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Date : 20031117

Dossier : A-524-03

Référence : 2003 CAF 431

PRÉSENT : LE JUGE EN CHEF RICHARD

ENTRE :

                         LE MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

SHIRLEY CHOKEN, MYLES SINCLAIR,

WILFRED MARSDEN ET JERRY MARSDEN

                                                                                                                                                intimés

                                                                             et

                                  LA BANDE INDIENNE DU LAC SAINT-MARTIN

                                                                                                                                                intimée

                                                                             et

PEACE HILLS TRUST COMPANY et LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE

DE COMMERCE et ANDREW ALKIER

                                                                                                                                          tiers-saisis

                   Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2003, par téléconférence

                              Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2003.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                    LE JUGE EN CHEF RICHARD


Date : 20031117

Dossier : A-524-03

Référence : 2003 CAF 431

PRÉSENT : LE JUGE EN CHEF RICHARD

ENTRE :

                         LE MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

SHIRLEY CHOKEN, MYLES SINCLAIR,

WILFRED MARSDEN ET JERRY MARSDEN

                                                                                                                                                intimés

                                                                             et

                                  LA BANDE INDIENNE DU LAC SAINT-MARTIN

                                                                                                                                                intimée

                                                                             et

PEACE HILLS TRUST COMPANY et LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE

DE COMMERCE et ANDREW ALKIER

                                                                                                                                          tiers-saisis

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF RICHARD

Introduction


[1]                Le 31 octobre 2003, le juge Gibson rendait une ordonnance qui autorisait la saisie-arrêt de sommes versées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord (le MAIN) au tiers nommé comme gestionnaire (le gestionnaire) de la Bande indienne du lac Saint-Martin (la bande indienne), en exécution du jugement rendu en faveur de Shirley Choken, de Myles Sinclair, de Wilfred Marsden, de Jerry Marsden et de la Bande indienne du lac Saint-Martin (les intimés). Les sommes soumises à la saisie-arrêt avaient été versées pour l'exécution de programmes et services essentiels destinés aux membres de la bande indienne.

[2]                Le MAIN a fait appel du jugement du juge Gibson, dont il voudrait que l'ordonnance soit suspendue jusqu'à l'issue de l'appel.

[3]                L'avis d'appel initial a été déposé par le MAIN. Par la suite, le tiers-saisi Andrew Alkier a introduit un autre appel, numéro du greffe A-540-03. Le MAIN et le gestionnaire ont demandé la suspension de l'ordonnance du juge Gibson. Dès le début de l'instruction de leur requête, les avocats des parties ont convenu que le résultat vaudrait pour les deux appels. Les présents motifs s'appliqueront donc aux deux numéros du greffe.

Les faits

[4]                Les sommes qui étaient l'objet de l'ordonnance du juge Gibson ont été versées en conformité avec un accord de gestion par un tiers (AGT), conclu par Andrew Alkier, le gestionnaire désigné, et par le ministre des Affaires indiennes et du Nord. Selon l'AGT, le gestionnaire s'engage à exécuter les services et programmes essentiels, pour l'avantage des membres de la bande indienne. L'AGT était encore en vigueur à la date de l'instruction de cette requête.


[5]                Selon les conditions de l'AGT, le gestionnaire est tenu de fournir des services tels que services d'éducation, services sociaux et cotisations de l'employeur au régime de pensions et à l'assurance-emploi.

[6]                La procédure de saisie-arrêt a entraîné un gel du compte d'éducation du gestionnaire. Ces sommes étaient déposées dans un compte, à la succursale de la Banque Canadienne Impériale de Commerce à Ashern (Manitoba), en conformité avec l'AGT.

Critère d'une suspension

[7]                Le point à décider dans cette requête est celui de savoir si l'appelant a droit à une suspension de l'ordonnance du juge Gibson jusqu'à l'issue de l'appel.

[8]                Comme il est indiqué dans l'arrêt RJR-Macdonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311 (l'arrêt RJR), pour qu'une suspension soit accordée, celui qui la demande doit convaincre la Cour que :

i.           il y a une question sérieuse à juger;

ii.           le requérant subira un préjudice irréparable si sa demande est rejetée; et

iii.          la prépondérance des inconvénients milite en faveur du requérant.


[9]                Toutes les parties s'accordent pour dire qu'il y a une question sérieuse à juger. Mais il faut encore évaluer le deuxième et le troisième volets du triple critère de l'arrêt RJR, à savoir le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients.

[10]            En règle générale, les principes régissant les suspensions s'appliquent de la même manière lorsque le requérant est un organisme gouvernemental. Cependant, dans un tel cas, l'intérêt public sera considéré à la fois au stade de l'analyse du préjudice irréparable et au stade de l'analyse de la prépondérance des inconvénients. (Arrêt RJR, à la page 349.)

[11]            Je commencerai par considérer la notion de préjudice irréparable. Selon la Cour suprême du Canada, cette notion s'entend de la nature du préjudice, et non de son étendue. (Arrêt RJR, à la page 341.)

[12]            Il ressort nettement de l'examen des circonstances présentes que les requérants satisfont au deuxième volet du critère RJR.

[13]            Dans son affidavit à l'appui, le gestionnaire affirme que, si les sommes ne sont pas intégralement mises à sa disposition, il ne sera pas en mesure d'offrir les services essentiels d'éducation aux enfants qui fréquentent l'école de la Première nation du lac Saint-Martin et les écoles et institutions postsecondaires situées en dehors de la réserve.


[14]            Ce qui est en cause dans cette requête, ce sont les programmes et services, en particulier les programmes éducatifs, destinés à la bande indienne conformément à l'engagement du gouvernement fédéral envers les populations des Premières nations. Il n'est pas contesté que ces services d'éducation sont essentiels et que le refus de la mesure demandée pourrait compromettre les sommes nécessaires pour les financer.

[15]            De plus, compte tenu de la notion de préjudice irréparable, je relève que l'application de l'article 89 de la Loi sur les Indiens pourrait empêcher le recouvrement des sommes distribuées en application de l'ordonnance du juge Gibson si le jugement de première instance est finalement infirmé en appel. L'un des intimés réside apparemment en dehors de la réserve, mais il semble que les autres intimés habitent bien la réserve de la bande. Cet aspect intéresse évidemment l'application de l'article 89.

[16]            S'agissant de la prépondérance des inconvénients, le refus de la mesure provisoire demandée dans cette requête pourrait priver le MAIN et le gestionnaire des sommes requises pour le programme, ce qui aurait pour effet de priver ensuite de programmes et services vitaux les membres de la bande indienne. J'ai déjà indiqué dans mon analyse du préjudice irréparable en quoi cet aspect suscite une question d'intérêt public.


[17]            Si l'ordonnance du juge Gibson est finalement maintenue, les intimés ne subiront rien de plus qu'un délai dans le versement des sommes qui leur reviennent. Trois années se sont écoulées depuis qu'ils ont obtenu un jugement en leur faveur, et les intimés n'ont pas été prompts à le faire exécuter. À part le fait qu'ils prétendent être fondés à faire exécuter leur jugement contre la bande indienne, je ne vois pas d'emblée pourquoi les intimés ne pourraient attendre l'issue de l'appel. J'observe aussi que l'appelant a manifesté l'intention d'accélérer la procédure d'appel pour une solution rapide de cette question.

[18]            Réaffirmant que l'intérêt public fait partie intégrante, dans cette affaire, de l'analyse portant sur la prépondérance des inconvénients, j'en conclus que la prépondérance des inconvénients milite en faveur des requérants.

[19]            Vu le poids que j'accorde à la question de l'intérêt public, tant sous l'angle du préjudice irréparable pour l'intérêt du MAIN que sous l'angle de la prépondérance des inconvénients, je suis arrivé à la conclusion que les demandes de suspension devraient être accordées.

[20]            En conséquence, l'ordonnance rendue par monsieur le juge Gibson, numéro du greffe T-961-03, sera suspendue jusqu'à l'issue du présent appel, ainsi que de l'appel dont le numéro du greffe est A-540-03.


[21]            Les présents motifs seront versés dans le dossier du greffe A-540-03.

                  « J. Richard »                    

       Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-524-03

INSTRUCTION D'UNE REQUÊTE EN SUSPENSION DE L'ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉE DU 31 OCTOBRE 2003. N ° DU GREFFE T-961-03

INTITULÉ :                                                                            LE MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN c. SHIRLEY CHOKEN et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Ottawa et Winnipeg

(via téléconférence)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    le 13 novembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge en chef Richard

DATE DES MOTIFS :                                                           le 17 novembre 2003

COMPARUTIONS :

Darrin Davis

POUR L'APPELANT

Darryl Buxton

POUR LE TIERS-SAISI

(Andrew Alkier)

Wayne P. Forbes                                                                      POUR L'INTIMÉE

(Shirley Choken)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'APPELANT

Duboff Edwards Haight & Schachter

POUR LE TIERS-SAISI

Winnipeg (Manitoba)                                                                 (Andrew Alkier)

Pollock et Compagnie                                                                POUR L'INTIMÉE

Winnipeg (Manitoba)                                                                 (Shirley Choken)


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