Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20051003

Dossier : A-92-05

Référence : 2005 CAF 318

CORAM :        LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

SAM LÉVY ET ASSOCIÉS INC., syndic de faillite

et

SAMUEL S. LÉVY, syndic de faillite   

intimés

Audience tenue à Montréal (Québec), le 3 octobre 2005.

Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 3 octobre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                     LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20051003

Dossier : A-92-05

Référence : 2005 CAF 318

CORAM :        LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

SAM LÉVY ET ASSOCIÉS INC., syndic de faillite

et

SAMUEL S. LÉVY, syndic de faillite   

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l=audience à Montréal (Québec), le 3 octobre 2005)

LE JUGE LÉTOURNEAU


[1]    Nous sommes saisis d'un appel à l'encontre d'une décision du juge Beaudry de la Cour fédérale. Par cette décision, le juge Beaudry maintenait la décision de M. Kaufman, agissant comme délégué du surintendant des faillites, de suspendre l'audition disciplinaire qu'il devrait tenir contre les défendeurs. Au coeur du litige devant nous se soulève la portée de l'ordonnance de suspension rendue par le délégué en ces termes :

In the result, the hearing which was to begin in May 30, 2004, is cancelled, and further hearings are postponed sine die, pending the outcome of the litigation now pending in the Federal Court of Canada.

[2]    Il nous apparaît sans équivoque que, devant le juge Beaudry, la suspension d'instance ordonnée par le délégué prenait fin avec la décision que la Cour fédérale serait appelée à prononcer sur les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers T-2473-03 et T-75-04. Cette conclusion ressort clairement des paragraphes 1 et 2 de la décision du juge Beaudry. Elle est, en outre, corroborée par la position prise par le procureur des défendeurs devant le juge Beaudry. Dans son mémoire des faits et du droit déposé devant le juge Beaudry et que l'on retrouve au dossier d'appel, à la page 322, le procureur des défendeurs s'est objecté à la portée que l'appelant donnait à l'ordonnance de suspension d'instance émise par le délégué. Il en redéfinit les paramètres en ces termes :

Le demandeur soutient que le délégué a suspendu sine die l'audition, ce qui n'est pas le cas. La remise n'est pas jusqu une date indéterminée, mais bien jusqu ce que cette Cour ait statuésur les demandes de contrôle judiciaire T-75-04 et T-2473-03 tel qu'il appert de la décision du déléguéKaufman du 4 mai 2004 à la page 4.

In the result, the hearing which was to begin on May 30, 2004, is cancelled, and further hearings are postponed sine die, pending the outcome of the litigation now pending in the Federal Court of Canada. [ Nous soulignons.]


[3]    Or, le 3 février et le 16 mai derniers, dans des décisions motivées, le juge Martineau de la Cour fédérale a rejeté les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers T-75-04 et T-2473-03. La décision du juge Martineau dans le dossier T-75-04 (qui est la seule pertinente aux fins du débat devant nous) a été portée en appel et, selon l'information que nous avons reçue à l'audience, les mémoires seront déposés sous peu et une demande d'audition par préséance sera soumise à la Cour.

[4]    Nous avons été informés par les parties que le délégué Kaufman interprétait son ordonnance de suspension de l'instance disciplinaire comme une suspension dont la durée s'étendait jusqu'à une décision finale des tribunaux sur les questions constitutionnelles soulevées par les défendeurs. Avec respect, même dans l'hypothèse où il aurait pu rendre une telle ordonnance, ni le texte de celle rendue, ni l'intention des parties au litige, ni la compréhension que le juge Beaudry en a eu ne supportent une telle interprétation et conclusion.

[5]    À notre avis, l'ordonnance de suspension a pris fin avec la décision rendue par le juge Martineau le 16 mai 2005. Le délégué doit maintenant procéder à la fixation d'une date d'audition pour l'instance disciplinaire. Il appartient dorénavant à la Cour d'appel fédérale qui est saisie du dossier d'appel à l'encontre de la décision du juge Martineau, si requête il y a, de décider s'il est opportun ou non d'ordonner une suspension de l'instance disciplinaire devant le délégué.

[6]    Le procureur de l'appelant soumet qu'il serait important que notre Cour se prononce sur cette question dans le cadre de l'appel qui est devant elle aujourd'hui et qui est devenu théorique. Avec respect, nous ne croyons pas qu'il soit approprié de le faire pour les raisons suivantes.


[7]    Les défendeurs ont soulevé devant le délégué la validité constitutionnelle des articles 14.01 et 14.02 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3 (Loi) en regard des alinéas 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits, L.C. 1960, ch. 44 et de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982. Ils ont repris certains des arguments qui furent soulevés dans l'affaire Métivier c. Mayrand, [2003] R.J.Q. 3035 où la Cour d'appel du Québec maintint la constitutionnalité de ces dispositions.

[8]    Les lois jouissent d'une présomption de constitutionnalité et demeurent opérantes pendant qu'elles sont contestées. Cette présomption se trouve renforcée, si elle n'est tout simplement pas remplacée, par une décision judiciaire affirmant la validité de la loi contestée, ce qui est le cas en l'espèce.


[9]    Compte tenu des faits nouveaux survenus depuis la décision du juge Beaudry, soit plus particulièrement la décision du juge Martineau affirmant la constitutionnalité des dispositions en litige et la portée que le délégué donne à son ordonnance de suspension, nous sommes d'avis que l'évaluation du mérite de la décision du juge Beaudry ainsi que de l'opportunité, comme le demandent les défendeurs, de prolonger la suspension de l'instance disciplinaire jusqu'à ce que l'appel à l'encontre du jugement du juge Martineau soit entendu par notre Cour, ne peut se faire sans que le jugement du juge Martineau ne soit pris en compte. Ce jugement apporte de nouveaux considérants qui ne sauraient être ignorés lors d'une demande de suspension de l'instance disciplinaire.

[10]                        Or, les plaidoiries écrites qui nous ont été soumises ne traitent aucunement de ce jugement. Il ne s'agit pas d'un reproche, mais plutôt d'un fait que nous constatons et dont l'importance nous dissuade de nous aventurer à trancher un débat devenu théorique. Nous avons également été informés qu'une conclusion contraire à celle du juge Martineau aurait été prise par la Cour supérieure du district de Montréal dans le dossier Marchand Syndics et al. c. Procureur général du Canada et al., no 500-11-022456-046, Montréal, 28 juillet 2005. Bien sûr, il ne s'agit pas, au stade de la suspension d'une instance disciplinaire, de s'immiscer dans les questions de fond. Mais puisque la question à trancher, que l'on dit être une question sérieuse, est la validité constitutionnelle de dispositions législatives, des jugements qui adjugent sur la question s'avèrent des éléments importants dans la prise d'une décision relative à une suspension d'instance devant un autre tribunal.

[11]                        Pour ces motifs, l'appel sera rejeté sans fais dans les circonstances et il est ordonné au délégué de procéder à la fixation d'une date d'audition de l'instance disciplinaire dont il est saisi, le tout sans préjudice au droit des parties de déposer devant cette Cour une requête en suspension de l'instance disciplinaire.

« Gilles Létourneau »

j.c.a.



COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                            A-92-05

(APPEL D NE ORDONNANCE DU JUGE BEAUDRY DE LA COUR FÉDÉRALE DU 10 FÉVRIER 2005, No DU DOSSIER T-1069-04.)

INTITULÉ:                                                                             Le procureur général du Canada

c. Sam Levy et associés Inc. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                   Le 3 octobre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

PRONONCÉS AL'AUDIENCE :                                       LE JUGE LÉTOURNEAU

COMPARUTIONS:

Bernard Letarte

POUR L'APPELANT

Daniel DesAulniers

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'APPELANT

GRONDIN, POUDRIER, BERNIER

Montréal (Québec)

POUR LES INTIMÉS

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