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Date : 20031107

Dossier : A-686-02

Référence : 2003 CAF 418

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                   MONSIEUR DANIEL RAYMOND

MONSIEUR ALAIN COLLERET

MONSIEUR JEAN BOUCHARD

MONSIEUR JEAN-CLAUDE FORGET

MONSIEUR FERNAND MARTEL

MONSIEUR FRANÇOIS LABRECQUE

MONSIEUR GUY HUPPÉ

MONSIEUR ALAIN GUERRA

MONSIEUR MARC BARDIAUX

MONSIEUR JEAN-JACQUES DEGAGNÉ

MONSIEUR ANDRÉ GIROUX

MONSIEUR CLAUDE DUFOUR

MONSIEUR CHRISTIAN MONDOR

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                                                   SYNDICAT DES TRAVAILLEURS

                                                  ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                                   et

                                               SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

                                                                                                                                                      défendeur


                                   Audience tenue à Montréal (Québec), le 5 novembre 2003.

                                   Jugement rendu à Montréal (Québec), le 7 novembre 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                              LE JUGE DÉCARY


Date : 20031107

Dossier : A-686-02

Référence : 2003 CAF 418

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE NOËL

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                   MONSIEUR DANIEL RAYMOND

MONSIEUR ALAIN COLLERET

MONSIEUR JEAN BOUCHARD

MONSIEUR JEAN-CLAUDE FORGET

MONSIEUR FERNAND MARTEL

MONSIEUR FRANÇOIS LABRECQUE

MONSIEUR GUY HUPPÉ

MONSIEUR ALAIN GUERRA

MONSIEUR MARC BARDIAUX

MONSIEUR JEAN-JACQUES DEGAGNÉ

MONSIEUR ANDRÉ GIROUX

MONSIEUR CLAUDE DUFOUR

MONSIEUR CHRISTIAN MONDOR

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                                                   SYNDICAT DES TRAVAILLEURS

                                                  ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                                   et

                                               SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

                                                                                                                                                      défendeur


                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]                 Cette demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 21 novembre 2002 par un vice-président du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) mandaté, ainsi que l'autorise l'alinéa 14(3)c) du Code canadien du travail (le Code), pour décider des plaintes présentées par les demandeurs contre le syndicat intimé pour manquement au devoir de représentation.

[2]                 Dans la décision attaquée, le Conseil décide dans un premier temps qu'il peut trancher l'affaire sans tenir d'audience et dans un deuxième que les plaintes ne sont pas fondées.


[3]                 Des différents motifs allégués par les demandeurs dans leur dossier, il est apparu à l'audience que le seul dont devrait traiter la Cour était celui-ci : en rendant sa décision refusant les demandes d'audience en même temps qu'il rendait sa décision rejetant les plaintes, le Conseil aurait enfreint les principes de justice naturelle puisque les demandeurs, s'ils avaient su que leurs plaintes allaient être rejetées sans audition, auraient été plus explicites dans leur demande d'audition ou auraient déposé des représentations écrites additionnelles relativement au bien-fondé de leurs plaintes. Bref, pour reprendre les mots du procureur des demandeurs à la page 364 de son mémoire : "Avant de rendre une décision avec des conséquences aussi graves, le Conseil aurait dû requérir des informations additionnelles sur la nature de la preuve que les demandeurs entendaient présenter."

[4]                 Le Code prévoit, à l'article 16.1, que le Conseil peut trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d'audience. Cet article a été introduit par le chapitre 26 des Lois du Canada de 1998, lequel a abrogé l'ancien paragraphe 98(2) qui prévoyait les cas dans lesquels le Conseil pouvait refuser de tenir audience relativement à une plainte fondée sur l'article 37. Le Conseil possède donc maintenant une discrétion accrue à cet égard et cette Cour doit dorénavant être plus respectueuse des décisions du Conseil en matière de tenue d'audience qu'elle ne devait l'être avant la modification législative de 1998. Il s'agit là d'un domaine de pratique interne qui échappe, à moins de circonstances exceptionnelles, au contrôle judiciaire.

[5]                 Le Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (DORS/2001-520, (2001) 135 Gray. Cou, Partie II, 2794) prévoit par ailleurs ce qui suit à l'article 10 :

Demandes

10. Toute demande auprès du Conseil comporte les renseignements suivants :

a) les nom, adresse et numéros de téléphone et de télécopieur du demandeur et de son avocat ou de son représentant, le cas échéant;

Applications

10. An application filed with the Board must include the following information:

(a) the name, address and telephone and fax numbers of the applicant and of the applicant's counsel or representative, if applicable;


b) les nom, adresse et numéros de téléphone et de télécopieur de toute personne que la demande peut intéresser;

(b) the name, address and telephone and fax numbers of any person who may be affected by the application;

c) la disposition du Code en vertu de laquelle la demande est faite;

d) un exposé détaillé des faits, des dates pertinentes et des moyens invoqués à l'appui de la demande;

e) une copie des documents déposés à l'appui de la demande;

f) la date et le détail de toute ordonnance ou décision du Conseil qui a trait à la demande;

g) la mention qu'une audience est demandée et, le cas échéant, les motifs en justifiant la tenue;

h) le détail de l'ordonnance ou de la décision demandée.

(c) reference to the provision of the Code under which the application is being made;

(d) full particulars of the facts, of relevant dates and of grounds for the application;

(e) a copy of supporting documents;

(f) the date and description of any order or decision of the Board relating to the application;

(g) whether a hearing is being requested, and if so, the reasons for the request; and

(h) a description of the order or decision sought.


[6]                 Il est acquis que dans leurs plaintes, les demandeurs ne demandaient pas, ainsi que l'exige pourtant l'alinéa g) de l'article 10, la tenue d'une audience. Les demandes d'audience ont plutôt été faites par la suite, en réponse au dépôt, le 17 juin 2002, du rapport de l'agent du Conseil. Le procureur du syndicat ne prétend pas, avec raison selon moi, qu'une demande d'audience doive être nécessairement faite au moment du dépôt des plaintes. Il prétend plutôt que la demande d'audience, lorsque faite, doit rencontrer les exigences de l'article 10 de manière à permettre au Conseil d'exercer judicieusement sa discrétion. Il est acquis, en l'espèce, que les demandes d'audience étaient formulées de manière générale et ne comportaient pas, notamment, "un exposé détaillé des faits, des dates pertinentes et des moyens invoqués", ainsi que l'exige l'alinéa d) de l'article 10. De l'avis du procureur du syndicat, les principes de justice naturelle visent à s'assurer qu'une partie ait eu l'opportunité de présenter son point de vue. Cette opportunité était présente, en l'espèce, et les demandeurs ont fait défaut de s'en prévaloir en temps utile.

[7]                 Il est certain que le Conseil, ne serait-ce que par courtoisie, aurait pu à tout le moins accuser réception des demandes d'audition, si incomplètes fussent-elles. Il est certain, également, qu'il aurait pu les refuser immédiatement ou encore suggérer aux demandeurs de les étoffer. Mais il est tout aussi certain que le Conseil n'avait pas l'obligation de se prononcer immédiatement sur les demandes d'audience, qu'il n'avait pas l'obligation de donner aux demandeurs une seconde chance d'expliquer les motifs desdites demandes et qu'il lui était loisible de se prononcer en même temps sur les demandes d'audience et sur le bien-fondé des plaintes. Contrairement à ce qui s'était passé dans l'affaire Bunge du Canada Ltée c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3711, (1995) 181 N.R. 382 (F.C.A.), le Conseil ne s'est jamais, ici, engagé à tenir une audience.


[8]                 Les demandeurs savaient ou devaient savoir qu'ils n'avaient pas le droit d'exiger la tenue d'une audience et que le Conseil pouvait fort bien rendre sa décision en tout temps sans tenir d'audience. Il leur appartenait de convaincre le Conseil de la nécessité de tenir une audience. Or, tout ce que les demandeurs ont mis de l'avant est le fait qu'ils avaient une preuve importante et complexe à présenter. En aucun temps n'ont-ils informé le Conseil de la nature de cette preuve. Ils invitent au fond cette Cour à imposer au Conseil l'obligation de donner une seconde chance à une partie qui ne rencontre pas son fardeau d'expliquer pourquoi une demande d'audience devrait être accordée.

[9]                 La manière de dire du Conseil n'a certes pas été des plus heureuses, mais cette manière ne doit pas obscurcir le fond du litige: ce n'est pas un manquement aux principes de justice naturelle que de ne pas donner une seconde opportunité de faire valoir son point de vue à une partie qui ne s'est pas prévalue de la première.

[10]            Je rejetterais avec dépens la demande de contrôle judiciaire.

                                                                                                                                       « Robert Décary »                    

           J.C.A.

« Je suis d'accord.

   Marc Noël, J.C.A. »

« Je suis d'accord.

   Marc Nadon, J.C.A. »


                                                         COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                                       

DOSSIER :                                                                                  A-686-02

(CONTRÔLE JUDICIAIRE D'UNE DÉCISION RENDUE PAR LE CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES DANS UNE LETTRE DATÉE DU 21 NOVEMBRE 2002, DOSSIERS 21022-C À 22544-C)

INTITULÉ :                                        MONSIEUR DANIEL RAYMOND ET AUTRES

et

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS

ET TRAVAILLEUSES DES POSTES ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                        Le 5 novembre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                   LE JUGE DÉCARY


Y ONT SOUSCRIT :                                                                  LE JUGE NOËL, LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                                                               Le 7 novembre 2003

COMPARUTIONS :

Me Philippe Garceau

POUR LES DEMANDEURS

MeLuc Jodoin

Me Bernard Philion

POUR LES DÉFENDEURS

Société Canadienne des postes

POUR LES DÉFENDEURS

Syndicat des Travailleurs et Travailleuses des postes


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BÉLANGER GARCEAU

Laval (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

JODOIN SANTERRE

Montréal (Québec)

MORENCY PHILION LEBLANC

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

Société Canadienne des postes

POUR LES DÉFENDEURS

Syndicat des Travailleurs et Travailleuses des postes


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