Date :20001123
Dossier :A-273-99
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
ELI LILLY & COMPANY et
ELI LILLY CANADA INC.,
appelantes
(demanderesses),
- et -
APOTEX INC. et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ,
intimés
(défendeurs).
Audience tenue à Toronto (Ontario), le mercredi 22 novembre 2000.
Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario),
le mercredi 22 novembre 2000.
Date : 20001123
Dossier : A-273-99
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
ELI LILLY & COMPANY et
ELI LILLY CANADA INC.,
appelantes
(demanderesses),
- et -
APOTEX INC. et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ,
intimés
(défendeurs).
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),
le mercredi 22 novembre 2000.)
[1] Il s'agit d'un appel interjeté par Eli Lilly (Lilly) à l'égard d'une décision de la Section de première instance [(1999), 165 F.T.R. 83 (C.F. 1re inst.)] par laquelle cette dernière a refusé de rendre une ordonnance de certiorari annulant un avis de conformité (ADC) délivré en avril 1997 par le ministre de la Santé en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133. L'ADC a été délivré à l'intimée Apotex relativement à la drogue nizatidine. Cette drogue est produite suivant un processus qui, selon les allégations faites en l'espèce, ne contrefait pas les brevets détenus par Lilly.
[2] L'appelante a soutenu que l'ADC avait été délivré en violation du Règlement puisqu'il existait des incohérences entre les faits sur lesquels se fonde Apotex et qui sont mentionnés dans l'énoncé détaillé que cette dernière a remis à Lilly relativement à l'avis d'allégation (ADA) d'Apotex, d'une part, et le contenu de la présentation de drogue nouvelle (PDN) déposée par Apotex auprès du Ministre au soutien de sa demande d'ADC. Plus particulièrement, l'appelante a allégué que l'énoncé détaillé était à la fois trompeur, parce qu'il semble indiquer que la FMM correspond au réactif, et incomplet, puisqu'il ne précise pas quels sont, dans les faits, les réactifs utilisés.
[3] Le juge des requêtes a conclu (page 91, paragraphe [31]) que les renseignements fournis par Apotex à Lilly « étaient à tout le moins trompeurs » . Cependant, il a refusé (page 91, paragraphe [33]) d'annuler l'ADC au motif que, peu importe les incohérences pouvant être présentes dans les renseignements divulgués au Ministre, d'une part, et à Lilly, de l'autre,
Lilly ne m'a pas convaincu que le ministre a commis une erreur susceptible de contrôle pouvant justifier l'annulation de l'ADC qui a étédélivré.
Il a estimé que, comme la question en litige sous-jacente consiste à savoir si Apotex a contrefait le brevet de Lilly, il était approprié que cette dernière ne puisse exercer que les recours qui lui sont offerts dans le cadre d'une instance en contrefaçon.
[4] L'appelante a fait valoir devant nous que le certiorari était le recours approprié compte tenu de la déclaration faite par le juge Stone de la Cour d'appel dans l'arrêt Hoffman-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santénationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 206, à la page 213 (C.A.F.), selon laquelle les renseignements énoncés dans un ADA doivent être exacts et que, s'ils devaient se révéler inexacts une fois que le produit atteint le marché, « les conséquences pourraient effectivement être très graves pour la deuxième personne » .
[5] Lorsqu'il a été invité à présenter des arguments relatifs au caractère trompeur des renseignements fournis à Lilly par Apotex, l'avocat de cette dernière a vigoureusement contesté la conclusion de fait tirée par le juge des requêtes. Il a soutenu que personne n'avait été trompé. En effet, Lilly aurait décidé de ne pas introduire d'action en interdiction en réponse à l'ADA non parce qu'elle a été trompée par l'énoncé détaillé, mais bien parce qu'elle croyait, à tort s'est-il avéré, que ses intérêts étaient adéquatement protégés par l'ordonnance d'interdiction rendue en réponse à un ADA antérieur.
[6] De même, le Ministre n'aurait pas été trompé non plus puisqu'il a délivré l'ADC sous la contrainte d'une ordonnance de mandamus rendue par la Cour, et qu'Apotex s'était conformée aux dispositions du Règlement en ce qu'elle n'était pas tenue, dans les circonstances, de fournir un énoncé détaillé. La description du procédé attaqué par l'appelante ne se trouvait pas dans un énoncé détaillé au sens où l'entend le Règlement et, par conséquent, les inexactitudes qu'elle était susceptible de comporter ne pouvaient constituer un manquement au Règlement.
[7] En outre, selon l'avocat d'Apotex, les renseignements fournis à Lilly n'étaient pas trompeurs; ils étaient à tous égards identiques à ceux communiqués au Ministre dans la PDN produite à l'appui de la demande d'ADC soumise par Apotex. La PDN renvoyait le lecteur à la fiche maîtresse du médicament pour de plus amples renseignements, document qui était en possession du Ministre, mais non de Lilly. Si elle n'était pas convaincue que les renseignements fournis par Apotex étaient complets, Lilly aurait pu demander des renseignements supplémentaires dans le cadre d'une entente de non-divulgation, ce qu'elle n'a pas fait.
[8] Bien que les arguments de l'avocat puissent paraître fondés, en particulier l'allégation voulant que les renseignements fournis à Lilly soient trompeurs ou incomplets, il n'est pas nécessaire pour les besoins du présent appel de décider si le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu'il a conclu que les renseignements communiqués par Apotex à Lilly étaient trompeurs.
[9] Il suffit de dire que le certiorari est une mesure de redressement extraordinaire qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Même s'il est possible d'établir que l'acte administratif est vicié en raison d'une erreur, cette réparation ne sera habituellement pas accordée lorsque l'appelant dispose d'un autre recours adéquat.
[10] Selon nous, même si le Ministre, comme le prétend Lilly, a délivré un ADC alors qu'Apotex n'avait pas signifié un énoncé détaillé complet et exact conformément au Règlement, le juge des requêtes pouvait conclure que Lilly ne peut exercer que les droits et recours prévus par le droit privéqui lui sont offerts en qualité de titulaire d'un brevet. L'avocat de l'appelante nous a d'ailleurs informés du fait qu'une action en contrefaçon avait déjà été intentée.
[11] Si, à l'issue de l'action en contrefaçon, la Cour conclut qu'Apotex a, à la fois, contrefait le brevet de Lilly et agi de manière fautive avant la délivrance de l'ADC, il sera loisible au juge d'accorder des dommages-intérêts exemplaires ou des dépens sur la base procureur-client, comme le juge des requêtes l'a laissé entendre. Ce genre de réparation constituerait certainement des « conséquences graves » de la sorte envisagée par le juge Stone de la Cour d'appel dans l'arrêt Hoffman-La Roche, précité.
[12] En réalité, l'annulation de l'ADC aurait pour effet d'interdire à Apotex de commercialiser la nizatidine fabriquée à l'aide du procédé exposé relativement au deuxième ADA. Il s'agit donc d'une réparation potentiellement extrême à accorder dans le cadre d'une instance sommaire qui n'est pas expressément prévue par le Règlement.
[13] De plus, comme l'a admis l'avocat de l'appelante, Lilly n'a pas été trompée à son détriment par une quelconque inexactitude ou le caractère incomplet de l'énoncé détaillé. Son défaut d'intenter une action en interdiction tient à une raison fort différente : elle s'est fiée à l'interdiction prononcée relativement à l'ADA antérieur d'Apotex. Le fait de prononcer un certiorari au présent stade de l'instance reviendrait à accorder à Lilly pratiquement le même genre de réparation qu'elle aurait pu obtenir si elle avait intentéune action en interdiction de façon opportune.
[14] Nous faisons également remarquer que Lilly n'allègue pas qu'Apotex se soit rendue coupable de fraude ou de tromperie. Une allégation de cette nature, si elle était prouvée, pourrait justifier l'octroi d'un certiorari lorsque la première personne ou le Ministre a été trompé. Or, les faits en l'espèce ne nous autorisent pas à annuler l'ADC pour préserver l'intégrité du régime législatif instauré par le Règlement ou pour remédier à une quelconque injustice que Lilly aurait subie.
[15] Pour ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens.
« John M. Evans »
Juge
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et avocats inscrits au dossier
DOSSIER : A-273-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : ELI LILLY & COMPANY et
ELI LILLY CANADA INC.,
appelantes
(demanderesses),
- et -
APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ,
intimés
(défendeurs).
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 22 NOVEMBRE 2000
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE EVANS à Toronto (Ontario), le mercredi 22 novembre 2000.
ONT COMPARU : Anthony G. Creber
Patrick S. Smith
Pour les appelantes
Harry B. Radomski
Ivor M. Hughes
Pour l'intimée, Apotex Inc.
Marie Crowley
Pour l'intimé, le ministre de la Santé
Page : 2
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Gowling, Strathy & Henderson
Bureau 2600
160, rue Elgin
Ottawa (Ontario)
K1P 1C3
Pour les appelantes
Goodman, Phillips & Vineberg
250, rue Yonge
Bureau 2400, B.P. 24
Toronto (Ontario)
M5B 2M6
Pour l'intimée, Apotex Inc.
Le ministre de la Santé
Ministère de la Justice
Section du contentieux des affaires civiles
2e étage, Édifice commémoratif de l'Est
284, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
K1A 0H8
Pour l'intimé, le ministre de la Santé
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
Date : 20001123
Dossier : A-273-99
ENTRE :
ELI LILLY & COMPANY et
ELI LILLY CANADA INC.
Appelantes
(Demanderesses)
- et -
APOTEX INC. et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
Intimés
(Défendeurs)
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR
Date : 20001122
Dossier : A-273-99
Toronto (Ontario), le mercredi 22 novembre 2000
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
ELI LILLY & COMPANY et
ELI LILLY CANADA INC.,
appelantes
(demanderesses),
- et -
APOTEX INC. et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ,
intimés
(défendeurs).
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens.
« A.J. Stone »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL. L.