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Date : 20050203

Dossier : A-445-04

Référence : 2005 CAF 49

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

HOWARD CAMPBELL

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 3 février 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 3 février 2005.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                   LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                               LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                              LE JUGE NADON


Date : 20050203

Dossier : A-445-04

Référence : 2005 CAF 49

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

HOWARD CAMPBELL

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SEXTON

[1]        La présente instance a commencé lorsque l'appelant a déposé un avis d'appel pour l'année d'imposition 2002 à la Cour canadienne de l'impôt. À cet avis d'appel étaient joints de nombreux documents obscènes et choquants, qui n'avaient aucun rapport avec l'année d'imposition de 2002 de l'appelant. Si l'avis d'appel vise l'année d'imposition de 2002, il ne fait état d'aucun motif d'appel ou de mesure réparatrice demandée.

[2]        À l'audience devant la Cour de l'impôt le 23 juillet 2004, l'appelant a présenté une requête par laquelle il lui demandait de prononcer [TRADUCTION] « une ordonnance de saisie d'actifs de terroristes et d'organisations terroristes agissant au Canada » . L'appelant disait invoquer la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. L'affidavit présenté à l'appui de la requête par l'appelant contenait, en annexe, les photocopies des cartes de visite de plus de 60 personnes sans lien entre elles.

[3]        À l'audience devant la Cour de l'impôt, l'intimée a présenté une requête en annulation de l'appel, parce que celui-ci ne satisfaisait pas aux conditions légales préalables du paragraphe 169(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu : l'appelant n'avait pas produit de déclaration de revenu ou n'avait pas été cotisé pour l'année d'imposition 2002; l'intimée avait donc pour position que la cour n'avait pas compétence pour instruire la cause.

[4]        Dans son jugement du 30 juillet 2004, la Cour de l'impôt a rejeté l'appel interjeté par l'appelant et elle a dit ne pas avoir compétence pour connaître de l'affaire visée par l'appel.

[5]        L'appelant a déposé un avis d'appel à la Cour le 2 septembre 2004, dans lequel il alléguait que la Cour canadienne de l'impôt avait commis une erreur de droit lorsqu'elle n'avait pas estampillé son projet d'affidavit afin d'en accuser réception et lorsqu'elle avait permis à l'intimée de déposer une requête devant elle à ce moment.

[6]        Après avoir déposé l'avis d'appel, l'appelant a signifié et présenté une série de requêtes. J'ai été saisi de quatre de ces requêtes. Dans la première, du 6 décembre 2004, l'appelant demande à la Cour d'ordonner à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) d'exiger d'un certain nombre de personnes, dont les noms figurent dans un courriel et sur des cartes de visite annexés à l'affidavit de l'appelant, de fournir des renseignements et des documents en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu et d'exiger de ces personnes qu'elles fournissent des renseignements à la Cour concernant leur situation fiscale. Le courriel annexé à l'affidavit contient des commentaires sexuels explicites visant un certain nombre de personnalités canadiennes et étrangères. J'ai rejeté la requête au motif que les renseignements demandés n'ont aucune pertinence quant à l'appel et qu'elle est vexatoire.

[7]        Le 17 décembre 2004, l'appelant a signifié et présenté une autre requête dans le cadre de l'appel. Dans cette requête, l'appelant demandait à la Cour d'ordonner à l'ADRC d'exiger des employeurs de certaines personnes nommées dans l'affidavit de l'appelant qu'ils produisent à la Cour d'appel fédérale des renseignements relatifs à l'emploi des personnes en question. Les annexes aux affidavits contenaient des commentaires sexuels explicites visant un certain nombre de personnalités publiques. J'ai rejeté la requête au motif qu'elle n'avait absolument aucune pertinence quant à l'appel et qu'elle était vexatoire.

[8]        Le 4 janvier 2005, l'appelant a signifié une autre requête dans le cadre du présent appel, par laquelle il demandait à la Cour d'ordonner à l'ADRC d'émettre un avis en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu à un certain nombre de personnes afin de les contraindre à produire leurs pièces comptables. Parmi ces personnes, on compte notamment le secrétaire général des Nations Unies et l'ancien premier ministre Jean Chrétien. Les annexes aux affidavits contiennent des commentaires sexuels explicites visant un certain nombre de personnalités publiques. J'ai rejeté la requête au motif qu'aucun des documents demandés n'était pertinent quant à l'appel et qu'elle était vexatoire.

[9]        Le 17 janvier 2005, l'appelant a présenté une requête, par laquelle il faisait des allégations semblables à celles qui avaient été faites dans les requêtes antérieures et demandait à la Cour d'ordonner à l'Agence des douanes et du revenu du Canada d'émettre un avis, exigeant la communication de renseignements en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu, à un certain nombre de personnes, au Canada et à l'étranger. J'ai rejeté la requête au motif qu'elle n'avait aucune pertinence et qu'elle était vexatoire.

[10]      L'intimée a présenté une requête en annulation, ou subsidiairement, en rejet de l'appel. L'intimée demande aussi à la Cour de prononcer une ordonnance en vertu de l'article 40 de la Loi sur les Cours fédérales interdisant à l'appelant d'engager d'autres instances devant elle, sauf avec son autorisation.

[11]      Le paragraphe 169(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu énonce les conditions légales préalables applicables aux appels interjetés devant la Cour de l'impôt; selon ce texte, le contribuable peut interjeter appel auprès de la Cour de l'impôt d'une cotisation lorsqu'il a signifié un avis d'opposition à cette cotisation.

[12]      La Cour de l'impôt est compétente pour connaître des appels interjetés des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et pour décider si elles sont légitimes. L'avis d'appel à la Cour de l'impôt de l'appelant ne soulève aucun motif d'appel concernant des cotisations et ne mentionne aucune cotisation. À l'audience devant la Cour de l'impôt et dans son appel devant la Cour, l'appelant a demandé que la cause soit entendue en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. En outre, l'appelant n'a pas fait valoir dans son appel interjeté devant la Cour des motifs laissant entendre que le ministre du Revenu national avait établi pour lui une cotisation qui n'était pas légitime. En effet, l'appelant n'avait pas fait l'objet d'une cotisation pour son année d'imposition 2002 au moment où il a fait appel relativement à l'année d'imposition de 2002.

[13]      Je suis d'avis qu'aucun des motifs de l'appelant dans son prétendu appel ne relève de la compétence de la Cour dans les appels interjetés des décisions de la Cour de l'impôt. Au moment où il a fait appel devant la Cour de l'impôt, l'appelant n'avait pas fait l'objet d'une cotisation pour l'année d'imposition 2002; il ne peut donc y avoir d'appel relativement à cette cotisation. En ce qui concerne la deuxième mesure réparatrice demandée par l'appelant, la Cour de l'impôt ne peut connaître que des affaires mettant en jeu les lois énumérées à l'article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, et la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes n'en fait pas partie. Par conséquent, ni la Cour de l'impôt, ni la Cour en appel interjeté de la décision de la Cour de l'impôt, ne peuvent connaître des questions qui font l'objet du présent appel.

[14]      Pour ces seuls motifs, l'appel devrait être annulé.

[15]      Selon l'article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour peut, si une personne a agi de façon vexatoire au cours d'une instance, lui interdire de continuer devant elle l'instance déjà engagée.

[16]      Aux fins de déterminer si l'intéressé a agi de façon vexatoire au cours de l'instance, la Cour prend en compte un certain nombre de facteurs; par exemple, a-t-il fait des allégations grossièrement exagérées et sans fondement? Je suis d'avis que c'est le cas pour les documents produits par l'appelant en l'espèce : ils sont sans pertinence, obscènes et choquants et cela suffit pour que la Cour puisse qualifier l'instance de vexatoire dans son ensemble, et les requêtes répétées de l'appelant montrent qu'il se sert du processus judiciaire afin d'obtenir une tribune pour faire entendre ses thèses personnelles. Les affirmations faites par l'appelant dans ses requêtes contiennent des passages vulgaires et des allégations extrêmement choquantes concernant des personnalités publiques.

[17]      Je suis donc d'avis que l'instance peut être qualifiée de vexatoire dans son ensemble et que l'appel peut être annulé pour ce motif.

[18]      L'intimée demande aussi à la Cour de rendre une ordonnance en vertu de l'article 40 de la Loi sur les Cours fédérales interdisant à l'appelant d'introduire d'autres instances devant la Cour d'appel fédérale sans son autorisation.

[19]      J'ai examiné la jurisprudence produite par l'intimée à l'appui de sa requête et je remarque qu'il s'agit dans tous les cas de plaideurs au sujet desquels il avait été allégué qu'ils ouvraient des instances vexatoires et avaient engagé un certain nombre d'actions distinctes, souvent dans des tribunaux différents, ce qui avait abouti chaque fois à l'ordonnance prévue par l'article 40 de la Loi sur les Cours fédérales. On n'a porté à mon attention aucune décision où l'on a déclaré qu'un plaideur avait commis des actes vexatoires de façon persistante dans une instance unique. Je suis d'avis que le paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales peut être interprété de manière à ce que la Cour puisse rendre une ordonnance interdisant à un tel plaideur d'introduire d'autres instances devant elle; cependant, je suis d'avis qu'il ne faut pas rendre une ordonnance de ce genre à la légère : R. c. Olympia Interiors, 2004 CAF 195, où le juge Stone s'est exprimé en ces termes :

Le pouvoir conféré à la Cour par le paragraphe 40(1) de la Loi est, évidemment, très extraordinaire, tant et si bien qu'il doit être exercé avec modération et avec la plus grande prudence. Dans une société comme la notre, le sujet a généralement le droit d'avoir accès aux cours de justice en vue de faire valoir ses droits. Les législateurs avaient cette question à l'esprit lorsqu'ils ont vu à ce qu'un certain équilibre soit introduit dans l'article 40 en permettant que des instances soient engagées ou continuées avec l'autorisation de la Cour.

[20]      Dans l'arrêt Mascan Corp. c. French (1988) 49 DLR (4th) 434, la Cour d'appel de l'Ontario a décidé que les instances vexatoires ont la caractéristique générale suivante : les motifs invoqués et les questions soulevées tendent à être repris dans des actions ultérieures et à faire boule de neige.

[21]       Dans la décision Canada Post c. Varma (2000) 192 FTR 278, la juge Dawson a conclu que la preuve produite devant la cour établissait que M. Varma, par les instances qu'il y avait engagées, avait cherché à débattre à nouveau de questions qui avaient déjà été tranchées et qu'il avait formé des appels et des demandes de réexamen frivoles. La juge Dawson a également dit que « [l]a preuve établit sans l'ombre d'un doute que M. Varma a obstinément engagé des instances vexatoires ou encore qu'il a mené une instance de façon vexatoire » .

[22]      Pour conclure, je dirai que, si je n'ai aucun doute sur le fait que le présent appel en matière fiscale dont je suis saisi est vexatoire, dans les circonstances, j'hésite à déclarer que l'appelant est une personne ayant introduit des instances vexatoires de façon persistante et donc à lui interdire d'introduire d'autres instances devant la Cour. Cependant, j'ajouterai que s'il devait continuer dans la même voie, il est fort possible qu'il y ait lieu de rendre une ordonnance de ce genre à l'avenir.


[23]      L'appel sera donc annulé. Comme les dépens n'ont pas été sollicités, ils ne seront pas accordés.

« J. EDGAR SEXTON »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

           Gilles Létourneau, juge »

« Je souscris aux présents motifs

          M. Nadon, juge »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-445-04

INTITULÉ :                                                    HOWARD CAMPBELL

                                                                        c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                       LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LES JUGES LÉTOURNEAU ET NADON

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 3 FÉVRIER 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Howard Campbell

L'APPELANT, POUR SON PROPRE COMPTE

Lisa Riddle

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Howard Campbell,

Delta (Colombie-Britannique)

L'APPELANT, POUR SON PROPRE COMPTE

John H. Sims,

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉE


Date : 20050203

Dossier : A-445-04

Ottawa (Ontario), le 3 février 2005

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

HOWARD CAMPBELL

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La requête du 6 décembre 2004 est rejetée au motif que les renseignements demandés n'ont absolument aucune pertinence quant à l'appel et qu'elle est vexatoire;

2.          La requête du 17 décembre 2004 est rejetée au motif qu'elle n'a absolument aucune pertinence quant à l'appel et qu'elle est vexatoire;

3.          La requête du 4 janvier 2005 est rejetée au motif qu'aucun des documents demandés n'est pertinent quant à l'appel et qu'elle est vexatoire;

4.          La requête du 17 janvier 2005 est rejetée au motif qu'elle n'a aucune pertinence et qu'elle est vexatoire;

5.          L'appel est annulé. Les dépens n'ont pas été sollicités. Ils ne sont donc pas accordés.

« Gilles Létourneau »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


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