Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041028

Dossier : A-349-04

Référence : 2004 CAF 367

ENTRE :

                                                         MICHAEL J. CULHANE

                                                                                                                                              appelant

                                                                          - et -

                                         ATP AERO TRAINING PRODUCTS INC.,

                                                        REILLY JAMES BURKE

                                                                                                                                                intimés

                                              TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur


[1]                L'action de l'appelant dans le dossier de la Cour fédérale T-1491-00, laquelle visait à obtenir un jugement déclaratoire et d'injonction ainsi que des dommages-intérêts, le tout relativement à la Loi sur la concurrence et à la fourniture sur Internet de guides gratuits relatifs aux examens d'aviation canadiens, a été rejetée avec dépens. Son appel n'a pas encore été entendu mais la Cour d'appel fédérale a rejeté la requête des intimés visant à obtenir un cautionnement pour dépens, avec dépens de la requête en faveur de l'appelant quelle que soit l'issue de l'appel. Après que les intimés (à titre de défendeurs) ont déposé leur mémoire de frais auprès de la Cour fédérale en vue de la taxation, l'appelant a présenté son mémoire de frais, relativement à la requête susmentionnée, pour qu'il soit taxé en même temps. Les intimés ont objecté que sa taxation serait prématurée.

La position des intimés

[2]                Les intimés ont fait valoir, en invoquant la décision Nature's Path Foods Inc. c. Country Fresh Enterprises Inc., [1999] A.C.F. no 827 (O.T.), que l'absence dans l'ordonnance d'une disposition pour le paiement « sans délai » des dépens interlocutoires rend leur taxation prématurée. Les requêtes en cautionnement pour dépens sont, en général, présentées tôt dans une instance. En l'espèce, la requête faisait valoir deux motifs, à savoir le fait que l'appelant n'avait pas encore payé ou pris des dispositions en vue de payer les dépens adjugés dans le jugement de la Cour fédérale malgré qu'on lui ait demandé de le faire et le fait que la situation financière incertaine de l'appelant pourrait compromettre le paiement des frais en supposant que son appel frivole et sans fondement était rejeté.


[3]                Les intimés ont fait valoir qu'ils ont choisi avec soin le moment pour présenter la requête en cautionnement pour dépens sous l'angle, par exemple, de la possibilité que l'appelant soulève son indigence en vertu de l'article 417 des Règles. De même, ils ont suggéré que l'audition de la requête soit ajournée jusqu'à ce que la taxation des dépens ait été faite à la Cour fédérale. Les intimés ont fait valoir que le paragraphe 3 de l'ordonnance, lequel a précisé que le rejet était [traduction] « sous réserve du droit des intimés de présenter une nouvelle requête en cautionnement pour les dépens de l'appel si l'appelant ne paie pas ou s'il ne fournit pas de cautionnement pour les dépens de la première instance dans un délai raisonnable après qu'il aura été statué de façon définitive sur ceux-ci » , ne pouvait pas donner lieu à l'annulation ou à la modification de l'adjudication interlocutoire de dépens en faveur du demandeur, mais qu'il pouvait créer, dans la présente Cour, des possibilités de compensation en faveur des intimés. On ne devrait pas permettre à l'appelant de greffer une compensation de ses dépens interlocutoires à la Cour d'appel fédérale à une taxation de dépens distincte précédemment prévue à la Cour fédérale.

La position de l'appelant


[4]                L'appelant a fait valoir que les intimés ne contestaient pas le caractère suffisant de l'avis de taxation des dépens. L'appelant a fait remarquer que dans son livre, The Law of Costs, 2e éd. (Toronto : Canada Law Book Inc. 2003) à la page 4-2, paragr. 402, Mark M. Orkin qualifie une adjudication de dépens quelle que soit l'issue de la cause [traduction] « d'expression extrême par la Cour de sa désapprobation » , quelle que soit la partie qui, en fin de compte, aura gain de cause dans le cadre de l'action principale et, au paragr. 402.1, il reconnaît que dans de nombreuses juridictions, il existe une pratique traditionnelle selon laquelle [traduction] « les dépens d'une procédure interlocutoire ne sont payables qu'à la conclusion » de l'instance. L'appelant fait valoir que la situation factuelle en l'espèce peut être distinguée d'avec celle de l'affaire Nature's Path Foods Inc., précitée. Ainsi, le motif de la requête des intimés visant à obtenir un cautionnement pour dépens, à savoir le non-paiement de dépens de la Cour fédérale non taxés, était tel que le jugement final dans le présent appel ne peut avoir d'effet sur la taxation de ces dépens interlocutoires. De même, ayant satisfait aux dispositions relatives à l'avis du paragraphe 406(1) des Règles, il a le droit de procéder. Cela lui permettrait de bénéficier de son droit de compensation en vertu du paragraphe 408(2) des Règles et, étant donné que toutes les parties dans les affaires en Cour d'appel fédérale et en Cour fédérale étaient présentes devant moi, il serait plus efficace d'appliquer l'article 3 des Règles d'une manière positive, plutôt que négative, afin de permettre leur audition commune, y compris la compensation appropriée entre les deux cours. Tout comme les intimés n'attendent pas le résultat final de l'appel pour réclamer leurs dépens relatifs à la Cour fédérale, l'appelant ne devrait pas avoir à attendre avant de réclamer les dépens interlocutoires qui lui ont été adjugés quel que soit ce résultat.


[5]                L'appelant a fait valoir que la taxation immédiate de ses dépens interlocutoires ne porterait pas atteinte au droit accordé aux intimés par le paragraphe 3 de l'ordonnance de présenter une autre requête en cautionnement pour frais. Le paragraphe 401(2) prévoit le paiement « sans délai » des dépens dans certaines circonstances. Par contre, aucune règle ne restreint la taxation des dépens en l'absence d'une disposition relative au « sans délai » . L'appelant a fait valoir que l'approche [traduction] « au fur et à mesure » examinée dans la décision Orleski et al. c. North American Property Group et al., (1995), 166 A.R. 285 (B.R. Alb.), devrait être appliquée en l'espèce, particulièrement en ce qui concerne l'analyse de la page 287, aux paragr. [16] à [18] inclusivement, à savoir que si l'issue de l'action en justice ne peut pas avoir d'effet sur une question interlocutoire, cette dernière question est distincte et peut entraîner l'adjudication de dépens quelle que soit l'issue de la cause. En l'espèce, le paragraphe 3 de l'ordonnance crée les mêmes circonstances pour l'appelant, à savoir qu'un jugement final dans l'appel ou un jugement interlocutoire subséquent ne peut pas avoir d'effet sur le rejet de la première requête en cautionnement et, par ricochet, sur la taxation des dépens y afférents adjugés quelle que soit l'issue de la cause.

Taxation

[6]                Avant l'audition de la présente taxation, j'ai été averti par chacune des parties que le pouvoir du demandeur de procéder à la taxation de ses dépens à cette étape-ci serait probablement mis en cause. Afin de s'assurer que le processus d'audience soit le plus expéditif possible, je les ai avisées à l'avance que j'abordais habituellement de telles questions en tant qu'objection préliminaire et j'ai attiré leur attention sur les décisions Nature's Path Foods Inc., précitée, et Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., [2002] A.C.F. no 1813 (O.T.), conf. par [2003] A.C.F. no 182 (C.F.).


[7]                Après avoir entendu l'argumentation orale, j'ai donné les conclusions qui suivent. Premièrement, l'absence d'une disposition relative au « sans délai » dans l'ordonnance de rejet indique que le paragraphe 401(2) n'est pas applicable en l'espèce. Deuxièmement, bien que la décision Orleski, précitée, soit convaincante, d'autant plus que je suis au courant que les juridictions affairées, comme l'Ontario, ont adopté une forme d'approche « au fur et à mesure » , à savoir qu'on exige que le juge qui préside l'instance fixe le montant des dépens à la fin de chaque audience interlocutoire, sa caractérisation au paragr. [24] du sujet du paiement « sans délai » des dépens comme étant la [traduction] « prochaine question » après avoir tranché la question de l'issue du litige n'ayant pas d'effet sur le résultat d'une question interlocutoire distincte et sur les dépens y afférents m'indique que la décision relative à la dernière question était indépendante de la première. Par conséquent, j'ai limité mon examen de la décision Orleski, précitée, à la question de savoir si son analyse d'une question interlocutoire distincte relativement à l'issue du litige devrait être appliquée de façon à modifier ou à supprimer la pratique relative au « sans délai » examinée dans les décisions Nature's Path Foods Inc. et Almecon Industries Ltd., précitées. J'ai conclu qu'elle ne devrait pas aller à l'encontre des normes de pratique suivant les paragraphes 406(1) et 408(2) ainsi que l'article 3 des Règles. Ainsi, comme les intimés l'ont fait valoir avec insistance, il n'y a pas que l'appelant qui pourrait rechercher la compensation. Les intimés perdraient la possibilité de compenser les adjudications interlocutoires subséquentes de dépens ou même les dépens après jugement, au cas où ils seraient adjugés en leur faveur, si la pratique relative au « sans délai » établie dans la jurisprudence était ignorée ou abandonnée. Je ne pense pas que mes considérations sur le critère préliminaire de la compensation dans la décision Wilson c. Canada, [2000] A.C.F. no 506 (O.T.); mod. par [2000] A.C.F. no 1783 (C.F. 1re inst.), mais non sur un élément pertinent aux circonstances de l'espèce, soient utiles à l'appelant. Par conséquent, j'ai conclu qu'un certificat de taxation devrait être délivré, lequel accueillerait l'objection préliminaire des intimés, à savoir que la taxation des dépens interlocutoires de l'appelant est prématurée.

« Charles E. Stinson »

     Officier taxateur

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 28 octobre 2004

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    A-349-04

INTITULÉ :                                                                   MICHAEL J. CULHANE

c.

ATP AERO TRAINING

PRODUCTS INC. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 16 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :          CHARLES E. STINSON

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 28 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Michael J. Culhane                                                           POUR SON COMPTE

Gene H. Fraser                                                                POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Burke Tomchenko & Fraser                                             POUR LES INTIMÉS

Port Moody (Colombie-Britannique)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.