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Date : 20050509

Dossier : A-137-03

Référence : 2005 CAF 169

ENTRE :

                                                               MOEZ KASSAM

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                      SA MAJESTÉ LA REINE et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                              TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur


[1]                Une copie des présents motifs est déposée en ce jour aux dossiers de la Cour portant les numéros A-134-03 (Amin Kassam c. Sa Majesté la Reine et al.), A-135-03 (Arbutus 1 Hr. Valet Inc. c. Sa Majesté la Reine et al.) et A-136-03 (Minaz Kassam c. Sa Majesté la Reine et al.) et s'y applique en conséquence. Les demandeurs ont chacun contesté la décision d'un juge-arbitre concernant l'assurance-emploi et ont vu leur demande rejetée avec dépens. Il a été fait mention dans les jugements que, puisque les quatre affaires avaient été entendues conjointement par la Cour, il y aurait un seul mémoire de dépens relativement à l'audience. J'ai fixé un échéancier aux fins du règlement sur dossier du mémoire de dépens des défendeurs dans chaque affaire.

La position des demandeurs

[2]                Les demandeurs ont fait état de leurs difficultés financières, ils ont demandé que, de façon générale, aucuns dépens ne soient alloués aux défendeurs et ils ont allégué que les frais juridiques et les débours réclamés étaient déraisonnables et excessifs compte tenu du fait qu'il s'agissait simplement de demandes de contrôle judiciaire à l'égard des décisions du juge-arbitre. De plus, les quatre affaires ont été entendues conjointement en approximativement deux heures, y compris la demande concernant la représentation de Minaz Kassam et Amin Kassam par Moez Kassam, laquelle a été rejetée. De la même manière, le montant de plusieurs milliers de dollars réclamé pour les photocopies est déraisonnable parce qu'il s'agissait de simples demandes de contrôle judiciaire et parce que ce montant constitue une duplication des frais étant donné que les quatre affaires ont été entendues conjointement. La directive de la Cour suivant laquelle il y aurait un seul mémoire de dépens empêche les défendeurs de réclamer dans chaque dossier des honoraires d'avocat pour des services tels que l'avis de comparution, le dossier, les affidavits et le mémoire des faits et du droit. Moez Kassam a communiqué avec l'avocate des défendeurs pour lui faire savoir que le refus de la Cour de lui accorder la permission de représenter Arbutus 1 Hr. Valet Inc. (Arbutus) à l'audience l'empêchait d'accepter toute signification au nom d'Arbutus. Il a soutenu n'avoir jamais donné son adresse aux fins de signification à l'endroit d'Arbutus.


La position des défendeurs

[3]                Les défendeurs ont soutenu que les difficultés financières des demandeurs n'ont pas été mises en preuve et que le montant réclamé dans chacun des mémoires de dépens est cohérent avec les limites du tarif et reflète de façon appropriée la préparation, la recherche et le dépôt des documents nécessaires à toutes les étapes dans les quatre affaires. Les frais de photocopie concernent seulement les documents requis pour la signification et les dépôts, mais ils ne comprennent pas les frais généraux de bureau pour la photocopie. La restriction à un seul mémoire de dépens qui a été ordonnée dans les jugements ne vise que la présence réelle à l'audience (dossier A-137-03), mais elle n'écarte pas la possibilité de réclamer le montant correspondant aux articles d'honoraires d'avocat préalables à l'audience, tels que l'avis de comparution. L'affirmation selon laquelle Moez Kassam ne peut accepter la signification au nom d'Arbutus en raison de l'ordonnance de la Cour l'empêchant de représenter Arbutus à l'audience n'est pas pertinente parce que les défendeurs ont dûment signifié les documents relatifs aux dépens à l'adresse fournie par Arbutus pour la signification. Le fait qu'Arbutus ait eu la possibilité de répondre et qu'elle ait choisi de ne pas le faire ne devrait pas empêcher les défendeurs d'avoir droit aux dépens adjugés par la Cour.

Taxation


[4]                Les difficultés financières ne sont pas un facteur à considérer dans la taxation des dépens : voir Bowland c. Canada, [2003] A.C.F. no 1142 (O.T.). Le jugement prononcé dans chaque affaire n'introduit pas de nouvelles notions concernant les dépens. Autrement dit, l'expression « [l]a demande est rejetée avec dépens » inscrite dans les jugements procure aux défendeurs le droit aux dépens dans chacune des quatre instances, en conformité avec les limites fixées par l'article 407 des Règles de la Cour fédérale, y compris les honoraires d'avocat dans chacune des quatre instances à l'égard d'éléments tels que l'article 2, pour l'avis de comparution, auquel les demandeurs se sont opposés. Par ailleurs, la Cour a modifié l'adjudication en ajoutant dans chaque jugement ce qui suit : « mais, puisque les dossiers A-134-03, A-135-03, A-136-03 et A-137-03 ont été entendus conjointement par la Cour, il y aura un seul mémoire de dépens relativement à l'audience » . Il s'ensuit que les défendeurs peuvent toujours réclamer des éléments tels que ceux de l'article 2 comme honoraires d'avocat dans chacune des quatre instances, mais ils ne peuvent réclamer qu'une seule fois l'article 14a) pour les quatre affaires prises conjointement pour la présence à l'audience. L'ordonnance datée du 14 mai 2004 qui précisait que ces quatre affaires seraient entendues successivement ne veut pas dire que la Cour estimait que le travail préliminaire pour chacune d'elles ne pouvait être distingué. En réclamant le montant correspondant à l'article 14a) dans le mémoire de dépens du dossier A-137-03 seulement, les défendeurs ont bien suivi les directives des jugements concernant les dépens, sauf pour un élément. Moez Kassam ne devrait pas porter seul l'entière responsabilité des frais de présence de l'article 14a), compte tenu du fait que les demandes de contrôle judiciaire de chacun des demandeurs ont été traitées à tour de rôle à l'audience.

[5]                Même si les demandeurs qui sont des plaideurs profanes n'ont pas forcément formulé des observations séparées pour chaque article du mémoire de dépens, il m'est difficile de ne pas tenir compte du sens de leurs documents par lesquels ils s'opposaient de façon générale à tous les aspects des dépens réclamés. Cela ne signifie pas qu'ils devraient être avantagés en obtenant que je renonce à ma neutralité pour défendre leurs intérêts en contestant certains articles du mémoire de dépens. Je ne peux pas approuver les articles illégitimes, à savoir ceux qui ne sont pas autorisés par le jugement et le tarif. J'ai examiné chacun des articles réclamés dans le mémoire de dépens et les documents justificatifs en tenant compte de ces éléments. Eu égard aux circonstances de ces affaires, les montants réclamés dans les mémoires de dépens se situent de façon générale dans les limites de l'adjudication des dépens.


[6]                Par ailleurs, certains éléments justifient une intervention en fonction des paramètres dont il a été fait état précédemment et compte tenu de ce que je perçois comme une opposition générale aux mémoires de dépens. Plus particulièrement, l'article 2 du Tarif B à l'égard des honoraires d'avocat se rapporte à la préparation et au dépôt de « toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés » . En pratique, le barème de 4 à 7 unités de la colonne III est appliqué sous forme d'une indemnité globale unique pour les services correspondants. Ainsi, les défendeurs ne peuvent réclamer comme ils l'ont fait au titre de l'article 2, dans chaque mémoire de dépens, des montants individuels et divers établis à partir du barème applicable à l'égard de six services, à savoir l'avis de comparution, deux dossiers et trois affidavits. Il ne s'agissait pas des questions les plus complexes et il y avait probablement des éléments de travail communs, mais il est difficile de ne pas tenir compte du volume et de l'objet des dossiers correspondants. J'alloue un seul montant au titre de l'article 2, dans chacun des mémoires de dépens, à une valeur de 5 unités. Un montant au titre de l'article 5 a été réclamé seulement dans le mémoire de dépens correspondant au dossier A-137-03 pour la requête des défendeurs visant à faire en sorte que les quatre affaires soient entendues conjointement. L'ordonnance résultante ne comportait aucune indication quant aux dépens et, par conséquent, je ne peux allouer les trois unités réclamées : voir le paragraphe [6] de la décision Balisky c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), [2004] A.C.F. no 536 (O.T.).


[7]                J'ai conclu au paragraphe [7] dans Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 1376 (O.T.), qu'il n'est pas nécessaire d'utiliser le même nombre d'unités pour chaque service prévu par le tarif, puisque chaque article correspondant aux services rendus par l'avocat est distinct et doit être évalué en fonction des circonstances qui lui sont propres. De plus, il faut établir des distinctions générales entre les valeurs des barèmes applicables. Je ne crois pas qu'il soit justifié dans ces affaires de réclamer la valeur maximale définie à 5 unités pour l'article 13a) dans chaque mémoire de dépens pour la préparation de l'audience (le barème applicable étant de 2 à 5 unités) mais, après avoir examiné les dossiers de chacune de ces affaires, je suis d'avis qu'un effort plus que minimal a été nécessaire. J'alloue 4 unités dans chaque affaire. Je pense que, même si un travail considérable s'imposait pour la préparation, les audiences ont été plutôt simples et j'alloue seulement 2 unités par heure pour l'article 14a) (le barème applicable étant de 2 à 3 unités) à répartir également entre les différents mémoires de dépens pour la présence aux audiences.


[8]                Je suis d'avis, conformément à l'opinion que j'ai maintes fois exprimée suivant l'approche que j'ai adoptée dans Carlile c. Sa Majesté la Reine (1997), 97 D.T.C. 5284 (O.T.), à la page 5287, et à l'opinion du juge Russell dans Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All. E.R. 603, à la page 608, selon laquelle la taxation des dépens constitue une [traduction] « justice sommaire, en ce sens que de nombreuses approximations sensées sont faites » , que le pouvoir discrétionnaire peut être exercé de manière à arriver à un résultat raisonnable quant aux dépens qui soit équitable pour les deux parties. La preuve en l'espèce est vague. Moins il y a d'éléments de preuve produits, plus la partie réclamante est liée par l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'officier taxateur qui doit être conservateur par souci d'austérité en matière de taxation des dépens afin d'éviter que le payeur des dépens ne subisse un préjudice. Toutefois, des dépenses sont effectivement nécessaires pour faire progresser le litige : un résultat de zéro dollar serait absurde comme taxation. Les frais de photocopie constituent la majeure partie des montants réclamés dans les mémoires de dépens au titre des débours. Compte tenu particulièrement de la décision Section locale 4004, Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada, [1999] A.C.F. no 464 (O.T.), j'estime qu'il est difficile en l'espèce de déterminer le nombre de copies ou de séries de documents signifiées et déposées de manière essentielle. Je réduis les montants de 2 712,51 $, 1 074,85 $, 2 246,79 $ et 2 456,31 $ respectivement réclamés dans les dossiers A-137-03, A-134-03, A-135-03 et A-136-03 au titre des débours à 2 357,51 $, 939,85 $, 1 951,79 $ et 2 121,31 $. Il appert que les défendeurs ont réclamé au titre des débours des frais de messagerie dans le dossier A-137-03 à l'égard de la requête par laquelle ils demandaient que les affaires soient entendues conjointement. J'en ai tenu compte.


[9]                Dans le dossier A-135-03, l'ordonnance du 27 février 2004 accordait à Arbutus, en tant que société, la permission d'[traduction] « être représentée par un représentant personnel autre que son avocat » . Cette ordonnance a fait suite à une discussion entre Moez Kassam et le greffe qui a eu lieu le 13 février 2004 (avec confirmation par écrit à M. Kassam à son adresse de signification) concernant la nécessité de demander l'autorisation à la Cour pour cette représentation. Shelina Dhanani a signé les documents de la Cour en qualité de représentante personnelle d'Arbutus avec une adresse différente pour la signification. Shelina Dhanani n'a pas comparu officiellement à l'audience. Par ailleurs, la requête pour permission de représenter Arbutus, présentée de vive voix par Moez Kassam, a été rejetée par la Cour qui a ordonné que l'instruction se fasse à partir des observations écrites déposées. La décision de la Cour en ce qui a trait à Arbutus a été envoyée à Moez Kassam à son adresse de signification : il n'a pas comparu pour la refuser. Le dossier révèle que Moez Kassam a communiqué avec le conseil arbitral au nom d'Arbutus pour obtenir les documents d'audience devant servir au contrôle judiciaire (lettre datée du 21 septembre 2004). La preuve au dossier, qualifiée d'accablante par le juge-arbitre et acceptée dans diverses décisions, indique l'existence d'une relation personnelle ou d'une union de fait entre Moez Kassam et Shelina Dhanani, cette dernière étant la représentante inscrite d'Arbutus. Le dossier de requête des défendeurs présentée en vue d'obtenir une prorogation du délai fixé pour déposer certains éléments de preuve précise que Moez Kassam a prétendu agir pour Arbutus à divers moments, notamment à l'audience devant le juge-arbitre. D'autres éléments de preuve au dossier donnent à penser que la fonction exercée par Moez Kassam au sein d'Arbutus s'apparentait plus à celle de Shelina Dhanani. Finalement, l'affidavit de Mary Holland qui a été souscrit le 30 septembre et déposé le 4 octobre 2004, à l'audience, confirme que les documents signifiés à Arbutus à l'adresse de signification de Moez Kassam ont été acceptés. Je suis d'avis qu'Arbutus a amplement eu l'occasion de répondre aux documents relatifs à la taxation.

[10]            Le mémoire de dépens des défendeurs dans le dossier A-137-03, présenté à 8 402,39 $, est taxé et alloué à 3 677,54 $. Le mémoire de dépens des défendeurs dans le dossier A-134-03, présenté à 4 340,09 $, est taxé et alloué à 2 160,64 $. Le mémoire de dépens des défendeurs dans le dossier A-135-03, présenté à 5 594,06 $, est taxé et alloué à 3 243,42 $. Le mémoire de dépens des défendeurs dans le dossier A-136-03, présenté à 5 818,25 $, est taxé et alloué à 3 424,80 $.

« Charles E. Stinson »

     Officier taxateur

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                A-137-03

INTITULÉ :                                                               MOEZ KASSAM

c.

SA MAJESTÉ LA REINE et al.

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :      CHARLES E. STINSON

DATE DES MOTIFS :                                              LE 9 MAI 2005

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

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