Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040323

Dossier : A-50-02

Référence : 2004 CAF 118

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                   JOHN CHANDIOUX EXPERTS-CONSEILS INC.

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

     LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX

                                             DU GOUVERNEMENT DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                     Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 mars 2004.

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 mars 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20040323

Dossier : A-50-02

Référence : 2004 CAF 118

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                   JOHN CHANDIOUX EXPERTS-CONSEILS INC.

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

     LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX

                                             DU GOUVERNEMENT DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]                Il s'agit d'une demande de révision judiciaire d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le « Tribunal » ), référencée [2002] T.C.C.E. no 9 et en date du 13 février 2002, par laquelle le Tribunal rejetait une plainte déposée par le demandeur relativement à l'attribution par le défendeur d'un contrat visant la fourniture d'un système de traduction automatique de bulletins météorologiques pour Environnement Canada.


[2]                Le demandeur prétendait que le défendeur avait accordé le contrat à un soumissionnaire dont le système n'était pas conforme aux exigences essentielles de l'invitation à soumissionner, à savoir un système qui devait fonctionner dans un environnement Windows. Le Tribunal concluait que le système proposé par ledit soumissionnaire, à savoir un système LINUX, rencontrait les exigences de l'invitation à soumissionner, puisqu'il était compatible avec l'environnement Windows et pouvait y fonctionner.

[3]                Le litige résulte de l'invitation à soumissionner n_ EF116-001468/A, publiée par Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada (TPSGC) le 16 mai 2001, pour un système clé en main de traduction automatique de bulletins météorologiques anglais-français et français-anglais, destiné au bureau de la traduction, section météo. Spécifiquement, l'invitation à soumissionner comprenait l'exigence suivante :

Système clé en main de traduction automatique, de l'anglais vers le français et du français vers l'anglais, tournant sur des ordinateurs personnels totalement dédiés à cette utilisation dans un environnement Windows.

                                                                                                         [Le souligné est le mien]

[4]                Le demandeur, John Chandioux experts-conseils Inc., faisait une proposition comportant un système Windows, alors que Stéphane Lachapelle Informatique ( « SLI » ) faisait une proposition comportant un système LINUX. Suite à la réception de ces propositions, les deux systèmes, en conformité avec l'invitation à soumissionner, furent testés sur une période de deux semaines afin de s'assurer qu'ils fonctionnaient adéquatement 99% du temps. Les deux systèmes furent déclarés satisfaisants.


[5]                Le 14 septembre 2001, TPSGC ayant jugé les deux systèmes conformes aux exigences de la demande, adjugeait le contrat à SLI.

[6]                Le 21 septembre 2001, le demandeur faisait opposition à cette adjudication, en arguant notamment qu'une exigence essentielle n'avait pas été respectée par le soumissionnaire retenu.

[7]                Le 1er octobre 2001, le demandeur déposait une plainte (PR-2001-029) auprès du Tribunal, demandant à ce dernier d'annuler le contrat attribué à SLI et de le lui attribuer.

[8]                Le 15 octobre 2001, le demandeur déposait une demande de plainte amendée par l'ajout d'un motif relatif à l'évaluation injuste et à la partialité du processus d'évaluation des propositions (plainte PR-2001-032).

[9]                Le 13 février 2002, le Tribunal rejetait la plainte PR-2001-029 et accueillait, en partie, la plainte PR-2001-032. La décision du Tribunal concernant la deuxième plainte ne fait pas l'objet d'une demande de contrôle judiciaire devant cette Cour.


[10]            Dans sa décision, le Tribunal se référait à l'article 11 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, D.O.R.S. /93-602 (le              « Règlement » ), qui stipule notamment que lorsque le Tribunal enquête sur une plainte, il doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-unis du Mexique, le 17 décembre 1992, [1994] 32 R.T.Can. No2, I.L.M. 289 (entrée en vigueur le 1er janvier 1994) (l' « ALÉNA » ), de l'Accord sur le commerce intérieur, (ACI) 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, 29 avril 1995 (l' « ACI » ) et de l'Accord sur les marchés publics , figurant à l'annexe 4 de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech le 15 avril 1994 (l' « AMP » ). Le Tribunal se référait également à l'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA, l'alinéa XIII(4)c) de l'AMP qui prévoit que l'adjudication des marchés doit être conforme aux critères et conditions essentielles spécifiées dans l'appel d'offre, ainsi qu'au paragraphe 506(6) de l'ACI qui stipule notamment que les documents d'appel d'offre doivent indiquer clairement les conditions et critères appliqués dans l'évaluation des soumissions.

[11]            Sur la base de ces principes, le Tribunal rejetait l'allégation du demandeur selon laquelle le système proposé par SLI et accepté par le défendeur ne respectait pas les exigences fondamentales du paragraphe 2.6 de l'annexe B de l'invitation à soumissionner, qui se lit comme suit :

Le soumissionnaire doit soumettre la liste détaillée de tout l'équipement qu'il entend fournir pour assurer le bon fonctionnement du système automatique et permettre l'interface avec le réseau d'Environnement Canada soit 10/100 base T Ethernet et utilisation du protocole TCP/IP seulement. Il appartiendra au Bureau de la traduction de décider si le matériel fourni est adéquat à la suite d'un essai du système de deux semaines. Le système devra fonctionner dans un environnement Windows, et la plate-forme proposée devra être reconnue comme étant fiable et sécuritaire, selon les normes de l'industrie. De plus, elle devra être acceptée par Environnement Canada.                              (Le souligné est le mien)


[12]            Selon le Tribunal, tout système, Microsoft Windows ou autre, pouvant fonctionner dans un environnement Windows, rencontrait les exigences du paragraphe 2.6 de l'annexe B et, par conséquent, était acceptable. Le Tribunal se disait d'avis que même si le système offert par SLI n'était pas un environnement Windows, il rencontrait néanmoins les exigences du paragraphe 2.6 de l'annexe B, puisque l'invitation à soumissionner n'exigeait pas un tel environnement, mais requérait plutôt que tout système proposé soit compatible avec un tel environnement et puisse y fonctionner.

[13]            Le demandeur nous demande de conclure que la décision du Tribunal est fondée sur des erreurs de fait, à savoir :

1.         Le Tribunal s'est trompé relativement à l'expression « Environnement Windows » et lui a donné un sens contraire à celui retenu dans l'industrie informatique. Selon le demandeur, les expressions « fonctionner 'dans un environnement Windows' » et « fonctionner sous 'le système d'exploitation Microsoft Windows' » sont synonymes.


2.         Le Tribunal s'est trompé en retenant l'explication fournie par le défendeur concernant la compatibilité avec des installations d'Environnement Canada (selon TPSGC, « il était nécessaire de stipuler clairement que le système proposé devait fonctionner dans un environnement Windows afin d'assurer la comptabilité avec le réseau d'Environnement Canada » ), car cette explication est incompatible avec la signification reconnue de l'expression « environnement Windows » en informatique et est invalidée par la réalité des dites installations, certains ordinateurs d'Environnement Canada fonctionnant sous UNIX, d'autres sous Windows.

3.         Le Tribunal s'est trompé en affirmant que LINUX est compatible avec Windows puisqu'un logiciel développé pour LINUX est incompatible avec Microsoft Windows. Au soutien de cette affirmation le demandeur s'appuie sur une preuve matérielle émanant de Microsoft.

[14]            Par conséquent, le demandeur soumet que le Tribunal aurait dû conclure que le système proposé par SLI ne rencontrait pas les exigences essentielles de l'invitation à soumissionner.

[15]            Selon le défendeur, la seule question devant cette Cour est celle de savoir si le Tribunal a commis une erreur révisable en concluant que la proposition de SLI était conforme à l'invitation à soumissionner.

[16]            Le défendeur souligne que les éléments de preuve sur lesquels s'appuie le demandeur quant au sens de l'expression « environnement Windows » dans l'industrie informatique n'étaient pas devant le Tribunal et ne peuvent donc être pris en considération par notre Cour. Par conséquent, puisqu'il n'y avait aucune preuve au dossier pour soutenir l'argument du demandeur, le défendeur nous demande de rejeter la demande de contrôle judiciaire.


[17]            En outre, s'appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, le défendeur soumet que la norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal est celle de la décision manifestement déraisonnable. Puisque l'interprétation retenue par le Tribunal de l'expression « environnement Windows » ne peut être tenue pour clairement irrationnelle, il n'y a pas lieu pour cette Cour d'intervenir.

[18]            Selon le défendeur, l'interprétation retenue par le Tribunal est tout à fait compatible avec l'objet de la clause 2.6 de l'annexe B de l'invitation à soumissionner. Le demandeur ajoute que l'interprétation que le demandeur invite cette Cour à retenir aurait pour effet, en exigeant absolument un système Microsoft Windows, de créer un obstacle non-nécessaire au commerce en contravention du paragraphe 107(1) de l'ALÉNA, d'enfreindre le paragraphe 107(3) qui interdit d'obliger un fournisseur à utiliser ou à fournir un produit d'une marque de commerce spécifique, et de favoriser les produits Microsoft Windows en contravention de l'alinéa 504(3)b) de l'ACI.

Législation pertinente



Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (L.R. (1985), ch. 47 (4e suppl.) )                

30.11 (1) Tout fournisseur potentiel peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte.

Forme et teneur

(2) Pour être conforme, la plainte doit remplir les conditions suivantes :

a) être formulée par écrit;

b) préciser le contrat spécifique visé, le nom du plaignant et celui de l'institution fédérale chargée de l'adjudication du contrat;

c) exposer de façon claire et détaillée ses motifs et les faits à l'appui;

d) préciser la nature de la réparation demandée;

e) préciser l'adresse du plaignant où peuvent être envoyées les notifications et autres communications relatives à la plainte;

f) fournir tous les renseignements et documents pertinents que le plaignant a en sa possession;

g) fournir tous renseignements et documents supplémentaires exigés par les règles;

h) comporter le paiement des droits réglementaires.

.......

30.13 (1) Après avoir jugé la plainte conforme et sous réserve des règlements, le Tribunal détermine s'il y a lieu d'enquêter. L'enquête peut comporter une audience.

Avis d'enquête

(2) S'il décide d'enquêter sur la plainte, le Tribunal notifie sa décision au plaignant, à l'institution fédérale concernée et à toute autre partie qu'il juge intéressée et leur donne l'occasion de lui présenter leurs arguments.

.......

30.14 (1) Dans son enquête, le Tribunal doit limiter son étude à l'objet de la plainte.

Décision

(2) Le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique ou la catégorie dont il fait partie.

.....

***************

Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602 ). Enregistrement le 15 déc.1993.

11. Lorsque le Tribunal enquête sur une plainte, il détermine si le marché public a été passé conformément aux exigences de l'ALÉNA, de l'Accord sur le commerce intérieur, de l'Accord sur les marchés publics ou de l'Accord Canada -- Corée sur les marchés d'équipements de télécommunications, selon le cas. DORS/95-300, art. 9; DORS/96-30, art. 8; DORS/2000-395, art. 7.

...

**************

Accord ALÉNA

17 décembre 1992, R.T. Can. 1994 No2, 32 I.L.M. 289 (entrée en vigueur: 1er janvier 1994)

Partie IV Chapitre 10 marchés publics

article 1015

(...)

4. L'adjudication des marchés s'effectuera conformément aux procédures suivantes :

      a) pour être considérée en vue de l'adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation;

......

****************

OMC, Accord sur les marchés publics

Articles XIII

Présentation, réception et ouverture des soumissions, et adjudication des marchés

1. La présentation, la réception et l'ouverture des soumissions, ainsi que l'adjudication des marchés, seront conformes à ce qui suit:

a) normalement, les soumissions seront présentées par écrit, directement ou par la poste. S'il est autorisé de présenter des soumissions par télex, télégramme ou télécopie, la soumission ainsi présentée devra contenir tous les renseignements nécessaires à son évaluation, notamment le prix définitif proposé par le soumissionnaire et une déclaration par laquelle le soumissionnaire accepte toutes les modalités, conditions et dispositions de l'invitation à soumissionner. La soumission devra être confirmée dans les moindres délais par lettre ou par l'envoi d'une copie signée du télex, du télégramme ou de la télécopie. La présentation des soumissions par téléphone ne sera pas autorisée. Le contenu du télex, du télégramme ou de la télécopie fera foi s'il y a divergence ou contradiction entre ce contenu et toute documentation reçue après l'expiration du délai; et

b) les possibilités qui pourront être accordées aux soumissionnaires de corriger des erreurs involontaires de forme entre l'ouverture des soumissions et l'adjudication du marché ne seront pas de nature à donner lieu à des pratiques discriminatoires.

Réception des soumissions

2. Aucun fournisseur ne sera pénalisé si, par suite d'un retard imputable uniquement à l'entité, sa soumission est reçue après l'expiration du délai par le service désigné dans la documentation relative à l'appel d'offres. Les soumissions pourront également être prises en considération dans d'autres circonstances exceptionnelles si les procédures de l'entité concernée en disposent ainsi.

Ouverture des soumissions

3. Toutes les soumissions demandées par des entités dans le cadre de procédures ouvertes ou sélectives seront reçues et ouvertes conformément à des procédures et conditions garantissant la régularité de l'ouverture. La réception et l'ouverture des soumissions seront également conformes aux dispositions du présent accord concernant le traitement national et la non-discrimination. Les renseignements relatifs à l'ouverture des soumissions resteront entre les mains de l'entité concernée et à la disposition des autorités publiques dont elle relève, pour être utilisés si besoin est pour les procédures prévues aux articles XVIII, XIX, XX et XXII.

Adjudication des marchés

4. a) Pour être considérées en vue de l'adjudication, les soumissions devront être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation. Si une entité a reçu une soumission anormalement inférieure aux autres soumissions présentées, elle pourra se renseigner auprès du soumissionnaire pour s'assurer qu'il est en mesure de remplir les conditions de participation et qu'il est apte à satisfaire aux modalités du marché.

b) Sauf si elle décide, pour des raisons d'intérêt public, de ne pas passer le marché, l'entité l'adjugera au soumissionnaire qui aura été reconnu pleinement capable d'exécuter le contrat et dont la soumission, qu'elle porte sur des produits ou services nationaux ou sur des produits ou services d'autres Parties, sera la soumission la plus basse ou celle qui aura été reconnue comme étant la plus avantageuse selon les critères d'évaluation spécifiés dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres.

c) Les adjudications seront faites conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiés dans la documentation relative à l'appel d'offres.

Options

5. Les options ne seront pas utilisées de manière à tourner les dispositions de l'Accord.

Canadian International Trade Tribunal Act ( R.S. 1985, c. 47 (4th Supp.) )

30.11 (1) Subject to the regulations, a potential supplier may file a complaint with the Tribunal concerning any aspect of the procurement process that relates to a designated contract and request the Tribunal to conduct an inquiry into the complaint.

Contents of complaint

(2) A complaint must

(a) be in writing;

(b) identify the complainant, the designated contract concerned and the government institution that awarded or proposed to award the contract;

(c) contain a clear and detailed statement of the substantive and factual grounds of the complaint;

(d) state the form of relief requested;

(e) set out the address of the complainant to which notices and other communications respecting the complaint may be sent;

(f) include all information and documents relevant to the complaint that are in the complainant's possession;

(g) be accompanied by any additional information and documents required by the rules; and

(h) be accompanied by the fees required by the regulations.

......

30.13 (1) Subject to the regulations, after the Tribunal determines that a complaint complies with subsection 30.11(2), it shall decide whether to conduct an inquiry into the complaint, which inquiry may include a hearing.

Notice of inquiry

(2) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry, it shall notify, in writing, the complainant, the relevant government institution and any other party that the Tribunal considers to be an interested party and give them an opportunity to make representations to the Tribunal with respect to the complaint.

.....

30.14 (1) In conducting an inquiry, the Tribunal shall limit its considerations to the subject-matter of the complaint.

Matter to be decided

(2) At the conclusion of an inquiry, the Tribunal shall determine whether the complaint is valid on the basis of whether the procedures and other requirements prescribed in respect of the designated contract, or the class of contracts to which it belongs, have been or are being observed.

......

*****************

Canadian International Trade Tribunal Procurement Inquiry Regulations, SOR/93-602.

Registration 15 Dec. 1993.

11. Where the Tribunal conducts an inquiry into a complaint, it shall determine whether the procurement was conducted in accordance with the requirements set out in whichever of NAFTA, the Agreement on Internal Trade, the Agreement on Government Procurement or the Canada -- Korea Agreement on the Procurement of Telecommunications Equipment applies. SOR/95-300, s. 9; SOR/96-30, s. 8; SOR/2000-395, s. 7.

...

**************

NAFTA Agreement

17 December 1992, Can. T.S. 1994 No2., 32 I.L.M. 289 (entered into force 1 January 1994)

Part Four, Chapter ten, Government procurements

article 1015

(...)

4. An entity shall award contracts in accordance with the following:

      (a) to be considered for award, a tender must, at the time of opening, conform to the essential requirements of the notices or tender documentation and have been submitted by a supplier that complies with the conditions for participation;

......

*****************

GATT, Agreement on Government procurements

Article XIII

Submission, Receipt and Opening of Tenders and Awarding of Contracts

1. The submission, receipt and opening of tenders and awarding of contracts shall be consistent with the following:

(a) tenders shall normally be submitted in writing directly or by mail. If tenders by telex, telegram or facsimile are permitted, the tender made thereby must include all the information necessary for the evaluation of the tender, in particular the definitive price proposed by the tenderer and a statement that the tenderer agrees to all the terms, conditions and provisions of the invitation to tender. The tender must be confirmed promptly by letter or by the despatch of a signed copy of the telex, telegram or facsimile. Tenders presented by telephone shall not be permitted. The content of the telex, telegram or facsimile shall prevail where there is a difference or conflict between that content and any documentation received after the time-limit; and

(b) the opportunities that may be given to tenderers to correct unintentional errors of form between the opening of tenders and the awarding of the contract shall not be permitted to give rise to any discriminatory practice.

Receipt of Tenders

2. A supplier shall not be penalized if a tender is received in the office designated in the tender documentation after the time specified because of delay due solely to mishandling on the part of the entity. Tenders may also be considered in other exceptional circumstances if the procedures of the entity concerned so provide.

Opening of Tenders

3. All tenders solicited under open or selective procedures by entities shall be received and opened under procedures and conditions guaranteeing the regularity of the openings. The receipt and opening of tenders shall also be consistent with the national treatment and non-discrimination provisions of this Agreement. Information on the opening of tenders shall remain with the entity concerned at the disposal of the government authorities responsible for the entity in order that it may be used if required under the procedures of Articles XVIII, XIX, XX and XXII.

Award of Contracts

4. (a) To be considered for award, a tender must, at the time of opening, conform to the essential requirements of the notices or tender documentation and be from a supplier which complies with the conditions for participation. If an entity has received a tender abnormally lower than other tenders submitted, it may enquire with the tenderer to ensure that it can comply with the conditions of participation and be capable of fulfilling the terms of the contract.

(b) Unless in the public interest an entity decides not to issue the contract, the entity shall make the award to the tenderer who has been determined to be fully capable of undertaking the contract and whose tender, whether for domestic products or services, or products or services of other Parties, is either the lowest tender or the tender which in terms of the specific evaluation criteria set forth in the notices or tender documentation is determined to be the most advantageous.

(c) Awards shall be made in accordance with the criteria and essential requirements specified in the tender documentation.

Option Clauses

5. Option clauses shall not be used in a manner which circumvents the provisions of the Agreement.


Analyse

[19]            Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que la demande de contrôle judiciaire du demandeur doit être rejetée.

Norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal


[20]            La question qui est au coeur du litige en est une concernant l'interprétation d'une disposition contenue dans une invitation à soumissionner pour le marché public. Plus particulièrement, il s'agit de savoir si le Tribunal a erré en concluant que SLI avait déposé une soumission conforme aux exigences spécifiées dans l'invitation à soumissionner. Aussi bien l'alinéa 1015(4)a) de l'ALÉNA que l'alinéa 4a) de l'Article XIII de l'AMP prévoient que pour être considérées en vue de l'adjudication, les soumissions doivent être conformes aux conditions spécifiées dans l'appel d'offre.

[21]            La Loi sur le Tribunal du commerce extérieur prévoit à son paragraphe 30.14(1) que le Tribunal, lorsqu'il enquête sur une plainte relative à la procédure suivie dans un marché public, doit déterminer sa validité en fonction des critères et procédures établis par règlement. Le Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics prévoit à son article 11 que le Tribunal doit déterminer si le marché public est conforme aux exigences énoncées dans divers accords de commerce internationaux, dont l'ALÉNA et l'AMP.

[22]            Dans Canada c. McNally Construction Inc., [2002] 4 C.F. 633, notre Cour a conclu que depuis la mise en oeuvre de l'ALÉNA, de l'AMP et de l'ACI dans la législation fédérale, le Tribunal était devenu l'organe compétent à l'égard des contestations ayant trait aux marchés publics dans le cadre de ces accords.


[23]            En outre, notre Cour a conclu à plusieurs reprises qu'en matière de passation de marchés publics, les décisions du Tribunal devaient bénéficier d'un haut degré de déférence. Par exemple, dans Profac Facilities Management Services INC. c. FM One Alliance Corp., [2001] A.C.F. 1755, notre collègue le juge Evans s'exprimait comme suit aux paragraphes 14 et 15 de ses motifs:

[14]         "Les demanderesses accordent que, selon la jurisprudence de la Cour, les points de fait et de droit décidés par le Tribunal lorsqu'il statue sur une affaire de passation de marchés sont sujets à révision selon la norme de droit administratif la plus circonspecte, celle de l'erreur manifestement déraisonnable. Cependant, affirment-elles, la Cour a aussi reconnu que, si une question est soulevée qui ne fait pas appel aux connaissances spécialisées du Tribunal en matière de droit commercial, alors une norme moins circonspecte devrait être appliquée.

[15]         Les demanderesses tirent ces propositions de l'arrêt Siemens Westinghouse INC. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2001] CAF 241, au par. 15, dans lequel la Cour réitérait la position qu'elle avait prise entre autres dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Symtron Systems INC., [1999] 2 C.F. 514 (C.A.). Lorsque la Cour examine une décision rendue par le Tribunal dans une affaire de passation de marchés, alors, selon l'approche pragmatique ou fonctionnelle, le Tribunal commande, de la part des cours de justice, le niveau élevé de retenue qui distingue la norme de l'erreur manifestement déraisonnable".

                                                                                                         (Le souligné est le mien)

[24]            Au paragraphe 20 de ses motifs, le juge Evans soulignait que l'interprétation des documents contractuels faisait partie du domaine d'expertise du Tribunal :

[20]         D'abord, lorsqu'il statue sur l'équité et la régularité de la procédure de passation d'un marché afin de s'assurer que les institutions gouvernementales se conforment au régime commercial applicable, le Tribunal s'acquitte d'une tâche extrêmement complexe sur les plans du droit, des faits et du commerce, une tâche dont il a une connaissance intime. Entre autres fonctions, il examine et interprète les documents contractuels, afin par exemple de juger de la valeur d'un marché, notamment les dispositions facultatives en matière d'achat, ce qui lui permet de décider de l'applicabilité des règles de l'ALÉNA relatives aux marchés (article 1002), et afin de juger si des soumissions sont valables au regard des conditions de participation (article 1015). Le champ de spécialisation du Tribunal est révélé par le vaste mandat que lui assigne la loi et qui consiste à enquêter sur les plaintes "concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique" : Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), paragraphe 30.11(1)".

                                                                                                        (Le souligné est le mien).


[25]            Puisque la question qui est au coeur du litige ne met aucunement en jeu la compétence du Tribunal, ni aucune question de droit en dehors de son expertise, il n'y a pas lieu d'appliquer une norme de contrôle plus sévère, à savoir celles de la décision correcte ou de la décision raisonnable simpliciter préconisées dans d'autres contextes (voir, par exemple, Canada c. Mattel Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 100; Novell Canada Ltd c. Canada, [2000] F.C.J. no.951 au para. 3; Canada c. Symtron Systems Inc., [1999] 2 F.C 514 au para. 45, Cougar Aviation Ltd. c. Canada, [2000] A.C.F. no 1946, aux paras 25 et 26).

[26]            La décision du Tribunal doit donc être examinée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, ce qui revient, selon la formulation retenue par la Cour suprême dans Canada c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941 à la page 964, à déterminer si elle est « clairement irrationnelle » :

"Il ne suffit pas que la décision [...] soit erronée aux yeux de la cour de justice; pour qu'elle soit manifestement déraisonnable, cette cour doit la juger clairement irrationnelle".

[27]            Dans Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, le juge Cory précisait le sens de l'expression « manifestement déraisonnable » dans le contexte d'une conclusion de droit et dans celui d'une conclusion de fait (aux paragraphes 41, 42, 43 et 45) :

41.           Dans un certain nombre d'arrêts, notre Cour a examiné les circonstances qui amènent à conclure que la décision d'un organisme administratif est manifestement déraisonnable. Ce critère a été formulé quelque peu différemment selon qu'il s'agit de conclusions de fait ou de conclusions de droit.

42.           Lorsqu'un tribunal interprète une disposition législative, le critère applicable est le suivant:


. . . l'interprétation de la Commission est-elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire?

Voir Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, à la p. 237.

43.           Le critère varie légèrement dans le cas des arbitres interprétant une convention collective. Dans de telles circonstances, une cour de justice n'interviendra pas « dans la mesure où les termes de celle-ci [la convention collective] n'ont pas été interprétés d'une façon inacceptable » : [Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316] à la p. 341.

[...]

45.           Lorsqu'une cour de justice contrôle les conclusions de fait d'un tribunal administratif ou les inférences qu'il a tirées de la preuve, elle ne peut intervenir que « lorsque les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne peuvent étayer les conclusions de fait du tribunal » : Lester (W. W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, à la p. 669, le juge McLachlin".

Application de la norme de contrôle à la décision du Tribunal

[28]            À la page 9 de ses motifs, le Tribunal disposait de la question relative au sens de l'expression « environnement Windows » dans les termes suivants :

Dans ses commentaires sur le RIF [ « Rapport de l'institution fédérale » ], Chandioux a soutenu que la question en l'espèce n'est pas de savoir ce que TPSGC a voulu dire, mais bien de savoir ce qu'un soumissionnaire peut raisonnablement comprendre à la lecture du paragraphe 2.6 de la DDP. Le Tribunal est d'avis que le paragraphe 2.6 indique clairement que tout système, Microsoft Windows ou autre, fonctionnant dans un environnement Windows, est conforme aux exigences du paragraphe et, par conséquent, était acceptable. Il est vrai que le système proposé par SLI n'est pas, selon les mots mêmes de Chandioux, « un environnement Windows » . Cependant, la DDP n'exigeait pas un tel environnement, mais plutôt que tout système proposé soit compatible avec un tel environnement et puisse fonctionner dans cet environnement, ce qui de l'avis de TPSGC a été documenté et a été démontré par le système offert par SLI. Dans les circonstances, le Tribunal est d'avis que TPSGC a agi correctement en acceptant le système proposé par SLI comme étant conforme aux exigences du paragraphe 2.6 de la DDP.


[29]            À mon avis, le noeud du problème n'est pas tant de savoir si « environnement Windows » réfère au système d'exploitation Microsoft Windows, mais plutôt de savoir de quel environnement on parle : celui du système produit par le soumissionnaire (thèse du demandeur) ou bien celui d'Environnement Canada (thèse du défendeur).

[30]            Il apparaît à la lecture des motifs du Tribunal que celui-ci a refusé de considérer valide l'argument du demandeur selon lequel « environnement Windows » référait à l'environnement du système produit par le soumissionnaire et qu'il a retenu l'argument du défendeur selon lequel la mention de l'environnement Windows avait pour but d'assurer la compatibilité du système proposé avec le réseau d'Environnement Canada, réseau que le Tribunal semble implicitement considérer comme un environnement Windows.

[31]            Malheureusement pour le demandeur, je suis d'avis que compte tenu de la preuve déposée devant le Tribunal, il nous est impossible de conclure que l'interprétation retenue par le Tribunal est manifestement déraisonnable.


[32]            Au point C de son mémoire et devant nous, le défendeur a soutenu que l'ensemble de la contestation du demandeur reposait sur des allégations non prouvées devant le Tribunal, et qu'elle portait sur des faits de nature scientifique ou technique qui nécessitaient une preuve d'expert. Je suis d'accord. Aux paragraphes 7 à 13 de son mémoire, le demandeur, sous couvert de fournir à la Cour quelques "rappels d'informatique", explicite un certain nombre de notions essentielles à son argumentation (système clé en main, système d'exploitation, applications, notamment). Il appert clairement que ces informations sont de nature technique et qu'elles auraient dû être présentées en preuve devant le Tribunal. Il ne peut faire de doute que nous ne pouvons prendre connaissance judiciaire de ces informations.

[33]            De la même manière, le demandeur tire argument, aux paragraphes 26 et 27 de son mémoire, de sa connaissance du fait que certains ordinateurs d'Environnement Canada fonctionnent sous UNIX et d'autres sous Windows, ce qui fait que l' « environnement Windows » mentionné dans l'appel d'offre ne peut être le sien, qui doit plus correctement être qualifié d'environnement mixte. Cette information ne peut à l'évidence être considérée par notre Cour sur la simple foi des déclarations du demandeur.

[34]            Il est à souligner qu'au début de l'audience le 8 mars dernier à Montréal, le demandeur a déposé une requête ayant comme objectif d'introduire en preuve devant nous des extraits de dictionnaires techniques et un rapport d'expertise de Mme Georgette Blanchard, daté le 24 septembre 2002, concernant l'interprétation du paragraphe 2.6 de l'annexe B de l'invitation à soumissionner. Après avoir entendu les représentations des procureurs, nous avons rejeté la requëte du demandeur.


[35]            Pour conclure, il n'y avait, à mon avis, aucune preuve devant le Tribunal pouvant soutenir les affirmations du demandeur qui sont de nature technique et qui auraient dû être documentées au moyen de pièces et de témoignages pertinents. Cette Cour ne pouvant considérer d'autre preuve que celle présentée au Tribunal, il en résulte que même si la lecture que fait le demandeur des clauses pertinentes de l'appel d'offre était celle qu'aurait faite un ingénieur raisonnable, le demandeur n'a présenté aucun élément nous permettant de conclure que la décision du Tribunal est manifestement déraisonnable.

[36]            Je rejetterais donc la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

                                                                                       « M. Nadon »

                                                                                                     j.c.a.

« Je suis d'accord.

Robert Décary j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Gilles Létourneau j.c.a. »


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                           

DOSSIER :                                                      A-50-02

INTITULÉ :               JOHN CHANDIOUX EXPERTS-CONSEILS INC.

                                                                                          demandeur

et

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS

ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU

GOUVERNEMENT DU CANADA

                                                                                           défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    Le 8 mars 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                  LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DES MOTIFS :                                               Le 23 mars 2004

COMPARUTIONS :

Me John MacDougall

POUR LE DEMANDEUR

Me Bernard Letarte

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McIninch MacDougall

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.