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Date : 20040421

Dossier : A-509-03

Référence : 2004 CAF 161

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                     THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED et

                                                      GLAXOSMITHKLINE INC.

                                                                                                                                          appelantes

                                                                             et

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                                intimée

                                    Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

                                Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario) le 21 avril 2004.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                  LA JUGE SHARLOW


Date : 20040421

Dossier : A-509-03

Référence : 2004 CAF 161

EN PRÉSENCE DE LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                     THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED et

                                                      GLAXOSMITHKLINE INC.

                                                                                                                                          appelantes

                                                                             et

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                                intimée

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW

[1]                Les appelantes demandent la suspension de l'exécution de l'ordonnance leur enjoignant de produire un affidavit plus précis et plus complet. Les motifs de l'ordonnance en question sont publiés à Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2003] A.C.F. no 1551 (QL) (C.F.).


[2]                L'exécution d'une ordonnance peut être suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel interjeté de cette ordonnance si une question sérieuse est soulevée en appel, si l'appelant risque de subir un préjudice irréparable pour le cas où la suspension qu'il réclame ne lui serait pas accordée et que l'appel est accueilli, et, finalement, si la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi de la suspension (RJR-MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311).                                                                                  

[3]                La norme qui s'applique lorsqu'il s'agit de décider s'il existe une cause défendable en appel est peu exigeante et elle a été respectée en l'espèce.

[4]                Les appelantes soutiennent qu'on peut conclure à l'existence d'un préjudice irréparable si le refus d'accorder la suspension qu'elles réclament rendait l'appel théorique ou inefficace, les privant ainsi en fait de leur droit d'appel. À l'appui de cet argument, elles invoquent principalement les arrêts Bining c. Canada, [2003] 4 C.T.C. 165, 2003 D.T.C. 5503, [2003] A.C.F. no 1013 (QL) (C.A.F.) et Bisaillon c. Canada (1999), 251 N.R. 225, [2000] 1 C.T.C. 179, 2000 D.T.C. 6074, [1999] A.C.F. no 898 (QL) (C.A.F.).


[5]                Les affaires Bining et Bisaillon concernaient toutes les deux une « demande péremptoire » formulée par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1., en vue de forcer une personne à communiquer certains renseignements. Une demande de contrôle judiciaire avait été présentée en vue de faire invalider les demandes péremptoires. Dans chacune de ces affaires, le demandeur faisait valoir que la Charte canadienne des droits et libertés lui reconnaissait le droit de refuser de divulguer les renseignements réclamés par le ministre et que l'exécution forcée des demandes péremptoires porterait atteinte à ce droit. Dans ces deux affaires, le contribuable avait demandé à la Section de première instance de surseoir à l'exécution de la demande péremptoire, ce que la Cour avait refusé. L'ordonnance refusant de surseoir à l'exécution avait été portée en appel et notre Cour avait suspendu l'exécution de l'ordonnance en attendant qu'une décision soit rendue en appel.

[6]                Si j'ai bien compris les arrêts Bining et Bisaillon, la suspension n'a pas été accordée simplement pour protéger un droit d'appel, mais bien pour conserver la possibilité d'empêcher la violation d'un droit garanti par la Charte. Voilà le sens des propos suivants que le juge Létourneau a tenus dans l'arrêt Bisaillon au paragraphe 33 (c'est moi qui souligne) :

En l'espèce, je crois que les requérants seraient susceptibles de subir un tel préjudice si le sursis ntait pas accordé. Leur appel de l'ordonnance du juge des requêtes deviendra théorique ou inefficace si Revenu Canada obtient le matériel demandé avant que l'appel ne soit décidé à son mérite. Que le préjudice soit irréparable m'apparaît assez évident puisque le refus d'octroyer le sursis est susceptible de priver les requérants du bénéfice de leur droit d'appel qui porte lui-même sur l'obtention d'un sursis dans une procédure oùsont en jeu le droit à la vie privédes requérants ainsi que la légalitéet la constitutionnalitéde l'exercice d'un pouvoir ministériel. L'appel des requérants deviendrait théorique ou sans effet en raison même de l'exécution de l'ordonnance dont ils appellent.

[7]                C'est aussi ce que voulait sûrement dire le juge Noël dans l'arrêt Bining, lorsqu'il a formulé les observations suivantes, après avoir accepté le raisonnement que le requérant tirait de l'arrêt Bisaillon (au paragraphe 10) :

Il est aussi évident qu'un préjudice irréparable sera vraisemblablement causé si un sursis n'est pas accordé, vu que l'appel interjeté contre la décision rendue par la Section de première instance deviendrait théorique et que dans les faits l'appelant se verrait nier son droit d'appel.


[8]                À mon sens, ces arrêts ne permettent pas d'affirmer que toute perte d'un droit d'appel engendre nécessairement un préjudice irréparable. Celui qui se conforme à une ordonnance portée en appel court toujours le risque de subir un préjudice. Toutefois, ce préjudice n'est pas irréparable si l'appel permet de réparer efficacement le préjudice subi.

[9]                Dans le cas qui nous occupe, la question qui se pose est celle de savoir si les appelantes subiront un préjudice irréparable si elles sont tenues de se conformer à l'ordonnance leur enjoignant de produire un affidavit plus précis et plus complet en attendant qu'il ait été statué sur l'appel de cette ordonnance. Il me semble qu'il faille répondre par la négative à cette question. Si le présent appel est accueilli, l'affidavit et la transcription du contre-interrogatoire sur l'affidavit, s'il en est, peuvent simplement être retirés du dossier de la Cour et toutes les copies peuvent être rendues aux appelantes. Rien ne permet de penser que la production injustifiée de l'affidavit fera à elle seule subir aux appelantes une perte financière qui ne pourrait être réparée. Rien ne permet de penser que les renseignements qui doivent être communiqués dans l'affidavit sont d'une nature telle que leur divulgation causera un préjudice aux appelantes. Certes, les appelantes ne prétendent pas, et ne peuvent prétendre, que la divulgation portera atteinte à une garantie juridique fondamentale comme un droit reconnu par la Charte.

[10]            Je conclus que les appelantes n'ont pas établi qu'elles subiraient un préjudice irréparable si la suspension n'était pas accordée et que leur appel était accueilli. Il s'agit d'un motif suffisant pour rejeter la présente requête en sursis d'exécution.


[11]            L'intimée a demandé que la Cour lui adjuge la somme de 7 500 $ à titre de dépens extrajudiciaires au motif que la requête a été présentée à des fins dilatoires et qu'elle n'a aucune chance réaliste d'être accueillie.

[12]            La requête n'est pas mal fondée au point de constituer un abus de procédure. Toutefois, il me semble bien que les appelantes avaient intérêt à gagner du temps. J'en arrive à cette conclusion parce que les appelantes n'ont pas agi en temps utile soit en se conformant à l'ordonnance frappée d'appel, soit en réclamant le sursis de son exécution. La requête en sursis d'exécution n'a en effet été déposée que six mois après le prononcé de l'ordonnance, malgré les tentatives faites par l'intimée pour la faire exécuter et ce, quelques jours après le dépôt de la demande d'audience, qui est maintenant prévue pour le 13 mai 2004. Dans ces conditions, les appelantes devraient être condamnées aux dépens de la présente requête, qui devraient être calculés selon un barème plus élevé que le barème habituel, mais inférieur à celui des dépens extrajudiciaires. Je fixe donc les dépens de la présente requête à 3 000 $, que les appelantes devront payer sans délai indépendamment de l'issue de l'appel.

            « K. Sharlow »                                                                                                                                  Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                                                             A-509-03

INTITULÉ :                                                                            THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED et GLAXOSMITHKLINE INC. et APOTEX INC.

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                                           Le 21 avril 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Patrick E. Kierans

Allyson Whyte Nowak

POUR LES APPELANTES

        

H.B. Radomski

David E. Lederman

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES APPELANTES          

Goodmans s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉE


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