Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20051209

Dossier : A-16-05

Référence : 2005 CAF 419

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE ROTHSTEIN

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

JANOS ERDOS

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 19 octobre 2005

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE LINDEN

                                                                                                                    LE JUGE ROTHSTEIN

 


 

Date : 20051209

Dossier : A-16-05

Référence : 2005 CAF 419

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE ROTHSTEIN

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

JANOS ERDOS

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE PELLETIER

INTRODUCTION

[1]               Lorsque Janos Erdos a revendiqué le statut de réfugié au Canada pour la première fois, en 1992, la Section du statut de réfugié (SSR) a cru son récit concernant sa vie en Hongrie et elle a conclu que M. Erdos avait été victime de persécution aux mains des services secrets hongrois en raison de ses opinions politiques. Toutefois, les conditions de la Hongrie ayant changé, la SSR a rejeté la demande de M. Erdos. Dix ans plus tard, M. Erdos a demandé l’asile une deuxième fois, alléguant non seulement la persécution du fait de ses opinions politiques, mais également du fait de ses origines romes, motif qu’il n’avait pas soulevé dans sa première demande. La Section de la protection des réfugiés, qui a entendu sa demande, a décidé d’appliquer la règle de la res judicata à la question des origines romes de manière à empêcher M. Erdos de soulever ce motif alors qu’il ne l’avait pas fait dans sa première demande. Le tribunal a ensuite conclu que M. Erdos n’était pas crédible concernant les événements sur lesquels était fondée son allégation de persécution en raison de ses opinions politiques, y compris les événements dont le bien-fondé avait été reconnu par le tribunal qui avait entendu sa première demande. La demande de M. Erdos a été rejetée.

 

[2]               Dans sa demande de contrôle judiciaire, M. Erdos a soutenu que le tribunal n’avait pas régulièrement appliqué le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée aux faits reconnus par le tribunal qui avait entendu sa première demande. Le juge des requêtes a conclu que le tribunal avait examiné, d’une manière implicite, les facteurs présentés par les parties concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal de ne pas appliquer la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, comme les a décrits la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, 2001 CSC 44 (Danyluk). Le juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Ce faisant, il a certifié la question suivante :

[traduction] Eu égard aux faits de l’espèce, la Section de la protection des réfugiés, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appliquer le principe de la préclusion, a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en omettant d’examiner explicitement, dans ses motifs, les facteurs soumis par les parties qui étaient pertinents pour l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire?

 

 

 

[3]               L’argument dont nous sommes saisis vise la question de la préclusion découlant de la question déjà tranchée mais, nous le verrons, le tribunal qui a entendu la demande de M. Erdos l’a rejeté au motif qu’il ne croyait tout simplement pas M. Erdos au sujet des aspects matériels de sa deuxième demande. Selon moi, et mise à part la question de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, il s’agit d’une conclusion qu’il était loisible au tribunal de tirer. Je rejetterais donc l’appel.

 

LES FAITS

[4]               M. Erdos est originaire de la Hongrie. Il prétend avoir été le directeur principal des travaux de construction dans une installation militaire secrète hongroise où il avait accès à des renseignements militaires confidentiels. Pour diverses raisons, les services secrets hongrois en sont venus à mettre en doute sa loyauté et ils l’ont soumis à un traitement inhumain. En 1972, M. Erdos a quitté la Hongrie et s’est installé en Allemagne où il a demandé et obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu’il était persécuté par les services secrets hongrois. En 1985, il est retourné en Hongrie parce que sa femme était très gravement malade.

 

[5]               En 1989, il a quitté la Hongrie pour le Canada où il a revendiqué, pour la première fois, le statut de réfugié. Sa demande a été entendue en 1992. La SSR, convaincue que M. Erdos était un témoin crédible, a conclu qu’il avait été persécuté par les services secrets hongrois en raison de ses opinions politiques.

 

[6]               Parce que le régime communiste hongrois avait été renversé quand la revendication du statut de réfugié de M. Erdos a été tranchée, la SSR a conclu que, compte tenu du changement dans les conditions qui existaient au pays, M. Erdos ne risquait plus d’être persécuté dans la « nouvelle » Hongrie. M. Erdos n’a pas contesté cette décision. En novembre 1992, il a quitté le Canada pour les États-Unis, où il a revendiqué de nouveau le statut de réfugié au sens de la Convention. La demande a été refusée et, en novembre 2002, les États-Unis ont menacé d’expulser M. Erdos, qui a donc a quitté le pays pour retourner en Hongrie. Il a séjourné brièvement en Hongrie. Il allègue avoir attiré de nouveau l’attention de la police secrète hongroise et avoir été arrêté, détenu et torturé. Dès sa mise en liberté, il a quitté la Hongrie et il est revenu au Canada où il a déposé une deuxième demande d’asile, le 27 décembre 2002.

 

[7]               Dans sa demande, M. Erdos a allégué, pour la première fois, que la persécution dont il avait été victime, tant avant qu’après 1972, était due non seulement à ses origines romes mais aussi à ses opinions politiques. Un tribunal composé de M. Andrew Rozdilsky (le tribunal Rozdilsky) n’a pas cru que M. Erdos était d’origine rome et a rejeté la demande. Lorsque la Cour fédérale a été saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du tribunal Rozdilsky, le juge Russell a décidé que la demande d’asile de M. Erdos reposait sur deux fondements distincts : ses origines romes et ses opinions politiques. Le juge Russell a conclu que le tribunal aurait dû traiter pleinement les deux aspects de la demande et que, rejetant la demande de M. Erdos pour le seul motif qu’il ne croyait pas que M. Erdos était d’origine rome, le tribunal ne l’avait pas fait. Le juge Russell a donc renvoyé l’affaire pour nouvelle audience.

 

[8]               À l’audience devant le nouveau tribunal composé de Mme Lamont (le tribunal Lamont), le conseil de M. Erdos a prétendu que, puisque la SSR avait jugé que M. Erdos était crédible, le tribunal Lamont « devrait arriver à la même conclusion à l’égard de ses allégations, y compris des arrestations, des détentions, des tortures et des interrogatoires fréquents auxquels il a été soumis par les autorités hongroises avant qu’il quitte la Hongrie en 1989 » (dossier d’appel, page 31). Il s’agissait d’une invitation à appliquer la doctrine de la préclusion découlant de la question déjà tranchée, invitation que le tribunal n’a pas retenue au motif que la SSR n’était pas saisie de toute la preuve quand elle avait tiré les conclusions en cause. En outre, le tribunal a conclu que M. Erdos n’était pas crédible quant aux allégations que la SSR avait acceptées. Le tribunal a dit qu’il « n'accept[ait] pas les allégations du demandeur d’asile telles que présentées dans son exposé circonstancié daté du 5 août 1991, du 6 mars 2001, son exposé circonstancié modifié daté du 5 septembre 2002 ou son témoignage » (dossier d’appel, page 32).

 

[9]               Quant aux origines romes, le tribunal a voulu appliquer le principe de la res judicata pour empêcher l’examen de cette question parce qu’elle n’avait pas été soulevée dans la première demande, comme elle devait l’être. Le tribunal a décidé qu’il n’y avait aucune circonstance extraordinaire justifiant l’inclusion « dans la deuxième demande d’une preuve déjà disponible mais non incluse dans sa première demande » (dossier d’appel, page 34). Quant au reste de la demande, le tribunal a entrepris un examen détaillé des nombreuses incohérences et contradictions du témoignage antérieur de M. Erdos et dans les diverses versions de son récit. En particulier, il n’a pas reconnu que M. Erdos était retourné en Hongrie en novembre 2000. En fin de compte, il a conclu que la crédibilité du demandeur d’asile avait été tellement minée qu’il ne croyait à aucune de ses allégations « sauf en ce qui concerne son nom, son âge, sa citoyenneté et le fait qu'il a vécu à l’extérieur de la Hongrie durant de nombreuses années, y compris en Allemagne, aux États-Unis et au Canada » (dossier d’appel, page 46).

 

[10]           La décision du tribunal Lamont a également fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. M. Erdos a prétendu que le tribunal avait commis une erreur en rejetant les conclusions de la SSR. Le juge des requêtes a conclu que, entre la décision de la SSR et la décision dont il était saisi, les conditions d’une demande de préclusion étaient respectées en ce que 1) la même question avait été décidée, 2) la décision était finale, 3) les parties devant le tribunal étaient les mêmes. Il a ensuite examiné la question de savoir si le tribunal avait exercé régulièrement son pouvoir discrétionnaire d’appliquer le principe de la préclusion. Il a conclu que le tribunal Lamont avait appliqué « la doctrine de la res judicata et qu’elle [la SPR] est raisonnablement efficace, si peu élégante et indirecte, en traitant des facteurs militant pour ou contre l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par rapport à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée » (dossier d’appel, page 16).

 

[11]           En conclusion, le juge a évalué la décision visée par le contrôle en ces termes :

[20] […] Selon mon interprétation des motifs de la SPR, celle-ci a choisi de privilégier l’intérêt public qui consiste à assurer le caractère définitif des litiges par rapport à la possibilité que soit en cause l’intérêt public d’accorder au demandeur une autre occasion de présenter sa demande pour de nouveaux motifs.

 

 

[12]           En résumé, le juge des requêtes a conclu que le tribunal Lamont était fondé à appliquer le principe de la res judicata pour exclure l’examen de la demande d’asile de M. Erdos fondée sur ses origines romes. Le juge des requêtes n’a rien dit concernant la conclusion du tribunal Lamont selon laquelle le tribunal n’était pas lié par les conclusions de la SSR relatives à l’autre élément principal de sa demande, à savoir ses opinions politiques. Il s’agit d’un domaine auquel la doctrine de la préclusion s’appliquerait également.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[13]           Depuis la décision de la Cour fédérale dans Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 160 F.T.R. 142 (C.F. 1re inst.), la Cour fédérale a toujours affirmé qu’en application de la préclusion découlant de la question déjà tranchée, un demandeur ne peut revendiquer pour une deuxième fois (ni par la suite) le statut de réfugié au sens de la Convention en soulevant, de nouveau, une question déjà tranchée. La personne qui revendique de nouveau le statut de réfugié ne peut fonder sa demande que sur des faits qui sont survenus depuis que la demande antérieure a été tranchée. Dans Danyluk, la Cour suprême a confirmé que les tribunaux avaient le pouvoir discrétionnaire d’appliquer ou non le principe de la préclusion découlant de la question déjà tranchée. L’argument dont était saisie la Cour fédérale et dont nous sommes saisis en l’espèce visait la question de savoir si le tribunal Lamont avait respecté les principes énoncés dans Danyluk quand il a refusé d’appliquer la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.

 

[14]           Toutefois, lorsqu’on lit la décision du tribunal Lamont, il est clair que ce dernier a examiné tous les faits dont il était allégué qu’ils étaient survenus après la décision de la SSR en 1992. Si le tribunal a tranché la demande de M. Erdos en se fondant sur ces faits, son refus d’accepter les conclusions de la SSR concernant les événements survenus avant 1992 n’est pas pertinent. La question est donc de savoir si les conclusions du tribunal Lamont relativement à la deuxième demande de M. Erdos sont étayées par son opinion concernant les faits survenus après 1992.

 

L’ANALYSE

[15]           Il faut maintenant distinguer entre le principe de la préclusion et le principe de la res judicata puisque ces expressions ont été utilisées d’une manière plus ou moins interchangeable dans le présent appel. La res judicata, le principe selon lequel une question ne peut faire l’objet d’un litige qu’une seule fois, comprend l’exception de la cause d’action déjà jugée et la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. La cause d’action déjà jugée empêche un nouveau litige concernant la même cause d’action entre les mêmes parties. L’arrêt Doering c. Town of Grandview, [1976] 2 R.C.S. 621, est un exemple de ce type d’action. La cause d’action déjà jugée comporte certains corollaires, notamment que les tribunaux ne permettront pas à une partie de rouvrir le débat sur un point en se fondant sur des faits nouveaux qui auraient pu être soulevés lors du litige original. Voilà le principe que le tribunal Lamont a invoqué en rapport avec l’allégation de discrimination de M. Erdos en raison de ses origines romes.

 

[16]           Le principe de la préclusion empêche un nouveau litige sur la même question entre les mêmes parties, même si la question est soulevée dans le contexte d’une cause d’action différente. Danyluk est un exemple de préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Mme Danyluk avait demandé à un tribunal administratif de l’aider à percevoir les commissions impayées de son ancien employeur. Elle avait ensuite intenté une action pour congédiement injuste dans laquelle elle demandait le salaire et les commissions impayés. Le tribunal administratif a conclu que Mme Danyluk n’avait droit à aucune commission. L’employeur a ensuite demandé que soient rayées les parties de la demande pour congédiement injuste portant sur les commissions en invoquant la préclusion relativement à la décision du tribunal administratif. La Cour suprême du Canada a reconnu que les faits donnaient lieu à l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée mais elle a conclu que, eu égard à toutes les circonstances, la Cour devait exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer ce principe. Dans l’affaire qui nous occupe, si le principe de préclusion avait été appliqué, le tribunal Lamont aurait dû accepter les conclusions de la SSR concernant la persécution de M. Erdos avant 1992, à moins que le tribunal ne puisse démontrer que les circonstances étaient telles qu’il devait exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer le principe. Voilà le sujet du débat devant la Cour fédérale et devant la Cour. En fin de compte, il s’agit d’un faux débat.

 

[17]           Même si le tribunal Lamont a dit qu’il appliquait le principe de la res judicata à l’allégation de persécution en raison de ses origines romes présentée par M. Erdos, il a examiné attentivement la preuve de M. Erdos concernant la question et il a conclu que M. Erdos n’était pas crédible. En particulier, aux pages 4 et 6 de sa décision (dossier d’appel, page 33 à 35), le tribunal a examiné précisément la preuve concernant les origines romes de M. Erdos et il a donné ses motifs pour conclure qu’il n’était pas crédible sur ce point :

 

- M. Erdos n’avait pas soulevé ses origines romes dans sa demande de 1989;

- le tribunal ne croyait pas l’explication selon laquelle un prêtre avait conseillé à M. Erdos de ne pas révéler ses origines romes;

- le tribunal n’a pas cru que la femme de M. Erdos avait menacé de « lui trancher la gorge » s’il révélait ses origines romes;

- le tribunal a rejeté une carte d’identité qui indiquait les origines romes de M. Erdos;

- les incohérences entre le témoignage de M. Erdos devant le tribunal Rozdilsky et devant le tribunal concernant ses origines.

 

[18]           Par conséquent, il est clair que le tribunal Lamont n’a pas appliqué le principe de la res judicata à la question des origines romes de M. Erdos. Le tribunal a soigneusement examiné la preuve et il a lui-même conclu que M. Erdos n’était pas Rom. Il s’ensuit que M. Erdos ne pouvait craindre avec raison d’être persécuté pour ce motif s’il était renvoyé en Hongrie. Comme il est clair que cette conclusion n’a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire ou abstraction faite de la preuve dont le tribunal disposait, elle n’est pas sujette à révision.

 

[19]           Le tribunal Lamont ne s’est pas penché précisément sur le principe de préclusion en rapport avec la conclusion de la SSR concernant la persécution de M. Erdos avant 1992, mais il appert, à la face de ses motifs, qu’il n’a pas appliqué le principe. Si l’on adopte la position la plus favorable à M. Erdos et si l’on tient pour acquis que la règle de la préclusion a été appliquée, que reste-t-il à décider? Puisque la seule expérience de M. Erdos en Hongrie depuis 1992 a été un bref séjour en novembre et en décembre 2002, il ne pouvait avoir gain de cause que s’il persuadait le tribunal qu’il s’était réellement rendu en Hongrie pendant cette période et avait été persécuté de nouveau, soit du fait de ses opinions politiques soit du fait de ses origines romes.

 

[20]           Le tribunal Lamont était libre de tirer ses propres conclusions en matière de crédibilité quant aux événements survenus après 1992, notamment quant aux allégations de M. Erdos concernant son séjour d’environ un mois en Hongrie, en 2002, et ses origines romes. Nous avons déjà vu que le tribunal a examiné et rejeté l’allégation de M. Erdos concernant ses origines romes.

 

[21]           Le tribunal a examiné le témoignage de M. Erdos selon lequel il était retourné en Hongrie pour une courte période de temps en novembre et en décembre 2002 et il a décidé qu’en fait, M. Erdos n’était pas retourné en Hongrie. Le tribunal a tiré cette conclusion en se fondant sur les éléments suivants :

 

- les divers récits de M. Erdos concernant la manière dont il avait obtenu un passeport hongrois;

- le fait qu’il était invraisemblable qu’il ait pu jeter un sac contenant son argent, ses bijoux et son passeport par-dessus une barrière à l’aéroport de Budapest;

- le fait qu’il était impossible qu’il ait quitté la Hongrie en se mêlant subrepticement à un groupe de touristes comme il l’alléguait;

- il n’avait pas été en mesure de fournir son passeport ou ses billets d’avion, et le tribunal n’a pas cru les explications selon lesquelles ces documents lui avaient été dérobés à Winnipeg;

- le tribunal a écarté certains documents hongrois qu’il avait présentés pour étayer l’allégation selon laquelle il s’était rendu en Hongrie.

 

[22]           Ces faits se sont tous produits après 1992. Il s’agit de raisons valables de conclure que M. Erdos n’est pas retourné en Hongrie comme il l’a prétendu.

 

[23]           Puisque le tribunal a conclu que M. Erdos n’était pas d’origine rome et qu’il n’était pas retourné en Hongrie en 2002, il n’y avait aucun motif de conclure que M. Erdos craignait avec raison d’être persécuté soit en raison de ses origines romes soit en raison d’une nouvelle preuve de mauvais traitements à cause de ses opinons politiques. Il n’y avait donc aucun motif de conclure que M. Erdos craignait avec raison d’être persécuté pour l’un ou l’autre des principaux motifs invoqués dans sa demande.

 

[24]           Par conséquent, je conclus que l’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal Lamont relativement à la préclusion n’est pas pertinent quant à ses conclusions concernant la deuxième demande d’asile de M. Erdos.

 

LA QUESTION CERTIFIÉE

[25]           Dans ses observations, l’avocat de M. Erdos a demandé à la Cour de s’exprimer sur les questions certifiées de manière à guider la Cour fédérale. L’avocate du ministre s’est opposée au motif que ce point n’avait pas été soulevé dans le mémoire de M. Erdos, de sorte qu’elle n’était pas préparée à répondre à cette question. Dans les circonstances, j’estime qu’il n’est pas opportun de dire quoi que ce soit concernant les questions certifiées en général.

 

[26]           Le juge des requêtes a certifié la question suivante :

[traduction] Eu égard aux faits de l’espèce, la Section de la protection des réfugiés, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appliquer le principe de la préclusion, a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en omettant d’examiner explicitement, dans ses motifs, les facteurs soumis par les parties qui étaient pertinents pour l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire?

 

 

[27]           La question est fondée sur l’hypothèse selon laquelle la Section de la protection des réfugiés (le tribunal Lamont) a examiné les facteurs présentés par les parties, mais qu’elle n’a pas précisé l’analyse qu’elle en a faite. À la lecture de la décision, j’estime que le tribunal Lamont a invoqué spécifiquement le principe de la res judicata comme motif d’exclure la preuve concernant les origines romes de M. Erdos mais qu’elle a ensuite examiné en détail cette preuve avant de la rejeter parce qu’elle n’était pas crédible. Dans la mesure où le juge des requêtes conclut que le tribunal a « appliqué la doctrine de la res judicata et qu’elle [la SPR] est raisonnablement efficace, si peu élégante et indirecte, en traitant des facteurs militant pour ou contre l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par rapport à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée » (dossier d’appel, page 16), il l’a fait dans le contexte de la res judicata.

 

[28]           Quant à l’examen des facteurs qui découlent du principe de la préclusion, je n’ai trouvé aucune indication, dans les motifs du tribunal Lamont, que le tribunal avait examiné ces facteurs. Il a tout simplement rejeté les conclusions de la SSR au motif qu’elle ne disposait pas de toute la preuve quand elle a tiré ses conclusions. Par conséquent, il m’apparaît que la question certifiée n’est pas pertinente eu égard aux faits de l’espèce.

 

CONCLUSION

 

[29]           Je rejetterais donc l’appel au motif que, même si le tribunal Lamont n’a pas appliqué la règle de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, sa décision concernant la deuxième demande d’asile de M. Erdos est fondée sur des faits survenus après la décision de la SSR et, par conséquent, la Cour n’a aucune raison d’intervenir.

 

« J.D. Denis Pelletier »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

A.M. Linden, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                          A-16-05

 

(APPEL D’UN JUGEMENT OU D’UNE ORDONNANCE DE (See comment in left margin) DATÉ DU (DATE), (SEE COMMENT IN LEFT MARGIN) NO S’IL Y A LIEU

 

INTITULÉ :                                         JANOS ERDOS

                                                              c.

                                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                              L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                  WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 LE 19 OCTOBRE 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :              LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE LINDEN

                                                              LE JUGE ROTHSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                       LE 9 DÉCEMBRE 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

POUR L’APPELANT

 

Sharlene

Telles-Langdon

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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