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Date : 20060215

Dossier : A-64-05

Référence : 2006 CAF 68

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

ENTRE :

BETHOUO FELICIANO EYMARD BONI

Appelant

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 6 février 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 février 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                        LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                            LE JUGE NADON


Date : 20060215

Dossier : A-64-05

Référence : 2006 CAF 68

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

ENTRE :

BETHOUO FELICIANO EYMARD BONI

Appelant

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel à l'encontre d'une décision du juge Teitelbaum de la Cour fédérale rendue le 17 janvier 2005 [2005 CF 31], en vertu de l'article 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27, (la « LIPR » ), qui a maintenu la décision d'un agent de visa rendue le 23 octobre 2003, refusant la demande de permis d'études canadien de Bethouo Feliciano Eymard Boni (l' « appelant » ). Ce faisant, le juge a appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable.



[2]                Après avoir rendu sa décision, le juge de première instance a certifié la question suivante :

Quelle est la norme appropriée à appliquer pour effectuer le contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas décidant d'une demande de permis d'études : Celle de la décision manifestement déraisonnable ou celle de la décision raisonnable simpliciter ?

[3]                L'agent de visa avait dans un premier temps refusé la demande de permis puisque selon elle, il était probable que l'appelant demeurerait au Canada au-delà de la période autorisée si le permis lui était accordé contrairement à l'exigence prévue au paragraphe 179b) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. La preuve révélait entre autres que l'appelant avait déjà omis de respecter les conditions d'une attestation antérieure en demeurant au Canada au-delà de la période autorisée.

[4]                Les motifs du premier juge ne font état d'aucune analyse pragmatique et fonctionnelle afin d'identifier la norme de contrôle applicable à la décision de l'agent de visa. Il s'en est plutôt remis à la jurisprudence de la Cour fédérale qui portait sur des questions semblables :

[14]        Je suis d'avis que la norme appropriée à appliquer pour effectuer le contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas décidant d'une demande de permis d'études est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir Song c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 385 (1re inst.) (QL) et Li c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 394 (1re inst.) (QL)). Je dis ceci sachant fort bien que certains de mes collègues, dans des cas semblables à celui en l'espèce, préconisent la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir Lin c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 106 (QL), Bozorg c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 496 (QL) et Liu c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1125 (QL)). Je suis humblement en désaccord. Les conclusions de l'agent ne seront pas dérangées à moins qu'elles soient déraisonnables au point d'attirer l'intervention de la Cour.

[5]                C'est afin de régler ce qu'il percevait comme étant conflictuel au sein de ces décisions que le juge de première instance a cru bon de certifier la question. Selon lui, ce conflit, et l'espoir qu'il puisse être résolu, donnaient lieu à une question « grave de portée générale » comme l'exige le paragraphe 74(d) de la LIPR.

[6]                À mon humble avis, le juge de première instance s'est mépris en tenant pour acquis que la norme de contrôle applicable aux décisions des agents de visa se prêtait à une approche générique et que la question qu'il a certifiée était susceptible d'apporter une réponse d'application générale quant à la norme de contrôle applicable aux décisions des agents de visa.

[7]                Comme l'expliquait récemment le juge de Montigny dans une affaire semblable (Sadiki Ouafae c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2005 CF 459) :

[18]             La norme de contrôle applicable dans le cadre des décisions prises par les agents des visas ne fait pas l'unanimité et semble avoir donné lieu à des décisions en apparence contradictoires. Dans certains cas, on a retenu la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir, entre autres, Yaghoubian c. Canada (M.C.I.), [2003] CFPI 615; Zheng c. Canada (M.C.I), IMM-3809-98; Lu c. Canada (M.C.I.), IMM-414-99). Dans d'autres décisions, on a plutôt opté pour la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir notamment Khouta c. Canada (M.C.I .), [2003] C.F. 893; Kalia c. Canada (M.C.I.), [2002] CFPI 731).

[19]             Pourtant, si l'on y regarde de plus près, ces décisions ne sont pas irréconciliables. Si l'on en est arrivé à des conclusions différentes, c'est essentiellement parce que la nature de la décision faisant l'objet de révision par cette Cour peut varier selon le contexte. Ainsi, il va de soi que la norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d'un agent des visas appelé à évaluer l'expérience d'un immigrant éventuel au regard d'une profession sera celle de la décision manifestement déraisonnable. Dans la mesure où la décision de l'agent repose sur un examen des faits, cette Cour n'interviendra pas à moins que l'on puisse démontrer que cette décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire.

[20]             Par contre, il en ira autrement si la décision de l'agent des visas comporte l'application de principes généraux découlant d'une loi ou d'un règlement à des circonstances précises. Lorsque la décision repose sur une question mixte de droit et de fait, la Cour fera preuve d'une moins grande retenue et voudra s'assurer que la décision est tout simplement raisonnable [...]

[8]                Selon cette approche qui me semble la bonne, je ne crois pas que les décisions que mentionne le premier juge au paragraphe 14 de ses motifs (paragraphe 4 ci-haut) font état d'un véritable conflit. Du moins, le premier juge n'en fait aucune démonstration.

[9]                La démarche que suggère la Cour suprême pour identifier la norme de contrôle ne doit pas être interprétée comme étant « un rite [...] machinal » (Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226 au para. 26). Chacun des facteurs qui sous-tend l'analyse pragmatique et fonctionnelle doit être pris en compte et leur impact respectif doit être pondéré selon le contexte et les faits particuliers de chaque cas. Si l'on demeure fidèle à cette approche, il est impossible de concevoir une recette qui convienne à toutes les sauces.

[10]            Il s'ensuit qu'en répondant à la question certifiée, notre Cour ne pourrait se prononcer que sur la norme applicable à la décision rendue par l'agent de visa dans la présente affaire. Il est bien établi qu'une question qui ne transcende pas la décision particulière à l'égard de laquelle elle se pose ne devrait pas être certifiée et que, le cas échéant, la Cour d'appel ne devrait pas y répondre (voir Wong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1049; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. no 1637, (1994) 176 N.R. 4 au para. 4).

[11]            Je crois utile d'ajouter que, de toute façon, il ne serait pas opportun pour la Cour de se prononcer sur la question certifiée puisque la réponse ne changerait rien au dénouement du litige (Liyanagamage, supra). En effet, l'appelant dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire s'est limité à remettre en question l'interprétation qui fut faite de la preuve. Selon lui, l'agent de visa aurait dû conclure, selon la preuve devant elle, qu'il quitterait le Canada après l'expiration de son permis plutôt que le contraire (voir les paragraphes 18 à 23 de la décision du juge de première instance).

[12]            Or, il semble évident que la preuve, et en particulier les antécédents de l'appelant, permettait à l'agent de visa de conclure que l'appelant ne respecterait pas les échéanciers de son droit de séjour, et ce, quelle que soit la norme de contrôle applicable. Une décision dont le raisonnement est justifié par la preuve résiste à la norme de la décision raisonnable simpliciter puisque, face à une telle décision, une cour de révision ne peut refaire sa propre analyse ou substituer ses propres motifs (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 au para. 47). Bref, l'agent de visa avait le dernier mot peut importe la norme applicable.

[13]            Pour ces motifs, je rejetterais l'appel sans répondre à la question certifiée.

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d'accord

            J. Richard j.c. »

« Je suis d'accord

            Marc Nadon j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-64-05

INTITULÉ :                                                                            Bethouo Felliciano Eymard Boni v. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    6 février 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 Le juge Noël

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge en chef Richard

                                                                                                Le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                                                           15 février 2006

COMPARUTIONS :

Me Carole Fiore

POUR L'APPELANT

Me Diane Lemery

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bélanger, Fiore, Avocats

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANT

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉ

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