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Date : 20050527

Dossier : A-549-04

Référence : 2005 CAF 202

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                                     HYLROY CHARLES POWELL

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                   intimé

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 mai 2005.

                                      Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 27 mai 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LE JUGE LINDEN

LE JUGE NOËL


Date : 20050527

Dossier : A-549-04

Référence : 2005 CAF 202

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                                     HYLROY CHARLES POWELL

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                   intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                Il s'agit d'un appel se rapportant aux questions certifiées par le juge Gibson de la Cour fédérale, dans le cadre d'une décision (2004 CF 1120) rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par l'appelant à l'encontre d'une décision rendue par un commissaire de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui avait pris une mesure d'expulsion contre l'appelant du fait que ce dernier était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité.


[2]                Les questions certifiées sont les suivantes :

[traduction]

(a)       Est-ce que la prise d'une mesure d'expulsion en vertu de l'alinéa 45d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, contre un résident permanent du Canada reconnu coupable d'infractions criminelles et ayant reçu une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, ainsi que l'ensemble du régime de renvoi mis en place par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) pour de telles personnes, mettent en cause le droit à la liberté et l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)?

(b)       Si la réponse à la première question est affirmative, est-ce que le régime mis en place par la LIPR, y compris les dispositions de renvoi de l'alinéa 45d), en vue de l'expulsion d'un résident permanent du Canada reconnu coupable d'infractions criminelles et ayant reçu une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus est, compte tenu des faits particuliers de la présente affaire, conforme aux exigences de l'article 7 de la Charte?

FAITS

[3]                L'appelant est arrivé au Canada de la Jamaïque en 1987. Il a obtenu la résidence permanente en 1993. En 1997, on l'a reconnu coupable d'être entré au Canada par des moyens frauduleux. En 1998, on lui a imposé une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour relativement à des chefs d'accusation de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic et de possession de produits de la criminalité. Le 20 mai 2001, on l'a reconnu coupable de sept chefs de trafic de cocaïne et on lui a imposé une peine d'emprisonnement de dix ans et six mois.

[4]                Il a trois enfants qui, à l'époque pertinente, avaient 21, 28 et 9 ans.


QUESTIONS EN LITIGE

[5]                L'appelant affirme que son renvoi porte atteinte à son droit à la liberté en vertu de l'article 7 de la Charte. D'après l'appelant, avant qu'une mesure de renvoi ne soit prise aux termes de l'alinéa 45d) de la LIPR, un résident permanent a le droit constitutionnel en vertu de l'article 7 de la Charte de demander qu'on soupèse son droit de demeurer au Canada par rapport à l'intérêt de la société canadienne de l'expulser. Du fait que l'alinéa 45d) ne prévoit pas une telle pondération, il contrevient aux exigences de la justice fondamentale prévues à l'article 7.

ANALYSE

[6]                Je vais présumer, sans trancher la question, que le droit de l'appelant à la liberté est mis en cause par son renvoi du Canada. Je dois alors examiner la question de la justice fondamentale.

[7]                L'appelant reconnaît que, en ce qui concerne la pondération qui d'après lui est obligatoire, le critère consiste à déterminer si la réparation, c'est-à-dire le renvoi, est exagérément disproportionnée par rapport au préjudice subi par la personne et sa famille. Voir, par exemple, R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, [2003] 3 R.C.S. 571, aux paragraphes 160 et 169, et Canepa c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 3 C.F 270, à la page 279.


[8]                Toutefois, il y a une divergence d'avis entre les parties : est-ce que la justice fondamentale exige la pondération distincte qui, d'après l'appelant, est obligatoire, ou procède-t-on à la pondération uniquement quand il s'agit de déduire ou d'interpréter le contenu et la portée des principes mêmes de la justice fondamentale en vertu de l'article 7? L'appelant renvoie à des arrêts tels que Cunningham c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 143, aux pages 151 et 152, et Romans c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 272, (2001), 281 N.R. 357, au paragraphe 4. La Couronne se fonde quant à elle sur l'arrêt R. c. Malmo-Levine, précité, aux paragraphes 95-98, 112, 113, et l'arrêt R. c. Demers, [2004] 2 R.C.S. 489, aux paragraphes 44 et 45.

[9]                Bien que j'aie des doutes au sujet du bien-fondé de la position de l'appelant, je vais présumer, sans trancher la question, que, pour respecter les principes de la justice fondamentale, il faut appliquer le critère de pondération sur lequel s'appuie l'appelant. Malgré tout, je ne peux convenir avec lui que le processus aux termes de la LIPR porte atteinte à ces principes.

[10]            En vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR, l'appelant peut demander au ministre une exemption de renvoi fondée sur motifs d'ordre humanitaire. Si la décision d'ordre humanitaire est rendue avant le renvoi, je crois qu'on peut considérer que la pondération qui, d'après l'appelant, est obligatoire, a été effectuée.

[11]            Si la décision d'ordre humanitaire n'est pas rendue, l'appelant peut demander à l'agent de renvoi chargé d'exécuter sa mesure d'expulsion de tenir compte de sa situation personnelle. On a indiqué à la Cour que de telles demandes étaient souvent rejetées. Il s'agit de décisions discrétionnaires, et l'approbation ou le rejet dépend du bien-fondé de chaque demande.


[12]            Si une personne croit que l'agent de renvoi a omis de tenir compte d'éléments de preuve pertinents ou a omis, pour un autre motif, d'exercer son pouvoir discrétionnaire conformément à la loi, cette personne peut demander un contrôle judiciaire et un sursis de renvoi. Si la personne convainc la Cour fédérale que sa demande répond au critère à trois volets applicable pour l'octroi d'un sursis, soit qu'il existe une question sérieuse à trancher, qu'elle subira un préjudice irréparable si le sursis n'est pas accordé et que la prépondérance des inconvénients la favorise, un sursis peut être accordé en attendant le contrôle judiciaire. Si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, l'affaire sera renvoyée en vue d'une nouvelle décision.

[13]            Compte tenu des réparations offertes à une personne visée par une mesure de renvoi, je ne suis pas convaincu que l'appelant soit privé d'une pondération de ses droits et des intérêts de l'État. Je ne vois rien d'exagérément disproportionné dans le régime des renvois aux termes de la LIPR en ce qui a trait aux personnes interdites de territoire pour grande criminalité en vertu de l'alinéa 36a) de la LIPR.

[14]            Je suis d'avis de répondre aux questions certifiées comme suit :

(a)        aux fins du présent appel, il n'est pas nécessaire de déterminer si le renvoi de l'appelant du Canada met en cause son droit à la liberté en vertu de l'article 7 de la Charte;

(b)       aux fins du présent appel et en présumant, sans trancher la question, que le droit à la liberté de l'appelant est mis en cause, le régime mis en place par la LIPR, qui peut mener au renvoi de l'appelant, ne porte pas atteinte aux principes de la justice fondamentale.


[15]            Je suis d'avis de rejeter l'appel.

« Marshall Rothstein »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

A. M. Linden »

« Je souscris aux présents motifs

Marc Noël »

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-549-04

INTITULÉ :                                        HYLROY CHARLES POWELL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 25 MAI 2005

MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE LINDEN

LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :                       LE 27 MAI 2005

COMPARUTIONS

Ronald Poulton                          POUR L'APPELANT

Marianne Zoric                          POUR L'INTIMÉ

Angela Marinos

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Ronald Poulton                          POUR L'APPELANT

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                  POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada


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