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Date : 20001101


Dossier : A-173-99


CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE EVANS


AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 18.1 et le paragraphe 28(1)

de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et une décision

du juge-arbitre communiquée le 23 février 1998 conformément à l'article 112

de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23


ENTRE :


     DAVID GARFIELD CONNER


     demandeur


     et


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


     défendeur


Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 31 octobre 2000

JUGEMENT rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 1er novembre 2000.

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE EVANS




Date : 20001101


Dossier : A-173-99


CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE EVANS



AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 18.1 et le paragraphe 28(1)

de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et une décision

du juge-arbitre communiquée le 23 février 1998 conformément à l'article 112

de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23


ENTRE :


     DAVID GARFIELD CONNER

     demandeur

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par le juge-arbitre le 20 janvier 1999. Le litige sous-tendant cette instance se rapporte à deux décisions que la Commission a prises en 1997.

[2]      En premier lieu, le demandeur David Garfield Conner avait touché des prestations d'assurance-chômage du mois d'août 1995 au mois d'avril 1996, et ce, même s'il n'y avait pas droit en vertu des paragraphes 43(1) et (2) du Règlement sur l'assurance-chômage parce que, pendant qu'il touchait ces prestations, il avait consacré plus qu'un peu de temps à sa propre entreprise à titre de travailleur autonome. En second lieu, le demandeur était passible d'une pénalité en vertu de l'article 33 de la Loi sur l'assurance-chômage parce que, en déclarant qu'il ne travaillait pas alors qu'en fait il travaillait, il avait fait des déclarations qu'il savait être fausses ou trompeuses.

[3]      Dans une décision rendue au mois de septembre 1997, un conseil arbitral a confirmé la décision de la Commission quant à la première question, mais a annulé la décision quant à la deuxième, et ce, pour le motif que lorsqu'il avait rempli les cartes de déclaration, le demandeur ne croyait pas qu'en participant aux activités de son entreprise il travaillait à plein temps. Le demandeur n'avait donc pas fait de déclarations qu'il savait être fausses ou trompeuses.

[4]      Le demandeur en a appelé de la décision du conseil, selon laquelle il travaillait tout en touchant des prestations au sens de l'article 43; la Commission a interjeté un appel incident contre la décision que le conseil avait rendue au sujet de la pénalité. Dans sa décision (CUB 43763), le juge-arbitre a rejeté l'appel du demandeur. Il a toutefois accueilli l'appel incident, pour le motif qu'en retenant l'assertion selon laquelle le demandeur ne croyait pas travailler, le conseil n'avait pas apprécié objectivement la preuve relative à la connaissance réelle de M. Conner et qu'il avait donc créé un moyen de défense fondé sur l' « aveuglement volontaire » .

[5]      Dans cette demande de contrôle judiciaire, M. Conner demande à la Cour d'infirmer la décision du juge-arbitre; il invoque quatre motifs.

[6]      Premièrement, le demandeur allègue qu'il existait une crainte raisonnable de partialité de la part du représentant de la Commission qui était responsable de son dossier et qu'étant donné qu'en prenant sa décision, la Commission s'était fondée sur les renseignements fournis par ce dernier, cette décision était elle-même viciée pour cause de partialité. Malgré les arguments que M. Conner a invoqués au sujet de la partialité, ni le conseil arbitral ni le juge-arbitre n'ont examiné la question en vue d'accueillir l'appel même si les observations du demandeur avaient impressionné le juge-arbitre au point que, dans ses motifs, il a rappelé aux représentants de la Commission la norme stricte de conduite à laquelle les fonctionnaires doivent satisfaire lorsqu'ils traitent avec le public.

[7]      Dans ses motifs, le conseil arbitral n'a pas expliqué pourquoi il n'avait pas traité de l'allégation de partialité, mais la réponse se trouve dans les observations de l'avocat de la Commission, qui a rappelé au conseil qu'il pouvait examiner à nouveau, compte tenu de la preuve mise à sa disposition, la question de savoir si M. Conner était admissible en vertu de l'article 43 et si M. Conner avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. Par conséquent, même s'il était possible de dire que la conduite du représentant de la Commission donnait lieu à une crainte raisonnable de partialité, soit une question que la Cour n'est pas en mesure de trancher, cela est devenu non pertinent parce que le conseil lui-même avait réglé les questions relatives à l'admissibilité de M. Conner et à la responsabilité.


[8]      Deuxièmement, M. Conner allègue qu'il n'a pas bénéficié d'une audience équitable à l'égard de son appel parce que le juge-arbitre l'avait informé qu'à l'audience, il n'avait pas à lire les 45 pages qu'il avait préparées puisque le juge-arbitre les avait déjà lues. J'ai examiné la transcription et je suis convaincu que l'on n'a pas refusé au demandeur une possibilité équitable de présenter sa preuve de la façon dont il le jugeait bon. La transcription montre qu'à l'audience qui a eu lieu devant le juge-arbitre, M. Conner a traité à fond des deux décisions de la Commission qu'il contestait.

[9]      Il semble que M. Conner ait également voulu expliquer oralement au juge-arbitre toute la litanie de griefs qu'il avait déposés contre le représentant de la Commission qui avait enquêté sur la question de savoir si, pendant qu'il travaillait, il avait touché des prestations ainsi que la piètre qualité de l'enquête elle-même. Toutefois, pour les motifs ci-dessus mentionnés, ces plaintes n'avaient rien à voir avec les questions que devait trancher le juge-arbitre, qui n'était donc pas tenu d'entendre les observations orales y afférentes, même si en fait il avait accordé à M. Conner beaucoup de latitude à cet égard.

[10]      Dans ces conditions, je suis convaincu que l'intervention du juge-arbitre ne dépassait pas la ligne de démarcation qui existe entre une tentative justifiée visant à mettre l'accent sur les observations qu'un plaideur présente en personne sur des points pertinents et le fait d'empêcher ce plaideur de présenter sa preuve comme il l'entend. Il est possible de faire quant aux faits une distinction à l'égard de la décision Annesty (CUB 19057) : contrairement à l'affaire dont nous sommes ici saisis, il semble que les observations écrites que le conseil n'avait pas autorisé l'appelant à lire à l'audience, dans l'affaire Annesty, aient eu un rapport direct avec les points litigieux. Par contre, en l'espèce, comme la transcription le révèle, on n'a pas empêché M. Conner de présenter les éléments pertinents.

[11]      Le demandeur a également fait remarquer qu'au début de l'audience, le juge-arbitre avait erronément l'impression qu'il était saisi d'une seule question, à savoir l'appel que la Commission avait interjeté contre la pénalité. Le juge-arbitre a volontiers reconnu son erreur lorsque M. Conner lui a rappelé qu'il avait interjeté appel contre la question de l'admissibilité. À mon avis, cela n'établit pas que le juge-arbitre ait eu un parti-pris envers M. Conner ou qu'il n'ait pas tenu compte d'une façon appropriée des observations écrites de M. Conner avant de rendre sa décision.

[12]      Troisièmement, M. Conner soutient que le juge-arbitre a commis une erreur en concluant qu'il avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. Il importe peu de savoir si le demandeur avait fait 19 déclarations fausses ou trompeuses, comme l'a conclu le juge-arbitre, ou un peu moins, comme le demandeur l'allègue. Le juge-arbitre n'a pas non plus commis d'erreur en statuant que, même si la Commission doit établir que le prestataire savait que les déclarations étaient fausses avant d'imposer une pénalité en vertu de l'article 33 du Règlement, la connaissance peut être inférée à partir du fait que le prestataire a répondu à de simples questions d'une façon erronée ou trompeuse, du moins en l'absence d'explications : Procureur général du Canada c. Gates, [1995] 3 C.F. 17 (C.A.F.).

[13]      En l'espèce, le demandeur avait répondu [TRADUCTION] « non » ou [TRADUCTION] « sans objet » à une question figurant sur les cartes de déclaration, à savoir s'il avait travaillé pendant la période de déclaration. En fait, le demandeur avait travaillé pour son propre compte pendant les périodes pertinentes. Il ne peut pas alléguer comme moyen de défense qu'il croyait à tort avoir consacré si peu de temps à son entreprise qu'il était visé par l'exception prévue au paragraphe 43(2) du Règlement. Telle n'est pas la question qui figure sur la carte de déclaration.

[14]      En outre, il n'appartient pas au prestataire de déterminer si, en travaillant pour son propre compte, il a effectué une semaine entière de travail pour l'application du paragraphe 43(2). Le prestataire est tenu de répondre à la question d'une façon sincère qui permet à la Commission de déterminer elle-même si c'est le cas.

[15]      Quatrièmement, le demandeur soutient que le juge-arbitre a commis une erreur en concluant qu'il travaillait pendant qu'il touchait des prestations. Toutefois, à mon avis, la preuve relative aux gains tirés de l'entreprise, en particulier en 1995, soit la période continue pendant laquelle le demandeur avait exploité l'entreprise, et le chiffre d'affaires permettent amplement de conclure que M. Conner n'avait pas consacré à son emploi si peu de temps qu'il ne saurait normalement compter sur cet emploi comme principal moyen de subsistance. Il était raisonnable d'inférer à partir de cette preuve que M. Conner consacrait une bonne partie de son temps à l'entreprise.

[16]      Dans ses motifs, le conseil n'a pas mentionné l'arrêt Procureur général c. Jouan (1995) 122 D.L.R. (4th) 346 (C.A.F.), où il a été statué qu'en déterminant si une personne consacre « peu de temps » , à une entreprise, le facteur le plus important est le temps que celle-ci a réellement passé à travailler pour l'entreprise. Néanmoins, le juge-arbitre était convaincu qu'il était loisible au conseil de tirer la conclusion qu'il avait tirée, compte tenu de l'ensemble de la preuve dont il disposait, conclusion à laquelle je souscris.

[17]      Dans ses motifs, le conseil arbitral a répété une erreur qu'un représentant de la Commission avait commise en disant que la période précise pour laquelle M. Conner avait demandé des prestations n'avait rien à voir avec la détermination du temps consacré par M. Conner à l'emploi exercé à son compte. La période pertinente allait du mois d'août 1995 au mois d'avril 1996 plutôt que du mois d'avril 1995 au mois d'août 1996. Toutefois, la preuve relative aux gains tirés de l'entreprise en 1995 ainsi qu'au cours de la période allant du mois d'avril 1995 au mois d'août 1996 constituait un fondement suffisant pour permettre au juge-arbitre de conclure que, du mois d'août 1995 au mois d'avril 1996, le demandeur n'avait pas droit aux prestations.

[18]      Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.


                             John M. Evans

                                     J.C.A.

Le 1er novembre 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)

« Je souscris à cet avis.

     Marshall Rothstein »

« Je souscris à cet avis.

     J. Edgar Sexton »


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  A-173-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          David Garfield Conner
                         c.

                         Le procureur général du Canada


LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 31 octobre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE EVANS EN DATE DU 1er NOVEMBRE 2000 AUXQUELS SOUSCRIVENT LES JUGES ROTHSTEIN ET SEXTON.


ONT COMPARU :

David Garfield Conner              pour son propre compte
John Haig                      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


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