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Date : 20041201

Dossier : A-221-04

Référence : 2004 CAF 410

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                                   RAM GARG

                                                                                                                                           défendeur

                     Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 1er décembre 2004.

        Jugement prononcé à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 1er décembre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :     LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20041201

Dossier : A-221-04

Référence : 2004 CAF 410

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                                   RAM GARG

                                                                                                                                           défendeur

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

         (prononcés à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 1er décembre 2004)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.


[2]                Le conseil arbitral (le conseil) a estimé que le demandeur, qui exploitait une serre où il cultivait des tomates, avait reçu de l'argent d'un travail autonome alors qu'il touchait des prestations d'assurance-emploi, que l'argent qu'il avait ainsi reçu était un revenu tiré de travaux agricoles qui constituait de la rémunération au sens du paragraphe 15(2) du Règlement sur l'assurance-emploi (le Règlement). En conséquence, le paragraphe 35(10) du Règlement s'appliquait et la répartition de la rémunération non déclarée se soldait par un versement excédentaire de prestations.

[3]                Aux termes de ce paragraphe, le revenu d'un prestataire qui est un travailleur indépendant exerçant un emploi relié aux travaux agricoles équivaut à 15 pour cent du revenu brut tiré des opérations agricoles :         

35(2)      Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu'il faut prendre en compte pour déterminer s'il y a eu un arrêt de rémunération et fixer le montant à déduire des prestations à payer en vertu de l'article 19 ou des paragraphes 21(3) ou 22(5) de la Loi, ainsi que pour l'application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi ...

35(10)      Pour l'application du paragraphe (2), « _revenu_ » vise notamment :

...

b)             dans le cas d'un prestataire qui est un travailleur indépendant exerçant un emploi relié aux travaux agricoles, 15 pour cent du revenu brut qu'il tire, à la fois :

(i) d'opérations agricoles,

(ii) de subventions agricoles qu'il reçoit dans le cadre d'un programme fédéral ou provincial.

35(2)      Subject to the other provisions of this section, the earnings to be taken into account for the purpose of determining whether an interruption of earnings has occurred and the amount to be deducted from benefits payable under section 19 or subsection 21(3) or 22(5) of the Act, and to be taken into account for the purpose of sections 45 and 46 of the Act, are the entire income of a claimant arising out of any employment ...

35(10)      For the purposes of subsection (2), "income" includes

...

(b)           in the case of a claimant who is self employed in farming, 15 percent of the claimant's gross income from

(i)            farming transactions; and

(ii)           any farming subsidies the claimant receives under any federal or provincial program.                  


Ainsi, 15 pour cent du revenu brut de l'agriculteur sont considérés comme de la rémunération aux fins de l'assurance-emploi. Le défendeur a interjeté appel de la décision du conseil devant un juge-arbitre.

[4]                Il y a lieu de signaler que, tant devant le conseil que devant le juge-arbitre, il n'était pas contesté que le défendeur faisait de l'agriculture. Le défendeur a rempli un questionnaire sur l'agriculture dans lequel il a déclaré qu'il cultivait des tomates (voir le dossier du demandeur, à la page 24). Dans ses déclarations fiscales, il a déclaré les revenus qu'il tirait de sa serre comme des revenus d'agriculture (idem, à la page 88). D'ailleurs, ainsi que le juge-arbitre l'a reconnu, la demande de prestations et les appels du défendeur ont constamment été traités en partant du principe que le défendeur était un travailleur indépendant exerçant un emploi relié aux travaux agricoles (voir page 2 de la décision du juge-arbitre).

[5]                Le juge-arbitre a jugé l'affaire sur dossier. Il a confirmé la conclusion du Conseil suivant laquelle le défendeur était un travailleur autonome. Il a toutefois poursuivi en concluant que les activités du défendeur ne constituaient pas de l'agriculture. La seule véritable explication qui a été donnée pour justifier cette conclusion se trouve à la page 2 de la décision, où le juge-arbitre formule les propos suivants au sujet du calcul du revenu en vertu de l'alinéa 35(10)b) du Règlement :

[traduction] La règle est arbitraire en ce qu'elle s'applique que l'agriculteur ait un revenu net ou, dans le cas de M. Garg, une perte.


[6]                Il est incontestable que la règle est parfois sévère. Elle a d'ailleurs fait l'objet de critiques pour cette raison (voir, par exemple, la décision Melnychuk, CUB 54387). Mais, comme le juge MacKay, qui siégeait à titre de juge-arbitre, l'a fait remarquer dans la décision CUB 30339, le Règlement est clair et le juge-arbitre est tenu d'appliquer la loi :

[traduction] Comme on peut le comprendre, le prestataire fait valoir que des considérations administratives ne devraient pas l'emporter sur l'équité, surtout dans un cas comme le sien où il est facile de calculer ses dépenses agricoles à partir des dépenses personnelles qui ressortent de ses dossiers et de ses activités. Bien que je comprenne la frustration du prestataire, le Règlement est clair et il n'est pas loisible au juge-arbitre de s'écarter du libellé clair de la loi.

[7]                Le juge-arbitre a relevé d'office la question de l'agriculture, qui n'avait pas été soulevée par les parties à l'audience. Il n'a pas accordé au demandeur la possibilité de se faire entendre et de formuler des observations sur cette question. Cette façon de procéder du juge-arbitre est répréhensible pour deux raisons.

[8]                Premièrement, elle constitue un manquement à l'équité procédurale au sens de l'alinéa 18.1(4)b) de la Loi sur les Cours fédérales. En second lieu, elle méconnaît la décision que notre Cour a rendue dans l'affaire Procureur général du Canada c. Badwal, A-95-98/A-96-98, 30 octobre 1998 : un juge-arbitre n'est pas et ne peut pas être saisi d'un argument qui n'a pas déjà été soulevé devant le conseil arbitral. Voilà qui suffit pour régler le sort de la présente demande de contrôle judiciaire sans avoir à décider si les activités du défendeur constituaient de l'agriculture.


[9]                Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie sans frais, compte tenu des circonstances de l'espèce. La décision du juge-arbitre est annulée et l'affaire est renvoyée au juge-arbitre en chef ou au juge-arbitre qu'il désignera pour qu'une nouvelle décision soit rendue en partant du principe que l'appel interjeté par le défendeur de la décision du conseil doit être rejeté.

                    « Gilles Létourneau »                  

        Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                A-221-04

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D'UNE DÉCISION RENDUE PAR LE JUGE-ARBITRE R.C. STEVENSON LE 16 FÉVRIER 2004

INTITULÉ :               PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

c.

RAYMON GARG

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 1er décembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :            LES JUGES LINDEN, LÉTOURNEAU ET SHARLOW)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR LE JUGE LÉTOURNEAU

COMPARUTIONS :

Ward Bansley

POUR LE DEMANDEUR

Personne n'a comparu

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg,

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR                                 

Ram Garg (pour son propre compte)

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR


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