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Date : 20041112

Dossier : A-116-04

Référence : 2004 CAF 376

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                             MARK SUTCLIFFE

                                                                                                                                                  intimé

                                    Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2004

                                  Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                       LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


Date : 20041112

Dossier : A-116-04

Référence : 2004 CAF 376

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                             MARK SUTCLIFFE

                                                                                                                                                  intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel d'une ordonnance interlocutoire rendue en séance publique le 23 février 2002 par une juge de la Cour canadienne de l'impôt, autorisant l'intimé, Mark Sutcliffe, à modifier son avis d'appel modifié.

[2]                Par cette ordonnance, la juge de la Cour canadienne de l'impôt autorisait l'intimé à soulever la question suivante :


[traduction] (D)4.A Le fisc fédéral a-t-il compétence pour appliquer comme revenu gagné dans une province tout ou partie du revenu gagné au Canada au cours des années d'imposition considérées?

[3]                La juge de la Cour canadienne de l'impôt a aussi ordonné que la modification soit accompagnée d'un exposé de la réparation demandée au titre de cette question. Elle a autorisé le dépôt de cet exposé sans examen préalable. Cet exposé, que nous reproduisons ici, a été déposé depuis et se trouve maintenant au paragraphe (G)2 de l'avis d'appel deux fois modifié.

[traduction]

(G)2.        L'appelant demande à la Cour de déclarer déraisonnable et non valable la méthode utilisée par le ministre pour déterminer le revenu gagné par lui au Canada au cours des années d'imposition considérées, ainsi que de statuer que le ministre ne peut appliquer tout ou partie du revenu que la Cour établira avoir été ainsi gagné au Canada comme revenu gagné dans une province sous le régime du paragraphe 120(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu et la partie XXVI du Règlement de l'impôt sur le revenu [...]

[4]                L'appelante soutient que la juge de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur de droit en autorisant la modification. Selon l'appelante, il est évident que cette modification ne peut être utile à l'établissement de la véritable question en litige dans l'appel, puisque la Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence pour examiner la question que ladite modification soulève ni pour accorder la réparation demandée (La Reine c. Canderel Limited, 93 DTC 5357, à la page 5360).

Le contexte


[5]                Ce sont des cotisations d'impôt sur le revenu établies sous le régime de la partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) pour un certain nombre d'années d'imposition qui forment l'objet du litige porté devant la Cour canadienne de l'impôt. On a établi ces cotisations en supposant qu'une partie du revenu gagné par l'appelant au cours des années considérées l'avait été au Canada. Ces cotisations fixent l'impôt fédéral à payer sur la partie du revenu de l'intimé qui a été gagnée au Canada.   

[6]                L'intimé s'est pourvu contre ces cotisations en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi, qui dispose ce qui suit :

Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation: [...]                                       

Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, the taxpayer may appeal to the Tax Court of Canada to have the assessment vacated or varied ...

[7]                La compétence de la Cour canadienne de l'impôt relativement aux appels de cette nature est définie au paragraphe 17(1) :

La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel:

a)        en le rejetant;

b)        en l'admettant et en:

(i)    annulant la cotisation,

(ii)     modifiant la cotisation,

(iii)    déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.                

The Tax Court of Canada may dispose of an appeal by

(a)     dismissing it; or

(b)     allowing it and

(i) vacating the assessment,

(ii) varying the assessment, or

iii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

[8]                Au moment de l'établissement de ces cotisations, le ministre a aussi examiné le point de savoir si le revenu de source canadienne pouvait être attribué à une ou plusieurs provinces, étant donné que dans le cas où ce revenu ne peut être ainsi attribué, une surtaxe fédérale doit être payée en compensation de l'absence d'imposition provinciale.


[9]                Le ministre, ayant appliqué la formule prévue à cette fin au paragraphe 120(4), a conclu que le revenu de source canadienne de l'appelant avait été gagné dans des provinces déterminées selon certaines proportions qu'il a fixées, de sorte que ce revenu n'a pas été frappé de surtaxe fédérale.

[10]            Lorsque le ministre fait une telle détermination, les provinces auxquelles le revenu est attribué ont le droit de fixer un impôt. Le dossier révèle que c'est sous le régime non de la Loi, mais des lois fiscales des provinces en question, que les impôts provinciaux sur le revenu ont été fixés en fonction des proportions attribuées.

[11]            Les lois de l'impôt sur le revenu des provinces entre lesquelles le revenu a été réparti prévoient toutes un recours devant les cours supérieures respectives de ces provinces contre les cotisations d'impôt provincial fondées sur une telle répartition [Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.N.-B, ch. I-2, article 22; Income Tax Act, R.S.N.S. 1967, ch. 134, article 22; Income Tax Act, R.S.N.L. 1990, ch. I-1, paragraphe 26(1); Income Tax Act, R.S.B.C. 1996, ch. 215, article 42; Alberta Personal Income Tax Act, R.S.A 1980, ch. A31, article 30; Income Tax Act, R.S.P.E.I. 1998, ch. I-1, article 26; Income Tax Act, R.S.S. 1978, ch. I-2, article 26; Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.M. 1988, ch. 110, article 30; et Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.O. 1990, ch. I-2, article 23].


[12]            Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu de l'Ontario sont assez représentatives de la nature du droit d'appel prévu par ces lois fiscales provinciales :

23(2)     La Cour [supérieure de justice] peut, en statuant sur l'appel d'une cotisation prévue par la présente loi, trancher toute question concernant ce qui suit :

a)       la résidence du contribuable pour l'application de la présente loi;

b)       le montant du revenu gagné en Ontario du contribuable au cours d'une année d'imposition pour l'application de l'article 4;

[...]

4.(1) « revenu gagné en Ontario au cours de l'année d'imposition » Le revenu qui serait déterminé comme ayant été gagné en Ontario au cours de l'année aux fins du calcul du revenu gagné au cours de l'année dans une province en application de l'article 120 de la loi fédérale.

Décision

[13]            Il ressort à l'évidence du dossier dans son état actuel que la modification autorisée par la juge de la Cour canadienne de l'impôt n'est pas pertinente pour ce qui concerne les appels en instance devant ladite Cour. Que la méthode utilisée par le ministre pour répartir le revenu entre les provinces soit valable ou non, le montant de l'impôt fédéral fixé restera le même; le point de savoir si les cotisations fédérales sont valables et correctes n'influe en rien sur la répartition du revenu entre les provinces. La modification autorisée ne peut avoir de pertinence que pour ce qui concerne les impôts provinciaux sur le revenu qui ont été fixés.


[14]            La Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence pour statuer sur la validité d'une cotisation fiscale provinciale. Cette compétence appartient aux cours supérieures respectives des provinces en vertu des lois fiscales provinciales énumérées plus haut. Voir à ce sujet : Andrew Paving and Engineering Ltd. et al. c. M.N.R., 84 DTC 1157 (CCI); La Reine c. Bowater Mersey Paper Company Limited, 87 DTC 5382 (C.A.F.); Hennick c. Canada, [1998] A.C.I. no 562; et Gardner c. R., 2002 DTC 6776 (CAF).

[15]            La Cour canadienne de l'impôt n'a pas non plus compétence pour prononcer une déclaration de la nature demandée dans la modification, à moins qu'elle n'entraîne un changement de la cotisation fédérale. La compétence de la Cour canadienne de l'impôt est d'origine législative. Dans le cadre d'un appel interjeté sous le régime du paragraphe 169(1), elle ne peut qu'accorder l'une ou l'autre des mesures de réparation prévues au paragraphe 171(1), c'est-à-dire annuler ou modifier la cotisation, ou la déférer au ministre pour nouvel examen.

[16]            La juge de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur de droit en autorisant la modification, étant donné que celle-ci ne peut être d'aucune utilité à ladite Cour pour statuer sur l'appel dont elle est saisie. Elle a aussi commis une erreur en permettant - en ordonnant en fait - qu'un exposé de la réparation demandée soit déposé (voir le paragraphe 4 ci-dessus) sans l'examiner au préalable.


[17]            Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel avec dépens, j'annulerais la décision de la juge de la Cour canadienne de l'impôt et, rendant l'ordonnance qui aurait dû être rendue, je rejetterais la requête en modification.

                      « Marc Noël »                              

   Juge

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

K. Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               A-116-04

INTITULÉ :                              SA MAJESTÉ LA REINE

c.

MARK SUTCLIFFE

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 27 octobre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                      LES JUGES ROTHSTEIN ET SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                   Le 12 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Marley Dash

David Frayer, C.R.

POUR L'APPELANTE

Emilio Binavince

Frances Viele

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR L'APPELANTE

Binavince Smith

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉ


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