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Date : 20060214

 

Dossier : A‑323‑05

 

Référence : 2006 CAF 66

 

 

CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

 

 

ENTRE :

 

                      NEW ERA CAP COMPANY, INC. et NEW ERA CAP COMPANY

 

                                                                                                                                          appelantes

 

                                                                             et

 

CAPISH? HIP HOP INC. et CAPISH? SILVER INC. et CAPISH? BLING BLING INC. et NASSER DAHOUI, ANCIENNEMENT DÉSIGNÉ SOUS LE PSEUDONYME « UNTEL » DANS L’INSTANCE No T‑346‑05

 

                                                                                                                                                intimés

 

 

 

                                     Audience tenue à Toronto (Ontario), le 7 février 2006.

 

                                  Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 14 février 2006

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                       LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                         LE JUGE MALONE


Date : 20060214

 

Dossier : A‑323‑05

 

Référence : 2006 CAF 66

 

 

CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

 

 

ENTRE :

 

                      NEW ERA CAP COMPANY, INC. et NEW ERA CAP COMPANY

 

                                                                                                                                          appelantes

 

                                                                             et

 

CAPISH? HIP HOP INC. et CAPISH? SILVER INC. et CAPISH? BLING BLING INC. et NASSER DAHOUI, ANCIENNEMENT DÉSIGNÉ SOUS LE PSEUDONYME « UNTEL » DANS L’INSTANCE No T‑346‑05

 

                                                                                                                                                intimés

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE SHARLOW

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par New Era Cap Company, Inc. et New Era Cap Company (collectivement, New Era) à l’égard d’un jugement (2005 CF 918) dans lequel la Cour fédérale a rejeté la requête visant l’obtention d’une ordonnance portant que les défendeurs Capish? Hip Hop Inc. et Nasser Dahoui (collectivement, Capish) sont coupables d’outrage au tribunal relativement à une ordonnance Anton Piller rendue le 3 mars 2005.


 

 

[2]               New Era vend des produits, dont des casquettes de baseball, qui portent sa marque de commerce. Estimant que Capish vendait des marchandises New Era contrefaites, elle a présenté une requête ex parte en vue d’ajouter Capish comme partie défenderesse à une ordonnance Anton Piller existante. Cette requête a été accueillie le 3 mars 2005.

 

[3]               De façon générale, l’ordonnance Anton Piller comporte deux aspects. Le premier, l’interdiction de vendre des marchandises New Era contrefaites ou d’en faire le commerce, n’est pas pertinent en l’espèce. La présente affaire concerne l’autre aspect de l’ordonnance Anton Piller, selon lequel toute personne ayant reçu signification de ladite ordonnance doit coopérer à certains égards relativement à la collecte et à la préservation d’éléments de preuve précis. New Era soutient que le juge a commis une erreur en confondant les deux aspects de l’ordonnance Anton Piller. Je ne vois aucune erreur de cette nature. À mon avis, le juge savait ce qu’il avait devant lui.

 

[4]               L’ordonnance de justification sommait Capish de comparaître afin de répondre à des allégations de contravention aux parties suivantes de l’ordonnance Anton Piller :

 


 

[TRADUCTION]

4.         Tout défendeur [...] doit autoriser les personnes chargées de l’exécution de l’ordonnance [...] à pénétrer dans les locaux du défendeur et à y effectuer des perquisitions [...] en vue de rechercher et d’enlever toutes les marchandises New Era non autorisées ou contrefaites ainsi que le matériel et les dossiers connexes.

 

5.         Tout défendeur [...] est tenu d’ouvrir et de rendre accessibles aux personnes chargées de l’exécution de l’ordonnance tout véhicule, contenant ou local d’entreposage dont il a la possession, la garde ou le contrôle, et d’ouvrir toutes les portes verrouillées derrière lesquelles les personnes chargées d’exécuter l’ordonnance ont des motifs raisonnables de croire que peuvent se trouver des marchandises New Era non autorisées ou contrefaites, du matériel ou des dossiers connexes.

 

6.         Tout défendeur [...] doit immédiatement remettre aux personnes chargées de l’exécution de l’ordonnance toutes les marchandises New Era non autorisées ou contrefaites ainsi que le matériel et les dossiers connexes en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle.

 

7.         Il est interdit à tout défendeur [...] de prendre quelque mesure visant à détruire ou à cacher une marchandise New Era non autorisée ou contrefaite, ainsi que du matériel ou des dossiers connexes.

 

8.         Tout défendeur [...] doit communiquer aux personnes chargées de l’exécution de l’ordonnance :

 

(i)         les renseignements sur les lieux où se trouvent toute marchandise non autorisée ou contrefaite, du matériel ou des dossiers connexes dont il a connaissance;         

 

(ii)        [...]

 

(iii)       le nom et l’adresse de tous les fournisseurs qui lui ont fourni des marchandises New Era non autorisées ou contrefaites [...]

 


[5]               Selon l’ordonnance Anton Piller, les [TRADUCTION] « marchandises New Era non autorisées ou contrefaites » signifient [TRADUCTION] « les biens ou les objets portant, sans l’autorisation [de New Era], une des marques de commerce ou un des logos [de New Era] présentés à l’annexe B ou portant toute marque ou logo susceptibles de créer de la confusion avec eux ».

 

[6]               Le 25 avril 2005, une ordonnance de justification a été rendue afin de sommer Capish de répondre aux allégations selon lesquelles elle avait omis ou refusé de se conformer à l’ordonnance Anton Piller. Les détails figurent au paragraphe 1 de l’ordonnance de justification dont voici les extraits pertinents :

 

[TRADUCTION]

(i) omis de remettre [...] toutes les marchandises New Era non autorisées ou contrefaites (selon la définition donnée à cette expression dans l’ordonnance Anton Piller) [...], contrairement au paragraphe 6 de l’ordonnance Anton Piller;

 

(ii) refusé d’autoriser les représentants [de New Era] à effectuer une perquisition conformément à [...] l’ordonnance Anton Piller [...], contrairement aux paragraphes 4 et 5 de l’ordonnance Anton Piller;

 

(iii) refusé d’autoriser les représentants [de New Era] à effectuer une saisie conformément [...] à l’ordonnance Anton Piller [...], contrairement au paragraphe 4 de l’ordonnance Anton Piller;

 

(iv) refusé ou omis de divulguer les nom et adresse des [...] fournisseurs de marchandises New Era non autorisées ou contrefaites [...], contrairement à l’alinéa 8(iii) de l’ordonnance Anton Piller;

 

(v) refusé ou omis de divulguer les lieux où se trouvent les marchandises New Era non autorisées ou contrefaites [...], contrairement à l’alinéa 8(i) de l’ordonnance Anton Piller;

 

(vi) retiré les marchandises New Era non autorisées ou contrefaites de leurs étalages [...], contrairement au paragraphe 7 de l’ordonnance Anton Piller.

 

[7]               La requête pour outrage au tribunal a été entendue les 13 et 15 juin 2005.

 


[8]               Les faits sont les suivants. Le 13 avril 2005, un représentant de New Era a constaté que trois casquettes de baseball qu’il croyait être des casquettes de baseball New Era contrefaites étaient offertes en vente dans une boutique qui appartenait à Capish ou était exploitée par celle‑ci. Il n’a acheté aucune de ces casquettes. Il a parlé au commis, qui lui a proposé de parler à M. Dahoui, le propriétaire de la boutique. Appelé par téléphone, M. Dahoui est arrivé à la boutique quelques minutes plus tard. La preuve concernant la question de savoir si les casquettes que le représentant de New Era croyait être contrefaites ont été montrées à M. Dahoui est contradictoire. Le représentant de New Era n’a pas expliqué à M. Dahoui comment distinguer les marchandises New Era authentiques d’avec des marchandises New Era contrefaites. M. Dahoui et le représentant de New Era sont allés dans un restaurant situé tout près de la boutique pour discuter. Alors qu’il était au restaurant avec le représentant, M. Dahoui a reçu au moins deux appels sur son téléphone cellulaire dans une langue que le représentant ne comprenait pas. Aucun représentant de New Era n’est resté à la boutique. Au retour de M. Dahoui et du représentant de New Era, il n’y avait aucune casquette contrefaite dans la boutique. Lorsque M. Dahoui s’est fait demander où elles se trouvaient, il a répondu : [TRADUCTION] « Quelles casquettes? » Finalement, après avoir continué de parler avec M. Dahoui, le représentant de New Era a conclu qu’il serait inutile de poursuivre la discussion avec celui‑ci pour l’instant et il est donc parti sans demander de fouiller la boutique ou un autre endroit.

 


[9]               Il est bien reconnu qu’il ne peut y avoir contravention aux paragraphes 4 et 5 de l’ordonnance Anton Piller à moins que la personne cherchant à exécuter l’ordonnance ne présente une demande visant à effectuer une perquisition aux endroits mentionnés dans ces dispositions ou à en obtenir l’accès. L’avocat de New Era a admis, avec raison, que le dossier ne renferme aucune preuve de cette demande. Par conséquent, les allégations d’outrage au tribunal concernant ces deux dispositions doivent être rejetées.

 

[10]           Les autres allégations d’outrage au tribunal concernent les paragraphes 6, 7 et 8 de l’ordonnance Anton Piller et nécessitent un examen de la définition des [TRADUCTION] « marchandises New Era non autorisées ou contrefaites ». De l’avis du juge, cette définition vise uniquement les marchandises qui sont effectivement des marchandises non autorisées ou contrefaites.

 


[11]           L’avocat de New Era a soutenu que, compte tenu du contexte dans lequel une ordonnance Anton Piller est rendue, il y a lieu d’interpréter cette ordonnance de façon à englober les marchandises simplement soupçonnées d’être des marchandises New Era non autorisées ou contrefaites, ou les marchandises au sujet desquelles la personne chargée de l’exécution de ladite ordonnance a des motifs raisonnables de croire qu’il s’agit de marchandises New Era non autorisées ou contrefaites. Je ne puis souscrire à cet argument. À mon avis, dans le contexte d’une requête pour outrage au tribunal qui est fondée sur l’omission ou le refus de respecter une ordonnance judiciaire, les termes de l’ordonnance doivent recevoir une interprétation stricte. C’est ainsi que le juge a interprété l’ordonnance Anton Piller et, à mon avis, il avait raison. Les allégations d’outrage au tribunal qui sont formulées dans la présente affaire doivent être comprises à la lumière de cette interprétation stricte.

 

[12]           Le juge a conclu que, en droit, Capish ne peut être déclarée coupable d’outrage au tribunal relativement aux dispositions de l’ordonnance Anton Piller la sommant de remettre des marchandises contrefaites de la boutique, en l’absence d’une preuve montrant hors de tout doute raisonnable qu’à la date pertinente, il y avait dans la boutique des marchandises visées par la définition des [TRADUCTION] « marchandises New Era non autorisées ou contrefaites » et que Capish le savait. Il me semble que ces deux exigences découlent logiquement de la définition susmentionnée des [TRADUCTION] « marchandises New Era non autorisées ou contrefaites ».

 

[13]           Les conclusions de fait du juge ne sont pas toujours exprimées aussi clairement qu’elles auraient pu l’être et le jugement comporte certaines déclarations que je n’appuierais pas. Cependant, il est suffisamment clair que le juge n’était pas convaincu hors de tout doute raisonnable que les critères énoncés avaient été établis. Le dossier ne révèle aucune raison justifiant une modification de ces conclusions de fait, qui entraînent forcément le rejet des allégations d’outrage au tribunal se rapportant aux paragraphes 6, 7 et 8 de l’ordonnance Anton Piller.

 


[14]           New Era soutient également que, si M. Dahoui n’est pas déclaré coupable d’outrage au tribunal à la lumière de ces faits, les ordonnances Anton Piller auront perdu leur efficacité. Il se peut que la définition énoncée dans l’ordonnance Anton Piller ait rendu l’exécution difficile. D’autre part, il est possible que la tentative d’exécution de l’ordonnance Anton Piller ait échoué parce que le représentant de New Era a mal compris la position de M. Dahoui, qui a affirmé dès le départ et continue d’affirmer qu’il n’y avait pas de marchandises New Era contrefaites dans sa boutique. Si le représentant de New Era avait mieux compris M. Dahoui le 13 avril 2005, il aurait peut‑être pris d’autres mesures qu’il était autorisé à prendre selon l’ordonnance Anton Piller. À mon avis, aucun de ces facteurs ne permet d’adopter une interprétation de l’ordonnance Anton Piller qui est plus large que celle qui ressort raisonnablement de ses dispositions.

 

[15]           L’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

                                                                                                                                     _ K. Sharlow _                        

                                                                                                                                                     Juge                                

_ Je souscris aux présents motifs

       Marshall Rothstein, juge _

 

_ Je souscris aux présents motifs

       B. Malone, juge _

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                     COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        A‑323‑05

 

INTITULÉ :                                       NEW ERA CAP COMPANY, INC. et

NEW ERA CAP COMPANY

c.

CAPISH? HIP HOP INC. et CAPISH? SILVER INC. et CAPISH? BLING BLING INC. et NASSER DAHOUI, ANCIENNEMENT DÉSIGNÉ SOUS LE PSEUDONYME « UNTEL » DANS L’INSTANCE No T‑346‑05

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                         LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 14 FÉVRIER 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Thomas Slahta                                      POUR LES APPELANTES

 

Hyder Masum                                      POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kestenberg Siegal Lipkus                     POUR LES APPELANTES

Toronto (Ontario)

 

Mangal & Masum                                 POUR LES INTIMÉS

Mississauga (Ontario)

 

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