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Date : 20000519


Dossier : A-528-97


Montréal (Québec), le vendredi 19 mai 2000

CORAM :      LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NOËL

E n t r e :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     appelant


     - et -


     CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION OF

     ALGO GROUP INC. AND MR. JUMP INC.,

     DIVISION OF ALGO GROUP INC.

     intimées



     JUGEMENT

    

         L'appel est rejeté avec dépens.


     « Robert Décary »

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.





Date : 20000519


Dossier : A-528-97

CORAM :      LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NOËL

E n t r e :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     appelant


     - et -


     CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION OF

     ALGO GROUP INC. AND MR. JUMP INC.,

     DIVISION OF ALGO GROUP INC.

     intimées



Audience tenue à Montréal (Québec) le jeudi 18 mai 2000

et le vendredi 19 mai 2000


Jugement prononcé à l'audience à

Enter City, Province and Date of release just after [Comment] code. Montréal (Québec) le lundi 15 mai 2000






MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE NOËL





Date : 20000519



Dossier : A-528-97

CORAM :      LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NOËL

E n t r e :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

    

     appelant


     - et -


     CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION OF

     ALGO GROUP INC. AND MR. JUMP INC.,

     DIVISION OF ALGO GROUP INC.

     intimées

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (prononcés à l'audience à Montréal (Québec)

     le vendredi 19 mai 2000)

LE JUGE NOËL

[1]      Nous en sommes arrivés à la conclusion que le présent appel doit être rejeté.

[2]      La principale question litigieuse soulevée par l'appelant est celle de savoir si le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a statué à bon droit que les paiements relatifs aux quotas effectués par les intimées à des tiers de Hong-Kong pour obtenir des licences d'exportation devaient être ajoutés au prix payé pour des marchandises importées conformément à l'article 45 de la Loi sur les douanes1 :

"price paid or payable", in respect of the sale of goods for export to Canada, means the aggregate of all payments made or to be made, directly or indirectly, in respect of the goods by the purchaser to or for the benefit of the vendor;

« prix payé ou à payer » En cas de vente de marchandises pour exportation au Canada, la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l'acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises.

[3]      Le TCCE a conclu, au sujet des marchandises importées de Taïwan par les intimées, que c'était à juste titre que, dans les cas des quotas achetés directement des fabricants de marchandises, les paiements relatifs aux quotas avaient été considérés comme ayant été effectués « au profit » du fabricant/vendeur au sens de l'article en question. Toutefois, à la différence des quotas en provenance de Taïwan, les quotas en provenance de Hong-Kong avaient été achetés à des tiers sur le marché libre, de sorte que le TCCE a conclu que leur coût ne devait pas être inclus dans le « prix payé ou à payer » pour les marchandises importées. Le TCCE a conclu que ces paiements n'avaient pas été effectués directement ou indirectement « au profit du vendeur » .

[4]      L'appelant affirme que le tribunal a mal interprété l'article 45 en ne reconnaissant pas le fait que les paiements relatifs aux quotas effectués à des tiers profitaient au fabricant/vendeur, étant donné que ce dernier n'aurait pas été en mesure de procéder à la vente des marchandises en question si les intimées n'avaient pas réussi à obtenir les quotas. L'appelant soutient par conséquent que les versements ont été effectués « au profit du vendeur » .

[5]      La preuve indique toutefois le contraire. La conclusion du contrat intervenu entre les intimées et leur fabricant/vendeur de Hong-Kong ne dépendait nullement de l'existence des quotas ou de l'aptitude des intimées à obtenir une licence d'importation pour les marchandises en question. Les obligations du fabricant/vendeur se limitent à fabriquer les marchandises en question conformément aux spécifications des intimées et à les livrer FOB à Montréal. Son droit d'être payé est garanti par une lettre de crédit irrévocable présentable en tout temps dans un délai prescrit par suite de la délivrance des titres de transport.

[6]      Il s'ensuit que, peu importe que les intimées puissent ou non acquérir les quotas exigés et obtenir le dédouanement des marchandises à Montréal, la position contractuelle du fabricant/vendeur demeure inchangée : il avait le droit et les moyens de se faire payer pour les marchandises après avoir fait délivrer les titres de transport. Comme les droits conférés par le contrat au fabricant/vendeur ne dépendaient nullement de l'aptitude des intimées à obtenir les quotas exigés, les versements effectués par les intimées à des tiers pour acquérir les quotas en question ne peuvent être considérés comme ayant été effectués au profit du fabricant/vendeur.

[7]      La seule façon de lier ces paiements à un « profit » quelconque dont bénéficierait le fabricant/vendeur est de faire valoir que les intimées n'auraient pas signé un contrat pour la fabrication des marchandises en question si elles n'avaient pas obtenu les quotas exigés ou si elles n'avaient pas été en mesure de les obtenir avant l'importation. En ce sens, l'appelant fait valoir que l'on peut encore affirmer que les paiements ont été effectués « au profit du vendeur » .

[8]      Toutefois, ainsi que le TCCE l'a conclu, le mot « profit » que l'on trouve à l'article 45 ne peut recevoir une interprétation aussi large. Les paiements effectués relativement aux quotas en question n'ont pas été effectués au profit d'une personne en particulier si ce n'est les intimées elles-mêmes. D'ailleurs, selon la thèse défendue par l'appelant, quiconque a participé à la fabrication et à l'exportation des marchandises en litige, à partir des ouvriers qui ont fabriqué les marchandises en question en allant jusqu'aux expéditeurs et aux transporteurs, ont profité des paiements en question, étant donné que les marchandises n'auraient pas été fabriquées et exportées sans les quotas.

[9]      Il découle aussi de ce raisonnement que tout paiement effectué à des tiers par un importateur sur le marché de l'exportation sans lequel les marchandises en question n'auraient pas pu être fabriquées et exportées serait effectué « au profit du vendeur » . Seraient ainsi visés les paiements reçus par les mandataires d'achat pour les services en plus des commissions et frais de courtage prévus au sous-alinéa 48(5)(a)(i)2 ou à des banques étrangères pour la délivrance de lettres de crédit3. Or, l'article 45 n'a jamais été considéré par les tribunaux comme ayant une portée aussi large.

[10]      L'appelant invoque l'arrêt Generra Sportswear Company v. United States4 pour étayer sa thèse. Or, cet arrêt n'appuie pas la thèse de l'appelant, car dans cette affaire, le vendeur étranger était payé directement pour les quotas, comme les intimées l'ont été en l'espèce en ce qui concerne les marchandises exportées de Taïwan. La Cour a fait remarquer ce qui suit, aux pages 134 et 135 :

[TRADUCTION]     

Generra reconnaît que la question de savoir si le vendeur a profité du paiement relatif au quota ne se pose pas en l'espèce. Lorsque le paiement est effectué au vendeur, il n'est pas nécessaire de savoir si le vendeur en a profité. La loi exprime une alternative : « au vendeur ou à son profit » .


[11]      De plus, la Cour a fait remarquer, aux pages 135 à 136 :

[TRADUCTION]

[...] le fait qu'un vendeur étranger doive obtenir un quota avant de pouvoir exporter des marchandises aux États-Unis permet logiquement de conclure que les paiements relatifs au quota font partie du « prix payé ou à payer pour les marchandises lorsqu'elles sont vendues en vue d'être exportées aux États-Unis » .


La preuve ne permet pas de conclure en l'espèce que le fabricant/vendeur était assujetti à une telle obligation ou qu'il l'avait prise à sa charge. D'ailleurs, comme nous l'avons vu, suivant la preuve, le fabricant/vendeur ne s'occupait nullement de quotas.

[12]      Nous ne décelons donc aucune erreur dans la décision à laquelle le TCCE en est arrivée au sujet de la première question en litige.

[13]      La seconde question en litige dans le présent appel porte sur le traitement des sommes versées par les intimées sur le marché d'exportation pour acheter du tissu inutilisé. Les fournisseur de tissus vendent du tissu en quantités minimums de sorte qu'ils se retrouvent souvent avec des excédents de tissu4. Il ressort de la preuve que cet excédent de tissu est demeuré [TRADUCTION] « dans un marché extérieur au Canada » 4 où les intimées l'a vendu à rabais.

[14]      Dans ses motifs, le TCCE s'est demandé si la valeur du tissu inutilisé devait être incluse

dans le prix des marchandises importées aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iii), selon lequel la valeur de certaines marchandises et de certains services fournis par l'acheteur et utilisés lors de la production et de la vente des marchandises produites doit être ajoutée au prix payé ou à payer. Le TCCE a conclu que les sommes payées pour le tissu inutilisé ne tombaient pas sous le coup des dispositions (A) et (C) de cet article :



48(5) The price paid or payable in the sale of goods for export to Canada shall be adjusted

            

(a) by adding thereto amounts, to the extent that each such amount is not already included in the price paid or payable for the goods, equal to

...


(iii) the value of any of the following goods and services, determined in the manner prescribed, that are supplied, directly or indirectly, by the purchaser of the goods free of charge or at a reduced cost for use in connection with the production and sale for export of the imported goods, apportioned to the imported goods in a reasonable manner and in accordance with generally accepted accounting principles :

(A) materials, components, parts and other goods incorporated in the imported goods,


...

(C) any materials consumed in the production of the imported goods, and

48(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :


...


(iii) la valeur, déterminée de façon réglementaire et imputée d'une manière raisonnable et conforme aux principes de comptabilité généralement acceptés aux marchandises importées, des marchandises et services ci-après, fournis directement ou indirectement par l'acheteur des marchandises, sans frais ou à coût réduit, et utilisés lors de la production et de la vente pour exportation des marchandises importées :

(A) matières, composants, pièces et autres marchandises incorporés dans les marchandises importées,

...

(C) matières consommées dans la production des marchandises importées,

[Emphasis added]

[Nous soulignons]

[15]      La conclusion que le TCCE a tirée sous l'alinéa (A) semble être bien fondée, étant donné que le tissu inutilisé est, par définition, un tissu qui n'a pas été incorporé dans les marchandises importées. Il semble également que la conclusion qu'il a tirée sous l'alinéa (C) soit bien fondée, étant donné que le tissu inutilisé n'a pas été « consommé dans la production » des marchandises importées, étant donné qu'il était, par définition, « inutilisé » et que, suivant la preuve, l'excédent de tissu a effectivement été vendu par les intimées, bien qu'à rabais.

[16]      L'appelant soutient essentiellement dans le présent appel que les paiements effectués à des fournisseurs tiers relativement au tissu inutilisé font néanmoins partie du « prix payé ou à payer » pour les marchandises importées au sens de l'article 45. À l'appui de sa thèse, l'appelant a soutenu à nouveau que les paiements avaient été effectués « au profit du vendeur » . Plus précisément, il affirme que les intimées devaient effectuer ces paiements pour que le fabricant/vendeur puisse être en mesure de produire les marchandises en question. Ils ont donc été effectués au profit du fabricant/vendeur.

[17]      Nous avons déjà exprimé notre avis que l'on ne peut donner une interprétation aussi large du mot « profit » que l'on trouve à l'article 45. Ceci étant dit, il semble évident, au vu de l'ensemble des faits de la présente espèce, qu'en incluant le coût du tissu inutilisé dans le prix des marchandises en cause, on ferait fi du libellé du sous-alinéa 48(5)a)(ii), dans lequel le législateur fédéral s'est expressément penché sur le traitement des matières fournies par l'acheteur pour la production de marchandises destinées à l'exportation.

[18]      L'appel sera rejeté avec dépens.

     « Marc Noël »

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

                            

No DU GREFFE :                  A-528-97

INTITULÉ DE CAUSE :              SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     appelant

             et
                         CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION OF ALGO GROUP INC., et MR. JUMP INC., DIVISION OF ALGO GROUP INC.

     intimées

DATES DE L'AUDIENCE :          LE JEUDI 18 MAI 2000 et

                         LE VENDREDI 19 MAI 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :              MONTRÉAL (QUÉBEC)


MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR prononcés à l'audience à Montréal (Québec)

                         par le juge NOËL le vendredi 19 mai 2000


ONT COMPARU :

Me Stephane Lilkoff                      pour l'appelant
Me Michael Kaylor                      pour les intimées

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

                             pour l'appelant

Lapointe Rosenstein

Avocats et procureurs

1250, boul. René-Lévesque Ouest, bureau 1400

Montréal (Québec) H3B 5E9

                             pour les intimées

Tribunal canadien du commerce extérieur

333, avenue Laurier Ouest

Ottawa (Ontario) K1A 0G7



                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE


Date : 20000519


Dossier : A-528-97


                             E n t r e :
                             SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     appelant


                             - et -
                             CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION OF ALGO GROUP INC. AND MR. JUMP INC. DIVISION OF ALGO GROUP INC.

     intimées




                                 MOTIFS DU JUGEMENT
                                     DE LA COUR

                            

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2      Sur ce point, voir les motifs de la décision du TCCE, dossier d'appel, vol. 6, aux pages 4, 5 et 6.

3      Comme on le verra dans les lignes qui suivent, seraient également visés dans ce cas les paiements effectués à des tiers fournisseurs pour le tissu excédentaire.

4      8 Fed. Cir. (T) 132.

5      Les deux parties ont confirmé à l'audience que cet excédent de tissu ne doit pas être confondu avec les retailles ou d'autres rebuts.

6      Dossier d'appel, vol. 4, à la page 499.

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