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Date : 20051220

Dossiers : A-491-04

A-492-04

A-493-04

A-494-04

Référence : 2005 CAF 439

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                                                                                               A-491-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-492-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-493-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-494-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 12 décembre 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER


Date : 20051220

Dossiers : A-491-04

A-492-04

A-493-04

A-494-04

Référence : 2005 CAF 439

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                                                                                               A-491-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-492-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-493-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-494-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Malgré les efforts louables du procureur des appelants, je n'ai pas été convaincu qu'il y a lieu d'accueillir les appels.

[2]                Le procureur des appelants a bien tenté de distinguer la situation de ses clients de celle qui prévalait dans l'affaire Procureur général du Canada c. Tremblay, 2004 CAF 175. Je reconnais qu'il existe certaines différences factuelles entre les deux instances, mais, à mon humble avis, elles ne sont pas suffisantes pour écarter l'application des principes énoncés dans l'affaire Tremblay et dans la jurisprudence qui les sous-tend : voir notamment Charbonneau c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.C.F. no. 1337; Canada (Procureur général) c. Rousselle, [1990] A.C.F. no. 990; Livreur Plus Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2004 CAF 68; Vulcain Alarme Inc. c. Le ministre du Revenu national, [1999] A.C.F. no. 749; D & J Driveway Inc. c. Le ministre du Revenu national, [2003] A.C.F. no. 1784.

[3]                Par exemple, les appelants affirment qu'ils travaillaient exclusivement pour ceux qui leur fournissaient du travail, contrairement à ce qui se passait dans l'affaire Tremblay, supra. Le fait que les appelants aient choisi de ne faire affaire qu'avec les compagnies Ambois Inc. et Entreprises forestières F.G. Inc. (les payeurs) n'altère en aucune façon la nature de la relation globale qui existait entre eux : voir Vulcain Alarm Inc. c. Le ministre du Revenu national, supra. Un contrat d'entreprise ne perd pas cette qualité parce que l'entrepreneur limite l'offre de ses services à seulement quelques fournisseurs d'ouvrage.

[4]                Les appelants ont aussi fait état que, contrairement à l'affaire Tremblay, supra, la détermination de ce qu'ils appellent leurs salaires n'était pas faite artificiellement, sans égard à leur expertise et dans le but d'obtenir le nombre de timbres de chômage requis pour se qualifier pour les prestations d'assurance-emploi. J'en conviens et je ne doute pas que les appelants croyaient que le travail qu'ils exécutaient les qualifiait pour les bénéfices de l'assurance-emploi. Mais, ce qu'il faut regarder, ce sont les conditions et les circonstances qui entourent la prestation de travail et desquelles, ainsi que de l'intention des parties, s'infère la nature de la relation globale qui existe entre elles.

[5]                Les appelants soutiennent qu'ils faisaient l'objet d'un contrôle constant de la part des payeurs, lequel témoigne du lien de subordination qui existait entre eux et les payeurs. Ils citent à l'appui de leurs prétentions une décision récente de notre Cour dans l'affaire 9041-6868 Québec Inc. c. Le ministre du Revenu national, 2005 CAF 334.

[6]                Je note au passage que notre collègue, le juge Décary, cite un extrait de l'ouvrage de Me Robert P. Gagnon, Le droit du travail du Québec, Éditions Yvon Blais, 2003, 5e éd., aux pages 66 et 67. Dans cet extrait, l'auteur explique l'évolution du concept de subordination en droit civil québécois et retient comme indice d'encadrement d'un travailleur le contrôle de la qualité du travail. Il est bien établi dans notre jurisprudence que le contrôle de la qualité du travail, tout comme celui du résultat, ne créent pas nécessairement un lien de subordination. Ils ne doivent d'ailleurs pas être confondus avec le contrôle de l'exécution des travaux : voir Livreur Plus Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), supra, au paragraphe 19; Charbonneau c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), supra, au paragraphe 10. Cette nécessaire mise au point faite, voyons ce qui ressort de la preuve en rapport avec la notion de contrôle de l'exécution du travail par les appelants.

[7]                La preuve établit que la coupe de bois par les appelants se faisait sur des lots privés, en territoire municipal peuplé, où la réglementation municipale varie d'une municipalité à l'autre et où les normes environnementales imposées sont très strictes, beaucoup plus strictes que pour une coupe dans les immenses forêts publiques : voir le témoignage de M. Marc Gilbert, dossier des appelants, vol. 1, pages 106 et 107. Il y a des plans d'aménagement à respecter, une régénération de la forêt à protéger : ibidem, pages 107 et 108. Le contrôle dont il est ici question est un contrôle de la qualité et du résultat des travaux ainsi que du respect des règlements municipaux et des normes environnementales. Comme le dit le juge Tardif au paragraphe 47 de sa décision, ce genre de contrôle n'est pas l'apanage exclusif de ceux qui exécutent un contrat de louage de services.

[8]                Le juge a retenu comme déterminants, quant à la nature juridique de la relation entre les appelants et les payeurs, le fait que les appelants étaient propriétaires de la débusqueuse (payée 24 000. $) requise pour l'exécution des travaux, qu'ils assumaient tous les frais liés à l'exploitation, à l'entretien et aux réparations de celle-ci, qu'ils supportaient leurs frais de déplacement, qu'ils étaient rémunérés en fonction de leur productivité de sorte que leurs revenus pouvaient fluctuer en


fonction de bris, de coûts de réparation ou de perte de productivité. Enfin, les appelants défrayaient les coûts d'une assurance responsabilité, un élément de fait qui caractérise beaucoup plus un contrat d'entreprise qu'un contrat de travail où l'employeur assure et assume la responsabilité des gestes de ses employés.

[9]                En somme, je ne peux dire que la conclusion à laquelle en est venu le juge Tardif est entachée d'erreurs de droit qui commanderaient ou justifieraient notre intervention. Les conclusions de faits qu'il a prises sont supportées par la preuve et les inférences qu'il en a tirées ne sont pas déraisonnables.

[10]            Comme je le disais dans l'affaire Procureur général du Canada c. Tremblay, supra, les travailleurs forestiers gagnent laborieusement leur vie en période d'activités forestières et tentent, comme ils ont le droit de le faire, de s'assurer d'un revenu par le biais de l'assurance-emploi durant la période d'inactivité forcée. Mais pour y parvenir, ils doivent rencontrer les exigences de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23. Notre rôle consiste et se limite à nous assurer que les exigences légales sont rencontrées et, ainsi, à appliquer la loi.

[11]            Pour ces motifs, je rejetterais l'appel dans les dossiers A-491-04, A-492-04, A-493-04 et A-

494-04. J'accorderais à l'intimé ses débours dans chacun de ces dossiers, mais sans autres frais.

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

« Je suis d'accord

Marc Nadon j.c.a. »

« Je suis d'accord

J.D. Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                         A-491-04, A-492-04, A-493-04 et A-494-04

INTITULÉ :                                                          JACKY ET RICHARD DESBIENS c.

                                                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  le 12 décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                               LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                            LE JUGE NADON

                                                                              LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                         le 20 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Me Pierre Parent

POUR LES APPELANTS

Me Simon-Nicolas Crépin

Me Nancy Dagenais

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cain Lamarre Casgrain Wells

Chicoutimi (Québec)

POUR LES APPELANTS

John H. Sims c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉ

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