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Date : 20040421

Dossier : A-103-04

Référence : 2004 CAF 162

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                            INFONET SERVICES CORPORATION

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                MATROX ELECTRONIC SYSTEMS LTD., MATROX, INC., MATROX

       GRAPHICS INC., MATROX VIDEO LTD., MATROX IMAGING LTD., CAPITAL

                        NETWORKS LIMITED ET DIGIMATION INCORPORATED

                                                                                                                                              intimées

                                      Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 21 avril 2004.

                             Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 21 avril 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :                                                    LE JUGE STONE


Date : 20040421

Dossier : A-103-04

Référence : 2004 CAF 162

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                            INFONET SERVICES CORPORATION

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                MATROX ELECTRONIC SYSTEMS LTD., MATROX, INC., MATROX

       GRAPHICS INC., MATROX VIDEO LTD., MATROX IMAGING LTD., CAPITAL

                        NETWORKS LIMITED ET DIGIMATION INCORPORATED

                                                                             

                                                                                                                                              intimées

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                                (prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le 21 avril 2004)

LE JUGE STONE


[1]                Le présent appel non contesté est interjeté à l'égard d'une ordonnance en date du 28 janvier 2004 par laquelle la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l'action de l'appelante parce que celle-ci n'avait pas exposé les raisons pour lesquelles l'action ne devrait pas être rejetée pour cause de retard. L'ordonnance est partiellement libellée comme suit : [traduction] « L'action est rejetée pour cause de retard » . Le juge des requêtes n'a invoqué aucun motif à l'appui de l'ordonnance.

[2]                L'action, qui concerne la contrefaçon d'une marque de commerce, a été engagée au moyen d'une déclaration déposée au début de décembre 2002. La défense et la demande reconventionnelle ont été déposées à la fin de janvier 2003. La défense de la demanderesse à la demande reconventionnelle a été déposée vers la fin de février de la même année. Le 23 avril 2003, les parties se sont échangé des affidavits de documents et, en juin, elles ont convenu d'envisager la possibilité de régler le différend. Cependant, ce n'est que le 16 décembre 2003 que les premières négociations formelles en vue d'un règlement ont eu lieu. Entre le 23 octobre 2003 et le 16 décembre de la même année, les parties ont pu conclure une entente de non-divulgation qui leur a permis de s'échanger des renseignements pertinents tout en tentant de régler le différend. N'ayant pu en arriver à un accord le 16 décembre 2003, elles ont fixé une autre rencontre pour poursuivre leurs négociations le 14 janvier 2004.


[3]                Le 18 décembre 2003, l'administrateur a signifié l'avis d'examen d'état de l'instance prévu à la Règle 381 dans lequel il sommait l'appelante de déposer, au plus tard le 19 janvier 2004, des observations écrites au sujet des raisons pour lesquelles l'action ne devrait pas être rejetée pour cause de retard. L'administrateur a également précisé dans cet avis que plus de 360 jours s'étaient écoulés depuis le dépôt de la déclaration et qu'aucune demande de conférence préparatoire n'avait été produite. Le 5 janvier 2004, l'appelante a signifié et déposé des observations écrites dans lesquelles elle a résumé les mesures que les parties avaient prises relativement aux actes de procédure et à la communication de documents ainsi que les démarches qu'elles avaient entreprises pour en arriver à un règlement selon la description qui précède. L'appelante a ensuite proposé le plan d'action suivant au paragraphe 7 des observations :

[TRADUCTION] Les parties ont tenté et continuent à tenter de bonne foi de régler les questions qui les opposent. Si aucun règlement ne peut être conclu malgré des efforts concertés en ce sens, la demanderesse compte poursuivre l'action et planifier des interrogatoires préalables des défenderesses.

[4]                La Règle 380 autorise la Cour à fixer la date et l'heure d'un examen de l'état de l'instance dans les cas décrits dans cette disposition, notamment « si aucune partie n'a déposé de demande de conférence préparatoire aux termes de la Règle 258 et que 360 jours se sont écoulés depuis la délivrance de la déclaration » . La Règle 382 accorde un large pouvoir discrétionnaire au juge ou protonotaire qui préside l'examen de l'état de l'instance. Elle prévoit en effet que la Cour peut rejeter l'instance pour cause de retard ou permettre que celle-ci soit poursuivie et ordonner, en pareil cas, qu'elle le soit « à titre d'instance à gestion spéciale » .

[5]                Dans Baroud c. Canada (1998), 160 F.T.R. 91 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 4 et 5, le juge Hugessen a proposé le critère à deux volets suivant à appliquer pour l'exercice du pouvoir discrétionnaire en application de la Règle 382 :

En décidant de la façon dont elle doit exercer le large pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de la règle 382 à la fin d'un examen de l'état de l'instance, la Cour doit, à mon avis, se préoccuper principalement de deux questions :

(1) Quelles sont les raisons pour lesquelles l'affaire n'a pas avancé plus vite et justifient-elles le retard qui a eu lieu?


(2) Quelles mesures le demandeur propose-t-il maintenant pour faire avancer l'affaire?

Les deux questions sont clairement en corrélation en ce sens que s'il existe une excuse valable justifiant que l'affaire n'ait pas progressé plus rapidement, il n'est pas probable que la Cour soit très exigeante en requérant un plan d'action du demandeur. D'autre part, si aucune raison valable n'est invoquée pour justifier le retard, le demandeur devrait être disposé à démontrer qu'il reconnaît avoir envers la Cour l'obligation de faire avancer son action. De simples déclarations de bonne intention et du désir d'agir ne suffisent clairement pas.

[6]                Nous estimons qu'en l'absence de motifs à l'appui de l'ordonnance du 28 janvier 2004 par laquelle l'action a été rejetée pour cause de retard, il est impossible pour la Cour d'appel d'examiner cette ordonnance en bonne et due forme afin de décider si le critère énoncé dans l'affaire Baroud a été appliqué de façon consciencieuse. Comme nous l'avons vu, le juge des requêtes a été saisi d'observations écrites déposées en réponse à l'avis d'examen de l'état de l'instance. Pourtant, les explications que l'appelante a données au sujet du retard et du plan d'action qu'elle a proposé n'ont pas été commentées de manière explicite. Dans les circonstances, nous sommes d'avis que l'intervention de la Cour est justifiée et que celle-ci devrait exercer à nouveau le pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 382 en rendant le jugement que la Cour fédérale aurait dû rendre : voir Grenier c. Canada, [2001] A.C.F. n ° 147 (n ° de greffe A-474-00) (C.A.).


[7]                L'appelante allègue qu'elle a agi conformément à l'esprit de la Règle 257 après la clôture des actes de procédure en s'engageant dans des pourparlers de règlement et que, effectivement, la Règle 258 prévoit qu'une discussion de conciliation doit avoir eu lieu avant qu'une demande de conférence préparatoire puisse être présentée en vue de faire avancer l'action vers l'instruction. Dans la présente affaire, l'appelante aurait dû, après la clôture des actes de procédure, tenter de fixer les interrogatoires préalables des intimées conformément à la Règle 236. Rien n'empêchait l'appelante de le faire, même si les parties tentaient de régler le litige à l'amiable. L'appelante a énoncé un plan d'action dans les observations écrites qu'elle a remises au juge des requêtes. Le plan est plutôt imprécis, étant donné qu'il ne prévoit aucune date limite quant à la fin des négociations ou au début des interrogatoires préalables. Par ailleurs, il n'est pas entièrement fallacieux et représente à notre avis une reconnaissance par l'appelante de son obligation de faire avancer l'action ainsi qu'un engagement sincère en ce sens. Il appert nettement du dossier que le retard en question représente huit mois ou moins et que, même si aucune mesure n'a été prise conformément aux Règles pendant cette période pour faire avancer l'action vers la tenue de l'instruction, les parties ont entrepris de bonne foi des négociations afin de régler leur différend, comme elles devaient le faire en vertu des Règles. De plus, l'action elle-même a été engagée moins de 14 mois avant son rejet le 28 janvier 2004. La Cour est disposée à permettre que l'action se poursuive, mais uniquement à la condition que, si aucune demande de conférence préparatoire n'est déposée au plus tard le 1er septembre 2004, l'administrateur signifiera un autre avis d'examen d'état de l'instance conformément à la Règle 381.


[8]                En conséquence, l'appel sera accueilli, l'ordonnance datée du 28 janvier 2004 de la Cour fédérale sera annulée et l'action pourra se poursuivre à la condition que, si aucune demande de conférence préparatoire n'est déposée au plus tard le 1er septembre 2004, l'administrateur signifiera un autre avis d'examen d'état de l'instance conformément à la Règle 381.

                                                                                 « A.J. STONE »                       

                                                                                                    Juge                              

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                            COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                A-103-04

APPEL D'UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA RENDUE LE 28 JANVIER 2004, N ° DE GREFFE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA T-2034-02

INTITULÉDE LA CAUSE :                                    INFONET SERVICES CORPORATION c. MATROX ELECTRONIC SYSTEMS LTD. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                       21 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :           (Les juges Stone, Sexton et Evans)

PRONONCÉS ÀL'AUDIENCE :                           Le juge Stone

COMPARUTION:

Barbara A. McIsaac, c.r.                                                       POUR L'APPELANTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault s.r.l.                                                           POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)


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