Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060523

Dossier : A-505-03

Référence : 2006 CAF 192

 

ENTRE :

DALE DUTCHAK

demandeur

et

TRAVAILLEURS UNIS DES TRANSPORTS

défendeurs

et

CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE

défenderesse

 

 

TAXATION DES DÉPENS − MOTIFS

CHARLES E. STINSON

Officier taxateur

 

[1]               Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le Conseil canadien des relations industrielles a rejeté sa plainte, dans laquelle il alléguait que les défendeurs, les Travailleurs unis des transports (les Travailleurs unis), avaient enfreint l’article 37 du Code canadien du travail. Le demandeur reprochait aux Travailleurs unis d’avoir omis de défendre équitablement ses intérêts au sujet de l’accès à certains appels de la défenderesse Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée (le CP) pour offrir du travail à des membres du syndicat. La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire et accordé les dépens aux Travailleurs unis et au CP. J’ai fixé un calendrier pour la taxation sur dossier des mémoires de dépens respectifs des défendeurs.

 

[2]               Les Travailleurs unis ont indiqué que le montant réel des honoraires facturés par leur avocat à titre d’honoraires entre l’avocat et son client dépassait 20 000,00 $ (le montant réclamé en vertu du tarif s’élève à 7 140,00 $ seulement) pour plus de 68 heures de travail, en plus d’une somme de 2 821,97 $ pour les débours. Les Travailleurs unis ont fait valoir que la conduite du demandeur a compliqué l’instance, en ce que la présentation de nombreux documents et requêtes, pour la plupart inutiles et pour la plupart rejetés, a néanmoins nécessité qu’on prête à chacun l’attention requise pour décider de la réponse appropriée. Les dépens réclamés (10 659,31 $) ne représentent qu’une fraction des coûts réels engagés par les Travailleurs unis. Le CP a soulevé le même argument en ce qui a trait à la conduite du demandeur, ajoutant qu’un grand nombre des productions effectuées par celui-ci débordaient le cadre des Règles, occasionnant ainsi des frais supplémentaires et superflus.

 

[3]               Le demandeur, qui a agi pour son propre compte durant toute l’instance, demande le rejet ou la réduction du mémoire de dépens du CP, compte tenu des facteurs énoncés aux alinéas 400(3)c), d), h), i), j), k)(i) et (ii) et n) des Règles, soit, respectivement. l’importance et la complexité des questions, le partage de la responsabilité, l’intérêt public, la conduite d’une partie ayant pour effet de prolonger inutilement l’instance, le défaut de reconnaître ce qui aurait dû être admis, la prise de mesures inappropriées ou négligentes et des réclamations exagérées. Malheureusement, les justifications invoquées par le demandeur au soutien de ses arguments consistent en des allégations malveillantes et sans fondement, notamment de falsification de documents, de fabrication de témoignage, d’influence politique, d’abus de confiance, d’absence d’intégrité et d’abus de pouvoir. Le demandeur a soutenu que je devrais exercer le pouvoir prévu au paragraphe 400(6) des Règles pour surseoir à l’adjudication des dépens ou pour adjuger les dépens en sa faveur pendant qu’il soumettrait l’affaire à son député provincial et à la GRC en vue d’une enquête.  

 

[4]               En réponse au mémoire de dépens des Travailleurs unis, le demandeur sollicite essentiellement la production d’un affidavit justifiant les dépens, de façon à pouvoir porter l’affaire devant le Parlement du Canada et la GRC relativement à des éléments de preuve fabriqués. Il affirme refuser de payer quelques dépens taxés que ce soit, étant donné qu’il entreprend, au moyen d’une demande de révision ministérielle et en s’adressant à la GRC, des poursuites criminelles contre les Travailleurs unis, le CP et les juges de la Cour fédérale pour fabrication de preuve, complot en vue de désobéir à une loi fédérale, faux semblants, ingérence politique, partialité et abus de confiance. Il allègue aussi le vol.  

 

Taxation

[5]               Je ne peux qu’approuver les observations des Travailleurs unis et du CP concernant la conduite du demandeur, compte tenu de la nature répréhensible et injurieuse des documents qu’il a soumis. Il est difficile d’ajouter foi aux documents d’une partie qui se décrit (dans sa lettre du 2 mars 2006) comme [traduction] « l’agneau du sacrifice et le bouc émissaire de la Cour fédérale » et qui commence un document (en date du 8 mars 2006) intitulé [traduction] « Réponse du demandeur au vol des dépens […] » par ces mots absurdes et injurieux : [traduction] « Sans vouloir manquer de respect, il est tout d’abord clair et évident en la présente instance que certains juges du tribunal se laissent acheter et se font payer […] » L’on ne peut blâmer le demandeur d’avoir exercé un recours contre son propre syndicat à l’égard de ce qu’il croit être des actes répréhensibles. Dans l’abstrait, la question qu’il a soumise à la Cour était sérieuse et ne saurait être qualifiée de frivole. Toutefois, cet état de choses ne relevait pas le demandeur de son obligation d’exercer son droit de recours de manière ordonnée, efficace et économique. Mon analyse du dossier m’incite à partager l’avis des Travailleurs unis et du CP : le mode de conduite du demandeur a occasionné aux parties adverses du travail et des frais inutiles. Le demandeur, de concert avec les autres membres et collègues, supporte par ses cotisations cette charge additionnelle et superflue, parce que les limites de l’indemnité partielle prévue par le tarif ne permettent tout simplement pas d’indemniser la charge additionnelle dans les circonstances.

 

[6]               Les documents soumis par le demandeur sont tout simplement dépourvus de pertinence. Le fait que celui-ci invoque le paragraphe 400(6) des Règles pour étayer une conclusion qui ne relève manifestement pas de ma compétence révèle une incompréhension du processus de taxation des dépens, qui consiste à convertir l’attribution des dépens dans un cas donné en un montant d’argent. En réalité, le demandeur n’ayant présenté aucune observation pertinente qui puisse m’aider à délimiter des questions et à y répondre, les deux mémoires de dépens demeurent non contestés. Je suis d’avis, comme je l’ai dit à plusieurs reprises dans des circonstances comparables, que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’une partie puisse tirer avantage du fait que l’officier taxateur s’écarte de sa position de neutralité pour mettre en cause en son nom certains articles d’un mémoire de dépens. Par contre, l’officier taxateur ne peut pas certifier des articles qui ne sont pas légitimes, c'est-à-dire des articles qui ne peuvent être admis en vertu du jugement ou du tarif. J’ai examiné chaque article réclamé dans le mémoire de dépens ainsi que les documents à l’appui en fonction de ces paramètres. Certains articles justifient mon intervention compte tenu des paramètres que j’ai exposés ci-dessus et de ce que je perçois être une opposition générale aux deux mémoires de dépens.  

 

[7]               Chacun des deux mémoires de dépens comprend deux réclamations fondées sur l’article 2 pour les honoraires d’avocat, l’une pour l’avis de comparution, l’autre pour le dossier du défendeur ou de la défenderesse. Je doute que le libellé de l’article 2, sous l’intertitre « A. Actes introductifs d’instance et autres actes de procédure » et qui comporte les mots « tou[s] les documents », puisse être suffisamment large pour permettre deux réclamations dans les circonstances. J’accorde une seule réclamation fondée sur l’article 2 dans chaque mémoire de dépens, et j’alloue à chacune le maximum de 7 unités (le CP a réclamé 6 unités, mais je pense que les circonstances, dans le cas présent, justifient l’attribution maximale au regard de l’article 409 et de l’alinéa 400(3)i) des Règles, qui permettent de tenir compte d’une conduite ayant pour effet de prolonger inutilement la durée d’une instance).

 

[8]               Chaque mémoire de dépens comprend une réclamation au titre de l’article 5 (préparation d’une requête) à l’égard de plusieurs ordonnances. Je n’ai pu trouver que cinq ordonnances au dossier de la Cour. L’une d’elles, en date du 27 août 2004, précise qu’« aucuns dépens » ne sont adjugés, ce qui exclut l’application de l’article 5. Les quatre autres ordonnances, datées respectivement du 11 avril, 24 juin, 20 septembre et 21 octobre 2005, sont muettes quant aux dépens. Dans Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., [2005] A.C.F. no 1426 (T.O.) au paragraphe [10], j’ai conclu que « le jugement après instruction, en général, ne parfait pas le droit aux dépens des procédures interlocutoires ayant donné lieu à des ordonnances muettes sur les dépens ou qui les refusent expressément ». Je dois refuser les différentes réclamations présentées au titre de l’article 5.  

 

[9]               J’accorde les réclamations portant sur les articles 13a) et 14a) (préparation de l’audience et présence à l’audience, respectivement), auxquelles j’alloue le maximum de 5 et de 3 unités (augmentant ainsi à 3 les 2 unités réclamées par le CP). L’article 3 et le paragraphe 5(1) de la Loi sur les Cours fédérales, qui définissent la Cour, ainsi que l’article 2 des Règles des Cours fédérales, qui définit l’officier taxateur, montrent que les termes « Cour » et « officier taxateur » réfèrent à des entités séparées et distinctes. Dans le cas présent, la Cour n’a pas visiblement exercé son pouvoir discrétionnaire d’allouer des honoraires pour les déplacements des avocats en vertu l’article 24. En l’absence de l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire à cet égard, je n’ai pas compétence pour accorder ces dépens. Cette restriction ne s’applique pas aux débours liés aux déplacements, pour lesquels l’article 405 des Règles me confère compétence. En effet, les honoraires des avocats et leurs débours représentent des articles de dépens distincts et indépendants, traités à des endroits différents du tarif : les articles 1 à 28 du tableau du tarif B portent sur les honoraires des avocats, et le tarif BI concerne les débours. Par conséquent, l’article 24 a trait aux honoraires des avocats, non aux débours. Le pouvoir discrétionnaire réservé à la Cour d’autoriser les officiers taxateurs à statuer sur les réclamations en vertu de l’article 24 ou même sur celles en vertu de l’article 14b), en cas de second avocat, s’exerce indépendamment du pouvoir discrétionnaire dévolu à l’officier taxateur par l’article 405 des Règles et par le tarif BI. Aucune réserve implicite ne m’empêche d’accorder les débours liés aux déplacements des avocats en l’absence d’une directive de la Cour concernant l’article 24 quant aux honoraires des avocats pour le temps consacré aux voyages aller et retour en vue de l’audience. L’indemnité relative au temps professionnel de l’avocat en déplacement fait certainement intervenir des considérations différentes de celles qui concernent les dépenses (billets d’avion, hôtels et repas) nécessaires pour assurer le transport et les frais de subsistance d’un avocat au lieu de l’audience. En conséquence, je rejette les réclamations fondées sur l’article 24 dans les deux mémoires de dépens; par contre, j’accorde les réclamations présentées pour les débours liés aux déplacements (731,77 $ et 1 592,59 $ pour le CP et pour les Travailleurs unis, respectivement).

 

[10]           Je fais droit à la réclamation présentée aux termes de l’article 25 (services rendus après le jugement) et accorde une (1) unité dans chaque mémoire de dépens. Je ne suis pas disposé à majorer les réclamations au titre de l’article 26 établies au minimum de 2 unités, compte tenu du résultat de la taxation et de l’absence de documentation rationnelle de la part du demandeur. Je rejette la réclamation des Travailleurs unis fondée sur l’article 28 : voir la décision Air Canada c. Canada (Ministre des Transports), [2000] A.C.F. no 101 (O.T.). Toutefois, j’allouerai à chaque mémoire de dépens le maximum de 3 unités au titre de l’article 27 (autres services acceptés aux fins de la taxation par l’officier taxateur), parce qu’à mon avis, le mode de conduite du demandeur a occasionné aux avocats du travail qui n’est pas prévu ailleurs dans les articles 1 à 26.

 

[11]           Compte tenu de certains éléments refusés ci-dessus, je réduis à 550,00 $ et 265,00 $ les montants respectifs de 708,74 $ et 331,89 $ réclamés pour les photocopies et les services de messagerie dans le mémoire de dépens des Travailleurs unis. J’accepte les réclamations de 89,43 $, 89,81 $ et 9,51 $ concernant des appels interurbains, des télécopies et des recherches informatiques, respectivement. Je réduis à 19,00 $ la réclamation de 24,56 $ pour services de messagerie dans le mémoire de dépens du CP.

 

[12]           Le mémoire de dépens de 10 659,31 $ présenté par les Travailleurs unis est taxé et approuvé pour 5 474,48 $. Le mémoire de dépens de 5 507,13 $ présenté par le CP est taxé et approuvé pour 3 447,17 $.

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                             A-505-03

 

INTITULÉ :                                                           DALE DUTCHAK                             demandeur

et

TRAVAILLEURS UNIS DES TRANSPORTS

                                                                                                                                            défendeurs

et

CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE                                                        défenderesse

 

TAXATION DES DÉPENS EFFECTUÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :   CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS :                                          LE 23 MAI 2006

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Dale Dutchak

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Douglas J. Wray

POUR LES DÉFENDEURS Travailleurs unis des transports

 

Karen L. Fleming

POUR LA DÉFENDERESSE Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Caley Wray

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS Travailleurs unis des transports

 

Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée

Services juridiques

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.