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Date : 20060216

Dossier : A-228-05

Référence : 2006 CAF 82

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

HALIFAXEMPLOYERS ASSOCIATION INCORPORATED

demanderesse

et

THE COUNCIL OF ILA LOCALS FOR THE PORTOF HALIFAX

défendeur

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), les 15 et 16 février 2006

Jugement rendu à l'audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 16 février 2006

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20060216

Dossier : A-228-05

Référence : 2006 CAF 82

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

HALIFAX EMPLOYERS ASSOCIATION INCORPORATED

demanderesse

et

THE COUNCIL OF ILA LOCALS FOR THE PORT OF HALIFAX

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 16 février 2006)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Nous sommes saisis d'une demande de contrôle judiciaire relative à une décision (décision de réexamen) qu'un comité du Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) a rendue alors qu'il siégeait en réexamen d'une décision (décision initiale) du Conseil.

[2]                Dans sa décision initiale, le Conseil a conclu, au sujet de la question qui restait à trancher et qui avait été portée à son attention, que les employés occasionnels étaient visés par les descriptions de l'unité de négociation existante, étant donné que la demanderesse n'avait pas réussi à prouver selon la prépondérance des probabilités que ces employés occasionnels devraient être exclus de l'unité de négociation dans les circonstances actuelles : voir la décision initiale, à la page 225 du volume 2 du dossier de la demanderesse.

[3]                La demanderesse a invoqué devant nous un certain nombre de motifs de contrôle de la décision de réexamen, sans toutefois solliciter le contrôle judiciaire de la décision initiale. Cette façon de procéder comporte des difficultés, car la plupart sinon la totalité des motifs de plainte visant la décision de réexamen mettent indirectement en cause la décision initiale. Dans Lamoureux c. Association canadienne des pilotes de ligne, [1993] A.C.F. n ° 1128, la Cour d'appel fédérale a rappelé qu'elle ne révisera pas la décision initiale dans le cadre du contrôle judiciaire d'une décision de réexamen du Conseil : voir le paragraphe 2 du jugement.

[4]                Dans Vidéotron Télécom Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, [2005] A.C.F. n ° 398, 2005 CAF 90, la Cour d'appel fédérale était saisie de la situation inverse. Seule la décision initiale avait été attaquée, et non la décision de réexamen. Notre jugement illustre la sagesse, voire la nécessité, de contester les deux décisions et de solliciter plus tard une réunion des deux demandes de contrôle judiciaire.

[5]                Dans la présente affaire, nous n'avons pas demandé au défendeur de répondre aux motifs de contrôle que la demanderesse avait invoqués, sauf celui qui concerne une erreur de droit et un manquement aux règles de justice naturelle que le comité de réexamen aurait commis.

[6]                La demanderesse soutient d'abord que le comité de réexamen a commis une erreur de droit en omettant de reconnaître que le Conseil n'avait pas respecté les principes de justice naturelle lorsqu'il s'est fondé sur des éléments de preuve présentés dans des demandes antérieures. En second lieu, la demanderesse fait valoir que le comité de réexamen lui-même a commis un manquement aux règles de justice naturelle en ne fournissant aucun motif à l'appui de sa conclusion selon laquelle le Conseil n'avait pas violé les principes en question dans sa décision initiale.

[7]                Le Conseil aurait commis un manquement aux règles de justice naturelle dans sa décision initiale en examinant des éléments de preuve présentés dans des demandes antérieures au sujet des mêmes parties et de la même question en litige. Plus précisément, la demanderesse se fonde sur l'extrait suivant de la décision initiale du Conseil, notamment la partie soulignée, pour affirmer que le Conseil a violé les règles de justice naturelle. L'extrait se trouve au volume 2 du dossier de la demanderesse, à la page 224 :

[TRADUCTION] Il appert d'un examen plus approfondi des demandes actuelles et des demandes d'accréditation initiales par suite desquelles des droits de négociation ont été accordés en 1988 aux trois syndicats dont se compose le Council que des données sur les travailleurs non syndiqués ont été présentées au Conseil tant dans les présentes demandes que dans les demandes initiales. Ainsi, dans une demande qui remonte à 1987, le nombre total d'employés envoyés par le bureau de placement du syndicat a été révélé, lequel renseignement était confidentiel à l'époque. Ces données étaient ventilées selon le nombre d'heures travaillées ainsi que selon le statut de travailleur syndiqué ou non syndiqué des employés occasionnels. Ce qui ressort de l'examen des renseignements, c'est que le comité précédent du Conseil avait étudié les statistiques concernant la répartition de la main-d'oeuvre non syndiquée sans faire état de la moindre exclusion d'employés occasionnels de l'unité de négociation. Dans les présentes demandes, le Conseil a été saisi de données comparables similaires montrant le nombre de travailleurs syndiqués et non syndiqués envoyés par le bureau de placement. Si les données concernant les travailleurs non syndiqués n'avaient pas été pertinentes quant aux demandes, il n'y aurait eu aucune raison de les présenter au Conseil. Dans les deux cas, elles ont été présentées en même temps que les données concernant les employés syndiqués pour démontrer qu'une majorité d'employés travaillant par l'entremise du bureau de placement du syndicat appuyaient une résolution précise. Comment le Conseil doit-il concilier ces éléments de preuve à la lumière des dispositions restreintes de la convention collective et de la formule de renonciation qui régissent (ou limitent sensiblement) les droits du travailleur non syndiqué?

                                                                                                            (Non souligné dans l'original.)

[8]                Le comité de réexamen a analysé la décision initiale du Conseil et n'a pas jugé inconvenant le fait que celui-ci a examiné l'historique des parties au sein des unités de négociation précédentes ainsi que ses décisions antérieures concernant l'inclusion d'employés occasionnels dans certaines unités de négociation : voir la décision de réexamen à la page 5.

[9]                De plus, le comité de réexamen n'a pas jugé répréhensible la remarque du Conseil selon laquelle il convenait d'examiner plus à fond l'évolution historique de ces unités de négociation avant de décider si les employés occasionnels appartenaient ou non à l'unité de négociation en question, compte tenu des arguments relatifs à la stabilité industrielle qui sont souvent invoqués dans les affaires mettant en cause les débardeurs qui travaillent dans des ports canadiens : ibidem, à la page 5.

[10]            Cette enquête de la part du Conseil comportait nécessairement un examen des demandes d'accréditation antérieures et des documents à l'appui de celles-ci. Le Conseil a simplement reconnu l'existence d'éléments de preuve concernant les employés occasionnels dans les demandes d'accréditation antérieures. Il appert d'une lecture de l'ensemble de la décision du Conseil que ces données historiques avaient simplement une valeur d'information pour celui-ci et qu'il n'en a pas tenu compte pour en arriver à sa décision. À notre avis, cette façon d'agir n'est pas illégale ni inéquitable. De fait, la demanderesse n'a pu préciser le moindre préjudice qu'elle a subi en raison de cette façon de procéder du Conseil.

[11]            Le manquement à la justice naturelle qui est reproché au comité de réexamen se trouverait dans l'extrait suivant de la décision de réexamen, à la page 4 :

[TRADUCTION] Le comité initial a tranché la présente affaire sans tenir d'audience. Il avait le droit de procéder de cette façon en vertu de l'article 16.1 du Code. Le comité d'examen estime que les procédures que le comité initial a suivies pour en arriver à sa décision en l'espèce n'allaient pas à l'encontre des principes de justice naturelle.

                                                                                                            (Non souligné dans l'original.)

[12]            La demanderesse soutient qu'il s'agit là d'une conclusion qui n'est appuyée par aucun motif.

[13]            Le Conseil n'est nullement tenu par la loi de motiver ses décisions. Cependant, il n'est pas dégagé de son obligation de ne pas entraver le droit d'une partie de solliciter le contrôle judiciaire des décisions qu'il rend.

[14]            Nous croyons en toute déférence que le comité de réexamen a invoqué suffisamment de motifs à l'appui de sa conclusion selon laquelle le Conseil n'a pas violé les principes de justice naturelle dans le cadre des procédures qu'il a suivies lorsqu'il a révisé et approuvé la démarche du comité initial que nous avons décrite ci-dessus, c'est-à-dire l'examen de l'historique des parties au sein des unités de négociation antérieures et de l'évolution historique des unités elles-mêmes. L'extrait contesté de la décision initiale du Conseil que la demanderesse nous cite fait partie de cette démarche.

[15]            Même si nous en arrivions à la conclusion que la décision du comité de réexamen va à l'encontre des règles de justice naturelle au motif qu'elle n'est pas suffisamment motivée, nous serions disposés à appliquer la conclusion que la Cour suprême du Canada a tirée dans Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, au paragraphe 53 :

Dans Administrative Law (6e éd. 1988), à la p. 535, le professeur Wade examine la notion selon laquelle l'équité procédurale devrait avoir préséance et la faiblesse d'une cause ne devrait pas normalement amener les tribunaux à ignorer les manquements à l'équité ou à la justice naturelle. Il ajoute toutefois ceci :

[TRADUCTION] On pourrait peut-être faire une distinction fondée sur la nature de la décision. Dans le cas d'un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d'ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir.

Dans ce pourvoi, la distinction que propose le professeur Wade est pertinente.

La distinction susmentionnée est également pertinente dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[16]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

« Gilles Létourneau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-228-05

INTITULÉ :                                                    HALIFAX EMPLOYERS ASSOCIATION

                                                                        INCORPORATED c. THE COUNCIL OF ILA

                                                                        LOCALS FOR THE PORT OF HALIFAX

LIEU DE L'AUDIENCE :                              HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATES DE L'AUDIENCE :                          LES 15 et 16 FÉVRIER 2006

MOTIFS DU JUGEMENT                            LE JUGE DÉCARY

DE LA COUR :                                               LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                        LE JUGE SEXTON

RENDUS À L'AUDIENCE :                         LE JUGE LÉTOURNEAU

COMPARUTIONS:

Brian G. Johnston, c.r.

Richard M. Dunlop

POUR LA DEMANDERESSE

Ronald A. Pink, c.r.

Bettina Quistgaard

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Stewart McKelvey Stirling Scales

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LA DEMANDERESSE

Pink Breen Larkin

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DÉFENDEUR

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