Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20011105

Dossier : A-694-99

A-695-99

A-696-99

A-697-99

Référence neutre : 2001 CAF 333

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                         MOBIL OIL CANADA, LTD.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                   Audience tenue à Toronto (Ontario), le 19 septembre 2001

                                     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                    LE JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                    LE JUGE LINDEN

                                                                                                                                      LE JUGE MALONE


Date : 20011105

Dossier : A-694-99

A-695-99

A-696-99

A-697-99

Référence neutre : 2001 CAF 333

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                         MOBIL OIL CANADA, LTD.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW


[1]                 La question que soulèvent les présents appels est de savoir si les paiements faits par Mobil Oil Canada, Ltd. à la province de Saskatchewan en 1977, 1978, 1979 et 1980 en vertu de l'article 4 du Road Allowances Crown Oil Act, R.S.S. 1978, ch. R-23, sont déductibles dans le calcul du revenu de ces années au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.C. 1970-71-72, ch. 63. Le juge Nadon a jugé qu'ils ne sont pas déductibles : Mobil Oil Canada Ltd. c. Canada (1999), 176 F.T.R. 98, [2000] 1 C.T.C. 10, 99 D.T.C. 5709, [1999] A.C.F. n º 1501 (C.F.1re inst.). L'appel est interjeté à l'encontre de ce jugement.

Le Road Allowances Crown Oil Act

[2]                 Le Road Allowances Crown Oil Act est entré en vigueur le 1er avril 1959 (S.S. 1959, ch. 53) et a été abrogé le 21 juin 2000 (S.S. 2000, ch. 16). Cette loi a été modifiée en 1979, mais les modifications n'ont apporté aucun changement pertinent à l'égard du présent appel. Les dispositions principales (de la Loi modifiée en 1979) prévoient ce qui suit :

[traduction]

3. Dans chaque gisement de pétrole en production, un et quatre-vingt-huit centièmes pour cent du pétrole récupérable est réputé se trouver à l'intérieur, au-dessous des réserves pour chemins ou sur celles-ci et être la propriété de la Couronne.

4(1) Sauf dans le cas prévu à l'article 5, tout propriétaire produisant du pétrole est tenu de payer et doit payer au ministre au plus tard le dernier jour de chaque mois un pour cent de la valeur, calculée en fonction du prix moyen à la tête de puits en vigueur, du pétrole produit, franche et quitte de toute déduction, durant le mois précédent.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), le « prix moyen à la tête de puits en vigueur » s'entend du prix du baril de pétrole produit à partir d'un puits, calculé en prix de vente total de tous les barils de pétrole produits par le puits au cours du mois pour lequel on calcule le prix moyen à la tête de puits en vigueur, et en soustrayant le coût du transport du pétrole du puits ou de la batterie au point de vente, et en divisant la différence ainsi obtenue par le nombre de barils de pétrole vendus à ce point au cours de ce mois.

5(1) Au lieu du paiement prévu à l'article 4, le ministre peut choisir de recevoir le paiement en nature de tout ou partie, selon ses indications, de un pour cent du pétrole produit au cours du mois pour lequel le paiement doit être fait, en prenant livraison de ce pétrole ou de la partie indiquée par lui; lorsque le ministre exerce ce choix, le propriétaire livre le pétrole ou la partie indiquée du pétrole au moment, au lieu et de la manière indiqués par le ministre.


(2) Lorsque, en vertu du paragraphe (1), le ministre demande que le pétrole soit livré en un lieu autre que le lieu de production du pétrole et qu'il juge que le produit de la vente par le propriétaire de quatre-vingt-huit centièmes pour cent du pétrole produit au cours du mois pour lequel le paiement doit être fait ne suffit pas à couvrir le coût de production pendant ce mois du pétrole déclaré, par l'article 3, être la propriété de la Couronne et le coût de la livraison selon les indications du ministre, le ministre peut autoriser le propriétaire à déduire de la quantité de pétrole à livrer la quantité qu'il juge juste et raisonnable.

(3) Lorsque, en vertu du paragraphe (1), le ministre choisit de prendre livraison d'une partie seulement de un pour cent du pétrole produit au cours du mois pour lequel le paiement doit être fait, l'article 4 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, au paiement du reste du un pour cent du pétrole dont le ministre ne demande pas la livraison.

6. Sous réserve du respect de l'article 4 ou 5, tout propriétaire produisant du pétrole peut conserver jusqu'à concurrence de quatre-vingt-dix-huit centièmes du pétrole déclaré, par l'article 3, propriété de la Couronne et en disposer, ou conserver le produit de la vente, pour ses propres usage et avantage.

7. Tout propriétaire produisant du pétrole est tenu, au plus tard le 15 du mois, de présenter au ministre, selon un formulaire approuvé par celui-ci, un état indiquant la quantité de pétrole produite au cours du mois précédent.

8. Sont interdits la vente, l'achat, l'acquisition, le transport, le traitement ou la manutention de pétrole en contravention de la Loi.

9. Toute personne qui contrevient à toute disposition de la Loi se rend coupable d'une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende d'au moins 10 $ et d'au plus 10 000 $; toutefois, aucune poursuite ou exécution d'une sanction en vertu de la Loi ne suspend ou ne touche un recours en recouvrement d'un paiement exigible ou du pétrole tenant lieu de paiement en vertu de la Loi.

10. Nonobstant toute poursuite engagée en vertu de la Loi, le ministre peut intenter et exercer une action interdisant la contravention à toute disposition de la Loi.

[3]                 Le Road Allowances Crown Oil Act permettait à la province de percevoir un revenu correspondant à 1 % de la valeur de la totalité du pétrole produit dans la province. Au moment où la Loi était en vigueur, la province de Saskatchewan était propriétaire de 1,88 % de tout le pétrole produit en Saskatchewan : Imperial Oil Ltd. c. Placid Oil Co, [1963] R.C.S. 333, (1963) 39 D.L.R. (2d) 244, (1963) 43 W.W.R. 437.


[4]                 La province ne prenait pas d'office livraison de sa part du pétrole produit, mais se réservait seulement le droit de le faire en vertu de l'article 5. Le producteur de pétrole à l'égard duquel ce droit n'était pas exercé était autorisé à vendre la part de 1,88 % appartenant à la province et à conserver le produit de la vente excédant 1 % de la valeur du pétrole produit. Tant que la province n'exerçait pas son droit, tous les coûts de production étaient à la charge du producteur, y compris les coûts afférents à la part de la province.

Les faits

[5]                 Dans chacune des années allant de 1977 à 1980, Mobil a produit du pétrole en Saskatchewan à partir de terrains faisant l'objet de baux accordant à l'appelante un droit d'extraction du pétrole. La quasi-totalité du pétrole produit par Mobil en Saskatchewan provenait de terrains faisant l'objet de baux consentis par la Couronne. Le dossier n'indique pas si tout ou partie de la production de pétrole par Mobil en Saskatchewan dans les années 1977 à 1980 était sous le régime de baux antérieurs à l'adoption du Road Allowances Crown Oil Act en 1959.

[6]                 Le dossier contient un exemplaire du formulaire type de bail consenti par la Couronne, qui avait effet dans les années visées par l'appel. Il est daté du 26 octobre 1977. Les articles 2 et 3 du bail type prévoient :

2.            [traduction] Le locataire doit, aux moments et de la manière prescrits dans les Petroleum and Natural Gas Regulations en vigueur à ce moment, verser ou faire verser au ministre, à Regina, Saskatchewan, tous les paiements et redevances exigés par cette réglementation, telle qu'elle peut être modifiée, révisée ou remplacée de temps à autre.

3.            Le locataire est tenu de payer tous les impôts et taxes susceptibles d'être prélevés ou de devenir exigibles pendant la durée du bail à l'égard des terrains pris à bail ou des activités exercées en vertu du présent bail.


[7]                 Le règlement intitulé Petroleum and Natural Gas Regulations, 1969, Sask. Reg. 8/69, comporte des dispositions applicables au paiement de diverses sommes, notamment un loyer annuel et une redevance sur le pétrole produit à partir des terrains pris à bail. L'article 71 prévoit :

71. [traduction] Le concessionnaire doit en tout temps mettre en oeuvre et observer le Mineral Resources Act et le Oil and Gas Conservation Act, les règlements pris en application de ces lois ainsi que toute autre loi ou tout règlement applicable, ou susceptible de le devenir par adoption ou modification ultérieures, à ses activités, installations, travaux, affaires ou entreprises.

L'article 13 du bail donnait au ministre le droit d'annuler le bail en cas de manquement ou de non-exécution de la part de Mobil de toute obligation ou condition stipulées au bail.

[8]                 Dans les années visées par l'appel, du fait des droits qui lui avaient été consentis aux termes de ses divers baux pétroliers, Mobil s'est trouvée à tomber sous la définition du [traduction] « propriétaire » , exposée à l'alinéa 2 d) du Road Allowances Crown Oil Act :

2. [traduction] Dans la présente Loi :

d) « propriétaire » s'entend d'une personne qui a le droit de forer dans un gisement souterrain et de produire du pétrole ou du gaz, et d'attribuer le pétrole et le gaz qu'il produit à lui-même, à d'autres personnes ou à la fois à lui-même et à d'autres personnes. [... ].

[9]                 La province n'a pas choisi de prendre livraison de sa part de la production de pétrole de Mobil. Par conséquent, ayant effectué les paiements exigés par l'article 4 du Road Allowances Crown Oil Act, Mobil était autorisée à vendre la part de 1,88 % de la province du pétrole qu'elle avait produit au cours de ces années et de garder le revenu.


La question à trancher en appel

[10]            Personne ne conteste que tous les produits de la vente du pétrole produit par Mobil dans les années 1977 à 1980, y compris la part de 1,88 % de la province, ont été correctement inclus dans le revenu de Mobil afférent à ces années. Cependant, il existe un litige au sujet de l'admissibilité en déduction des paiements de Mobil à la province au titre de l'article 4 du Road Allowances Crown Oil Act. Ces paiements ont été respectivement de 551 034 $ (1977), 646 254 $ (1978), 731 526 $ (1979) et 822 178 $ (1980). Selon la position de la Couronne, l'alinéa 18(1)m) de la Loi de l'impôt sur le revenu interdit la déduction.

[11]            L'alinéa 18(1)m) a été adopté à l'origine en 1974. Avant son adoption, les impôts et redevances provinciaux sur les ressources étaient pleinement déductibles dans le calcul du revenu aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les augmentations des prix du pétrole et du gaz en 1973 et 1974 ont incité certaines provinces à augmenter les prélèvements provinciaux sur la production de ces ressources. Le gouvernement fédéral, préoccupé par l'effritement de son assiette fiscale qu'entraînait l'augmentation des prélèvements, a cherché à limiter les allégements fiscaux prévus dans la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des impôts et redevances provinciaux sur les ressources. Le ministre des Finances de l'époque, dans son discours du budget du 6 mai 1974, déclarait :

... je propose que les sommes payées aux autorités provinciales à l'égard de la production pétrolière ou minière ne soient plus déductibles dans le calcul du revenu de l'exploitant des ressources en question.


[12]            Cette intention a été mise en oeuvre par des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu, dont certaines sont décrites dans l'ouvrage de J.V. Krukowski, Canadian Taxation of Oil and Gas Income, 2e éd. (Don Mills, Ont. : CCH Canadian Limited, 1987) à la page 162 :

[traduction] Le gouvernement fédéral a mis en oeuvre son refus des déductions relatives aux prélèvements provinciaux sur le pétrole et le gaz par quatre groupes de dispositions. La première disposition oblige le contribuable à inclure dans son revenu la valeur de toute production qui est dévolue à la Couronne (alinéa 12(1)o)). La deuxième disposition refuse la déduction de la plupart des sommes payées à la Couronne à raison de la production de pétrole, de gaz ou minière ou à raison d'un bail de pétrole, de gaz ou minier. La troisième disposition, ou plutôt le troisième groupe de dispositions, annule tout avantage fiscal que pourrait obtenir un contribuable qui traite avec la Couronne à des prix inférieurs à la juste valeur marchande (paragraphes 69(6) à (10)). La quatrième disposition permet aux sociétés de compenser la charge correspondant au refus de la déduction en ne tenant pas compte du remboursement des prélèvements non admis en déduction dans le calcul du revenu imposable (article 80.2).

Ces restrictions des allégements fiscaux fédéraux de l'impôt sur le revenu ont été en partie compensées par une déduction légale appelée la déduction relative à des ressources (alinéa 20(1)v.1)).

[13]            Comme observation préliminaire, je note que Mobil, dans son plaidoyer écrit d'appel et dans son plaidoyer écrit devant le juge de première instance, a soulevé la question de savoir si l'alinéa 12(1)o) de la Loi de l'impôt sur le revenu exigeait que les paiements soient inclus dans le revenu de Mobil. Dans le cours de l'argumentation, il est devenu clair que tous les produits de la vente du pétrole produit, y compris la part de la province, avaient été inclus à juste titre dans le revenu de Mobil au titre de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu et que l'alinéa 12(1)o) ne pouvait s'appliquer à l'espèce.


[14]            Je passe maintenant à la question de savoir si la déduction des paiements est interdite par l'alinéa 18(1)m). Pour les années visées dans l'appel, l'alinéa 18(1)m) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoyait :

18.(1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

[...]

18.(1)       In computing the income of a taxpayer from a business or property no deduction shall be made in respect of

                                 [...]

(m) toute somme (autre qu'une somme prescrite) payée ou devenue payable au cours de l'année en vertu d'une obligation imposée par une loi ou d'une obligation contractuelle qui remplace une obligation imposée par une loi

(m) any amount (other than a prescribed amount) paid or that became payable in the year by virtue of an obligation imposed by statute or a contractual obligation substituted for an obligation imposed by statute to

(i)            à Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province,

(i)            Her Majesty in right of Canada or a province,

(ii)           à un mandataire de Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province, ou

(ii)           an agent of Her Majesty in right of Canada or a province, or

(iii)          à une corporation, commission ou association contrôlée directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit, par Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province ou par un mandataire de Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province

(iii)          a corporation, commission or association that is controlled, directly or indirectly in any manner whatever, by Her Majesty in right of Canada or a province or by an agent of Her Majesty in right of Canada or a province

à titre de redevance, de taxe (autre qu'une taxe ou fraction de taxe qui peut raisonnablement être considérée comme une taxe municipale ou scolaire), de loyer, de prime, ou à titre de somme, quelle que soit la façon dont elle est désignée, qui peut être raisonnablement considérée comme tenant lieu d'une telle somme, qui peut raisonnablement être considérée comme rattachée

as a royalty, tax (other than a tax or portion thereof that may reasonably be considered to be a municipal or school tax), lease rental or bonus or as an amount, however described, that may reasonably be regarded as being in lieu of any such amount, and that may reasonably be regarded as being in relation to

(iv)          à l'acquisition, à l'aménagement ou à la propriété d'un avoir minier canadien ou d'un bien qui l'aurait été s'il avait été acquis après 1971, ou

(iv)          the acquisition, development or ownership of a Canadian resource property or a property that would have been a Canadian resource property if it had been acquired after 1971, or

(v)           à la production au Canada,

(v)           the production in Canada of

(A)          de pétrole, de gaz naturel ou d'hydrocarbures apparentés, ou

(A)          petroleum, natural gas or related hydrocarbons, or

(B)           de métaux ou de minerai, jusqu'à un stade ne dépassant pas celui de métal primaire ou de son équivalent,

(B)           metal or minerals to any stage that is not beyond the prime metal state or its equivalent

tirés d'un puits de pétrole ou de gaz ou de ressources minérales situées au Canada sur un bien sur lequel le contribuable avait, à la date de cette production, le droit d'extraire du pétrole, du gaz naturel ou d'autres hydrocarbures apparentés ou le droit d'extraire des métaux ou du minerai;[...]

                from an oil or gas well or mineral resource situated on property in Canada from which the taxpayer had, at the time of such production, a right to take or remove petroleum, natural gas or related hydrocarbons or a right to take or remove metal or minerals;[...].

[15]            Le présent appel doit être rejeté si deux conditions sont réunies :

1)         les paiements sont à titre « de redevance, de taxe (autre qu'une taxe ou fraction de taxe qui peut raisonnablement être considérée comme une taxe municipale ou scolaire), de loyer, de prime, ou à titre de somme, quelle que soit la façon dont elle est désignée, qui peut être raisonnablement considérée comme tenant lieu d'une telle somme » ;

2)         les paiements entrent dans le champ d'application des sous-alinéas 18(1)m)(iv) ou (v).


Première condition : Quelle est la nature du paiement?

[16]            S'agissant de la première condition, la Couronne concède que les paiements ne sont pas des loyers ni des primes et ne peuvent être raisonnablement considérés comme des taxes municipales ou scolaires. La Couronne soutient qu'ils sont soit des redevances, soit des taxes, soit des sommes qui peuvent être raisonnablement considérées comme tenant lieu de redevances ou de taxes. Pour sa part, le juge de première instance a estimé que les paiements sont soit des redevances, soit des sommes qui peuvent raisonnablement être considérées comme tenant lieu de redevances. À la lumière de cette conclusion, il n'a pas considéré si les paiements pouvaient être des taxes.

[17]            La Loi de l'impôt sur le revenu ne définit pas la « redevance » et aucune jurisprudence n'en présente de définition exhaustive. Mobil s'appuie sur la définition suivante, qui figure dans le Black's Law Dictionary, 5e éd. (St. Paul, Minn. : West Publishing Co., 1979) à la page 1195 :

[traduction]

Rémunération pour l'usage de biens, généralement des objets protégés par le droit d'auteur ou des ressources naturelles, exprimée en pourcentage des recettes provenant de l'usage des biens ou sous forme de compte par unité produite. Paiement fait à un auteur ou à un compositeur par un cessionnaire, un licencié ou un titulaire d'un droit d'auteur à l'égard de chaque exemplaire de l'oeuvre qui est vendue, ou fait à un inventeur à l'égard de chaque article vendu dans le cadre du brevet. La redevance est une part du produit ou du bénéfice réservée par le propriétaire pour l'autorisation d'utiliser les biens. Dans son acception la plus large, c'est la part du bénéfice que se réserve le propriétaire pour autoriser une autre personne à faire usage des biens. [...]

Dans l'exploitation minière et pétrolière, part du produit ou du bénéfice payée au propriétaire du terrain. [...]   


[18]            Il n'est pas contesté que cette définition décrit de manière appropriée l'usage canadien du terme « redevance » dans le contexte commercial. Il est clair également que la définition correspond à l'usage du mot « redevance » dans le secteur canadien du pétrole et du gaz. Ordinairement, dans les arrangements contractuels entre les propriétaires fonciers et les producteurs de pétrole ou de gaz, le propriétaire consent au producteur le droit d'effectuer le forage, la production et l'extraction de la ressource, mais se réserve un « droit de redevance » qui lui donne droit à une part du pétrole ou du gaz produit, payable en nature ou en argent ou sous les deux formes (J.B. Katchen et R.W. Bowhay, Taxation of Canadian Oil and Gas Income, Don Mills, Ont. : De Boo Publishers, 1986, aux pages 1-12 à 1-13). Dans ce contexte, une « redevance » est le moyen par lequel le propriétaire de la ressource prend une part de la production de la ressource (J.B. Ballem, The Oil and Gas Lease in Canada, 2e éd., Toronto : University of Toronto Press, 1985, à la page 127).


[19]            On fait valoir pour le compte de Mobil que les paiements visés en l'espèce ne sont pas des redevances au sens des définitions formulées par les auteurs mentionnés ci-dessus. Je résume l'argumentation de Mobil de la manière suivante. Le terme « redevance » s'entend d'un paiement fait en contrepartie du droit ou du privilège d'explorer, produire et extraire le pétrole ou le gaz ainsi que d'en disposer. Ces paiements ne sont pas des « redevances » selon cette acception, parce que les droits de Mobil d'extraire le pétrole de divers terrains en Saskatchewan sont issus de baux qui fonctionnent indépendamment du Road Allowances Crown Oil Act. Ces baux, et ces baux seulement, prévoient la contrepartie que Mobil doit payer à la province, à titre de propriétaire du pétrole, pour le droit d'extraction du pétrole. Ce que Mobil devait payer à la province au titre du Road Allowances Crown Oil Act a été un paiement fait pour autre chose que le droit d'extraction du pétrole des terrains. Il s'ensuit, dans l'argumentation de Mobil, que les paiements faits à la province en vertu du Road Allowances Crown Oil Act ne sont pas des redevances.

[20]            À mon avis, la définition que propose Mobil implique à tort que le terme « redevance » , tel qu'il est employé à l'alinéa 18(1)m), se limite au sens qu'il possède dans un contexte commercial. Il faut avoir à l'esprit que l'alinéa 18(1)m) porte essentiellement sur les paiements faits à la Couronne. Il est donc indiqué de se rappeler que le terme « redevance » , dans son acception originale, renvoie aux prérogatives ou aux droits de la Couronne. Ce sens de « redevance » a été appliqué, dans le jugement Attorney-General of Ontario c. Mercer (1883), 8 App. Cas. 767 (P.C.), à l'interprétation de l'article 109 de ce qui est maintenant la Loi constitutionnelle de 1867, qui dispose :

Toutes les terres, mines, minéraux et réserves royales appartenant aux différentes provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick lors de l'union, et toutes les sommes d'argent alors dues ou payables pour ces terres, mines, minéraux et réserves royales, appartiendront aux différentes provinces d'Ontario, Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, dans lesquelles ils sont sis et situés, ou exigibles, restant toujours soumis aux charges dont ils sont grevés, ainsi qu'à tous intérêts autres que ceux que peut y avoir la province.

All Lands, Mines, Minerals, and Royalties belonging to the several Provinces of Canada, Nova Scotia, and New Brunswick at the Union, and all Sums then due or payable for such Lands, Mines, Minerals, or Royalties, shall belong to the several Provinces of Ontario, Quebec, Nova Scotia, and New Brunswick in which the same are situate or arise, subject to any Trusts existing in respect thereof, and to any Interest other than that of the Province in the same.


[21]            Le mot « redevance » est encore utilisé au Canada pour décrire un paiement prévu par une loi provinciale qui doit être fait à la province à titre de part prise dans la production d'une ressource. En général, quand il s'agit d'une ressource dont la province est propriétaire, il existe une loi provinciale autorisant les baux sous réserve du paiement de redevances. Le Mineral Resources Act, R.S.S. 1978, ch. M-16 de la Saskatchewan fournit un exemple de ce type de loi. Toutefois, il n'existe pas de jurisprudence laissant entendre que le terme « redevance » se limite aux sommes payées en vertu d'un tel arrangement. Dans le contexte des paiements faits à une province, le mot « redevance » peut décrire toute part prise à la production de la ressource qui est payée à la province eu égard au droit de la province sur cette ressource.

[22]            En vertu duRoad Allowances Crown Oil Act, Mobil avait le droit de vendre la totalité de sa production de pétrole des années visées par l'appel, y compris la part de 1,88 % de la province, sous réserve de payer à la province une somme correspondant à 1 % de la valeur totale de la production. À mes yeux, ce paiement de 1 % constitue une redevance même si c'est le Road Allowances Crown Oil Act lui-même qui a créé ce droit de propriété de 1,88 % accordé à la province. Je conclus par conséquent que les paiements en cause sont des « redevances » au sens de l'alinéa 18(1)m) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Seconde condition : À quoi s'appliquent ces paiements?

[23]            S'agissant de la seconde condition, seul le sous-alinéa 18(1)m)(v) doit être pris en considération. À l'appui de sa position que les paiements n'entrent pas sous le champ d'application du sous-alinéa 18(1)m)(v), Mobil fait valoir que les paiements représentent la part nette de la province de son droit de propriété de 1,88 % dans le pétrole produit et que Mobil n'avait pas de droit à l'égard de la part de 1,88 % de la province.


[24]            Je n'interprète pas le sous-alinéa 18(1)m)(v) comme imposant quelque condition au droit de propriété sur le pétrole visé par les paiements. À mon avis, deux seules questions se posent. La première est de savoir si Mobil avait le droit d'extraire du pétrole provenant des terrains. La réponse à cette question est incontestablement oui. Mobil était titulaire de baux qui constituaient la source légale de son droit d'extraction du pétrole. Le fait que la production du pétrole entraînait certaines obligations au titre du Road Allowances Crown Oil Act ne changeait rien aux droits consentis à Mobil par les baux d'extraire du pétrole des terrains. La seconde question est de savoir si les paiements peuvent raisonnablement être considérés comme reliés à l'exercice du droit de Mobil d'extraire du pétrole des terrains. La réponse à cette question est également affirmative. L'article 4 du Road Allowances Crown Oil Act lie expressément l'exercice du droit à l'obligation d'effectuer les paiements. Il s'ensuit que les paiements tombent sous le régime du sous-alinéa 18(1)m)(v).

Conclusion

[25]            Le juge de première instance a conclu avec raison que, dans le calcul du revenu de Mobil pour les années 1977, 1978, 1979 et 1980, l'alinéa 18(1)m) de la Loi de l'impôt sur le revenu


interdit la déduction de paiements faits à la province de Saskatchewan en vertu de l'article 4 du Road Allowances Crown Oil Act. Ces appels devraient être rejetés avec dépens.

                                                                                                                                               « K. Sharlow »           

                                                                                                                                                                 Juge                  

« J'y souscris.

A. M. Linden, Juge »

« J'y souscris.

« B. Malone, Juge »

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20011105

Dossier : A-694-99

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI, 5 NOVEMBRE 2001

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                                   

MOBIL OIL CANADA, LTD.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                                                        JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

« A.M. Linden »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20011105

Dossier : A-695-99

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI, 5 NOVEMBRE 2001

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                                   

MOBIL OIL CANADA, LTD.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                                                        JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

« A.M. Linden »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20011105

Dossier : A-696-99

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI, 5 NOVEMBRE 2001

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                                   

MOBIL OIL CANADA, LTD.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                                                        JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

« A.M. Linden »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20011105

Dossier : A-697-99

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI, 5 NOVEMBRE 2001

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                                   

MOBIL OIL CANADA, LTD.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                                                        JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

                  « A.M. Linden »

   Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                 SECTION D'APPEL

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                        A-694-99, A-695-99, A-696-99, A-697-99

INTITULÉ :                                           MOBIL OIL CANADA, LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 19 septembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE LINDEN

LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                        Le 5 novembre 2001

COMPARUTIONS:

John C. Cotter                                                     POUR L'APPELANTE

Jack Silverson

Wendy Burnham                                                                POUR L'INTIMÉE

Wayne R. Lonsdale

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Osler, Hoskin & Harcourt, LLP                                       POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR L'INTIMÉE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.