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Date : 20040518

Dossier : A-504-03

Référence : 2004 CAF 195

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE NADON

LE JUGE SHARLOW                       

ENTRE :

                                     OLYMPIA INTERIORS LTD. et MARY DAVID

                                                                                                                                          Appelants

                                                                           et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                                                                             

                               

                                       Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 mai 2004

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                          LE JUGE STONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                    LE JUGE NADON

LE JUGE SHARLOW


Date : 20040518

Dossier : A-504-03

Référence : 2004 CAF 195

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE NADON

LE JUGE SHARLOW                       

ENTRE :

                                     OLYMPIA INTERIORS LTD. et MARY DAVID

                                                                                                                                           appelants

      

                                                                       et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STONE

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 40 de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. 7 (la Loi) à l'encontre d'une ordonnance rendue par la Cour fédérale le 7 août 2001. Les motifs de l'ordonnance rendue par le juge Dawson sont publiés intégralement à (2001), 209 F.T.R. 182, 2001 CFPI 859.

[2]                Par cette ordonnance, il est interdit aux appelants d'engager ou de continuer des instances devant la Cour fédérale sans l'autorisation de la Cour.


[3]                Le paragraphe 40(1) de la Loi autorise la Cour à rendre une pareille ordonnance si elle est « convaincue [...] qu'une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d'une instance » .

[4]                Il n'est pas nécessaire en l'espèce d'examiner la longue liste des instances qui ont été introduites par les appelants et sur laquelle la juge Dawson a fondé sa décision de rendre l'ordonnance contestée. Cette liste est examinée de manière exhaustive dans les motifs de cette ordonnance. En bref, les appelants ont poursuivi des instances devant l'ancienne Section de première instance pendant plus de 13 ans. La première instance a été introduite en 1991 et consistait en une demande en dommages-intérêts pour une poursuite abusive, négligence et violation des droits reconnus par la Charte découlant d'accusations criminelles pour lesquelles il y a eu arrêt ou retrait des procédures de la part de la Couronne. Cette instance a été rejetée pour une question de forme. Une nouvelle instance a été introduite en 1992 et on demandait dans celle-ci des recours extraordinaires, notamment un jugement déclaratoire découlant de la poursuite pénale qui a été retirée. L'instance a été rejetée par le juge MacKay dans un jugement daté du 31 mars 1999 après un procès qui a duré 16 jours. La Cour a rejeté l'appel interjeté à l'encontre de ce jugement et la demande de pourvoi à la Cour suprême du Canada ainsi que la requête en réexamen du refus d'accorder l'autorisation ont été rejetées.


[5]                Une deuxième et troisième instance ont été introduites par les appelants en août et octobre 1995. Dans ces instances, les appelants demandaient l'annulation de deux certificats ministériels qui, lors du dépôt, sont devenus des ordonnances de la Cour. En vertu de l'un de ces certificats, les appelants étaient tenus de payer et de verser au gouvernement du Canada des montants qui n'avaient pas été versés à titre de taxe sur les produits et services en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (GST-41-92). En vertu de l'autre certificat, les appelants étaient tenus de remettre l'impôt sur le revenu à l'égard des employés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (ITA-8447-92). Ces instances ont éventuellement échoué malgré une tentative en 1996 de les relancer par de nouvelles demandes de contrôle judiciaire. Comme les motifs de la juge Dawson l'indiquent également, au sein de ces deux principales procédures, il y a eu de nombreuses procédures interlocutoires qui ont été engagées par les appelants.


[6]                Le pouvoir conféré à la Cour par le paragraphe 40(1) de la Loi est, évidemment, très extraordinaire, tant et si bien qu'il doit être exercé avec modération et avec la plus grande prudence. Dans une société comme la notre, le sujet a généralement le droit d'avoir accès aux cours de justice en vue de faire valoir ses droits. Les législateurs avaient cette question à l'esprit lorsqu'ils ont vu à ce qu'un certain équilibre soit introduit dans l'article 40 en permettant que des instances soient engagées ou continuées avec l'autorisation de la Cour. Il a été mentionné ce qui suit dans la décision Law Society of Upper Canada c. Chavali (1998), 21 C.P.C. (4th) 20, au paragraphe 20, en rapport avec la loi parallèle qui existe en Ontario : [traduction] « l'ordonnance donne le contrôle de la procédure à la Cour » . Le résultat final est qu'une personne qui fait l'objet d'une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 40(1) n'est pas entièrement empêchée d'engager une nouvelle instance ou de continuer une instance en cours. Elle doit d'abord obtenir la permission de la Cour pour procéder.

[7]                Ni dans le mémoire des faits et du droit, ni dans la plaidoirie, les appelants n'ont contesté directement l'ordonnance faisant l'objet de l'appel au motif qu'une erreur aurait été commise. Toutefois, dans leur avis d'appel, ils ont demandé que l'ordonnance soit « annulée » . En revanche, dans leurs observations écrites les appelants demandent que la Cour se prononce sur la validité constitutionnelle du certificat ministériel GST-41-92, qu'elle adjuge aux appelants les dépens qu'ils ont engagés pour assurer leur défense contre les accusations criminelles et qu'elle détermine si l'intimée a déclaré forfait leur droit de demander l'arbitrage des cotisations de taxe de vente et de la dette établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Manifestement, il ne s'agit pas de questions qui découlent de l'ordonnance datée du 7 août 2001; il ne s'agit pas non plus d'un argument complètement nouveau qui conteste la constitutionnalité de l'article 40 de la Loi. Ce dernier argument dépasse manifestement la compétence de la Cour de juger en ce sens qu'un avis de question constitutionnelle n'a pas été donné en vertu de l'article 57 de la Loi. Il faut ajouter que le texte complet de l'observation écrite des appelants semble constituer une tentative de débattre à nouveau des questions qui ont déjà été tranchées par la Cour ou qui sont des questions qui auraient dû être soulevées dans une instance antérieure.


[8]                La Cour doit être convaincue que la Cour fédérale a correctement exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 40 lorsqu'elle a rendu l'ordonnance faisant l'objet de l'appel. Dans un appel, comme celui en espèce, interjeté à l'encontre d'une ordonnance discrétionnaire rendue par un juge de première instance, le critère d'examen comme l'a énoncé la Cour suprême du Canada consiste à savoir si « le juge a accordé suffisamment d'importance à toutes les considérations pertinentes » : Reza c. Canada, [1994] 2 R.C.S. 394, page 404. Il semble que la juge Dawson a accordé suffisamment d'importance à toutes les considérations pertinentes lorsqu'elle a exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 40.


[9]                L'ordonnance rendue par la juge Dawson ne doit pas être modifiée. Elle a fait un examen approfondi et minutieux de l'historique de l'instance qui a précédé la demande présentée en vertu de l'article 40. Compte tenu du dossier dont elle a été saisie, elle n'a pas commis d'erreur en décidant qu'une ordonnance prévue à l'article 40 devrait être rendue. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la juge Dawson s'est fondée sur des décisions rendues par des cours ontariennes en rapport avec le pouvoir prévu au paragraphe 140(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990 ch. C.43. Le libellé de ce paragraphe ressemble beaucoup à celui du paragraphe 40(1) de la Loi. La juge Dawson s'est donc fondée jusqu'à un certain point sur la jurisprudence ontarienne : Foy c. Foy (No.2) (1979), 102 D.L.R. (3d) 342 (C.A. Ont.); Re Lang Michener et al. and Fabian et al. (1987), 59 O.R. (2d) 353 (H.C.J.); Mishra c. Ottawa (City), [1997] O.J. no 4352 (C. Ont., Div. gén.); Re Mascan Corp. and French (1988), 49 D.L.R. (4th) 434 (C.A. Ont.). Elle a également tenu compte de la décision rendue par le juge Nadon, alors juge à la Section de première instance, dans Canada (Procureur général) c. Mishra, [1998] A.C.F. no 562 (T-617-98) (1re inst.).

[10]            Avant d'en terminer avec l'appel, il y a également lieu de souligner que rien dans le dossier ne permet d'affirmer que les appelants ont en aucun moment agi avec malveillance en rapport avec l'instance antérieure ou avec le présent appel. Mme David a volontiers reconnu qu'elle ne s'y retrouvait pas dans le processus judiciaire et que cela se comprend étant donné qu'elle n'est pas avocate. Il est vrai que les appelants ont introduit un bon nombre d'instances en Cour au cours des dernières années. Toutefois, selon eux, ils ont fait cela parce qu'ils demandaient qu'on leur rende la justice qu'ils méritaient et pour tenter de faire valoir leurs droits. La plus grande partie de l'instance a été menée par les appelants en personne sans l'aide d'un avocat. La conduite d'une instance représente sans aucun doute un défi, même pour un habile praticien, et ce l'est encore plus pour la partie qui n'est pas représentée par un avocat. Cela est devenu évident à l'audience du présent appel, lorsque le tribunal a pris le temps d'expliquer la préoccupation de la Cour quant à l'identification d'une erreur possible qui justifierait son intervention. La difficulté en l'espèce est que les appelants ont pris l'habitude de tenter de débattre à nouveau des questions qui avaient en bout de ligne été tranchées en leur défaveur. Dans les circonstances de l'espèce, cela suffit à démontrer que les appelants se sont comportés de manière vexatoire.


[11]            Pour les motifs qui précèdent, l'appel doit être rejeté. L'intimée a tardé à déposer un mémoire des faits et du droit et elle a demandé une prorogation de délai. En effet, ce n'est qu'en vertu de l'ordonnance accordant une prorogation de délai, laquelle ordonnance a été rendue le 6 mai 2004, que l'intimée a finalement pu déposer et signifier un mémoire de faits et de droit. Dans l'intervalle, les appelants ont été laissés dans l'ignorance concernant les motifs précis pour lesquels on empêchait l'appel. Dans les circonstances, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.

    « Arthur J. Stone »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

    Marc Nadon, juge »

« Je souscris aux présents motifs

   Karen Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  A-504-03

INTITULÉ :                                                 OLYMPIA INTERIORS LTD et MARY DAVID           et

SA MAJESTÉ LA REINE          

LIEU DE L'AUDIENCE :                           TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                         LE 11 MAI 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                     LE JUGE STONE

Y ONT SOUSCRIT :                                   LES JUGES NADON ET SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                LE 18 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Mary David                                                    POUR LES APPELANTS, EN SON PROPRE NOM

Bryan C. McPhadden                                     POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mary David

Orillia (Ontario)                                             POUR LES APPELANTS, EN SON PROPRE NOM

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                POUR L'INTIMÉE


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