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Date: 20001024


Dossier : A-311-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 OCTOBRE 2000

CORAM :      LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE SHARLOW

ENTRE :


RAMESH MISHRA


appelant

(demandeur)


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


intimé

(défendeur)


JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens et les requêtes en date du 8 septembre et du 5 octobre 2000 sont également rejetées.

                                 « Julius A. Isaac »

                            

                                     J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.






Date: 20001024


Dossier: A-311-98


CORAM :      LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE SHARLOW

ENTRE :


RAMESH MISHRA


appelant

(demandeur)



et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


intimé

(défendeur)






Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mardi 10 octobre 2000

JUGEMENT rendu à Ottawa, le mardi 24 octobre 2000


MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE ISAAC

     LE JUGE SEXTON




Date: 20001024


Dossier: A-311-98


CORAM :      LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE SHARLOW

ENTRE :


RAMESH MISHRA


appelant

(demandeur)


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


intimé

(défendeur)

     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE SHARLOW

[1]      Il s'agit d'un appel d'une ordonnance discrétionnaire qui a été rendue le 1er mai 1998 par le juge Nadon en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, enjoignant à M. Ramesh Mishra d'obtenir l'autorisation de la Cour avant d'engager des instances devant la Cour ou de continuer devant elle une instance déjà engagée dans les dossiers T-54-98, T-291-98 et A-21-98. La décision est publiée à [1998] A.C.F. no 562 (C.F. 1re inst.) (QL).

[2]      Le paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit :

Where the Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, the Court may order that no further proceedings be instituted by the person in the Court or that a proceeding previously instituted by the person in the Court not be continued, except by leave of the Court.

La Cour peut, si elle est convaincue par suite d'une requête qu'une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d'une instance, lui interdire d'engager d'autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

[3]      Le juge des requêtes a rendu l'ordonnance sans qu'une audience ait lieu conformément à l'ancienne règle 324 des Règles de la Cour fédérale, qui s'appliquait avant que la règle 369 des Règles de la Cour fédérale (1998) soit édictée. L'ancienne règle 324 se lit comme suit :

(1) A motion on behalf of any party may, if the party, by letter addressed to the Registry, so requests, and if the Court or a prothonotary, as the case may be, considers it expedient, be disposed of without personal appearance of that party or an attorney or solicitor on his behalf and upon consideration of such representations as are submitted in writing on his behalf or of a consent executed by each other party.

(2) A copy of the request to have the motion considered without personal appearance and a copy of the written representations shall be served on each opposing party with the copy of the notice of motion that is served on him.


(3) A party who opposes a motion under paragraph (1) may send representations in writing to the Registry and to each other party or he may file an application in writing for an oral hearing and send a copy thereof to the other side.

(4) No motion under paragraph (1) shall be disposed of until the Court is satisfied that all interested parties have had a reasonable opportunity to make representations either in writing or orally.

(1) La décision relative à une requête pour le compte d'une partie peut, si la partie le demande par lettre adressée au greffe, et si la Cour ou un protonotaire, selon le cas, l'estime opportun, être prise sans comparution en personne de cette partie ni d'un procureur ou solicitor pour son compte et sur la base des observations qui sont soumises par écrit pour son compte ou d'un consentement signé par chaque autre partie.

(2) Une copie de la demande de prise en considération d'une requête sans comparution personnelle et une copie des observations écrites doivent être signifiées à chaque partie opposante en même temps que lui est signifiée la copie de l'avis de requête.

(3) Une partie qui s'oppose à une requête présentée en vertu de l'alinéa (1) peut adresser des observations par écrit au greffe et à chaque autre partie ou elle peut déposer une demande écrite d'audition orale et en adresser une copie à la partie adverse.

(4) La Cour ne doit rendre aucune décision au sujet d'une requête présentée en vertu de l'alinéa (1) avant d'être convaincue que toutes les parties intéressées ont eu une possibilité raisonnable de présenter des observations écrites ou orales, à leur choix.

[4]      Le 6 avril 1998, le procureur général du Canada a déposé un avis de requête introductive d'instance par lequel il sollicitait la délivrance d'une ordonnance contre M. Mishra en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale. À l'appui de cette demande, la Couronne a déposé l'affidavit de Josephine A.L. Palumbo en date du 3 avril 1998. À cet affidavit étaient jointes des copies d'un certain nombre de documents, et notamment une note de service en date du 29 octobre 1997 faisant état d'une ordonnance rendue contre M. Mishra le 27 octobre 1997 par le juge Sedgwick, de la Cour de l'Ontario (Division générale), en vertu du paragraphe 140(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.C. 1990, ch. C-43, avec une copie des motifs de cette ordonnance.

[5]      Le paragraphe 140(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires est semblable au paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Les motifs de l'ordonnance du juge Sedgwick, qui sont publiés à [1997] O.J. no 4352 (QL), indiquent que le juge s'est fondé sur les caractéristiques d'un litige vexatoire telles qu'elles ont été résumées par le juge Henry dans la décision Lang Michener c. Fabian (1987), 59 O.R. (2d) 353.

[6]      Le juge des requêtes avait également à sa disposition un certain nombre d'autres documents, dont une demande de la Couronne visant à faire examiner la requête en vertu de la règle 324, un affidavit de signification indiquant que M. Mishra avait reçu signification de l'avis de requête de la Couronne et des documents justificatifs le 8 avril 1998, ainsi que les dossiers du greffe dans les trois actions que M. Mishra avait intentées devant la Section de première instance et dans l'appel qu'il avait interjeté devant cette cour, dont il est fait mention dans l'affidavit de Mme Palumbo.

[7]      Le 1er mai 1998, le juge des requêtes a accueilli la demande de la Couronne et a rendu l'ordonnance sollicitée par cette dernière. M. Mishra a interjeté appel contre cette ordonnance. À l'audition de l'appel, M. Mishra a présenté un certain nombre d'observations sur lesquelles je reviendrai ci-dessous. Toutefois, j'examinerai tout d'abord les requêtes préliminaires en date du 8 septembre et du 5 octobre 2000 que M. Mishra a présentées avant l'audition de l'appel.

[8]      Dans les deux requêtes, M. Mishra sollicite l'autorisation de présenter des éléments de preuve dont le juge des requêtes ne disposait pas au sujet des allégations qui étaient faites dans au moins l'une des actions qu'il avait intentées devant la Section de première instance. Aucun des éléments de preuve que M. Mishra cherche à présenter en tant que nouvel élément ne satisfait au critère à trois volets bien connu qui s'applique à l'admission d'une nouvelle preuve en appel, tel qu'il est énoncé dans l'arrêt Brunckhorst (Frank) Co. et al. c. Gainers Inc. et al, [1993] A.C.F. no 875 (C.A.) (QL). En particulier, cela ne permet pas de déterminer si le juge des requêtes a exercé d'une façon légitime le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale, soit la question qu'il faut ici trancher. Pour ce motif, les requêtes visant à la présentation d'éléments de preuve en appel devraient être rejetées.

[9]      Dans la deuxième requête, on sollicite également la délivrance d'un certain nombre d'ordonnances se rapportant aux mesures à prendre en ce qui concerne les demandes que M. Mishra a faites dans les actions susmentionnées. Aucune des ordonnances demandées n'est pertinente aux fins du règlement du présent appel. Ces requêtes doivent également être rejetées.

[10]      J'examinerai maintenant les observations que M. Mishra a présentées à l'appui de son appel de l'ordonnance rendue par le juge des requêtes. M. Mishra a soulevé un certain nombre de questions de procédure qui, selon lui, devraient justifier l'annulation de l'ordonnance; il a en outre soutenu que le paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale est inconstitutionnel. J'examinerai d'abord les questions de procédure.



Avis de la demande de la Couronne

[11]      On a autorisé M. Mishra à présenter des observations orales au sujet de la question de l'avis même s'il n'en avait pas fait mention dans son avis d'appel ou dans son argumentation écrite. M. Mishra a déclaré qu'il n'avait pas reçu signification de l'avis de requête introductive d'instance de la Couronne ou du dossier de la demande renfermant l'affidavit de Mme Palumbo sur lequel le juge des requêtes s'était fondé, et que l'ordonnance a été rendue sans qu'on lui donne une juste possibilité de contre-interroger Mme Palumbo ou de présenter des observations en réponse à la requête de la Couronne. Je ne retiens pas cet argument. Les documents dont disposait le juge des requêtes comprenaient un affidavit daté du 9 avril 1998, disant que M. Mishra avait reçu signification des documents de la Couronne le 8 avril 1998. M. Mishra a soutenu dans le cadre des plaidoiries que l'affidavit de signification était faux, mais il n'a pas contre-interrogé l'auteur de l'affidavit de signification. Le juge des requêtes ne disposait d'aucun affidavit (et cette cour ne dispose d'aucun affidavit) contredisant l'affidavit de signification. Dans ces conditions, je ne puis conclure que le juge des requêtes a commis une erreur en statuant sur la requête de la Couronne en se fondant sur l'affidavit de Mme Palumbo.

Mention de la décision du juge Sedgwick de la Cour de l'Ontario (Division générale)

[12]      Dans les motifs de sa décision, le juge des requêtes a mentionné l'ordonnance et les motifs du juge Sedgwick dont il est ci-dessus fait mention. M. Mishra a soutenu que le juge des requêtes n'aurait pas dû mentionner cette décision parce qu'il y avait des irrégularités dans les procédures engagées devant la cour de l'Ontario de sorte que l'ordonnance est invalide ou qu'elle n'existe pas. Il a affirmé que la partie qui avait demandé l'ordonnance de l'Ontario n'existait pas et que l'ordonnance n'avait jamais été enregistrée.

[13]      Je ne suis pas convaincue qu'il y ait eu des irrégularités procédurales comme l'allègue M. Mishra, mais quoi qu'il en soit, pareilles irrégularités, si elles existent, ne pourraient pas influer sur le bien-fondé de la décision du juge des requêtes lorsqu'il s'est agi de rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Le juge des requêtes a simplement fait remarquer que le juge Sedgwick avait rendu l'ordonnance, fait qui était indubitablement établi selon le dossier dont il disposait, et il a fait savoir qu'il souscrivait à l'analyse du droit que le juge Sedgwick avait faite. Cette analyse juridique est valable, et ce, indépendamment de la question de savoir si l'ordonnance du juge Sedgwick a été contestée ou aurait pu être contestée pour des motifs liés à la procédure.



Mention d'une instance à laquelle M. Mishra n'était pas partie

[14]      M. Mishra a souligné que certains documents versés dans le dossier font mention de l'action no T-616-97; il a soutenu que cela indiquait que le juge des requêtes avait commis une erreur parce qu'il n'était pas partie à une instance engagée devant la Section de première instance dans ce dossier. On a attribué le numéro de dossier T-617-98 à l'avis de requête introductive d'instance de la Couronne dans cette affaire. De toute évidence, la mention du numéro T-617-97 dans le dossier résultait simplement d'une erreur typographique ou d'une erreur d'écriture. Cela ne permet pas pour autant de conclure que le juge des requêtes a commis une erreur en rendant son ordonnance.

Contestation constitutionnelle du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale

[15]      M. Mishra souligne que le paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale est inconstitutionnel parce qu'il prive les Canadiens de l'accès aux tribunaux, violant ainsi un droit constitutionnel, un droit civil, un droit politique et un droit de la personne garantis.

[16]      Cet argument n'est pas fondé. Une ordonnance fondée sur le paragraphe 40(1) ne met pas fin à une demande ou au droit de poursuivre une demande. Le paragraphe 40(1) s'applique uniquement aux plaideurs qui se sont prévalus d'un accès illimité aux tribunaux d'une façon vexatoire (au sens qu'a ce terme en droit); une ordonnance fondée sur le paragraphe 40(1) vise uniquement à assurer que les demandes présentées par pareils plaideurs soient poursuivies d'une façon ordonnée, sous une supervision plus étroite de la part de la Cour que dans le cas des autres plaideurs.

[17]      Ainsi, dans le cas de M. Mishra, l'ordonnance du juge des requêtes ne règle pas les demandes que celui-ci a présentées dans les deuxième et troisième actions intentées devant la Section de première instance, qui sont encore en instance. L'ordonnance prévoit simplement que ces actions ne doivent pas être poursuivies sans l'autorisation de la Cour.

Conclusion

[18]      Je ne suis pas convaincue qu'en exerçant son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer s'il devrait rendre l'ordonnance prévue au paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour fédérale, le juge des requêtes ait omis de tenir compte de tous les éléments de preuve dont il disposait ou qu'il ait omis de tenir compte de toutes les considérations pertinentes : voir Friends of the Old Man River c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, aux pages 76-77. Par conséquent, l'appel devrait être rejeté avec dépens et les requêtes en date du 8 septembre et du 5 octobre 2000 devraient également être rejetées.


                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     J.C.A.

« Je souscris à cet avis.

     Le juge Isaac. »

« Je souscris à cet avis.

     Le juge Sexton. »



Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      A-311-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      RAMESH MISHRA c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 10 octobre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Sharlow en date du 24 octobre 2000, auxquels souscrivent les juges Isaac et Sexton


ONT COMPARU :

Ramesh Mishra          POUR L'APPELANT

Elizabeth Richards          POUR L'INTIMÉ


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ramesh Mishra          POUR L'APPELANT

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg          POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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