Date : 20050309
Dossiers : A-16-04
A-17-04
Référence : 2005 CAF 93
CORAM : LE JUGE NOËL
LE JUGE SEXTON
LE JUGE EVANS
ENTRE :
A-16-04
WILLIAM DOCHERTY
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
ET ENTRE :
A-17-04
RONALD HAKEM
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 mars 2005
Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 9 mars 2005
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS
Date : 20050309
Dossiers : A-16-04
A-17-04
Référence : 2005 CAF 93
CORAM : LE JUGE NOËL
LE JUGE SEXTON
LE JUGE EVANS
ENTRE :
A-16-04
WILLIAM DOCHERTY
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
ET ENTRE :
A-17-04
RONALD HAKEM
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 9 mars 2005)
LE JUGE EVANS
[1] William Docherty (dossier A-16-04) et Ronald Hakem (dossier A-17-04) ont interjeté appel de la décision rendue le 16 décembre 2003 par le juge Miller de la Cour canadienne de l'impôt. Ces appels ont été entendus sur le fondement d'un exposé des faitset d'une preuve présentés en partie conjointement. Dans des motifs communs, le juge a rejeté les appels portés contre les nouvelles cotisations dont ils avaient fait l'objet, pour l'année 1993 dans le cas de M. Docherty et pour les années allant de 1990 à 1996 dans le cas de M. Hakem.
[2] Dans les deux cas, la question en litige est la suivante : en qualité d'associés dans une société de personnes exerçant son activité sous le nom de Windsor Multi-Use Facility, les contribuables avaient-ils droit de déduire de leurs revenus leurs portions des pertes subies par la société au cours des années d'imposition en question?
[3] Le juge de première instance a conclu qu'ils devaient être considérés comme des commanditaires en raison de l'alinéa 96(2.4)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, car la clause 3.13 du contrat de société leur donnait le droit « immédiat ou futur et absolu ou conditionnel, de recevoir un montant ou un avantage [...] » .
[4] Parmi les avantages sur lesquels le juge s'est appuyé, il y avait des dispositions selon lesquelles les associés n'étaient pas tenus de payer les factures de R.C. Pruefer Co. Ltd., une société contrôlée par M. Docherty, jusqu'à ce que la société de personnes produise des revenus, et l'obligation de Pruefer de contribuer aux versements dus par les associés pour le solde du prix de souscription, si les revenus de la société de personnes étaient insuffisants pour couvrir les obligations des associés.
[5] En qualité de commanditaires, à un certain moment au cours des années d'imposition pertinentes, les appelants n'avaient pas le droit de déduire de leur revenu un montant dépassant « la fraction à risques de l'intérêt du contribuable dans la société de personnes à la fin de l'exercice » : sous-alinéa 96(2.1)b)(i). La cour a confirmé les calculs du ministre des fractions à risques de l'intérêt des contribuables, que l'avocat n'a pas contestés en appel, même s'il a signalé que, lors du calcul des montants, le juge de première instance n'a rien déduit relativement à l'avantage qu'il avait constaté qu'ils avaient obtenu en vertu de la clause 3.13.
[6] Subsidiairement, le juge de première instance a conclu que, s'il faisait erreur relativement à la première question en litige et que les règles concernant la fraction à risques n'étaient pas applicables, les dépenses engagées par la société, d'un montant approximatif de 11 millions de dollars, et qui constituaient sa perte, n'étaient pas « raisonnable[s] dans les circonstances » , et qu'elle n'étaient donc pas déductibles aux termes de l'article 67 de la Loi. Ces dépenses comprenaient des frais payés à Pruefer, qui était aussi un associé de Windsor Multi-Use Facility, pour des services professionnels rendus par M. Docherty. Par conséquent, les contribuables devaient s'en tenir à la fraction à risques de leur intérêt.
[7] Les appelants ont fait valoir les arguments suivants afin de montrer que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu qu'ils devaient être légalement « présumés commanditaires » et que la clause 3.13 du contrat de société faisait jouer la règle « de la fraction à risques » .
[8] Premièrement, ils disent que la définition du terme « avantage » énoncée à l'alinéa 96(2.4)b), sur laquelle le juge de première instance s'est nettement appuyé, a été promulguée en 1998 (L.C. 1998, ch. 19, par. 123(5)) et appliquée aux exercices finissant après novembre 1994. Par conséquent, pour les années d'imposition 1990 à 1993, le juge aurait commis une erreur de droit en s'appuyant sur la définition élargie, mais inapplicable, de l' « avantage » figurant au texte de l'alinéa (2.4)b) en vigueur en 1998.
[9] Selon l'avocat, le juge de première instance aurait plutôt dû s'appuyer sur une version antérieure de l'alinéa 96(2.4)b) qui ne visait que le droit « de recevoir un montant ou un avantage » . L'avocat a soutenu que cette disposition doit être interprétée de manière plus restrictive que l'alinéa (2.4)d) qui a été adopté en 1998. Plus précisément, il faut tenir compte du fait que le texte de 1998 visait le droit de recevoir un montant ou un avantage « immédiat ou futur et absolu ou conditionnel » , alors que la version applicable de l'alinéa (2.4)b) était muette à cet égard. Comme l'avantage conféré aux associés par la clause 3.13 du contrat de société était, en supposant qu'elle soit même applicable en l'occurrence, à la fois futur et conditionnel, il ne constituait pas un « avantage » au sens de la version de 1993 de l'alinéa (2.4)b).
[10] Nous ne sommes pas de cet avis. Comme l'avocat de la Couronne l'a signalé dans son mémoire, la version de l'alinéa (2.4)b) en vigueur en 1993 parle du droit d'obtenir « un avantage visé à l'alinéa (2.2)d) » , où l' « avantage » est explicité dans les mêmes termes que ceux qui figurent dans le texte de l'alinéa 96(2.4)b) en vigueur en 1998. Autrement dit, il vise le droit à des avantages, qu'ils soient immédiats ou futurs et absolus ou conditionnels.
[11] Nous sommes d'avis que la mention de l'alinéa (2.2)d) dans le texte de 1993 de l'alinéa (2.4)b) a incorporé au paragraphe (2.4)b) la définition plus explicite du droit à un avantage énoncée à l'alinéa (2.2)d). Il semble donc plus probable que, avec la modification législative de 1998, l'intention du législateur fédéral ait été de préciser et de simplifier le droit plutôt que d'adopter une modification de fond. L'avocat n'a pas pu nous présenter quelque jurisprudence que ce soit relative au droit antérieur à 1998 sur les éléments constitutifs du droit de recevoir un avantage que le législateur fédéral aurait voulu modifier.
[12] Quoiqu'il en soit, nous ne sommes pas convaincus que le droit des associés prévu à la clause 3.13 du contrat de société n'est pas visé par le terme « avantage » de l'alinéa (2.4)b), même en faisant abstraction de l'alinéa (2.2)d).
[13] Deuxièmement, les appelants soutiennent que, correctement interprétée, la clause 3.13 du contrat de société ne conférait aucun avantage aux contribuables pour aucune des années d'imposition en question, parce qu'elle ne devait s'appliquer que lorsque Windsor Multi-Use Facility serait en activité. En fait, à la fin de 1992, il semblait très peu probable que l'installation serait construite; en 1994, il est devenu manifeste qu'elle ne le serait pas. Les frais englobant la perte de la société ont été payés pour des services rendus relativement à des démarches effectuées uniquement pour faire avancer le projet et non pas relativement à l'exploitation de l'installation.
[14] L'avocat des appelants signale que la clause 3.13 vise l'obligation des associés de contribuer au [TRADUCTION] « financement de l'exploitation de Windsor Multi-Use Facility si les revenus sont insuffisants [...] » Il dit que les termes en italique impliquent que l'entreprise doit être en activité, et non pas seulement à l'état de projet, parce que seule une entreprise en activité peut avoir un revenu.
[15] Le juge de première instance a rejeté cette interprétation restrictive de la clause en question pour trois motifs. Premièrement, il l'a interprétée au regard du domaine d'activité de la société, qui était définie dans le contrat de société en commandite du 3 décembre 1990 : la constitution et l'exploitation de la Windsor Multi-Use Facility.
[16] Deuxièmement, il a dit que, puisque la société a fait affaire sous le nom de Windsor Multi-Use Facility, l'expression, à la clause 3.13 [TRADUCTION] « exploitation de Windsor Multi-Use Facility » , doit forcément s'entendre de l'exploitation de la société, non pas de l'exploitation de l'installation non encore construite portant le même nom.
[17] Troisièmement, la conduite des parties semblait bien traduire l'idée que la clause 3.13 s'appliquait déjà, surtout le fait que M. Docherty n'a pris aucune mesure pour recouvrir des associés la dette de Pruefer. Il y a un élément qui peut avoir son importance à cet égard : pour ses années d'imposition 1992 et 1993, Pruefer a imputé au poste des mauvaises créances une partie de ses factures à la société et pourtant, elle a continué à facturer ses services rendus. Le juge de première instance n'a pas estimé digne de foi l'explication de M. Docherty selon laquelle il n'avait pas insisté pour que les associés payent, parce qu'ils n'avaient pas l'argent pour le faire.
[18] Nous sommes d'avis que le juge de première instance a correctement conclu que la clause 3.13 s'appliquait, même si l'installation n'avait pas été construite. Par conséquent, la règle de la fraction à risques est applicable; les contribuables n'ont pas contesté les montants pertinents (zéro, dans le cas de M. Docherty).
[19] En dépit des observations judicieuses de l'avocat des appelants, M. Barat, les appels seront rejetés au motif que la règle de la fraction à risques est applicable; il n'est donc pas nécessaire d'examiner la conclusion subsidiaire du juge de première instance, à savoir que les dépenses réclamées étaient déraisonnables. Néanmoins, nous sommes d'avis que l'on ne peut pas dire qu'il a fait une erreur de droit, ou qu'il a commis une erreur manifeste et dominante.
[20] Pour ces motifs, dont une copie sera versée dans chaque dossier, les appels seront rejetés, avec un seul mémoire de dépens dans le dossier principal A-16-04.
« John M. Evans »
Juge
Traduction certifiée conforme
François Brunet, LL.B., B.C.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : A-16-04 & A-17-04
INTITULÉ : WILLIAM DOCHERTY
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
et
RONALD HAKEM
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 MARS 2005
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR : LES JUGES NOËL, SEXTON et EVANS
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR: LE JUGE EVANS
COMPARUTIONS :
Arthur M. Barat, c.r. POUR L'APPELANT
Ronald Macphee POUR L'INTIMÉE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
BARAT FARLAM MILLSON
Avocats
Windsor (Ontario) POUR L'APPELANT
John Sims, c.r. POUR L'INTIMÉE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)