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Date : 20040513

Dossier : A-343-03

Référence : 2004 CAF 191

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                             HENRY BERNICK

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                       Audience tenue à Toronto (Ontario), le 10 mai 2004

                                       Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 13 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                               LE JUGE STONE

                                                                                                                              LE JUGE NADON


Date : 20040513

Dossier : A-343-03

Référence : 2004 CAF 191

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                             HENRY BERNICK

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]                Dans le présent appel, il s'agit de décider dans quelle mesure la détermination du bénéfice ou de la perte d'une société de personnes pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, doit se conformer à un principe comptable adopté par l'associé directeur aux termes du contrat de la société de personnes.


Les faits

[2]                Le 10 août 1992, MM. E.P. Toothe et Barry A. Sawyer, tous deux résidents du Commonwealth des Bahamas, ont formé une société de personnes devant être régie par le droit bahamien. Dans cette affaire, rien ne s'appuie sur le droit bahamien relatif aux sociétés de personnes (mais, en tout état de cause, il faut présumer que le droit bahamien sur les sociétés de personnes est sensiblement le même que le droit canadien sur le même sujet, étant donné qu'il n'y a pas eu de preuve contraire).

[3]                À toutes les époques pertinentes, c'est M. Toothe qui était l'associé directeur. Selon le contrat de la société de personnes, cette dernière s'occupait de l'achat et de la vente d'actions et d'obligations, à partir des Bahamas. La clause 2 du contrat de société empêchait les associés d'exploiter leur entreprise à partir du Canada ou dans certains autres pays. Aux termes de la clause 15 du contrat, le bureau de la société était situé dans les bureaux de M. Toothe à Nassau.


[4]                La clause 7 du contrat fixait la fin de l'exercice financier au 31 décembre, et stipulait que les états financiers de la société de personnes devaient être préparés par l'associé directeur ou la société de personnes [traduction] « dans le respect de la permanence des méthodes et conformément à des principes comptables généralement reconnus pour chaque exercice financier » . Il stipulait également que, pour les fins de la détermination des bénéfices et des pertes, la répartition de capital et le rendement du capital, les états financiers de la société de personnes, préparés conformément au contrat de société, devaient [traduction] « être concluants » .

[5]                Le 3 septembre 1992, il y avait en circulation deux unités de la société de personnes dont MM. Toothe et Sawyer étaient propriétaires. À cette date, la société de personnes a acquis de P.T. Limited, une société bahamienne, un certain nombre d'obligations à coupons détachés en échange de 1 798 nouvelles unités émises par la société de personnes, de sorte que le nombre total d'unités en circulation est passé à 1 800. Les obligations étaient décrites dans les termes suivants :

Émetteur des obligations

Date d'échéance

           Valeur à l'échéance

                    (¥)

        Valeur à l'échéance

              ($US)

Tokio Marine & Fire Insurance

    31/03/97

            1,000,000

Mitsui Marine & Fire Insurance

    29/03/02

          59,000,000

Sumitomo Marine & Fire Insurance

    31/03/03

          54,000,000

Nippon Marine & Fire Insurance

    31/03/98

          20,000,000

Yasuda Marine & Fire Insurance

    31/03/98

           13,000,000

         147,000,000

British Gas International Finance

      4/11/21

         7,500,000


[6]                En général, la valeur marchande d'une obligation à coupons détachés avant sa date d'échéance est inférieure à sa valeur à l'échéance puisque le détenteur ne peut en tirer aucun rendement à moins qu'elle soit achetée à escompte. Il est généralement accepté que la valeur marchande au 3 septembre 1992 des obligations de British Gas s'établissait à 9,34 % de leur valeur à l'échéance (700 500 $US), et la valeur marchande de toutes les obligations acquises par la société de personnes était fixée à environ 1 800 000 $US, ce qui équivalait à 1 000 $US pour chaque unité de la société de personnes alors en circulation.

[7]                Le 3 septembre 1992, après que la société de personnes eut acquis les obligations, M. Bernick et six autres personnes ont acheté de P.T. Limited les 1 798 unités de la société de personnes pour la somme de 1 000 $US l'unité. M. Bernick a acheté 1 620 unités pour la somme de 1 620 000 $US. Même si les unités de M. Bernick représentaient 90 % des unités de la société de personnes alors en circulation, la clause 10 du contrat limitait ses droits de vote à 50 %.

[8]                Le contrat de la société de personnes autorisait l'associé directeur à prendre toutes les décisions ayant trait à la préparation des états financiers de la société. M. Toothe, agissant apparemment conformément à ce mandat, a décidé que les obligations à coupons détachés de la société de personnes figureraient dans les états financiers à un coût égal à leur valeur à l'échéance.


[9]                La société de personnes a effectué un certain nombre d'opérations entre 1992 et 1994, notamment la vente d'obligations de British Gas à la valeur marchande qu'elles avaient de temps à autre, soit entre 10 et 14 % de leur valeur à l'échéance. Comme les obligations de British Gas figuraient dans les bilans de la société de personnes à leur valeur à l'échéance, l'état des résultats de la société de personnes indiquait une perte pour chacune des ventes d'obligations de British Gas. Les pertes comprenaient une partie des pertes totales de la société de personnes pendant ces années, comme l'indiquent les états financiers.

[10]            Les états financiers de la société de personnes ont fait l'objet d'une opinion sans réserve donnée par un comptable agréé canadien, également associé dans la société, puisqu'il avait acquis 36 unités en même temps que M. Bernick avait acheté ses 1 620 unités. Les opinions du vérificateur sont semblables pour chaque année. Par exemple, l'opinion de 1992 indique, entre autres choses, ce qui suit : [traduction] « Les états financiers présentent équitablement, sur tous les aspects importants, la situation financière de la société de personnes au 31 décembre 1992 ainsi que les résultats de ses opérations et les changements de sa situation financière pour la période ayant pris fin conformément à des principes comptables généralement reconnus » .

[11]            Dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les années 1992, 1993 et 1994, M. Bernick a réclamé des déductions pour sa part de 90 % des pertes déclarées de la société de personnes, converties en dollars canadiens. Les déductions s'élevaient à 2 468 903 $ pour 1992, à 2 708 523 $ pour 1993 et à 2 189 920 $ pour 1994.


[12]            Après une vérification de l'impôt sur le revenu, le ministre a conclu que, pour les fins de l'impôt sur le revenu canadien, le gain ou la perte de la société de personnes à la vente des obligations de British Gas aurait dû être déterminé en s'appuyant sur le fait que le coût des obligations pour la société de personnes était leur valeur marchande au moment de leur acquisition (9,34 % de leur valeur à l'échéance). En se fondant sur ce raisonnement, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour réduire la part de la perte de la société de personnes devant être assumée par M. Bernick pour 1992 à 4 152 $, pour lui refuser les pertes de 1993 et de 1994 et les remplacer par un bénéfice de 553 916 $ pour 1993 et de 136 595 $ pour 1994.

[13]            Le ministre a également imposé des pénalités à M. Bernick aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'élevant à 391 341 $ pour 1992, 510 898 $ pour 1993 et 364 332 $ pour 1994.

L'appel de M. Bernick à la Cour canadienne de l'impôt

[14]            M. Bernick en a appelé des nouvelles cotisations devant la Cour canadienne de l'impôt. Il a témoigné devant cette Cour. Le comptable agréé qui lui a donné les opinions de vérificateur dont il est question ci-dessus n'a pas témoigné. M. Bernick s'est appuyé principalement sur l'avis d'expert de M. Darryl Butler, c.a., membre en règle du Bahamas Institute of Chartered Accountants qui, depuis 1984, exerce en tant que comptable agréé à Nassau auprès de la firme Butler and Taylor, l'un des cabinets membres de Moore Stephens International Limited.


[15]            M. Butler est d'avis qu'il était [traduction] « approprié et acceptable » pour la société de personnes de préparer ses états financiers en s'appuyant sur le fait que le coût de ses obligations à coupons détachés était celui de leur valeur à l'échéance, plutôt que celui de leur coût d'acquisition ou de leur juste valeur marchande. Selon son rapport, il est parvenu à cette conclusion pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la société de personnes n'est pas un organisme créé par la loi et elle n'est pas obligée de divulguer publiquement ses affaires. Deuxièmement, les associés, qui sont les seuls destinataires des états financiers de la société de personnes, comprenaient parfaitement la situation et ne pouvaient donc être trompés par la méthode comptable choisie. Troisièmement, cette méthode comptable n'était pas incompatible avec le contrat de société, qui laissait la question des états financiers à la discrétion de l'associé directeur. Dans son témoignage, M. Butler a indiqué qu'il avait également présumé que les obligations de British Gas étaient des investissements à long terme, une hypothèse de fait que le juge a estimée erronée. On n'a pas demandé à M. Butler d'exprimer son opinion quant à savoir si la méthode comptable choisie donnait une image fidèle des bénéfices de la société de personnes.

[16]            La Couronne a présenté la preuve de son expert comptable Daniel P. Thornton, PhD, FCA, professeur de comptabilité financière à l'université Queen. À son avis, le revenu qu'a tiré la société de personnes de la vente des obligations de British Gas au cours de la période pertinente se situait entre 46 625 $US et 140 875 $US en vertu des principes comptables généralement reconnus au Canada, aux États-Unis ou à l'échelle internationale, et toute détermination du revenu de la société de personnes à l'extérieur de cette fourchette serait trompeuse. Il a qualifié de [traduction] « ridicule » la proposition selon laquelle la société de personnes a subi des pertes par suite de ses opérations liées aux obligations de British Gas. Voici ce qu'il dit à la page 4 de son rapport :


[traduction]

L'inscription par l'appelant des obligations à leur valeur nominale (à l'échéance) est une pratique comptable qui ne peut être acceptée dans aucune circonstance. Outre le fait qu'elle est contraire aux PCGR, elle donne un résultat ridicule, en ce sens que la société de personnes ne peut éviter de prendre une perte sur les obligations à moins de les détenir pendant 29 ans. Si elle les détient pendant 29 ans, la société de personnes fera ses frais quand elle touchera la valeur à l'échéance au cours de l'année 2021; toutefois, aucun investisseur rationnel ne laisserait dormir 7 500 000 $, sans accumuler d'intérêt, pendant une période de temps quelconque, et certainement pas pendant 29 ans. Donc, cette méthode de comptabilité produit des résultats qui ne représentent pas fidèlement les résultats des activités boursières de la société de personnes.

[17]            L'appel de M. Bernick devant la Cour canadienne de l'impôt a été rejeté, à l'exception du fait que les pénalités ont été réduites à 100 $ pour chacune des années d'imposition : Bernick c. Canada, [2003] 4 C.T.C. 2494, 2003 D.T.C. 839 (C.C.I.). M. Bernick a maintenant formé un appel devant la présente Cour.

Les questions en litige dans le présent appel

[18]            La principale prétention de M. Bernick est que le ministre est tenu en droit d'accepter le calcul des pertes de la société de personnes tel qu'il est présenté dans ses états financiers vérifiés. Subsidiairement, il soutient que les nouvelles cotisations établies par le ministre appliquent une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui ne vise pas la société de personnes.


[19]            M. Bernick a tout d'abord appelé de la pénalité réduite, et la Couronne a déposé un pourvoi incident pour faire valoir que la pénalité n'aurait pas dû être réduite. Toutefois, la Couronne a abandonné son pourvoi incident avant l'audience, et M. Bernick n'a pas poursuivi son appel sur la question de la pénalité réduite. Pour cette raison, je ne ferai aucun commentaire sur les pénalités.

Analyse

[20]            Mon analyse de la prétention principale de M. Bernick commence et se termine par le jugement du juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Canderel Limited c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, et en particulier par ce résumé qu'il fait des principes au paragraphe 53 de son jugement (renvois omis) :


(1)        La détermination du bénéfice est une question de droit.

(2)        Le bénéfice tiré d'une entreprise pour une année d'imposition est déterminé en déduisant des revenus tirés de l'entreprise pour l'année en question les dépenses engagées pour gagner ces revenus [...].

(3)        Dans la détermination du bénéfice, l'objectif est d'obtenir une image fidèle du bénéfice du contribuable pour l'année visée.

(4)        Dans la détermination du bénéfice, le contribuable est libre d'adopter toute méthode qui n'est pas incompatible avec :

a)         les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu;

b)         les principes dégagés de la jurisprudence ou les « règles de droit » établis;

c)         les principes commerciaux reconnus.

(5)        Les principes commerciaux reconnus, notamment ceux codifiés formellement dans les PCGR, ne sont pas des règles de droit mais des outils d'interprétation. Dans la mesure où ils peuvent influencer le calcul du revenu, ils ne le feront qu'au cas par cas, selon les faits relatifs à la situation financière du contribuable.

(6)        En cas de nouvelle cotisation, une fois que le contribuable a prouvé qu'il a donné une image fidèle de son revenu pour l'année, image qui est compatible avec la loi, la jurisprudence et les principes commerciaux reconnus, il incombe alors au ministre de prouver que le chiffre fourni ne donne pas une image fidèle ou qu'une autre méthode de calcul fournirait une image plus fidèle.

[21]            Je retiens de ce résumé qu'une méthode comptable n'est pas acceptable pour les fins de l'impôt sur le revenu à moins qu'elle ne permette de déterminer le revenu exact, et qu'elle ne soit pas incompatible avec la Loi de l'impôt sur le revenu, des règles de droit établies, ou des principes commerciaux reconnus. D'après cette norme, la méthode comptable adoptée par la société de personnes en l'espèce renferme une erreur fatale puisqu'elle donne un résultat inexact.

[22]            La conséquence évidente de la méthode comptable adoptée par la société de personnes est la suivante : si la société de personnes avait vendu les obligations de British Gas à leur valeur marchande à une date quelconque avant leur échéance en 2021, le prix de vente aurait été inférieur à leur valeur à l'échéance. Il est tout aussi évident que l'application constante de la démarche comptable adoptée par la société de personnes ferait en sorte que chacune des ventes d'obligations de British Gas figurerait comme une perte dans les états des résultats de la société de personnes, même si la société de personnes se retrouvait plus riche après avoir vendu la totalité des obligations qu'elle ne l'était avant leur acquisition.


[23]            Au paragraphe 42 de ses motifs, le juge a fait observer que la méthode comptable adoptée par la société de personnes était [traduction] « si éloignée de la réalité économique » , qu'elle ne respectait pas le critère fondamental de l'exactitude dans la déclaration de son revenu. Je dois partager l'opinion du juge sur ce point. Je note également que les observations du juge sont conformes à l'avis de l'expert de la Couronne, qui, comme il est indiqué ci-dessus, a qualifié la méthode comptable choisie par la société de personnes de « ridicule » .

[24]            Dans ce contexte, le mot « exactitude » désigne une exactitude raisonnable, si l'on garde à l'esprit que le calcul des bénéfices peut faire intervenir des estimations et des jugements de valeur quant à l'opportunité, à l'affectation, à l'estimation de la valeur et à d'autres opinions que l'on demande souvent aux comptables de donner. Ainsi, par exemple, si j'acceptais, pour les fins de la discussion, l'avis de M. Thornton selon lequel le revenu de la société de personnes tiré de sa vente des obligations de British Gas se chiffrait entre 46 625 $US et 140 875 $US, alors, théoriquement, toute méthode comptable qui entraînerait un calcul du revenu dans cette fourchette serait suffisamment exacte pour respecter le critère « d'exactitude » énoncé dans l'arrêt Canderel. Pour les raisons que j'ai expliquées ci-dessus, la méthode comptable adoptée par la société de personnes ne respecte absolument pas ce critère.


[25]            L'avocat de M. Bernick n'a pas essayé de défendre la méthode comptable retenue par la société de personnes en faisant valoir qu'elle était exacte. Il a plutôt soutenu que, puisque la méthode comptable adoptée par la société de personnes n'était pas incompatible avec la Loi de l'impôt sur le revenu ou avec tout autre principe établi par la loi relativement au calcul du revenu, et qu'elle était conforme à la seule série de principes commerciaux qui pouvait être appliquée (savoir les principes sur lesquels s'est appuyé M. Butler pour parvenir à la conclusion selon laquelle les états financiers de la société de personnes étaient [traduction] « appropriés et acceptables » ), M. Bernick avait le droit d'utiliser cette méthode comptable en déclarant sa part des pertes de la société de personnes pour les fins du calcul de son impôt sur le revenu canadien.

[26]            Essentiellement, l'avocat de M. Bernick interprétait le quatrième principe énoncé dans l'arrêt Canderel comme signifiant que l'exactitude n'est pas pertinente ou, subsidiairement, que la conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu, avec les principes juridiques bien établis et avec les principes commerciaux applicables suffit pour établir « l'exactitude » pour les fins de l'impôt sur le revenu. Je ne peux accepter ni l'une ni l'autre de ces interprétations de l'arrêt Canderel. À mon avis, une méthode comptable qui ne peut produire un résultat exact ne peut jamais respecter la norme de Canderel.

[27]            Toutefois, si l'arrêt Canderel est interprété comme le suggère l'avocat de M. Bernick, la preuve en l'espèce n'établit pas la conformité avec les principes commerciaux applicables. La seule preuve qui a été donnée sur ce point est l'avis de M. Butler, sur lequel le juge a refusé de s'appuyer parce qu'il se fondait en partie sur le postulat que les obligations de British Gas étaient des investissements à long terme de la société de personnes. Le juge a conclu que ce postulat était faux parce que les obligations de British Gas constituaient le gros des actions et obligations devant être négociées en bourse à court terme, une conclusion de fait qui était bien appuyée par la preuve.


[28]            Pour ces raisons, je conclus qu'il n'y a pas de fondement à la prétention principale présentée pour le compte de M. Bernick.

Prétention subsidiaire : le paragraphe 96(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu

[29]            L'avocat de M. Bernick a fait valoir que la méthode comptable adoptée par le ministre dans l'établissement des nouvelles cotisations qui font l'objet de l'appel est en substance une application de l'alinéa 96(8)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui impose la règle du « moins élevé de sa juste valeur marchande ou de son coût » pour déterminer le coût des stocks de certaines sociétés de personnes étrangères. Bien entendu, l'avocat de M. Bernick a raison de dire que le ministre n'avait pas le droit d'appliquer l'alinéa 96(8)b) à la société de personnes, parce que cette société n'avait pas d'associés canadiens avant le 21 décembre 1992 (voir le paragraphe 44(1) de L.C. 1994, ch. 21).

[30]            Cet argument ne peut être retenu parce que, selon le dossier, le ministre ne s'est pas appuyé sur l'alinéa 96(8)b) pour déterminer les bénéfices et les pertes de la société afin d'établir les nouvelles cotisations qui font l'objet de l'appel.


[31]            Le ministre a calculé les bénéfices de la société à chacune des ventes d'obligations de British Gas comme étant la différence entre le produit de la vente et le coût d'acquisition par la société des obligations vendues, que le ministre a fixé à la valeur marchande des obligations au moment de leur acquisition (9,34 % de leur valeur à l'échéance). Cette méthode de détermination du coût d'acquisition des obligations est fondée sur le principe bien établi du droit de l'impôt sur le revenu selon lequel le coût du bien acquis par un contribuable est le montant ou la valeur de la contrepartie donnée en échange du bien (voir, par exemple, The D'Auteuil Lumber Company Limited c. The Minister of National Revenue, [1970] Ex. C.R. 442).

[32]            En l'espèce, la contrepartie versée par la société pour les obligations consistait en unités de la société. Comme les actions acquises le 3 septembre 1992 (qui incluaient les obligations de British Gas) se composaient essentiellement de la totalité de l'avoir de la société quand les actions ont été acquises, il était raisonnable de conclure que la valeur de la contrepartie payée par la société de personnes pour l'ensemble des obligations était égale à leur valeur marchande au moment de leur acquisition, ce qui, dans le cas des obligations de British Gas, représentait 9,34 % de leur valeur à l'échéance.

Conclusion

[33]            Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

             « Karen R. Sharlow »

                                                                                                                        Juge

«    Je souscris à ces motifs

A. J. Stone »

« Je souscris à ces motifs

Marc Nadon »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        A-343-03

INTITULÉ :                                       HENRY BERNICK

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

LIEU DE L'AUDIENCE :                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 10 MAI 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :           LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                        LE JUGE STONE

                                                           LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                     LE 12 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Vern Krishna, c.r.                                                                                 POUR L'APPELANT

Barry S. Wortzman, c.r.

S. Patricia Lee                                                                                      POUR L'INTIMÉE

James Rhodes                                     

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais LLP                                                                  POUR L'APPELANT

Ottawa (Ontario)

Shibley Righton LLP

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                                  POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada


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