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Date : 20050121

Dossier : A-529-03

Référence : 2005 CAF 26

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

MARIA SOKOLOWSKA,

FIDUCIAIRE DE LA SUCCESSION SANS TESTAMENT

DE HENRY SOKOLOWSKI

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 21 janvier 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20050121

Dossier : A-529-03

Référence : 2005 CAF 26

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

MARIA SOKOLOWSKA,

FIDUCIAIRE DE LA SUCCESSION SANS TESTAMENT

DE HENRY SOKOLOWSKI

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]        Il s'agit d'un appel de la décision que la juge Lucie Lamarre, de la Cour canadienne de l'impôt, a rendue le 9 octobre 2003 et par laquelle elle a rejeté la demande d'ajournement présentée par l'appelante quant à l'audition de son appel des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre) par lesquelles il rejetait la demande de déduction de pertes de placement faite par son défunt mari pour les années d'imposition allant de 1988 à 1995.

[2]        L'audition de l'appel de l'appelante des nouvelles cotisations du ministre avait été fixée au 9 octobre 2003 devant la la Cour de l'impôt. Mme Sokolowska et sa fille, Elwira Sokolowska, qui aide sa mère en raison de ses difficultés avec les langues anglaise et française, ne se sont pas présentées à l'audience. M. Ed Sokolowski, le neveu de l'appelante, s'est présenté à l'audience et il a demandé à la juge Lamarre d'ajourner l'instance au motif que Maria Sokolowska et Elwira Sokolowska étaient toutes deux malades.

[3]        Après avoir examiné la question de savoir s'il y avait des motifs suffisants pour justifier l'ajournement, et ayant conclu qu'il n'y en avait aucun, la juge de la Cour de l'impôt a refusé l'ajournement de l'audience. Plus précisément, la juge a pris en compte les facteurs suivants pour refuser l'ajournement : le fait que Maria Sokolowska n'avait pas produit de certificat médical; le fait que la Cour avait pris les dispositions nécessaires pour qu'un interprète soit présent à l'audience; le fait que l'intimée n'avait pas consenti à la demande d'ajournement; enfin le fait que l'appel était sans fondement.

[4]        Par conséquent, conformément au paragraphe 18.21(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2 (la Loi), qui prévoit que la Cour canadienne de l'impôt est tenue, sauf si elle est d'avis que les circonstances justifient que l'appel soit entendu à une date ultérieure, d'ordonner le rejet de l'appel si l'appelant ne comparaît pas à la date fixée pour l'audition ou n'obtient pas un ajournement, la juge Lamarre a rejeté l'appel dont elle avait été saisie. L'article 18.21de la Loi est rédigé comme suit :

18.21 (1) Sauf si elle est d'avis que les circonstances justifient que l'appel soit entendu à une date ultérieure, la Cour est tenue, à la demande de l'intimé et ce, que l'appelant en ait été avisé ou non, d'ordonner le rejet de l'appel si ce dernier ne comparaît pas à la date fixée pour l'audition ou n'obtient pas un ajournement.

18.21(1) Where an appellant does not appear on the day fixed for the hearing, or obtain an adjournment of the hearing, of an appeal, the Court shall, on application by the respondent and whether or not the appellant has received notice of the application, order that the appeal be dismissed, unless the Court is of the opinion that circumstances justify that the appeal be set down for hearing at a later date.

     (2) L'appelant dont l'appel a été rejeté peut demander qu'il soit repris et que l'ordonnance de rejet soit annulée.

     (2) An appellant whose appeal has been dismissed pursuant to subsection (1) may apply to have the order of dismissal set aside and the appeal set down for hearing.

     (3) La Cour peut annuler l'ordonnance de rejet si les conditions suivantes sont réunies :

a) compte tenu de toutes les circonstances, il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce que l'appelant soit présent à l'audition;

b) l'appelant a présenté sa demande d'annulation dès que cela a été possible, compte tenu des circonstances, mais dans tous les cas au plus tard cent quatre-vingt jours suivant la date de l'envoi par la poste de l'ordonnance rejetant son appel.

[NON SOULIGNÉ DANS L'ORIGINAL.]

     (3) The Court may set aside an order of dismissal made under subsection (1) where

(a) it would have been unreasonable in all the circumstances for the appellant to have attended the hearing; and

(b) the appellant applied to have the order of dismissal set aside as soon as circumstances permitted the application to be brought but, in any event, not later than one hundred and eighty days after the day on which the order was mailed to the appellant.

                           [EMPHASIS ADDED]

[5]                Comme l'article 18.21 doit être lu de concert avec l'article 18.2, je le reproduis aussi :

18.2 (1) La Cour ajourne l'audition d'un appel lorsqu'elle est convaincue qu'il serait difficilement réalisable d'y procéder à la date fixée, compte tenu de toutes les circonstances.

18.2 (1) The Court shall adjourn the hearing of an appeal where, in the opinion of the Court, it would be impractical in all the circumstances to proceed on the day fixed for the hearing.

     (2) À la demande d'une des parties, la Cour peut accorder un ajournement si les autres parties y consentent ou encore s'il s'avère préférable de retarder l'audition jusqu'à ce qu'elle-même ou un autre tribunal canadien ait rendu jugement dans une affaire identique ou semblable.

[NON SOULIGNÉ DANS L'ORIGINAL.]

     (2) The Court may grant a request by a party to have the hearing fo an appeal adjourned where the other parties consent thereto or where it would be appropriate to delay that hearing until judgment has been rendered in another case before the Court or before any other court in Canada in which the issue is the same or substantially the same as that raised in the appeal.

                           [EMPHASIS ADDED]

[6]                Dans l'arrêt Paynter c. Canada, [1996] A.C.F. no 1416 (C.A.F.), le juge Strayer, s'exprimant au nom de la Cour, a fait les observations suivantes concernant le pouvoir discrétionnaire de la Cour de l'impôt d'accorder ou de refuser l'ajournement d'appels interjetés devant elle :

11.    Pour ce qui est du pouvoir de la Cour d'accorder un ajournement prévu au paragraphe 18.2(2) lorsque, comme en l'espèce, l'autre partie y consent, nous estimons qu'il n'y a pas lieu d'intervenir dans le pouvoir discrétionnaire exercé par le juge en chef pour refuser l'ajournement.    Encore en fois, on lui a demandé, dans la procédure qui fait maintenant l'objet du contrôle, d'accorder un ajournement pour une seule raison : le changements d'avocats inexpliqué et inopportun et ce que cela a entraîné logiquement.    Nous ne voyons aucun mauvais principe sur lequel il s'est appuyé pour agir.    Il a expressément fait état de la façon dont la Cour aborde les ajournements dans les procédures informelles, et nous considérons cela entièrement approprié.    L'article 18.2 qu'il applique figure dans cette partie de la Loi qui porte sur la procédure informelle.    Cette procédure prévoit clairement l'accélération des procédures pour les contribuables lorsque de petits montants sont en cause.    Elle prévoit qu'une partie peut comparaître en personne ou être représentée par un représentant, c'est-à-dire sans avocats (art. 18.14).    L'appel n'est assujetti à aucune condition de forme (art. 18.15).    Les délais prévus pour le dépôt d'une réponse du ministre, pour la fixation par la Cour d'une date d'audition et pour le prononcé du jugement sont tous prescrits par la loi (art. 18.16, 18.17, 18.22).    Ces dispositions précisent que de tels appels ne sont pas destinés à se dérouler à une petite allure choisie par les parties, mais qu'ils doivent être entendus normalement et tranchés avec célérité et méthodiquement.    Cela non seulement colore le sens à donner à l'expression "difficilement réalisable" figurant au paragraphe 18.2(1), mais indique également la portée du pouvoir discrétionnaire que la Cour tient du paragraphe 18.2(2), celui de refuser des ajournements lors même que tous les avocats y consentiraient.

[Non souligné dans l'original.]

[7]                Dans l'arrêt Dayan c. Canada, 2004 CAF 75, du 23 février 2004, la Cour a analysé le pouvoir discrétionnaire prévu par le paragraphe 18.21(2) d'annuler les ordonnances de rejet prononcées en vertu du paragraphe 18.21(1). Aux paragraphes 6 et 8 de ses motifs, la juge Sharlow a exprimé l'opinion suivante :

[6]     Lorsqu'il est saisi d'une demande d'annulation d'une ordonnance de rejet présentée en vertu du paragraphe 18.21(2), le juge de la Cour de l'impôt doit déterminer si les conditions énoncées aux alinéas 18.21(3)a) et 18.21(3)b) sont réunies. Si elles ne sont pas réunies, la demande doit être rejetée. Si elles sont réunies, le juge de la Cour de l'impôt doit décider s'il exercera son pouvoir discrétionnaire résiduel d'accueillir la demande. C'est l'utilisation du mot « peut » dans le passage liminaire du paragraphe 18.21(3) qui révèle que le juge de la Cour de l'impôt dispose d'un tel pouvoir discrétionnaire résiduel.

[...]

[8]     Pour les besoins de la présente instance, je suis disposée à retenir l'hypothèse avantageuse pour les demandeurs voulant que le juge de la Cour de l'impôt ait conclu que la condition de l'alinéa 18.21(3)a) avait été remplie et qu'il ait refusé leurs demandes d'annulation des ordonnances de rejet en se fondant sur son pouvoir discrétionnaire résiduel. Il s'ensuit que la question que la Cour doit trancher en l'espèce est de savoir si le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur justifiant l'intervention de la Cour dans la façon dont il a exercé son pouvoir discrétionnaire. Le principe selon lequel la Cour ne peut infirmer une ordonnance discrétionnaire en l'absence d'une erreur de droit ou d'une omission de tenir compte de facteurs pertinents est un principe élémentaire de droit.

[Non souligné dans l'original.]

[8]                Je tiens aussi à dire que j'abonde entièrement dans le sens des motifs de jugement donnés par le juge Marceau au nom de la Cour dans l'arrêt Fortin c. Canada (Ministre du Revenu national), [1997], A.C.F. no 1222 (C.A.F.). La Cour avait été saisie d'un appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt, qui avait refusé d'ajourner l'audition de l'affaire qu'elle instruisait. Dans des motifs succincts, le juge Marceau a tranché l'appel en ces termes :

1.      Nous sommes d'avis que ce recours en révision judiciaire porté à l'encontre d'une décision d'un juge de la Cour canadienne de l'impôt ne peut réussir.

2.      Ilne nous paraît tout simplement pas possible de dire qu'en refusant, dans les circonstances de l'espèce, d'ajourner l'audition de cette demande soumise par le requérant en vertu des dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage mais dans le cadre de la procédure informelle de la Cour canadienne de l'impôt, le juge-président a exercé sa discrétion de façon illégale ou abusive,

3.      Le droit du requérant d'être entendu ne nous paraît nullement avoir été violé : si le jugement a été rendu en son absence, il l'a été au jour et à l'endroit prévus depuis longtemps, et le requérant ne peut s'en prendre qu'à son imprudence s'il n'était pas présent. Son droit d'avoir un représentant de son choix n'a pas non plus été violé : son avocat inscrit au dossier était présent à l'audience. Nous comprenons sans peine que le juge ait considéré non adéquatement motivée cette demande indirecte de remise venue devant lui, par personne interposée et à la surprise de tous y compris l'avocat au dossier, et nous ne croyons pas, dans les circonstances, qu'existent les conditions qui nous permettraient d'intervenir.

[Non souligné dans l'original.]

[9]                Cette jurisprudence constante enseigne clairement que la Cour n'infirmera pas la décision du juge de la Cour de l'impôt d'accorder ou de refuser des ajournements, sauf s'il a commis une erreur de droit ou s'il n'a pas pris en compte tous les facteurs pertinents. Il ressort clairement aussi du texte de l'article 18.21 de la Loi que si l'appelant ne s'est pas présenté à l'audition ou n'en a pas obtenu l'ajournement, son appel sera rejeté, sauf si les circonstances justifient la reprise de l'appel à une date ultérieure.

[10]            Malheureusement pour l'appelante, je ne suis pas convaincu que, en refusant sa demande d'ajournement, et donc en rejetant son appel parce qu'elle ne s'était pas présentée à l'audition, la Cour de l'impôt a exercé son pouvoir discrétionnaire incorrectement. Par conséquent, l'appel


devrait être rejeté. Dans les circonstances, j'accorderais à l'intimée la somme de 500 $ au titre des dépens.

« Marc Nadon »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

        Robert Décary, juge »

« Je souscris aux présents motifs

        J.A. Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           A-529-03

INTITULÉ :                                                          Maria Sokolowska, fiduciaire de la succession sans testament de Henry Sokolowski

                                                                              c.

                                                                              Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 19 JANVIER 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                               LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                              LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                         LE 21 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Maria Sokolowska                                                  POUR SON PROPRE COMPTE

Ronald MacPhee                                                     POUR L'INTIMÉE

Joanna Hill

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Maria Sokolowska

Ottawa (Ontario)                                                     POUR SON PROPRE COMPTE

John Sims,c.r.                                                          POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


Date : 20050121

Dossier : A-529-03

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

MARIA SOKOLOWSKA,

FIDUCIAIRE DE LA SUCCESSION SANS TESTAMENT

DE HENRY SOKOLOWSKI

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

JUGEMENT

            L'appel est rejeté en faveur de l'intimée et il lui est accordé 500 $ au titre des dépens.

« Robert Décary »


Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


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