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Date : 20050413

Dossier : A-677-04

Référence : 2005 CAF 131

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                       DOMINIQUE FOURNIER

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                             

                                                                                                                                                intimée

                                      Audience tenue à Montréal (Québec), le 7 avril 2005.

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 avril 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                 LE JUGE NOËL

                                                                                                                              LE JUGE NADON


Date : 20050413

Dossier : A-677-04

Référence : 2005 CAF 131

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                       DOMINIQUE FOURNIER

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                             

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                L'appelant en appelle d'un jugement du juge Archambault de la Cour canadienne de l'impôt (juge) qui lui est favorable et m'apparaît plutôt généreux dans les circonstances. Le juge a donné le bénéfice du doute à l'appelant quant à certains crédits de taxe sur les intrants (CTI) relativement à une camionnette et à un véhicule tout terrain que l'appelant disait utiliser presqu'exclusivement pour la conduite de ses affaires. Il a aussi annulé une pénalité imposée à l'appelant en vertu de l'article 285 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, chap. E-15, (Loi).


[2]                Ceci dit, de quoi alors se plaint donc l'appelant ?

Les questions en litige

[3]                L'appelant reproche au juge d'avoir rejeté une requête en irrecevabilité qu'il a présentée à l'audition de sa cause en Cour canadienne de l'impôt, d'avoir aussi rejeté sa demande reconventionnelle, d'avoir changé d'opinion quant à la prescription d'une partie de la réclamation faite par l'intimée, et, enfin, d'avoir maintenu une pénalité en vertu de l'article 280 de la Loi, lequel sanctionne le retard ou le défaut de verser un montant dû. L'article 280 se lit :

Pénalité et intérêts

280. (1) Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer la pénalité et les intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l'expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement_:

a) une pénalité de 6_% par année;

b) des intérêts au taux réglementaire.

Penalty and interest

280. (1) Subject to this section and section 281, where a person fails to remit or pay an amount to the Receiver General when required under this Part, the person shall pay on the amount not remitted or paid

(a) a penalty of 6% per year, and

(b) interest at the prescribed rate,

computed for the period beginning on the first day following the day on or before which the amount was required to be remitted or paid and ending on the day the amount is remitted or paid.

À des fins purement utilitaires, l'emploi des mots cotisations ou avis de cotisations dans les présents motifs réfère au capital, aux intérêts et aux pénalités. Reprenons chacun des reproches de l'appelant.


Le contexte entourant le débat en Cour canadienne de l'impôt

[4]                L'appelant s'est représenté seul en Cour canadienne de l'impôt et devant nous. Comme le signale à juste titre le juge dont la décision fait l'objet de l'appel, l'appelant a refusé, dans un premier temps, de collaborer avec les vérificateurs du ministère du Revenu national, frustrant ainsi leur travail légitime de vérification et rendant l'appel en Cour canadienne de l'impôt indûment long et inutilement complexe.

[5]                Vu l'absence de vérification préalable des 4950 factures que l'appelant voulait voir discutées en cours d'audition devant la Cour canadienne de l'impôt, le juge s'est efforcé d'organiser une rencontre préalable entre les parties, ne serait-ce que pour opérer une classification et un regroupement utiles des factures en fonction des problèmes qu'elles pouvaient soulever. À nouveau, l'appelant n'a pas collaboré à cette étape pourtant nécessaire de sorte que, pour utiliser les termes du juge, « rien ou presque rien n'a été accompli avant l'audition de l'appel » . C'est au terme de cette absence de collaboration de sa part qu'au début de l'audition, l'appelant a présenté sa requête en irrecevabilité.

La requête en irrecevabilité


[6]                Cette requête en irrecevabilité visait à faire rejeter les avis de cotisation du ministre, au motif qu'ils étaient mal fondés en faits et en droit. Or, cette requête fut présentée dans le cadre des procédures d'appel à l'encontre de ces mêmes cotisations, alors que le but de ces procédures était précisément de déterminer si les cotisations étaient bien fondées en faits et en droit. Le juge n'avait donc pas tort de la rejeter comme prématurée puisque, pour en disposer au mérite, il lui fallait procéder à l'audition et à l'analyse de la preuve relative aux avis de cotisation, ce qui était l'objectif même de l'appel à l'encontre des cotisations. Cette requête était non seulement prématurée comme en a décidé le juge, elle était, dans les circonstances, futile, inutile et coûteuse en temps et ressources.

La demande reconventionnelle

[7]                L'appel de l'appelant à l'encontre des avis de cotisation était accompagné d'une demande reconventionnelle en dommages-intérêts de 32 624 276,62 $ et en dommages exemplaires de 100 000 $. Il est inutile de fournir les détails et la ventilation de ces montants, sauf à dire qu'ils se composent de sommes réclamées dans différentes poursuites intentées en Cour supérieure du Québec, dont certaines furent rejetées : voir les paragraphes 2 et 3 de la décision du juge. En outre, certaines de ces réclamations en justice visaient le Procureur général du Québec et des organismes de juridiction provinciale (ex. Centre Jeunesse de l'Estrie, Centre Notre-Dame de l'Enfant Sherbrooke inc.).


[8]                Le juge a fait preuve de beaucoup de patience en expliquant à l'appelant, en long et en large, pendant plus de deux heures, les raisons pour lesquelles la Cour canadienne de l'impôt ne possédait pas la compétence pour entendre et disposer de sa demande reconventionnelle. Je mentionne en passant que nous n'avons guère eu plus de succès dans notre tentative de reprendre les explications là où le juge avait échoué quant aux limites de la compétence de la Cour canadienne de l'impôt.

[9]                Auparavant, avant même qu'il ne présente, en Cour canadienne de l'impôt, sa demande en dommages-intérêts, l'appelant avait été informé par l'agent des appels qu'une demande de ce genre ne pouvait être faite dans le contexte d'un appel à l'encontre de cotisations. Malgré tout cela, sachant que sa demande était irrecevable, l'appelant a insisté, lors de sa plaidoirie en Cour canadienne de l'impôt, pour réitérer sa demande de dommages-intérêts.

[10]            Le juge a qualifié « d'entêtement outrancier et abusif » et de « conduite vexatoire qui a fait perdre beaucoup de temps à la Cour » le comportement de l'appelant. D'une durée prévue d'une journée, l'audition de l'appel en Cour canadienne de l'impôt n'a pu être complétée qu'après deux journées entières, à raison de onze (11) heures par jour.

[11]            Le juge s'est dit sans compétence pour imposer des frais à un appelant qui retarde inutilement le déroulement d'un appel intenté dans le cadre de la procédure informelle. Je signale que la Cour canadienne de l'impôt possède le pouvoir inhérent de prévenir et de contrôler un abus de ses procédures : voir Yacyshyn c. Canada, [1999] A.C.F. no. 196 (C.A.F.).


[12]            Or, l'adjudication de frais ou dépens se veut l'un des mécanismes de prévention ou de réparation des abus de délai ou de procédure : voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, aux paragraphes 179 et 183. Dans l'affaire Sherman c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] 4 C.F. 865, au paragraphe 46, cette Cour écrit en rapport avec la question :

Il est maintenant généralement reconnu que l'adjudication des dépens peut remplir plus d'une fonction. En vertu des règles contemporaines, l'adjudication des dépens peut servir à réglementer, à indemniser et à dissuader. Elle réglemente en encourageant les plaideurs à en arriver à un règlement tôt dans le processus et à faire preuve de retenue. Elle décourage les comportements et litiges impétueux, futiles et abusifs. Elle vise à indemniser, du moins en partie, la partie qui a eu gain de cause et qui a parfois engagé de grosses dépenses pour faire valoir ses droits.

                                                                                                                                          (je souligne)

[13]            Le juge n'a commis aucune erreur en rejetant la demande reconventionnelle de l'appelant pour absence de compétence.

La prescription


[14]            Au moment des plaidoiries, le juge a soulevé l'hypothèse selon laquelle il lui semblait qu'une partie de la cotisation, soit d'avril 1996 au 30 juin 1997, était prescrite, étant donné la période de prescription de quatre ans prévue pour les cotisations à l'article 298 de la Loi. La question de la prescription n'avait pas été soulevée par les parties au litige. Le juge s'est par la suite ravisé lorsqu'il a réalisé qu'il lui était impossible de déterminer le point de départ de la prescription parce qu'il n'y avait au dossier aucune preuve quant à la date où l'appelant a produit ses déclarations de TPS pour les périodes en litige : voir le paragraphe 38 de sa décision. Dans les circonstances, comme il ne s'agissait pas d'une question soulevée par l'appelant et comme l'intimée n'avait présenté aucune preuve sur la question et n'avait même eu aucune opportunité de le faire, le juge s'est dit d'avis qu'il en résulterait un manquement à l'équité procédurale si, à ce stade tardif des procédures, il s'avisait d'annuler une partie des cotisations pour un motif de prescription.

[15]            Le juge a eu raison de s'abstenir d'adjuger sur cette question qui n'était pas en litige et de prendre une conclusion contre l'intimée en violation de l'équité procédurale et surtout en l'absence totale de preuve quant au point de départ de la prescription. Il était tenu de juger en fonction du droit et de la preuve et non sur la foi d'une impression première.

Le maintien de la pénalité sous l'article 280 de la Loi

[16]            Le juge a maintenu la pénalité de l'article 280 imposée pour un défaut ou un retard à verser un montant dû. Je ne vois aucune erreur dans cette conclusion du juge. L'appelant croit, à tort, que l'annulation de la pénalité imposée en vertu de l'article 285 (relative à de faux énoncés ou à des omissions dans une déclaration) produit un effet « domino » et emporte l'annulation de la pénalité de l'article 280. De toute évidence, les deux articles en litige couvrent deux gestes différents.

Les dépens


[17]            La règle 400 des Règles de procédure des cours fédérales permet d'octroyer des frais à la partie victorieuse en cas de rejet d'un appel. En outre, en ses paragraphes a), c), i), j) et k), elle autorise la Cour à prendre en compte, comme facteurs de détermination du montant des frais, le résultat de l'instance, l'importance ou la non-importance des questions en litige, la conduite de l'appelant, le défaut de l'appelant de reconnaître ce qui aurait dû être admis, et le caractère inapproprié, vexatoire ou inutile des questions soulevées.

[18]            L'appel devant nous n'avait tout simplement aucun mérite. Il est vrai que l'appelant se représente seul, mais son problème, comme l'a souligné le juge, en est un d'attitude et d'entêtement.

[19]            Nous avons pu le constater lorsque nous lui avons expliqué que ni la Cour canadienne de l'impôt, ni notre Cour n'avaient la compétence pour décider de sa demande reconventionnelle. Déjà, il s'enquérait auprès de nous de la possibilité de porter notre décision en appel. J'ai été tenté, dans les circonstances, d'imposer des frais dissuasifs, mais je vais me garder de le faire en espérant deux choses : premièrement, que l'appelant puisse se faire une raison et, deuxièmement, qu'il réalise que cette Cour ne montrera pas toujours la mansuétude dont elle fait preuve en ce jour.

[20]            Toutefois, afin d'éviter un autre débat au niveau de la détermination et de la taxation des dépens, je déterminerais le montant des frais et le fixerais à 1 000 $.


[21]            Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens fixés à 1 000 $.

                                                                                                                            « Gilles Létourneau »               

                                                                                                                                                     j.c.a.

« Je suis d'accord

Marc Noël j.c.a. »

« Je suis d'accord

M. Nadon j.c.a. »


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                              A-677-04

INTITULÉ :                                             DOMINIQUE FOURNIER c. SA MAJETÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                     le 7 avril 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                 LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                               LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                            le 13 avril 2005        

COMPARUTIONS :

Dominique Fournier

POUR LUI-MÊME

Me Michel Morel

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VEILLETTE, LARIVIÈRE

Ste-Foy (Québec)

POUR L'INTIMÉ


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