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Date : 20040503

Dossier : A-510-02

Référence : 2004 CAF 174

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                            SYLVIE GROLEAU,

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                           défendeur

                                       Audience tenue à Québec (Québec), le 1 avril 2004.

                                        Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 3 mai 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                    LE JUGE DESJARDINS

                                                                                                                              LE JUGE NADON


Date : 20040503

Dossier : A-510-02

Référence : 2004 CAF 174

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                            SYLVIE GROLEAU,

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                La demanderesse attaque par voie de contrôle judiciaire une décision rendue le 30 juillet 2002 par un juge-arbitre. Par cette décision, le juge-arbitre renversait celle d'un conseil arbitral et rétablissait la position prise par la Commission de l'assurance-emploi du Canada (Commission).


[2]                Dans un avis qu'elle avait fait parvenir à la demanderesse, la Commission informait cette dernière, qui, enceinte, s'était prévalue d'un droit de retrait préventif, qu'elle n'avait pas droit à une prolongation de sa période de prestations fondée sur l'alinéa 10(10)d) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (Loi), lequel se lit :

10. (10) La période de prestations qui a été établie au profit d'un prestataire est prolongée du nombre de semaines à l'égard desquelles le prestataire prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, qu'il n'avait pas droit à des prestations parce que, selon le cas :

a) il était détenu dans une prison, un pénitencier ou un autre établissement semblable;

b) il touchait une rémunération versée en raison de la rupture de tout lien avec son ancien employeur;

c) il touchait l'indemnité prévue pour un accident du travail ou une maladie professionnelle;

d) il touchait des indemnités en vertu d'une loi provinciale du fait qu'il avait cessé de travailler parce que la continuation de son travail le mettait en danger ou, dans le cas d'une prestataire, mettait en danger son enfant à naître ou l'enfant qu'elle allaitait.

10. (10) A claimant's benefit period is extended by the aggregate of any weeks during the benefit period for which the claimant proves, in such manner as the Commission may direct, that the claimant was not entitled to benefits because the claimant was

(a) confined in a jail, penitentiary or other similar institution;

(b) in receipt of earnings paid because of the complete severance of their relationship with their former employer;

(c) in receipt of workers' compensation payments for an illness or injury; or

(d) in receipt of payments under a provincial law on the basis of having ceased to work because continuing to work would have resulted in danger to the claimant, her unborn child or a child whom she was breast-feeding.

                                                                                                                                          (je souligne)

[3]                Tant le juge-arbitre que la Commission furent d'avis que la demanderesse n'avait pas réussi à prouver qu'elle n'avait pas droit à des prestations du fait qu'elle touchait de la Commission de la santé et sécurité du travail du Québec (CSST) des indemnités de remplacement du revenu.


[4]                Au terme de ses calculs, la Commission a établi que le taux de prestations hebdomadaires de la demanderesse s'élevait à 413 $ et qu'en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi, la demanderesse pouvait toucher des gains jusqu'à concurrence de 103 $ par semaine sans qu'aucune déduction ne soit faite du montant de ses prestations payables. La demanderesse pouvait donc recevoir 516 $ par semaine. Ces montants ne sont pas en litige.

[5]                Durant sa période de retrait préventif, la demanderesse a reçu de la CSST une indemnité de remplacement du revenu correspondant à 90 % de son salaire net. Tel qu'il s'y était engagé par la convention collective de travail, l'employeur de la demanderesse a versé à cette dernière une somme hebdomadaire de 52 $ en remplacement de cette partie du salaire net que ne couvrait pas l'indemnité de remplacement du revenu payée par la CSST. La demanderesse a donc reçu à chaque semaine la somme de 456 $ ainsi détaillée : CSST 404 $, employeur 52 $. Ces montants ne sont pas en litige. La Commission a déterminé que la demanderesse pouvait obtenir 60 $ de prestations par semaine (516 $ - 456 $), soit la différence entre le montant hebdomadaire qu'elle pouvait recevoir sans la déduction prévue au paragraphe 19(2) et la somme effectivement touchée de la CSST et de l'employeur.

[6]                Je reproduis les paragraphes 11(2) et 19(2) de la Loi qui sont nécessaires à la compréhension des arguments de la demanderesse :



11. (2) Une semaine durant laquelle se poursuit un contrat de louage de services d'un prestataire et pour laquelle celui-ci reçoit ou recevra sa rétribution habituelle pour une semaine entière de travail n'est pas une semaine de chômage, même si le prestataire peut être dispensé de l'exercice de ses fonctions normales ou n'a en fait aucune fonction à exercer à ce moment-là.

11. (2) A week during which a claimant's contract of service continues and in respect of which the claimant receives or will receive their usual remuneration for a full working week is not a week of unemployment, even though the claimant may be excused from performing their normal duties or does not have any duties to perform at that time.

19. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), si le prestataire reçoit une rémunération durant toute autre semaine de chômage, il est déduit des prestations qui lui sont payables un montant correspondant à la fraction de la rémunération reçue au cours de cette semaine qui dépasse 50 $, ou vingt-cinq pour cent de son taux de prestations hebdomadaires si celui-ci est de 200 $ ou plus.

19. (2) Subject to subsections (3) and (4), if the claimant has earnings during any other week of unemployment, there shall be deducted from benefits payable in that week the amount, if any, of the earnings that exceeds

(a) $50, if the claimant's rate of weekly benefits is less than $200; or

(b) 25% of the claimant's rate of weekly benefits, if that rate is $200 or more.

[7]                Dans la présente affaire, la demanderesse soumet deux arguments qui, en apparence, sont indépendants l'un de l'autre au plan de la problématique mais qui, on le verra plus loin, sont en fait interdépendants tant à ce plan qu'à celui de la solution.

[8]                La demanderesse soutient comme premier argument qu'elle n'était pas en chômage au sens du paragraphe 11(2) de la Loi puisqu'elle a reçu sa rémunération habituelle alors qu'elle était en retrait préventif. Donc, conclut-elle, n'étant pas en chômage, je ne pouvais recevoir de prestations et j'ai alors droit à la prolongation de la période de prestations prévue à l'alinéa 10(10)d) de la Loi.


[9]                Avec respect, je crois que la demanderesse se méprend sur les objectifs et la portée de l'alinéa 10(10)d) et du paragraphe 11(2) ainsi que sur la relation existante entre ces deux dispositions.

[10]            Le paragraphe 10(10) détermine les conditions auxquelles une personne en chômage peut obtenir une prolongation de sa période de prestation. L'alinéa 10(10)d) couvre, entre autre, la personne en retrait préventif parce qu'enceinte. Ce paragraphe 10(10) présuppose qu'une personne est en chômage puisqu'il indique qu'une période de prestations a été établie et à quelles conditions celle-ci peut être prolongée. De fait, l'article 9 de la Loi stipule qu'une période de prestations doit être établie au profit de l'assuré qui en fait la demande et qui remplit les conditions prévues à l'article 7. Or, l'article 7 requiert de l'assuré qui fait une demande de prestations qu'il ait subi un arrêt de la rémunération provenant de son emploi. Si, comme le prétend la demanderesse, elle n'est pas en chômage, elle n'a alors pas droit à une période de prestations, encore moins celui à une période de prolongation.

[11]            En outre, l'alinéa 10(10)d) s'applique si la prestataire touchait des indemnités de la CSST. Si, comme elle le soutient, la demanderesse ne touchait pas des indemnités, mais plutôt sa rémunération habituelle au sens du paragraphe 11(2), les conditions de l'alinéa ne sont pas respectées. Au surplus, elle ne peut avoir le statut de prestataire qu'exige le paragraphe 10(10) puisqu'elle n'est pas en chômage.


[12]            En somme, la demanderesse veut que l'on statue qu'elle n'était pas en chômage puisqu'elle recevait sa rémunération habituelle, mais, du même souffle, qu'elle avait droit à une période de prestations et à sa prolongation parce qu'en chômage du fait qu'il y avait eu un arrêt de rémunération.

[13]            Enfin, le paragraphe 11(2) invoqué par la demanderesse traite de rémunération ou rétribution habituelle ( « usual remuneration » ) et ne s'applique pas en l'espèce puisque la demanderesse n'a pas reçu de rémunération, mais bien des indemnités de remplacement du revenu. C'est, d'ailleurs, ce qui fait que l'alinéa 10(10)d) s'applique et que la demanderesse, étant en chômage présumé suite au retrait préventif, peut se prévaloir du bénéfice de la prolongation si les autres conditions du paragraphe 10(10) sont rencontrées.

[14]            La demanderesse prétend, à titre de deuxième motif de contestation de la décision du juge-arbitre, que, dans l'analyse de la répartition de la rémunération, il faut tenir compte de ses revenus bruts et non de ses revenus nets. Si je comprends bien, l'argument qui n'apparaissait pas dans son Mémoire des faits et du droit, qui fut soulevé pour la première fois à l'audience et qui a pris un peu tous les participants par surprise, le raisonnement s'articule ainsi. La demanderesse recevait de son employeur une rémunération brute hebdomadaire de 688 $. Elle aurait eu droit à des gains additionnels de 103 $ par semaine sans que ne s'opère de déductions du montant de ses prestations. Or, elle gagnait 688 $ de sorte qu'elle ne pouvait recevoir de prestations lorsqu'on applique le mécanisme de déduction prévu au paragraphe 19(2).


[15]            Je note en passant que cet argument de la demanderesse postule qu'elle était en chômage, donc qu'il y avait eu arrêt de rémunération provenant de l'emploi, et qu'elle bénéficiait d'une période de prestations. C'est là la condition d'application du paragraphe. Or, si elle était en chômage, elle ne pouvait recevoir de son employeur sa rémunération habituelle. Le fait est que, tel que déjà mentionné, elle n'a pas reçu de son employeur sa rémunération habituelle. Elle a plutôt reçu d'un tiers assureur, la CSST, des indemnités de remplacement du revenu et une rémunération de 52 $ de son employeur qui est inhabituelle dans les circonstances : sur le statut de tiers assureur de la CSST, voir Cité de la Santé de Laval c. Ministre du Revenu national et Lachambre et Trudel, 2004 CAF 119. Ce sont ces sommes hebdomadaires, 456 $ (CSST 404 $, employeur 52 $) qu'elle a effectivement reçues durant sa période de retrait préventif, et ce sont ces sommes qui doivent être prises en compte aux fins de l'application du paragraphe 19(2) de la Loi.

[16]            Pour ces motifs, je rejetterais, avec dépens, la demande de contrôle judiciaire.

                                                                                                                             « Gilles Létourneau »                

                                                                                                                                                     j.c.a.

« Je souscris à ces motifs

Alice Desjardins j.c.a. »

« Je suis d'accord

Marc Nadon j.c.a. »


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                              A-510-02

INTITULÉ :                                             SYLVIE GROLEAU c. LE PROCUREUR                                                                                                 GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                       QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                     1ER AVRIL 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                               LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                            3 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Me Claudine Barabé                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Me Pauline Leroux                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

         

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                          

Lapierre, St-Denis et associés                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Ministère de la justice Canada                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Montréal (Québec)


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