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Date : 20060713

Dossier : A‑475‑05

Référence : 2006 CAF 258

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

SUSAN PERRY

défenderesse

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à St. John’s (Terre‑Neuve), le 29 juin 2006

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE SEXTON

                                                                                                                         LE JUGE MALONE

 


 

 

 

Date : 20060713

Dossier : A‑475‑05

Référence : 2006 CAF 258

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

SUSAN PERRY

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               La présente demande vise à faire annuler la décision d’un juge‑arbitre (CUB 64220) de confirmer une décision d’un conseil arbitral et d’accorder ainsi des prestations de chômage à la défenderesse.

 

[2]               Le demandeur prétend que le juge‑arbitre a commis une erreur de droit dans son interprétation de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), et du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96‑332 (le Règlement).

 

[3]               La présente instance porte sur l’interprétation des articles 7 et 9 de la Loi et du paragraphe 14(1) du Règlement. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

 

Conditions requises pour recevoir des prestations

 

Qualifying for Benefits

 

7. (1) Les prestations de chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour les recevoir.

 

7. (1) Unemployment benefits are payable as provided in this Part to an insured person who qualifies to receive them.

 

(2) L’assuré autre qu’une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois :

(2) An insured person, other than a new entrant or a re‑entrant to the labour force, qualifies if the person

a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;

(a) has had an interruption of earnings from employment; and

b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau qui suit en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.

 

(b) has had during their qualifying period at least the number of hours of insurable employment set out in the following table in relation to the regional rate of unemployment that applies to the person.

 

 

 

Période de prestations

 

Benefit Period

 

9. Lorsqu’un assuré qui remplit les conditions requises aux termes de l’article 7 ou 7.1 formule une demande initiale de prestations, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité avec la présente partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.

 

9. When an insured person who qualifies under section 7 or 7.1 makes an initial claim for benefits, a benefit period shall be established and, once it is established, benefits are payable to the person in accordance with this Part for each week of unemployment that falls in the benefit period.

 

 

 

Arrêt de rémunération

 

Interruption of Earnings

 

14. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), un arrêt de rémunération se produit lorsque, après une période d’emploi, l’assuré est licencié ou cesse d’être au service de son employeur et se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs à l’égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle visée au paragraphe 36(13), ne lui est payable ni attribuée.

 

14. (1) Subject to subsections (2) to (7), an interruption of earnings occurs where, following a period of employment with an employer, an insured person is laid off or separated from that employment and has a period of seven or more consecutive days during which no work is performed for that employer and in respect of which no earnings that arise from that employment, other than earnings described in subsection 36(13), are payable or allocated.

 

 

[4]               La Cour doit déterminer si la défenderesse remplit les conditions prévues à l’article 7 de la Loi. Pour les motifs que j’expliquerai ci‑dessous, j’estime que le juge‑arbitre a commis une erreur dans son interprétation de cette disposition, plus particulièrement dans son interprétation et son application de la définition de l’expression « arrêt de rémunération » aux faits de la présente affaire.

 

[5]               Aux termes du paragraphe 7(2) de la Loi, la défenderesse a droit à des prestations s’il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi. Un tel arrêt se produit lorsque les trois conditions suivantes sont remplies :

 

a)         la défenderesse a été licenciée ou a cessé d’être au service de son employeur;

 

b)         elle n’a pas travaillé pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs par la suite;

 

c)         aucune rémunération provenant de cet emploi ne lui est payable ni attribuée.

 

[6]               La preuve révèle que la première et peut‑être aussi la deuxième conditions de la définition ne sont pas remplies. Aussi, on ne saurait pas dire que la défenderesse a subi un arrêt de rémunération et qu’elle avait droit à des prestations en conséquence.

 

[7]               Dans les faits, la défenderesse prenait soin de sa petite‑fille. Sa fille lui a versé une rémunération du 3 septembre 2001 au 8 août 2003, date à laquelle sa fille a terminé son programme d’études parrainé par la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission). Elle a commencé à travailler le 11 août 2003. Elle a arrêté de payer la défenderesse parce qu’elle n’en avait temporairement pas les moyens. La défenderesse a cependant continué de s’occuper bénévolement de l’enfant comme elle le faisait auparavant, espérant être de nouveau rémunérée quelques mois plus tard lorsque sa fille en aurait les moyens.

 

[8]               Bien que la défenderesse ait présenté à la Commission une déclaration selon laquelle elle avait été licenciée, il ne fait aucun doute qu’elle a continué de travailler pour son employeuse pendant la période pour laquelle elle a demandé des prestations : voir Procureur général du Canada c. Buckley, A‑427‑99, 23 janvier 2001.

 

[9]               Une situation semblable était en cause dans Canada (Procureur général) c. Enns (1990), 126 N.R. 393, où un membre du clergé avait travaillé pendant quelque temps pour une autre congrégation que la sienne. Il avait été rémunéré pour ses services du printemps 1986 au mois d’août 1986. Il avait ensuite, de mai 1987 au 3 octobre 1987, été employé à temps plein par cette congrégation, avant d’être de nouveau licencié à cause d’un manque de fonds.

 

[10]           Le membre du clergé avait cependant, après avoir été licencié ou pendant qu’il n’était pas employé à temps plein, continué de travailler pour la congrégation de 60 à 70 heures par semaine et il recevait une allocation mensuelle de 100 $ pour l’utilisation d’une automobile. Ses fonctions et ses engagements étaient les mêmes que lorsqu’il recevait un salaire.

 

[11]           La Cour devait déterminer s’il y avait eu, dans ces circonstances, arrêt de rémunération au sens de la définition prévue par le Règlement. La définition qui figurait à l’époque au paragraphe 37(1) avait exactement le même sens que celle que l’on trouve maintenant au paragraphe 14(1).

 

[12]           Rédigeant les motifs de la Cour, le juge Mahoney a conclu qu’il n’y avait pas eu licenciement. La Cour était d’avis que la preuve d’un licenciement n’était pas concluante car le contrat de travail conclu avec la congrégation se poursuivait puisque cette dernière s’attendait à ce que le membre du clergé continue d’accomplir le même travail que lorsqu’il était rémunéré et, dans les faits, c’est précisément ce qu’il avait fait.

 

[13]           À mon avis, comme le membre du clergé dans Enns, la demanderesse en l’espèce n’a pas été licenciée.

 

[14]           De plus, même si l’on pouvait dire que la défenderesse a été licenciée par son employeuse, il n’y a pas eu une période d’au moins sept jours consécutifs après le licenciement pendant laquelle elle n’a pas effectué de travail pour celle‑ci.

 

[15]           Si le juge‑arbitre n’avait pas mal interprété la Loi et le Règlement, il serait intervenu pour corriger les erreurs commises par le conseil arbitral au regard du droit de la défenderesse à des prestations.

 

[16]           Ce n’est pas de gaieté de cœur que j’arrive à cette conclusion. La Cour est toutefois tenue d’appliquer le droit, aussi dur qu’il puisse sembler être dans la présente cause qui inspire une grande sympathie.

 

[17]           Pour ces motifs, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, mais sans dépens dans les circonstances; de toute façon, le demandeur ne les a pas demandés. J’annulerais la décision du juge‑arbitre et je renverrais l’affaire au juge‑arbitre en chef, ou à un juge‑arbitre désigné, pour qu’il rende une nouvelle décision tenant compte du fait qu’il n’y a pas eu arrêt de rémunération et que, en conséquence, la défenderesse n’a pas droit à des prestations suivant le paragraphe 7(2) de la Loi.

 

 

« Gilles Létourneau »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

            J. Edgar Sexton, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

            B. Malone, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        A‑475‑05

 

 

INTITULÉ :                                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                            c.

                                                                            SUSAN PERRY

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 29 JUIN 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                            LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                        LE JUGE SEXTON

                                                                            LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 13 JUILLET 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Darlene M. Lamey                                               POUR LE DEMANDEUR

 

Aucune comparution                                            POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                 POUR LE DEMANDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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