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Date : 20040427

Dossier : A-171-03

Référence : 2004 CAF 168

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

                                                         JANSSEN-ORTHO INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                                                  (demanderesse)

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                intimés

                                                                                                                                       (défendeurs)

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 avril 2004.

                                                                             

                                   Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2004.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                                                         LE JUGE ROTHSTEIN


Date : 20040427

Dossier : A-171-03

Référence : 2004 CAF 168

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

                                                         JANSSEN-ORTHO INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                                                  (demanderesse)

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                intimés

                                                                                                                                       (défendeurs)

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                Il s'agit d'une demande de suspension jusqu'à l'appel interjeté devant la Cour suprême du Canada à l'égard d'un jugement que la Cour fédérale a rendu le 9 février 2004.


[2]                En 1993, le ministre de la Santé a ajouté le brevet 1,245,983 (le brevet 983) de Janssen-Ortho Inc. (Janssen) au registre des brevets qu'il tient en application de l'article 3 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133. Au moyen d'une lettre datée du 3 mars 2000, Janssen a été avisée que le ministre avait l'intention de radier le brevet 983 du registre. Dans une lettre du 2 novembre 2000, le ministre a rejeté les arguments que Janssen a invoqués au soutien du maintien du brevet 983 au registre.

[3]                Janssen a demandé le contrôle judiciaire de cette décision devant la Section de première instance, mais sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée. L'appel interjeté devant la Cour d'appel fédérale à l'égard de cette décision a été rejeté le 9 février 2004. Janssen a depuis demandé l'autorisation d'interjeter appel de cette dernière décision devant la Cour suprême du Canada et sollicite une suspension afin d'empêcher le ministre de la Santé de radier le brevet '983 du registre des brevets avant que la Cour suprême n'ait entendu la demande d'autorisation qu'elle a présentée et l'appel, le cas échéant.

[4]                Jusqu'à maintenant, le ministre a consenti à des ordonnances ayant pour effet de suspendre la radiation du brevet 983 du registre des brevets. Il appert de la preuve que le ministre a consenti à la suspension uniquement après avoir pris connaissance des documents de la requête. Aucun élément du dossier n'indique la raison pour laquelle le ministre a changé d'avis maintenant. Quelle que soit cette raison, le consentement antérieur du ministre n'est pas déterminant et la Cour doit être convaincue que Janssen a satisfait aux critères fixés à l'égard d'une suspension.


[5]                Il n'est pas nécessaire que je commente les aspects de l'importance de la question à trancher et de la prépondérance des inconvénients. Je ne suis pas convaincu que Janssen a satisfait au critère du préjudice irréparable.

[6]                À mon avis, la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. n ° 16 (C.A.), permet de trancher la question. Dans ce jugement, la Cour a statué que, lorsque l'action en contrefaçon de brevet est un recours accessible, l'impossibilité pour un titulaire de brevet d'invoquer les dispositions du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) qui concernent la suspension automatique ne constitue pas un préjudice irréparable. C'est précisément la situation en l'espèce.

[7]                Si le brevet 983 est radié du registre des brevets, Janssen ne bénéficiera pas de la suspension automatique. Cependant, en cas de contrefaçon de la part d'un concurrent, elle pourrait engager une action en contrefaçon de brevet. En conséquence, aucun préjudice irréparable ne sera causé si la demande de suspension est rejetée et que Janssen a finalement gain de cause dans son pourvoi devant la Cour suprême.


[8]                Toutefois, Janssen invoque aujourd'hui un autre argument qui n'avait pas été allégué selon elle devant la Cour dans Bristol-Myers Squibb. Selon Janssen, avant les modifications qui ont été apportées en 1993 à la Loi sur les brevets et en vertu desquelles le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) a été promulgué, les activités entreprises par un fabricant de produits génériques pour préparer une présentation aux fins d'un avis de conformité pendant la durée d'un brevet constituaient une contrefaçon. De façon générale, le paragraphe 55.2(1) édicté en 1993 prévoit que l'activité qui est raisonnablement liée à la préparation et à la présentation des renseignements nécessaires pour obtenir une approbation réglementaire (y compris un avis de conformité) ne constitue pas une contrefaçon de brevet. Dans le contexte des présentations d'avis de conformité, cette disposition a pour effet de permettre aux fabricants de produits génériques de pénétrer le marché plus rapidement après l'expiration d'un brevet plutôt que de devoir attendre jusqu'à l'expiration du brevet avant de commencer à préparer leur avis de conformité.

[9]                Janssen soutient que la disposition de l'article 7 du Règlement qui concerne la suspension a été édictée en contrepartie du préjudice que les titulaires de brevet subissent maintenant que les fabricants de produits génériques peuvent préparer leur présentation relative aux avis de conformité avant l'expiration d'un brevet. Elle ajoute que, si elle ne peut invoquer les dispositions du Règlement qui concernent la suspension automatique, elle subira un préjudice irréparable qui ne pourra être calculé en dommages-intérêts.

[10]            Je conviens que la disposition du Règlement qui concerne la suspension automatique accorde aux titulaires de brevet un avantage de nature procédurale par rapport à l'action traditionnelle en contrefaçon de brevet. Cependant, je ne puis voir en quoi l'incapacité d'utiliser cette procédure avantageuse constitue un préjudice qualitatif qui ne peut faire l'objet d'une indemnisation sous forme de dommages-intérêts.


[11]            Selon Janssen, si le brevet 983 est radié du registre, un concurrent qui fabrique des produits génériques pourrait obtenir un ADC avant l'expiration du brevet sans qu'elle sache si le concurrent commercialise son produit avant ladite expiration. Elle admet toutefois que le ministre donne un avis public de la délivrance de tous les ADC et que, au cours du processus de communication préalable de toute action en contrefaçon de brevet, elle pourra obtenir tous les renseignements pertinents du concurrent accusé de contrefaçon quant à ses activités de production et de vente qu'il fait du produit contrefait.

[12]            Il est vrai que Janssen ne bénéficiera pas de la suspension automatique en vertu du Règlement, mais la perte de cet avantage signifie simplement que, si un concurrent qui fabrique des produits génériques viole le brevet de Janssen, celle-ci pourra engager une action en contrefaçon et recouvrer des dommages-intérêts par suite de toute contrefaçon établie. Dans ces circonstances, la perte d'un avantage aux fins de la procédure ne constitue pas un préjudice irréparable.

[13]            La présente affaire ne peut être distinguée de la décision Bristol-Myers Squibb, qui est la décision applicable en la matière. Comme c'était le cas dans cette décision, il n'y a aucune preuve en l'espèce que l'octroi de dommages-intérêts dans une action en contrefaçon de brevet ne constituerait pas une réparation satisfaisante.


[14]            Étant donné qu'aucun préjudice irréparable n'a été établi, je rejetterais la demande de suspension avec dépens. Si les parties ne peuvent s'entendre, elles pourront communiquer avec le greffier et une conférence téléphonique sera fixée afin que la Cour entende leurs arguments et fixe les dépens.

                                                                                                                           « Marshall Rothstein »             

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-171-03

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Janssen-Ortho Inc. c. Le ministre de la Santé et le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 22 avril 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Le juge Rothstein

DATE DES MOTIFS :                                   Le 27 avril 2004

COMPARUTIONS :

Andrew M. Shaughnessy

POUR L'APPELANTE (DEMANDERESSE)

Marie Crowley

Ministère de la Justice

POUR LES INTIMÉS (DÉFENDEURS)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR L'APPELANTE (DEMANDERESSE)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS (DÉFENDEURS)



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