. Pour résoudre le litige, le premier juge devait se demander si le montant de 15 318,88 $, établi selon les écarts révélés par les « Z » de caisse, même s’il n’était pas compris comme tel dans la méthode de calcul retenue par la vérificatrice, faisait partie du processus intellectuel qui sous-tend la cotisation.

 

[25]           Pour répondre à cette question, le premier juge devait s’en remettre aux faits retenus par la vérificatrice pour émettre la cotisation ainsi qu’à son témoignage. À cet égard, il est utile de reproduire de façon intégrale la partie de la Réponse à l’Avis d’appel, telle qu’elle fut déposée par l’intimée dans sa forme originale, sous le titre « Faits retenus au soutien de l’avis de (nouvelle) cotisation »:

 

8.             Afin d’établir la cotisation en litige, la vérificatrice chargée par l’intimée de voir à ladite vérification a tenu compte des conclusions de faits suivantes :

 

(a)           L’appelant était un inscrit au sens de la LTA, et ce, pendant toute la période en litige, soit du 1er janvier 1997 au 31 mars 2000, tel qu’il appert du paragraphe 9 de l’Avis d’appel ;

 

(b)           L’appelant opère un commerce connu sous le nom de Aubaines Plus R.B. enr. sis au 2325 rue Des Ormeaux, à Montréal, tel qu’il appert des paragraphes 1 et 8 de l’Avis d’appel;

 

(c)           Parmi les fournitures taxables effectuées par l’appelant, ce dernier vendait des produits du tabac et des menus articles de type « 1 à 5 $ », soient toutes des fournitures taxables au sens de la LTA;

 

(d)           Un agent de l’intimée a entamé une vérification des activités de l’appelant suite à une demande de l’appelant afin d’obtenir un permis pour les fins de l’application de l’article 6 (agent percepteur) de la Loi concernant l’impôt sur le tabac
(LRQ, c. I-2). De plus, les déclarations de taxes de l’appelant avait affiché des soldes créditeurs à plusieurs reprises, ce qui de prime abord est inhabituel pour ce genre de commerce;

 

(e)           La vérification fut rendue plus difficile du fait qu’il y a eu un manque de collaboration de la part de l’appelant, à savoir qu’il refusait de fournir l’information ou les documents nécessaires à l’établissement de la taxe nette. Ainsi, le 12 avril 2000, la vérificatrice a dû mettre l’appelant en demeure de produire ses factures d’achats, rubans de caisse et les registres comptables;

 

(f)            Le 19 avril 2000, l’appelant demandait à la vérificatrice encore trois semaines avant de produire les documents et pièces justificatives;

 

(g)           Le 1er mai 2000, la vérificatrice a procédé à une vérification à la place d’affaire de l’appelant, et ce, en commençant d’abord par faire le décompte des produits du tabac, ce qui a permis de constater qu’il y avait à ce moment 1 300 cartouches de cigarettes. L’appelant opérait à l’aide de deux (2) caisses enregistreuses, l’une à l’avant pour les divers menus articles, et l’autre à l’arrière du magasin pour les ventes de tabac et de loteries;

 

(h)           La vérificatrice a ensuite examiné les registres comptables, les factures, la caisse déboursée et la caisse recette, et les relevés bancaires relatifs aux périodes sous vérification (de 1997 à 2000);

 

(i)            Pendant sa visite, la vérificatrice a constaté que des ventes n’étaient pas enregistrées et, de façon presque constante selon les registres « Z » de caisse, il n’y avait pas de ventes de cigarettes une journée par semaine;

 

(j)            À partir de ce constat et des nombreux écarts dans les documents présentés par l’appelant (par ex.: TPS vs TVQ; relevés bancaires vs rubans de caisse « Z »; taxes selon les registres comptables vs taxe remise au ministère; etc.), la vérificatrice a pris la décision de reconstituer les ventes à partir des factures d’achat et des achats comptabilisés dans les registres de l’appelant majorés par une marge brute de profit, cette méthode ayant été jugée comme celle qui offrait la meilleure garantie de fiabilité afin d’établir la taxe nette de l’appelant;

 

(k)           Pour les fins du calcul de la taxe, la vérificatrice a établi et utilisé la marge brute déterminée selon les états financiers présentés et préparés par l’appelant ou en son nom, à savoir à partir de la marge de profit déclarée par l’appelant aux exercices financiers de 1997, 1998, 1999 et les trois premiers mois de l’an 2000. Les fournitures non-taxables et les ventes de loterie étaient exclus du calcul de la majoration des achats par la marge brute des ventes sur les achats;

 

(l)            Afin de ne pas alourdir la présentation des faits, les données recueillies par la vérificatrice relativement aux achats sont tous colligés dans des tableaux pour les années 1997 à 2000, joints aux présentes pour en faire partie intégrale, le tout numéroté comme étant les pages 5 à 10-4;

 

(m)          Tel qu’il appert du tableau « Reconstitution des revenus », joint aux présentes pour en faire partie intégrale, la vérificatrice a majoré les achats d’un facteur équivalent à la marge de profit déclarée par l’appelant en fonction de la catégorie pour obtenir les ventes reconstituées, qui finalement permettait d’obtenir la taxe devant être perçue par l’appelant;

 

(n)           La vérificatrice a ensuite préparé un tableau sommaire indiquant la différence entre la taxe nette déclarée et remise, et la taxe nette qui aurait dû être remise selon les ventes reconstituées, tel qu’il appert dudit tableau sommaire joint aux présentes pour en faire partie intégrante;

 

(o)           L’appelant a contesté la méthode de calcul de la vérificatrice en soumettant ses propres feuilles de calcul, mais lesdites feuilles conduisaient au même résultat, soit que la taxe déclarée et remise était inférieure à la taxe qui aurait dû être remise au Ministère;

 

(p)           L’appelant a donc été cotisée comme suit :

 

Période se terminant le :

Taxes perçues non remises

31 mars 2000

5 991,70 $

31 décembre 1999

12 026, 51 $

31 décembre 1998

10 058,47 $

31 décembre 1997

2 432,75 $

Total des ajustements :

30 509,43 $

Pénalités :

2 635,15 $

Intérêts :

2 283,09 $

Montant dû :

35 427,67 $

 

9.             L’intimée soutient que la présente Réponse est bien fondée en droit et en faits.

 

[Je souligne.]

 

[26]           On peut constater à la lecture des paragraphes 8 (g), (h), (i) et (j), que la vérificatrice s’est de fait fondée sur les écarts entre les « Z » de caisse et les taxes remises pour émettre la cotisation. Cependant, étant d’avis, preuve à l’appui, que les registres comptables de l’appelant n’étaient pas fiables et que les écarts révélés par les « Z » de caisse étaient susceptibles de révéler une évasion plus grande, la vérificatrice a choisi de reconstituer les ventes et de fixer le manque à gagner à 30 509,43 $, plutôt qu’à 15 318,88 $ selon les « Z » de caisse.

 

[27]           Je ne crois pas que ceci a pour effet d’évacuer de la cotisation les écarts issus des « Z » de caisse. L’appelant savait que ce sont ces écarts qui ont incité la vérificatrice à émettre la cotisation, et il ne pouvait légitimement s’attendre à réduire la cotisation à néant sans les confronter. D’ailleurs, le paragraphe (o) de la Réponse à l’Avis d’appel fait état des représentations de l’appelant à l’encontre de la méthode retenue par la vérificatrice, et précise que malgré ces représentations, la taxe remise demeure « inférieure à la taxe qui aurait dû être remise ».

 

[28]           Le prétendu « aveu » de la vérificatrice au cours de son témoignage est conforme à ce qui est allégué dans la Réponse à l’Avis d’appel. En effet, il n’est pas contesté que la vérificatrice a choisi de reconstituer les ventes et de fixer le manque à gagner à 30 509,43 $ plutôt qu’à
15 318,88 $ selon les écarts établis par les « Z » de caisse. Cependant, tel que le démontre
la Réponse à l’Avis d’appel, l’on ne peut prétendre que ces écarts ne font pas partie des faits sur lesquels s’est fondée la vérificatrice pour émettre la cotisation.

 

[29]           En fin d’analyse, c’est à bon droit que le juge Dussault a conclu au paragraphe 53 de ses Motifs que l’hypothèse de base sur laquelle repose la cotisation est que la taxe perçue par l’appelant sur l’ensemble de ses ventes n’a pas été déclarée et remise. Le fait que ce ne soit pas jusqu’à concurrence du montant établi par les ventes reconstituées n’exclut pas l’imposition d’un montant moindre selon les écarts établis par les rubans « Z ».

 

[30]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord. »

            « Gilles Létourneau, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord. »

            « J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-521-05

 

APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE DUSSAULT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DU 18 OCTOBRE 2005, N° DU DOSSIER 2001-3358(GST)G.

 

INTITULÉ :                                                                           Réal Beaulieu c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 27 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

                                                                                               

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 28 septembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Yves Ouellette

POUR L’APPELANT

 

Me Gérald Danis

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANT

 

VEILLETTE, LARIVIÈRE

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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