Date : 20041019
Dossier : A-52-04
Référence : 2004 CAF 351
CORAM : LE JUGE DÉCARY
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
MICHEL GAGNON
défendeur
Audience tenue à Montréal (Québec), le 19 octobre 2004.
Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 19 octobre 2004.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE LÉTOURNEAU
Date : 20041019
Dossier : A-52-04
Référence : 2004 CAF 351
CORAM : LE JUGE DÉCARY
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
MICHEL GAGNON
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 19 octobre 2004)
[1] Nous sommes d'avis que le juge arbitre s'est trompé lorsqu'il est intervenu pour annuler la décision du conseil arbitral et ainsi réduire à 200,00 $ une pénalité de 50% (1 420,00 $) imposée par la Commission au prestataire pour les 10 fausses déclarations qu'il avait faites. L'essence de la décision du juge-arbitre se retrouve dans les deux paragraphes suivants que l'on retrouve à la page 6 de sa décision :
Je conclus cependant que le conseil a omis de se pencher sur la façon dont la Commission avait exercé sa discrétion, à savoir si tous les facteurs pertinents ou des facteurs non pertinents avaient été pris en considération par la Commission en fixant la pénalité. À cet égard, je suis d'avis que la Commission a erré en fondant sa décision sur un prémisse fautive. La commission ne pouvait commencer son exercice d'évaluation des circonstances avec une prémisse fondamentale que la pénalité devait être fixée à 100% de la valeur des déclarations inexactes à moins de circonstances exceptionnelles.
Prenant en considération le rôle social de la Loi sur l'assurance-emploi, la Commission doit s'assurer que l'imposition d'une pénalité, tout en rencontrant l'objectif de punition et de dissuasion, tient compte de la réalité socio-économique dans laquelle se trouve le prestataire. Dans le cas présent, la décision de la Commission était de toute évidence beaucoup plus axée à l'application d'une politique interne qu'à l'imposition d'une pénalité fondée sur l'objectif de punition et dissuasion qui tient compte des circonstances particulières du prestataire visé, ce qui semble avoir été le principe sous-jacent de la décision du conseil.
[2] À l'instar de ce que cette Cour a dit dans Canada (Procureur général) c. Hudon [2004] CAF 22, en application des arrêts Canada (Procureur général) c. Rumbolt [2000] ACF no 1968 et Canada (Procureur général) c. Lai [1998] ACF no 1016, le juge-arbitre a injustement reproché à la Commission de s'être référée aux lignes directrices qu'elle s'est donnée en matière d'imposition de pénalités pour assurer une certaine cohérence à l'échelle nationale et éviter l'arbitraire en ces matières.
[3] Le Guide de la détermination de l'admissibilité, chapitre 18 - Déclarations fausses ou trompeuses, où l'on trouve ces lignes directrices, prend bien soin d'indiquer aux agents de l'assurance-emploi que les niveaux fixés de pénalités, soit 100%, 200% ou 300% du taux de prestations hebdomadaires du prestataire, ne doivent pas faire l'objet d'une application mécanique. Au contraire, il y est mentionné que la Commission doit exercer sa discrétion et prendre en compte toutes les circonstances particulières au prestataire : voir Canada (Procureur général) c. Schembri [2003] CAF 463, au paragraphe 10 où notre Cour cite l'extrait suivant du Guide :
Enfin, on ne saurait trop appuyer sur l'importance de verser au dossier des renseignements détaillés sur toutes les circonstances atténuantes. Ces renseignements sont essentiels lorsqu'il s'agit de fournir des explications au prestataire et particulièrement lorsqu'un appel est interjeté. En effet, la Commission a le pouvoir discrétionnaire d'infliger une pénalité, mais elle doit quand même démontrer qu'elle l'a exercé correctement, en tenant compte de tous les éléments pertinents.
[4] On peut également lire au paragraphe 18.5.2.1 (Montant des pénalités - prestataires) de ce Guide ce passage pertinent à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission :
Il faut se garder cependant d'appliquer ces pourcentages de façon mécanique. Ils peuvent convenir lorsque aucune explication n'est fournie à l'égard de l'infraction, mais on doit prendre en considération toutes les circonstances atténuantes signalées par le prestataire de même que celles qui sont apparentes à la lecture du dossier. Toutes les circonstances présentes au moment de l'infraction ou au moment de l'application de la pénalité qui peuvent influer sur sa justesse doivent être prises en considération aux fins du calcul du montant de la pénalité. Dans de telles circonstances, le taux de la pénalité sera inférieur aux niveaux mentionnés précédemment.
Il va de soi que les niveaux de 100%, 200% et 300% devront être respectés dans le cas d'une première infraction et dans le cas d'une récidive, mais lorsqu'il existe des circonstances atténuantes, l'agent ne sera pas limité par le montant du trop-payé. Compte tenu des circonstances propres à chaque cas, le montant de la pénalité pourra être inférieur à celui du trop-payé.
[5] En l'espèce, la Commission avait déjà diminué de 50% la pénalité normalement applicable en pareil cas pour tenir compte de la situation financière du prestataire et des circonstances atténuantes. Étonnamment, le Conseil arbitral a accueilli l'appel du prestataire et réduit la pénalité à 200,00$ au motif que le prestataire avait fait ces fausses déclarations pour « améliorer sa qualité de vie » : voir à la page 78 du dossier du demandeur. Aucun fait nouveau ne justifiait l'intervention du Conseil arbitral, comme cela se fit, et ce dernier ne pouvait substituer son opinion à celle de la Commission : voir Canada (Procureur général) c. Hudon, supra, paragraphes 2 et 3. Devant cette intervention injustifiée du Conseil arbitral, le juge-arbitre aurait dû accueillir l'appel de la Commission et rétablir la pénalité qu'elle avait imposée.
[6] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre annulée et l'affaire sera retournée au juge-arbitre en chef, ou au juge-arbitre qu'il désignera, pour qu'il la décide à nouveau en tenant pour acquis que l'appel de la Commission devant le juge-arbitre doit être accueilli et la pénalité imposée par la commission rétablie.
[7] Dans les circonstances et vu que le défendeur n'a pas contesté la demande de contrôle judiciaire, cette dernière sera accueillie sans frais.
« Gilles Létourneau »
j.c.a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-52-04
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
MICHEL GAGNON
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 19 octobre 2004
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : (LES JUGES DÉCARY, LÉTOURNEAU, NADON)
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR : LE JUGE LÉTOURNEAU
COMPARUTIONS:
Me Pauline Leroux |
POUR LE DEMANDEUR |
M. Michel Gagnon |
POUR LUI-MÊME (DÉFENDEUR) |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)
|
POUR LE DEMANDEUR |
M. Michel Gagnon Montréal-Nord (Québec) |
POUR LUI-MÊME (DÉFENDEUR) |
|
|