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Date : 20051212

Dossier : A-171-05

Référence : 2005 CAF 413

CORAM :       LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Appelant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

Intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 6 décembre 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER


Date : 20051212

Dossier : A-171-05

Référence : 2005 CAF 413

CORAM :       LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Appelant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

Intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel dirigé à l'encontre d'une décision de la Cour fédérale accordant une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission canadienne des droits de la personne ( « Commission » ) au motif que la Commission n'avait pas respecté les règles de l'équité procédurale.

[2]                De façon plus précise, la Cour a conclu que la Commission n'avait pas suffisamment motivé sa décision, outrepassant ainsi à l'obligation qui lui incombait en vertu du paragraphe 42(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H-6 ( « la Loi » ) :

42. (1) Sous réserve du paragraphe (2), la Commission motive par écrit sa décision auprès du plaignant dans les cas où elle décide que la plainte est irrecevable.

42. (1) Subject to subsection (2), when the Commission decides not to deal with a complaint, it shall send a written notice of its decision to the complainant setting out the reason for its decision

Les faits

[3]                En juillet 1992, Revenu Canada (maintenant l'Agence du revenu du Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada) transférait au gouvernement québécois un groupe d'employés appartenant au groupe professionnel de commis aux écritures et règlements (CR). Le 29 juillet 1998, soit six ans après le transfert de ces employés, un Tribunal constitué aux termes de la Loi déclarait discriminatoire le salaire des employés appartenant au groupe CR, y compris les employés transférés en 1992.

[4]                Le 9 mai 2003, l'Alliance de la fonction publique du Canada ( « l'intimée » ) déposait une plainte devant la Commission alléguant que les ententes conclues par le Conseil du trésor du Canada régissant le transfert d'employés fédéraux au gouvernement provincial sont contraires aux articles 7 et 10 de la Loi. Selon l'intimée, les ententes avaient pour effet de perpétuer la discrimination salariale des employés transférés et d'annihiler le droit de ces employés de recevoir tous les redressements prévus dans la décision rendue par le Tribunal en juillet 1998.

[5]                La plainte de l'intimée fut déposée devant la Commission plus de quatre ans après la décision du Tribunal. Aucune explication ne fut offerte. L'intimée s'est contentée de dire :

Les plaintes en rubriques concernent l'effet discriminatoire du transfert d'employé de la fonction publique fédérale vers des institutions provinciales. ... Récemment, nous avons pris connaissance de situations pareilles impliquant des employés transférés de Revenue Canada au gouvernement du Québec. De notre avis, la situation de ces employés devrait être considérée en conjonction avec l'investigation des plaintes existantes. ... Nous savons que cette nouvelle plainte traite de certains événements qui date de plusieurs années. Néanmoins, cette nouvelle plainte est de nature identique aux plaintes existantes et il n'y a rien qui justifierait l'exclusion de la plainte de l'investigation en cours. (Rapport d'enquête, Dossier d'appel, p. 25).

[6]                Après analyse, l'enquêteur de la Commission en vint à la conclusion que l'intimée n'avait pas fourni de raison valable justifiant son retard à déposer sa plainte. Il recommandait à la Commission dans son rapport d'enquête de ne pas statuer sur la plainte en vertu de l'alinéa 41(1)(e) de la Loi, la plainte étant fondée sur des faits survenus il y a plus d'un an avant son dépôt devant la Commission.

[7]                Les parties ont eu l'opportunité de commenter le rapport de l'enquêteur de la Commission. Les commentaires des parties et le rapport de l'enquêteur ont été soumis à la Commission lorsqu'elle a rendu sa décision relativement à la plainte de l'intimée.

[8]                Le 3 mai 2004, la Commission rejetait la plainte au motif qu'elle était irrecevable en vertu de l'alinéa 41(1)(e) de la Loi. La décision de la Commission se lit comme suit :

Before rendering their decision, the members of the Commission reviewed the report disclosed to you previously and any submission(s) filed in response to the report. After examining this information, the Commission decided not to deal with the complaint because: it pertains to acts which occurred more than one year before the complaint was filed.

[9]                Le 23 mars 2005, la Cour fédérale accueillait la demande de contrôle judiciaire déposée à l'encontre de cette décision au motif que la Commission avait outrepassé à son devoir d'équité procédurale en omettant de motiver suffisamment sa décision.

[10]            Il s'agit de la décision dont est appel.

Analyse et décision

[11]            À mon avis, c'est à tort que la première juge a conclu que la décision de la Commission n'était pas suffisamment motivée pour rencontrer les exigences du paragraphe 42(1) de la Loi.

[12]            Il est vrai que dans l'affaire Kidd c. Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, [2004] A.C.F. No. 859, (confirmée en appel, Kidd v. Greater Toronto Airport Authority, [2005] CAF 81), il a été décidé que la Commission devait faire plus que paraphraser la Loi pour satisfaire à l'obligation qui lui incombe de rendre des motifs. Mais, comme le fait remarquer la première juge, il s'agissait d'un cas où la Commission avait refusé de suivre la recommandation de l'enquêteur.

[13]            Dans le cas qui nous occupe, la Commission a indiqué avoir pris connaissance du rapport de l'enquêteur et a disposé de l'affaire de façon conforme à sa recommandation. Il a déjà été décidé à maintes reprises qu'en agissant ainsi, la Commission entérine et fait siens les motifs invoqués par l'enquêteur (S.E.P.Q.A. c. Canada (C.C.D.P.), [1989] 2 R.C.S. 879, à la p. 899; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (1999) 1 F.C. 11, au para. 30;

Candu (Ministre du Revenu national) c. Gee (2002) C.A.F. 4, au para. 15; Hardman c. Énergie atomique du Canada Lté., [1997] A.C.F. No. 477 au para. 13).

[14]            La première juge a écarté cette jurisprudence. Elle semble avoir été d'avis que les motifs invoqués par l'enquêteur étaient en soi suffisants pour expliquer le refus de la plainte mais elle a mis en doute le fait que la Commission les aient entérinés. Selon elle, « [L]e fait que la Commission prend connaissance du rapport de l'enquêteur ne veut pas dire qu'elle l'entérine » (motifs, paragraphe 11). Avec égards, il y a là erreur de droit.

[15]            En acceptant aux fins de la discussion que le libellé des motifs donne lieu à l'ambiguïté soulevée par la première juge à savoir si la Commission avait ou non entériné les motifs de l'enquêteur, cette décision doit être interprétée de façon à la valider et non pas de façon à la rendre illégale.

[16]            En l'occurrence, il y a lieu de croire qu'en adoptant la recommandation de l'enquêteur, après avoir indiqué qu'elle avait pris connaissance de son rapport, la Commission entérinait les motifs invoqués par l'enquêteur. Cette lecture devient incontournable si l'on considère l'état de la jurisprudence qui sanctionne cette façon de faire depuis bon nombre d'années.

[17]            L'obligation qui incombe à la Commission de motiver sa décision consiste à expliquer au plaignant pourquoi sa plainte est jugée irrecevable. Lorsque ces explications sont confinées dans le rapport d'enquête, la Commission en les endossant permet au plaignant de comprendre le pourquoi du rejet. En outre, l'intimée ne peut prétendre avec le moindre sérieux qu'elle ne sait pas précisément pourquoi sa plainte fut rejetée.

[18]            Pour ces motifs, j'accorderais l'appel avec dépens, j'annulerais la décision de la Cour fédérale et rendant la décision qu'elle aurait dû rendre, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

            M. Nadon j.c.a. »

« Je suis d'accord.

            J.D.Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

           

DOSSIER :                                                       A-171-05

Appel d'une ordonnance de l'honorable juge Tremblay-Lamer datée du 23 mars 2005 dans le dossier T-1097-04

INTITULÉ :                  PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Ottawa

DATE DE L'AUDIENCE :                                6 décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                            Le juge Noël

Y ONT SOUSCRIT :                                       Le juge Nadon

                                                                        Le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                          Le 12 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Me Jan Brongers                                               POUR L'APPELANT

Me James Cameron                                           POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John, Sims                                                         POUR L'APPELANT

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Ontario

                       

Raven, Allen                                                      POUR L'INTIMÉ

Cameron, Ballantyne & Yazbeck

Ottawa, Ontario

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