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Date : 20040519

Dossier : A-241-03

Référence : 2004 CAF 199

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

REGROUPEMENT CONSTITUÉ DE L'ASSOCIATION DES PROFESSIONNELLES ET DES PROFESSIONNELS DE LA VIDÉO DU QUÉBEC (APVQ) ET DU SYNDICAT DES TECHNICIENS DU CINÉMA ET DE LA VIDÉO DU QUÉBEC (STCVQ) (MAINTENANT CONNU SOUS LE NOM DE L'ALLIANCE QUÉBÉCOISE DES TECHNICIENS DE L'IMAGE ET DU SON (AQTIS)

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

et

TRIBUNAL CANADIEN

DES RELATIONS PROFESSIONNELLES

ARTISTES-PRODUCTEURS

                                                                                                                                         intervenant

                                Audience tenue à Montréal (Québec), les 18 et 19 mai 2004.

                            Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 19 mai 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20040519

Dossier : A-241-03

Référence : 2004 CAF 199

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

REGROUPEMENT CONSTITUÉ DE L'ASSOCIATION DES PROFESSIONNELLES ET DES PROFESSIONNELS DE LA VIDÉO DU QUÉBEC (APVQ) ET DU SYNDICAT DES TECHNICIENS DU CINÉMA ET DE LA VIDÉO DU QUÉBEC (STCVQ) (MAINTENANT CONNU SOUS LE NOM DE L'ALLIANCE QUÉBÉCOISE DES TECHNICIENS DE L'IMAGE ET DU SON (AQTIS)

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

et

TRIBUNAL CANADIEN

DES RELATIONS PROFESSIONNELLES

ARTISTES-PRODUCTEURS

                                                                                                                                         intervenant

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                           (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 19 mai 2004)


LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Malgré la plaidoirie attrayante de Me Piché, nous sommes d'avis que cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[2]                Le demandeur en l'instance demande à cette Cour de casser la décision rendue le 4 mars 2003 par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (Tribunal). Plus précisément, il nous demande de statuer que les membres des professions suivantes ne contribuent pas directement à la conception de la production d'une oeuvre au sens du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi sur le statut de l'artiste, L.C. 1992, c. 33 (Loi) et de l'article 2 du Règlement sur les catégories professionnelles, DORS/99-191 (Règlement) :

Catégorie 1 : conception de l'image, de l'éclairage et du son :

assistant réalisateur, premier assistant à la réalisation, directeur d'éclairage, preneur de son, bruiteur, infographiste, technicien aux effets spéciaux en infographie;

Catégorie 2 : conception de costumes, coiffures et maquillage :

chef maquilleur, maquilleur, assistant-maquilleur, maquilleur d'effets spéciaux, prothésiste, assistant prothésiste, chef coiffeur, coiffeur, perruquier, costumier;

Catégorie 3 : scénographie :

assistant directeur artistique, chef décorateur, chef accessoiriste, chef peintre, peintre scénique, sculpteur-mouleur, dessinateur, technicien d'effets spéciaux de plateau;

Catégorie 5 : montage et enchaînement :

directeur ou régisseur de plateau (à l'exclusion des directeurs de plateau dans le doublage), régisseur, régisseur d'extérieur, scripte, monteur d'images hors ligne, monteur d'images en ligne, monteur sonore, mixeur de son.

[3]                Les textes législatifs pertinents se lisent :


6(2) La présente partie s'applique_:

a) ...

b) aux entrepreneurs indépendants professionnels - déterminés conformément à l'alinéa 18b)_

(i) ...

(ii) ...

(iii) qui, faisant partie de catégories professionnelles établies par règlement, participent à la création dans les domaines suivants_: arts de la scène, musique, danse et variétés, cinéma, radio et télévision, enregistrements sonores, vidéo et doublage, réclame publicitaire, métiers d'art et arts visuels.

6(2) This Part applies

(a) ...

(b) to independent contractors determined to be professionals according to the criteria set out in paragraph 18(b), and who

(i) ...

(ii) ...

(iii) contribute to the creation of any production in the performing arts, music, dance and variety entertainment, film, radio and television, video, sound-recording, dubbing or the recording of commercials, arts and crafts, or visual arts, and fall within a professional category prescribed by regulation.

      CATÉGORIES PROFESSIONNELLES      

2.(1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l'application du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi, sont établies à l'égard de la création d'une production les catégories professionnelles visées aux alinéas a) à e), qui comprennent les professions dont l'exercice contribue directement à la conception de la production et consiste à effectuer une ou plusieurs des activités décrites aux alinéas respectifs :

a) catégorie 1 : conception de l'image, de l'éclairage et du son;

b)            catégorie 2 : conception de costumes, coiffures et maquillages;

c) catégorie 3 : scénographie;

d) catégorie 4 : arrangements et orchestration;

e) catégorie 5 : recherche aux fins de productions audiovisuelles, montage et enchaînement.

           PROFESSIONAL CATEGORIES           

2.(1) Subject to subsection (2), in relation to the creation of a production, the following professional categories comprising professions in which the practitioner contributes directly to the creative aspects of the production by carrying out one or more of the activities set out in paragraph (a), (b), (c), (d) or (e), respectively, are prescribed as professional categories for the purposes of subparagraph 6(2)(b)(iii) of the Act:

(a) category 1 - camera work, lighting and sound design;

(b) category 2 - costumes, coiffure and make-up design;

(c) category 3 - set design;

(d) category 4 - arranging and orchestrating; and

(e) category 5 - research for audiovisual productions, editing and continuity.


[4] Essentiellement, le demandeur se plaint que le Tribunal a erré en droit dans son interprétation de la Loi et du Règlement en accréditant les professions ci-auparavant mentionnées. Dans son Avis de demande de contrôle judiciaire, il invoque au soutien de sa demande le motif prévu à l'alinéa 18.1(4)c) de la Loi sur les Cours fédérales. Or, le paragraphe 21(1) de la Loi contient une clause privative qui écarte expressément la possibilité d'une révision judiciaire au motif que la décision rendue est entachée d'une erreur de droit, manifeste ou non, au vu du dossier.

[5] Dans son Mémoire des faits et du droit de même qu'à l'audience, le procureur du demandeur a bien tenté de nous convaincre que l'erreur commise par le Tribunal était plutôt de nature juridictionnelle permettant ainsi une révision judiciaire sous l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales : en procédant à l'accréditation des professions déjà mentionnées, le Tribunal aurait excédé sa compétence. À notre humble avis, si erreur il y a eu de la part du Tribunal, ce que nous ne croyons pas, ce serait une erreur commise dans l'exercice de sa juridiction qui n'est pas révisable à cause du paragraphe 21(1) de la Loi.

[6] En effet, le Tribunal était saisi d'une requête en accréditation présentée par le défendeur en vertu de l'article 25 de la Loi. Une de ses fonctions consistait à déterminer si les personnes exerçant les professions déjà mentionnées sont, au sens de la Loi et du Règlement, des entrepreneurs indépendants professionnels qui participent à la création d'une production dans les domaines énumérés à l'article 1 du Règlement. Dans l'exercice de cette fonction, le Tribunal s'est demandé « s'il était possible de cerner l'apport créatif du travail de l'individu dans l'ensemble de la production et si la nature du travail "donne vie" aux idées d'un concepteur » : voir le paragraphe 306 de la décision. Afin de déterminer si une profession donnée fait partie d'une des catégories professionnelles énumérées au Règlement, le Tribunal a énuméré, au paragraphe 307 de sa décision, les critères suivants :


a)     la nature des tâches;

b)     le fait que l'on puisse identifier un produit fini original qui résulte d'une habilité artistique;

c)     le fait que le résultat du travail contribue à donner vie ou à concrétiser la vision du réalisateur, d'un concepteur ou d'un autre créateur;

d)     l'influence que peut exercer l'individu compte tenu du rapport hiérarchique de la fonction dans le cadre de la production.

[7] Le procureur du demandeur soumet qu'en retenant ces critères, le Tribunal a édulcoré, voire dénaturé, le sens des mots « production » , « conception » et « directement » que l'on retrouve au paragraphe 2(1) du Règlement. Il a substitué à l'obligation de contribuer directement à la conception de la production une obligation, beaucoup moins exigeante, de contribuer indirectement à la réalisation de la production d'une oeuvre. Le demandeur prend appui, pour sa prétention, sur le texte français du paragraphe 2(1) du Règlement où les termes « creative aspects of the production » , que l'on retrouve dans la version anglaise, ont été rendus en français par l'expression « conception de la production » , laquelle est beaucoup plus restrictive et moins englobante au niveau du nombre des professions qui participent à la création d'une production que les termes utilisés en anglais.


[8] Avec respect, nous croyons que l'approche adoptée par le Tribunal quant à la détermination des professions visées par le paragraphe 2(1) est conforme à l'objectif recherché par le législateur au sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi et dans la version anglaise du paragraphe 2(1) du Règlement. Tant le texte français que le texte anglais du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi (contribute to the creation of any production) réfèrent à une « participation à la création » dans les domaines qui y sont énumérés. Ce concept relatif à la « création d'une production » est aussi repris dans les versions anglaise et française du paragraphe 2(1) du Règlement. La seule dissonance, et on la retrouve audit paragraphe 2(1), provient de l'utilisation soudaine en français du terme « conception » de la production, au lieu de « création d'une production » , pour exprimer la contribution que doit apporter une profession pour faire partie des catégories professionnelles visées aux alinéas a) à e) de ce paragraphe. Or, pour sa part, le texte anglais « contributes directly to the creative aspects of the production » continue de faire référence à la notion de « création d'une production » et à une contribution directe aux aspects créatifs de cette production.

[9] En somme, une contribution directe à la création d'une production, et non une contribution directe à la conception d'une production, s'avère être le commun dénominateur que l'on retrouve dans les versions anglaise et française de ces dispositions législatives et réglementaires. C'est ce concept commun aux deux versions que le Tribunal a retenu et nous ne pouvons conclure qu'il s'est mépris en ce faisant, encore moins qu'il a excédé sa compétence.

[10]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

            « Gilles Létourneau »           

                                                                                                     j.c.a.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                           

DOSSIER :                A-241-03

INTITULÉ :               PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                          demandeur

et

REGROUPEMENT CONSTITUÉ DE L'ASSOCIATION DES PROFESSIONNELLES ET DES PROFESSIONNELS DE LA VIDÉO DU QUÉBEC (APVQ) ET DU SYNDICAT DES TECHNICIENS DU CINÉMA ET DE LA VIDÉO DU QUÉBEC (STCVQ) (MAINTENANT CONNU SOUS LE NOM DE L'ALLIANCE QUÉBÉCOISE DES TECHNICIENS DE L'IMAGE ET DU SON (AQTIS)

                                                     

                                                                                           défendeur

et

TRIBUNAL CANADIEN

DES RELATIONS PROFESSIONNELLES

ARTISTES-PRODUCTEURS

                                                                                         intervenant

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    Le 18 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :           (LES JUGES DESJARDINS, LÉTOURNEAU, PELLETIER)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :        LE JUGE LÉTOURNEAU


COMPARUTIONS:

Me Raymond Piché

POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Payette

POUR LE DÉFENDEUR

Me Robert Monette

POUR L'INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                          

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Payette

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

POUR L'INTERVENANT


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