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Date : 20060427

Dossier : A‑85‑05

 

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2006

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

ALLAN McLARTY

intimé

 

 

JUGEMENT

            L’appel est accueilli, les dépens étant adjugés à l’appelante. L’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt est annulée et l’affaire est renvoyée à un juge différent de la Cour canadienne de l’impôt pour qu’il décide si l’intimé peut prouver, pour les « données », une juste valeur marchande plus élevée que celle que le ministre a fixée.

 

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


 

Date : 20060427

Dossier : A‑85‑05

Référence : 2006 CAF 152

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

ALLAN McLARTY

intimé

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 20 mars 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                              LE JUGE EVANS

                                                                                                                            LE JUGE MALONE

 


 

 

Date : 20060427

Dossier : A‑85‑05

Référence : 2006 CAF 152

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

ALLAN McLARTY

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE SEXTON

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à la suite d’une décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt (la CCI) dans l’affaire McLarty c. Canada, 2005 CCI 55 [McLarty]. L’intimé, Allan McLarty, a investi 100 000 $ dans des données sismiques exclusives dans le cadre d’une coentreprise. Le prix d’achat était composé d’un montant de 15 000 $ en argent et d’un billet avec recours limité d’un montant de 85 000 $. Par cette opération, l’intimé ajoutait un montant de 100 000 $ à son compte de frais cumulatifs d’exploration au Canada (les FCEC). Il a par la suite déduit un montant de 81 655 $ pour l’année d’imposition 1992 et un montant de 14 854 $ pour l’année d’imposition 1994 au titre des frais d’exploration au Canada (les FEC). Le ministre du Revenu national (le ministre) a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’intimé et a conclu que le prix d’achat des données sismiques était supérieur à leur juste valeur marchande (la JVM). Le ministre a donc refusé les ajouts effectués au compte des FCEC de l’intimé. La CCI a accueilli les appels que l’intimé avait interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre, permettant ainsi à l’intimé de demander le plein montant de 100 000 $ au titre des FCEC.

 

[2]               L’appelante, Sa Majesté la Reine, conteste la décision d’instance inférieure en invoquant trois motifs principaux. Premièrement, elle affirme que, contrairement aux conclusions de la CCI, les données sismiques ne visaient pas à « déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel (à l’exception d’une ressource minérale) au Canada » comme l’exige la définition des FEC figurant dans la loi. Deuxièmement, elle allègue que la CCI a commis une erreur en concluant que le billet auquel l’intimé avait souscrit n’était pas une dépense engagée, mais une dette éventuelle. Troisièmement, elle soutient que l’achat de données sismiques n’était pas une opération sans lien de dépendance. Cela étant, la CCI aurait dû conclure que l’intimé ne s’était pas acquitté de l’obligation qui lui incombait d’établir que la JVM des données sismiques était supérieure au montant présumé par le ministre.

 

II.        HISTORIQUE FACTUEL

[3]               Les capitaux investis par l’intimé dans les données en question (les données) ont pour origine Ernie Sapieha (M. Sapieha), unique actionnaire, dirigeant et administrateur de Compton Resource Corporation (CRC). M. Sapieha avait espéré créer une société d’exploration et de mise en valeur de pétrole et de gaz; il prévoyait qu’un intérêt dans une base de données sismiques exclusives constituerait la pierre angulaire de la société. Il a donc tenté de recruter des investisseurs pour joindre CRC dans l’achat d’une base de données sismiques.

 

[4]               M. Sapieha a communiqué avec l’intimé et avec d’autres personnes au sujet de la participation à cette coentreprise (la coentreprise). L’intimé a reçu une notice d’offre (la notice), qui donnait un aperçu des activités de la coentreprise envisagée. Il y était notamment déclaré ce qui suit :

[traduction]

a) [c]ette offre vise principalement à donner aux souscripteurs la possibilité de participer à l’acquisition, à l’exploration et à la mise en valeur de droits relatifs aux hydrocarbures tout en leur permettant de se prévaloir des déductions fiscales et des programmes d’encouragement fédéraux qui ont été proposés en vue d’encourager les projets d’exploration de gisements de pétrole et de gaz naturel; et

 

b) [l’]achat de la base de données techniques vise principalement à permettre l’analyse des données en vue de connaître les perspectives de la coentreprise dans le domaine de la mise en valeur et de l’exploration et d’aider à identifier les biens producteurs de PGN aux fins de l’achat par la coentreprise. Toutefois, l’examen et l’analyse de la base de données techniques indiquent qu’une partie des données peuvent faire l’objet de licences ou être vendues à l’industrie selon des modalités et à des conditions conformes à la pratique dans l’industrie.

 

 

[5]               Dans la notice, on expliquait également que [traduction] « [l]e prix d’achat de la base de données techniques [les données] ne sera[it] pas plus élevé que le montant de l’évaluation la plus basse obtenue de trois évaluateurs indépendants chevronnés ». De fait, avant que les données soient achetées pour le compte des participants à la coentreprise (les coentrepreneurs), M. Sapieha avait obtenu des évaluations de Ray Jaskela, d’un montant de 39 787 800 $, de Brian Curts, d’un montant de 41 930 760 $, et de E.P. Webb, d’un montant de 34 405 000 $.

 

[6]               Les données qui avaient été évaluées appartenaient à CRC. Il s’agissait d’un sous‑ensemble d’une bibliothèque de données plus grande (la bibliothèque de données) que CRC avait acquise de Seitel Inc. (Seitel), lorsqu’elle avait acheté son [traduction] « entreprise sismique » le 30 décembre 1992. La contrepartie totale versée par CRC pour l’« entreprise sismique » était de 21 000 000 $, dont un montant de 20 999 998 $ était imputé à la bibliothèque de données. Cette contrepartie a été versée au moyen d’un paiement de 2 375 000 $ en argent et d’une débenture d’un montant de 18 625 000 $. Dans ses états financiers, Seitel a inscrit le montant de la débenture à titre de dette éventuelle. Selon le billet, 60 p. 100 des recettes (à l’exclusion de la commission) provenant de la vente de copies autorisées de la bibliothèque de données devaient être imputées au billet. Avant de conclure cette opération, le 26 juin 1992, Seitel avait obtenu la bibliothèque de données de Canadian Hunter Exploration Ltd. (Hunter) pour la somme de 2 388 000 $. Le même jour, Hunter avait acquis la bibliothèque de données de Western Geophysical Ltd. (Western) pour la somme de 2 750 000 $.

 

[7]               En ce qui concerne la coentreprise, le contrôle exercé par M. Sapieha sur le vendeur des données, CRC, permettait à celui‑ci de dicter le prix que les coentrepreneurs devaient payer pour les données. M. Sapieha a fixé le prix d’achat des données en multipliant 21 000 000 $ par 30,35 p. 100, représentant la fraction de l’intérêt total que les coentrepreneurs devaient acquérir dans les données. Il est difficile de savoir d’où vient ce chiffre de 21 000 000 $. De toute évidence, le montant de 21 000 000 $ ne correspond à aucun des montants des évaluations obtenues par M. Sapieha. En outre, ce montant n’a aucun lien logique avec l’une quelconque des ventes antérieures de données. Somme toute, CRC a versé environ 21 000 000 $ à Seitel pour toute la bibliothèque de données, et non simplement pour les données. Enfin, rien n’indique, dans la décision d’instance inférieure, que l’intimé ait d’une façon ou d’une autre contribué à la fixation du prix.

 

[8]               Après avoir examiné la notice, l’intimé a conclu une convention de souscription, le 31 décembre 1992. Il a donc acquis un intérêt indivis de 1,57 p. 100 dans Compton Resource Corporation 1992/1993 Oil and Gas Investment Fund (la coentreprise). Le même jour, l’intimé et les autres coentrepreneurs ont conclu avec CRC une convention de coentreprise (la convention de coentreprise). Aux termes de cette convention, les coentrepreneurs désignaient CRC à titre de mandataire, entre autres, pour l’achat de données sismiques destinées à être utilisées par la coentreprise. Aux termes d’une convention d’achat d’une base de données techniques en date du 31 décembre 1992, CRC – en sa qualité de mandataire, et pour le compte des coentrepreneurs – a acquis d’elle‑même un intérêt indivis de 30,35 p. 100 dans les données. La contrepartie totale donnée par les coentrepreneurs pour les données était de 6 373 335 $, un montant de 956 002 $ ayant été payé en argent et un montant de 5 417 333 $, au moyen de billets émis en faveur de CRC.

 

[9]               Les conditions des billets étaient énoncées dans les faits admis et comprenaient notamment les éléments suivants :

[traduction]

a) les billets portaient intérêt au taux annuel de 8 p. 100 sur toute partie impayée du principal;

 

b) conformément à la convention de coentreprise qui était incorporée par renvoi dans les conditions des billets, les coentrepreneurs individuels cédaient à Compton soixante pour cent (60 p. 100) du produit de la vente des copies autorisées des données de l’entreprise et vingt pour cent (20 p. 100) des rentrées de fonds liées au programme de forage (le « programme de forage ») mis en oeuvre par la coentreprise au titre du remboursement des billets, lesquelles étaient imputables en premier lieu aux intérêts et en second lieu au principal;

 

c) les billets étaient garantis à l’aide de soixante pour cent (60 p. 100) du produit de la disposition de la participation au capital dans les données de l’entreprise et d’un intérêt indivis de vingt pour cent (20 p. 100) des droits acquis par les coentrepreneurs individuels dans le cadre du programme de forage (collectivement appelés la « garantie ») sans autre recours contre les autres actifs des coentrepreneurs individuels; et

 

d) si une partie des billets demeurait impayée à la date d’échéance, Compton devait désigner un fiduciaire indépendant pour vendre les intérêts des coentrepreneurs individuels dans la garantie, le produit étant imputé au solde impayé des billets et tout manque donnant lieu à une renonciation.

 

 

[10]           Ces billets comprenaient le billet de l’intimé (le billet), d’un montant de 85 000 $. Le billet, ainsi qu’un montant de 15 000 $ en argent, correspondait à la fraction de la contrepartie totale versée aux fins de l’acquisition de l’intérêt indivis de 1,57 p. 100 de l’intimé dans les données.

 

[11]           Conformément à la convention de coentreprise. M. Sapieha a commencé à mettre sur pied une entreprise pétrolière et gazière. Il a établi un bureau pour CRC, lequel comprenait des services de cartographie, une installation d’entreposage de journaux de forage, du logiciel géophysique et d’autres services techniques. M. Sapieha a ensuite commencé à constituer une équipe chargée de l’exploration pour CRC, laquelle devait analyser et examiner les données pour la coentreprise.

 

[12]           Carl Ringdahl (M. Ringdahl), un géophysicien chevronné, a été embauché pour faire partie de l’équipe d’exploration. Selon M. Ringdahl, l’équipe a commencé à examiner les données et elle a [traduction] « retravaillé les données » en utilisant tous les renseignements disponibles, y compris les puits existants. Devant la cour d’instance inférieure, M. Ringdahl a également témoigné avoir examiné tous les profils sismiques systématiquement afin de déterminer s’il était possible d’établir de façon certaine l’existence d’une zone pétrolière ou gazière et de décider s’il convenait d’acheter les biens‑fonds.

 

[13]           Dans l’intervalle, l’intimé a produit sa déclaration de revenus de 1992 en ajoutant, entre autres, 100 000 $ à son compte de FCEC à l’égard de l’acquisition d’un intérêt dans les données. Dans ses déclarations de revenus de 1992 et de 1994, l’intimé a demandé des déductions de 81 655 $ et de 14 854 $ respectivement, par suite de la réduction des FCEC.

 

[14]           Par une lettre datée du 6 janvier 1997, le ministre a informé l’intimé qu’il se proposait d’établir de nouvelles cotisations en se fondant sur le fait que la valeur des données était de 2 050 142 $. Par conséquent, le ministre a refusé les montants que l’intimé avait ajoutés à son compte des FCEC.

 

[15]           L’intimé a interjeté appel de ces cotisations. Le tribunal d’instance inférieure a accueilli les appels en entier. La Cour est ici saisie de cette décision.

 

III.       Les dispositions légales

[16]           Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi).

66.1. (6) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

66.1. (6) In this section,

 

 

 

« frais d’exploration au Canada » Relativement à un contribuable, les dépenses suivantes, engagées après le 6 mai 1974 :

 

"Canadian exploration expense" of a taxpayer means any expense incurred after May 6, 1974 that is

 

a) une dépense, y compris une dépense à des fins géologiques, géophysiques ou géochimiques, engagée par le contribuable (à l’exception d’une dépense engagée pour le forage ou l’achèvement d’un puits de pétrole ou de gaz, la construction d’une route d’accès temporaire au puits ou la préparation d’un emplacement pour un tel puits) en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel (à l’exception d’une ressource minérale) au Canada;

 

(a) any expense including a geological, geophysical or geochemical expense incurred by the taxpayer (other than an expense incurred in drilling or completing an oil or gas well or in building a temporary access road to, or preparing a site in respect of, any such well) for the purpose of determining the existence, location, extent or quality of an accumulation of petroleum or natural gas (other than a mineral resource) in Canada.

 

 

 

67. Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

 

67. In computing income, no deduction shall be made in respect of an outlay or expense in respect of which any amount is otherwise deductible under this Act, except to the extent that the outlay or expense was reasonable in the circumstances.

 

 

 

69. (1) Sauf disposition contraire expresse de la présente loi :

 

69. (1) Except as expressly otherwise provided in this Act,

 

a) le contribuable qui a acquis un bien auprès d’une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance pour une somme supérieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de son acquisition est réputé l’avoir acquis pour une somme égale à cette juste valeur marchande;

 

(a) where a taxpayer has acquired anything from a person with whom the taxpayer was not dealing at arm’s length at an amount in excess of the fair market value thereof at the time the taxpayer so acquired it, the taxpayer shall be deemed to have acquired it at that fair market value;

 

 

 

251. (1) Pour l’application de la présente loi :

 

251. (1) For the purposes of this Act,

 

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

 

(a) related persons shall be deemed not to deal with each other at arm’s length; and

 

b) la question de savoir si des personnes non liées entre elles n’avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

(b) it is a question of fact whether persons not related to each other were at a particular time dealing with each other at arm’s length.

 

IV.       LES CONCLUSIONS TIRÉES PAR LA CCI

1)      LE CRITÈRE DE L’OBJET VISÉ PAR LA LOI

[17]           La CCI a entamé l’analyse de la question de savoir si l’intimé avait acheté les données aux fins de l’exploration de gisements de pétrole ou de gaz naturel comme l’exige l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi, en procédant à un examen de la jurisprudence. Elle a noté que les tribunaux, dans les arrêts Global Communications Limited c. La Reine, 99 DTC 5377 (C.A.F.) (Global Communications) et Gulf Canada Ltée c. Canada, 92 DTC 6123 (C.A.F.), avaient affirmé que « le critère de la fin ou de l’objet, dans la définition de "frais d’exploration au Canada" (FEC), requiert à tout le moins un lien entre les données sismiques achetées et les travaux effectifs d’exploration ». En outre, le tribunal d’instance inférieure a fait observer que dans l’arrêt Petro‑Canada c. La Reine, 2004 DTC 6329 (C.A.F.) (Petro‑Canada), au paragraphe 35, la juge Sharlow a fait les remarques suivantes :

Ce lien pourrait être attesté par la preuve de l’utilisation effective des données sismiques pour des travaux d’exploration. Cependant, en l’absence d’une telle preuve, il doit exister au moins un plan crédible visant l’utilisation des données sismiques dans un programme d’exploration, à l’intérieur d’un délai raisonnable après qu’elles ont été acquises. Un lien hypothétique avec des travaux d’exploration qui pourraient être faits dans l’avenir ne peut suffire.

 

 

[18]           La CCI a retenu le témoignage de l’intimé selon lequel il avait acquis son intérêt dans la coentreprise principalement afin d’être là dès le début dans une société d’exploration de pétrole et de gaz. De l’avis de la juge de la CCI, l’intention primaire subjective de l’intimé était corroborée par la preuve objective de son acceptation des conditions énoncées dans la notice.

 

[19]           Dans ce contexte, la CCI a déclaré inapplicable la jurisprudence antérieure portant sur le paragraphe 66.1(6) dans laquelle les tribunaux avaient examiné ce qui était réellement fait au bien‑fonds ou ce à quoi servaient les données sismiques. La CCI a mis l’accent sur le fait que, contrairement à ces décisions antérieures, l’affaire McLarty concernait un contribuable individuel qui avait conclu une convention stipulant que les activités d’exploration de gisements de pétrole et de gaz auraient lieu. La CCI a donc conclu qu’il était inutile d’aller plus loin que l’objet visé par l’intimé étant donné que celui‑ci n’exerçait aucun contrôle sur ce qui serait fait et qu’il s’était fondé raisonnablement sur l’objectif énoncé dans la notice.

 

[20]           Enfin, la CCI a fait remarquer que CRC avait pris un certain nombre de mesures pour utiliser les données en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité des gisements de pétrole ou de gaz naturel. Ainsi, comme l’a fait remarquer la CCI, CRC avait établi un bureau, elle avait constitué une équipe chargée de l’exploration et elle avait systématiquement examiné toutes les données. De plus, le tribunal d’instance inférieure a fait remarquer que les données avaient été réexaminées lorsque les biens‑fonds étaient devenus disponibles. De l’avis de la CCI, une telle utilisation systématique des données satisfaisait aux exigences du critère de l’objet visé par la loi.

 

2)      LA DETTE ÉVENTUELLE

[21]           Le tribunal d’instance inférieure a procédé à un long examen des arrêts faisant autorité quant à savoir si le billet était une dépense au sens de l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi, ou s’il s’agissait simplement d’une dette éventuelle comme l’affirmait l’appelante. Ainsi, il a fait remarquer que dans l’arrêt Canadian Pacific Limited c. The Minister of Revenue (Ontario), 99 DTC 5286 (C.A. Ont.), la Cour d’appel de l’Ontario avait statué que le fait de ne pas savoir quel serait en fin de compte le montant payé ne crée pas pour autant une dette éventuelle. En outre, la CCI a ajouté que dans l’arrêt Wawang Forest Products Limited et Nerak Contractors Inc. c. La Reine, 2001 DTC 5212 (C.A.F.) (Wawang), la Cour avait confirmé de nouveau que le critère généralement reconnu, pour ce qui est de la dette éventuelle, avait été énoncé par lord Guest dans l’arrêt Winter and Others (Executors of Sir Arthur Munro Sutherland deceased) c. Inland Revenue Commissioners, [1963] A.C. 235 (H.L.) (Winter), à la page 262 :

[traduction] Il convient de préciser qu’une éventualité est un événement qui peut se produire ou ne pas se produire et qu’une obligation éventuelle est une obligation dont l’existence dépend d’un événement qui peut se produire ou ne pas se produire.

 

 

De plus, la cour d’instance inférieure a souligné que dans l’arrêt Wawang, au paragraphe 15, la Cour avait statué que l’obligation juridique de payer une somme ne devient pas une obligation éventuelle du seul fait que le paiement peut être reporté ou qu’aucune date de paiement n’est stipulée.

 

[22]           En appliquant ce droit aux faits, le tribunal d’instance inférieure a mis l’accent sur la disposition du billet exigeant que son détenteur désigne un fiduciaire pour vendre les données en cas de défaut. La CCI a conclu que la vente des données pourrait être éventuelle s’il existait une incertitude quelconque au sujet de la possibilité de les vendre. Étant donné la demande constante de données sismiques de qualité et la rareté relative d’une telle qualité, en particulier au moment où les données avaient été achetées, la CCI a conclu que les données pouvaient être vendues. Par conséquent, la CCI a décidé qu’au moment où l’intimé avait acheté son intérêt dans les données, il n’y avait pas de dette éventuelle.

 

3)      UNE OPÉRATION SANS LIEN DE DÉPENDANCE ET LA JVM

[23]           Selon l’alinéa 69(1)a) de la Loi, le contribuable qui a acquis un bien auprès d’une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance est réputé l’avoir acquis pour une somme égale à la JVM. En examinant l’applicabilité de cette disposition en l’espèce, la CCI a conclu que la relation qu’il convenait d’apprécier était celle qui existait entre CRC et l’intimé. Même si M. Sapieha avait élaboré le plan et avait soumis la notice à l’intimé, la CCI a conclu que c’était en fin de compte l’intimé qui avait décidé d’accepter les conditions énoncées dans la notice. La CCI n’a pu constater aucun élément de preuve montrant que l’intimé et CRC, par l’entremise de M. Sapieha, avaient agi de concert sans intérêts distincts. Il n’y avait pas non plus, dans l’esprit de la juge, d’élément montrant que M. Sapieha avait unilatéralement imposé l’achat des données à l’intimé. La CCI a également noté qu’il n’y avait pas de collusion pour gonfler le prix des données parce que l’intimé avait accepté les conditions énoncées dans la notice, lesquelles limitaient notamment le prix d’achat au montant de l’évaluation la plus basse. Par conséquent, de l’avis de la CCI, l’achat par l’intimé de l’intérêt dans les données constituait une opération entre parties sans lien de dépendance.

 

[24]           En examinant la question de savoir si les dépenses engagées par l’intimé pour les données étaient des dépenses raisonnables au sens de l’article 67 de la LIR, la CCI a mentionné l’arrêt Petro‑Canada. Dans cet arrêt, la Cour avait confirmé l’applicabilité du critère du caractère raisonnable qui avait été énoncé dans la décision Gabco Limited c. M.N.R., 68 DTC 5210 (C. de l’É.), à la page 5216 :

[traduction] Il ne s’agit pas pour le ministre ou pour la Cour de substituer son jugement quant à ce qui constitue une somme raisonnable à payer, mais il s’agit plutôt pour le ministre ou la Cour d’arriver à la conclusion qu’aucun homme d’affaires raisonnable ne se serait engagé à payer une telle somme en n’ayant à l’esprit que les considérations commerciales de l’appelante.

 

[25]           En appliquant ce critère, la CCI a souligné les mesures que M. Sapieha avait prises avant que les données soient achetées, en vue d’arriver à un prix d’achat acceptable. Elle a en outre conclu que M. Sapieha n’était pas au courant de ventes antérieures de données et qu’il croyait qu’elles étaient évaluées à 30 300 000 $. La CCI a ensuite énuméré plusieurs motifs pour lesquels il ne convenait pas en l’espèce de douter du jugement des participants : la nature fort spéculative de l’industrie de l’exploration pétrolière et gazière, le fait qu’il est fort difficile d’évaluer les données sismiques ainsi que l’expérience de M. Sapieha dans l’industrie. Par conséquent, la CCI a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable dans ce cas‑ci de payer un prix supérieur à la JVM. Elle a conclu qu’un homme d’affaires raisonnable qui se serait trouvé dans la même situation que l’intimé aurait payé au moins 100 000 $ en échange de son intérêt dans les données.

 

V.        LES POINTS EN LITIGE

[26]           Trois questions générales se posent dans le présent appel :

1.      L’intimé a‑t‑il acheté les données aux fins de l’exploration de gisements de pétrole ou de gaz naturel comme l’exige l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi?

 

2.      Le billet constituait‑il une dépense comme l’exige l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi?

 

3.      L’achat effectué par l’intimé d’un intérêt dans les données constituait‑il une opération entre parties ayant un lien de dépendance? Dans l’affirmative, la JVM des données était‑elle supérieure au montant présumé par le ministre?

 

 

VI.       ANALYSE

1)      LE CRITÈRE DE L’OBJET VISÉ PAR LA LOI

[27]           Le tribunal d’instance inférieure a proposé une approche nouvelle à la question de savoir si un contribuable a acheté des données sismiques aux fins de l’exploration comme l’exige l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi. Étant donné que l’intimé était un particulier qui avait conclu une convention stipulant que les activités d’exploration des gisements de pétrole et de gaz allaient avoir lieu, la CCI a indiqué qu’il était inutile d’aller plus loin que l’objet visé par l’intimé lorsqu’il avait obtenu les données, comme le montrait son témoignage et le fait qu’il s’était fondé sur la notice. En d’autres termes, la preuve objective d’un lien entre l’achat des données et les travaux d’exploration mêmes n’était pas légalement pertinente dans des cas tels que celui dont la cour était saisie. La norme de contrôle qui s’applique à cette conclusion de droit est la décision correcte. Voir par exemple Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 (Housen), paragraphe 36.

 

[28]           La CCI a admis que l’approche qu’elle avait adoptée pour décider s’il était satisfait au critère de l’objet visé par la loi s’écartait de la jurisprudence antérieure. Dans les arrêts Global Communications et Petro‑Canada, les tribunaux avaient examiné ce qui était réellement fait au bien‑fonds ou ce à quoi servaient les données sismiques. À mon humble avis, la CCI n’avait pas raison de s’écarter de la jurisprudence antérieure. La jurisprudence de la Cour ne donne pas à entendre que le critère de l’objet visé par la loi varie selon l’identité du contribuable. Elle indique plutôt que le tribunal doit toujours examiner ce qui a réellement été fait ou ce que l’on envisageait de faire avec les données sismiques; voir l’arrêt Petro‑Canada, au paragraphe 35, 

[...] J’ai lu ces précédents, et il m’apparaît que le critère de la fin ou de l’objet, dans la définition de « frais d’exploration au Canada », requiert à tout le moins un lien entre les données sismiques achetées et les travaux effectifs d’exploration. Ce lien pourrait être attesté par la preuve de l’utilisation effective des données sismiques pour des travaux d’exploration. Cependant, en l’absence d’une telle preuve, il doit exister au moins un plan crédible visant l’utilisation des données sismiques dans un programme d’exploration, à l’intérieur d’un délai raisonnable après qu’elles ont été acquises. Un lien hypothétique avec des travaux d’exploration qui pourraient être faits dans l’avenir ne peut suffire. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[29]           Quoi qu’il en soit, le tribunal d’instance inférieure a ensuite examiné l’utilisation que CRC avait faite des données. Après avoir examiné la preuve dans son ensemble, la CCI a conclu que ce qu’elle qualifiait d’« utilisation systématique » des données par CRC suffisait pour satisfaire au critère de l’objet visé au paragraphe 66.1(6) de la Loi. Cette conclusion est une réponse à une question mixte de fait et de droit. Cela étant, elle ne peut être annulée que si elle est considérée comme constituant une erreur manifeste et dominante; Housen, paragraphe 36.

 

[30]           Par conséquent, l’erreur que la CCI a commise en disant qu’il suffisait de se fonder sur le but visé par l’intimé lors de l’acquisition des donnés pour satisfaire au critère de l’objet visé par la loi est sans importance. Somme toute, la CCI a conclu qu’il y avait utilisation réelle des données et que cela satisfaisait aux exigences de l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi. Je conclus donc que la CCI n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en tirant sa conclusion sur ce point.

 

2)      LA DETTE ÉVENTUELLE

[31]           La question de savoir si une dépense a été engagée ou si l’obligation est simplement une dette éventuelle est une question mixte de fait et de droit. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est l’erreur manifeste et dominante. General Motors du Canada Ltée c. La Reine, 2004 CAF 370, paragraphe 14.

 

[32]           Si le billet avait uniquement exigé le remboursement à condition que des recettes soient tirées de l’octroi de licences à l’égard des données ou du programme de forage, le billet aurait peut‑être bien pu créer une dette éventuelle. Toutefois, l’article 7 du billet prévoyait ce qui suit :

[traduction]

7. Si la dette créée par les présentes à l’égard du principal ou des intérêts demeure en totalité ou en partie impayée le 31 décembre 1999, la détentrice du billet désignera un fiduciaire indépendant pour vendre au comptant seulement :

 

a. les actifs techniques;

b. une partie indivise correspondant à 20 p. 100 de l’intérêt participatif du soussigné dans les droits relatifs aux hydrocarbures acquis par la coentreprise dans le cadre du programme de forage.

 

Le produit de la vente sera réparti comme suit :

 

a. actifs techniques :

 

i. 60 p. 100 du produit (déduction faite des commissions, le cas échéant) reviendra à la détentrice du billet à appliquer en réduction des montants dus par le soussigné aux termes du présent billet;

 

ii. 40 p. 100 du produit (déduction faite des commissions, le cas échéant) reviendra au soussigné;

 

b. une partie indivise correspondant à 20 p. 100 de l’intérêt participatif du soussigné dans les droits relatifs aux hydrocarbures acquis par la coentreprise dans le cadre du programme de forage :

 

la totalité du produit reviendra à la détentrice du billet à appliquer en réduction des montants dus par le soussigné aux termes du présent billet, le produit étant imputé en premier lieu aux intérêts et le reste au principal.

 

Tout solde dû par le soussigné sur le présent billet après la répartition du produit de la vente conformément aux conditions susmentionnées fera l’objet d’une renonciation de la part de la détentrice du billet et le soussigné n’aura pas d’autre obligation aux termes du présent billet.

 

 

[33]           De fait, l’analyse de la nature éventuelle de l’obligation de l’intimé que la CCI a effectuée dépendait de cet aspect final du billet. De l’avis de la juge de la CCI, le billet donnait naissance à une dette éventuelle s’il n’était pas certain que les données puissent être vendues. Elle a dit au paragraphe 49 :

En fin de compte, pour savoir si le billet de l’appelant donne naissance à une dette éventuelle, il faut examiner les faits y afférents. Le marché continu pour les données sismiques de qualité et la rareté relative d’une telle qualité (en particulier au moment où les données de l’entreprise ont été achetées) m’amènent à conclure que les données de l’entreprise pouvaient être vendues. Je conclus qu’au moment où l’appelant a acheté son intérêt dans les données de l’entreprise, il n’y avait pas de dette éventuelle parce que les données de l’entreprise devaient être et pouvaient être vendues en cas de défaut.

 

 

[34]           Je ne sais pas trop s’il fallait se demander si les données pouvaient être vendues. Il me semble qu’il soit possible de savoir si le billet donnait naissance à une dette éventuelle simplement en le lisant.

 

[35]           Dans l’arrêt Wawang, aux paragraphes 13, 15 et 16, la Cour a dit ce qui suit au sujet de la nature d’une obligation éventuelle :

[13]         Certaines remarques incidentes faites dans la décision Samuel F. Investments Limited c. M.N.R., [1998] 1 C.T.C. 2181, 88 D.T.C. 1106 (C.C.I.), [...] ont jeté la confusion à l’égard du critère énoncé dans la décision Winter. Dans l’affaire Samuel F. Investments, le juge de la Cour canadienne de l’impôt s’est appuyé sur la décision Winter pour conclure à l’existence d’une certaine obligation éventuelle. À mon avis, il est arrivé à la conclusion appropriée selon les faits. Toutefois, dans les motifs de sa décision il s’est exprimé comme suit :

 

Si je comprends bien, l’obligation de payer est éventuelle si ses modalités d’être comprennent des incertitudes à l’égard d’un de ces trois points : 1) savoir si le paiement sera effectué; 2) le montant à payer; ou 3) le moment où sera effectué le paiement.

 

[...]

 

[15]         Les « trois incertitudes » énumérées dans Samuel F. Investments ne permettent pas à elles seules d’établir si une obligation est éventuelle. Par exemple, dans le cas d’une incertitude se rapportant à un paiement, un contribuable peut contracter une obligation alors qu’il éprouve des difficultés financières, ce qui implique un risque important de défaut de paiement. Toutefois, cette incertitude ne peut signifier que l’obligation n’a jamais été contractée. De même, l’obligation de payer une certaine somme ne devient pas une obligation éventuelle simplement à cause d’événements qui peuvent se produire et qui auraient pour effet de réduire la valeur de l’obligation (voir, par exemple, la décision Canadian Pacific, précitée). L’obligation juridique de payer une somme ne devient pas non plus une obligation éventuelle du seul fait que certaines circonstances permettent d’en reporter le paiement, ou du fait qu’aucune date de paiement ne soit stipulée. Les parties ont le loisir d’invoquer le principe ordinaire de droit contractuel selon lequel le paiement de services doit être effectué dans un délai raisonnable.

 

[16]         Pour revenir maintenant au critère énoncé dans la décision Winter, la question qu’il faut se poser, pour décider du caractère éventuel ou non d’une obligation juridique à un moment précis, est de savoir si l’obligation juridique existe à ce moment précis ou si elle ne naîtra qu’au moment où surviendra un événement, qui pourrait ne pas se produire. [...]

 

 

[36]           En l’espèce, la simple lecture du billet révèle que la dette de l’intimé n’était pas éventuelle. L’obligation juridique de l’intimé a plutôt pris naissance lorsqu’il a signé le billet.

 

[37]           Les conditions mêmes du billet révèlent que la dette de l’intimé ne dépendait pas d’une éventualité. Le billet stipulait que l’intimé était tenu de payer le détenteur du billet si des recettes étaient tirées de l’octroi de licences à l’égard des données ou du programme de forage. Même en l’absence de recettes, l’intimé n’était pas libre de toute obligation juridique. Selon le billet, si la dette n’était toujours pas remboursée au 31 décembre 1999, le détenteur du billet pouvait charger un fiduciaire indépendant de vendre les données et une partie de l’intérêt de l’intimé dans les droits relatifs au pétrole acquis par la coentreprise. En d’autres termes, indépendamment de la question de savoir si les données ou le programme de forage généraient des recettes, l’intimé était tenu de céder le bien au profit du détenteur du billet.

 

[38]           Ma conclusion, à savoir que l’article 7 du billet entraîne une obligation absolue, est étayée par la décision Frederick W. Hill c. La Reine, 2002 DTC 1749 (C.C.I.). Dans cette décision, la CCI s’est demandé si les frais d’intérêt à l’égard d’une hypothèque avec recours limité était des dettes éventuelles. Même si le créancier hypothécaire ne pouvait pas invoquer de défaut de la part du débiteur hypothécaire en vertu de l’hypothèque, la CCI a conclu qu’il n’existait aucune éventualité. Somme toute, le créancier hypothécaire pouvait toujours prendre possession du bien‑fonds ou le vendre.

 

[39]           L’appelante s’oppose à ce genre de raisonnement en signalant l’arrêt Global Communications. Il est vrai qu’il semble que la structure du billet dans cette affaire soit semblable à celle du billet en l’espèce. Le billet, dans l’affaire Global Communications, obligeait le contribuable à payer le détenteur du billet, dans la mesure et au moment où il recevait un pourcentage des revenus nets provenant de la vente des données sismiques du contribuable ou de l’octroi de permis à leur égard ainsi qu’un pourcentage des revenus pétroliers et gaziers nets. Il n’y avait d’autres recours, selon le billet dans l’affaire Global Communications, que la liquidation des données sismiques et de toute concession pétrolière ou gazière détenue à l’échéance du billet. Malheureusement, il semble que dans l’arrêt Global Communications, la Cour n’ait pas tenu compte de cet aspect final du billet en décidant qu’il représentait une dette éventuelle. Par conséquent, cet arrêt ne nous aide pas particulièrement dans ce cas‑ci.

 

[40]           En conclusion, le tribunal d’instance inférieure est arrivé au bon résultat lorsqu’il a assimilé le billet à une dépense engagée.

 

3)      UNE OPÉRATION SANS LIEN DE DÉPENDANCE ET LA JVM

a)      Introduction

[41]           Plusieurs questions se posent en ce qui concerne l’analyse à laquelle la CCI a procédé au sujet de la question de savoir si une opération entre personnes sans lien de dépendance avait été conclue dans ce cas‑ci, ainsi qu’en ce qui concerne l’examen du caractère raisonnable des dépenses engagées par l’intimé à l’égard des données.

 

[42]           À mon avis, il est utile d’examiner d’abord le contexte juridique dans lequel s’inscrivent les arguments des parties sur ce point. Si une opération entre personnes sans lien de dépendance a été conclue, il s’agit alors de savoir si les dépenses que l’intimé a engagées à l’égard des données étaient raisonnables au sens de l’article 67 de la Loi. Aucune question de JVM ne se pose si les dépenses de l’intimé étaient raisonnables. Subsidiairement, si c’est une opération entre personnes ayant un lien de dépendance qui a été conclue, l’application de la présomption figurant à l’alinéa 69(1)a) de la Loi est enclenchée, c’est‑à‑dire que s’il a acquis l’actif pour un montant supérieur à la JVM, le contribuable est réputé avoir payé la JVM. Selon ce scénario, l’intimé a la charge d’établir selon la prépondérance de la preuve que la JVM de son intérêt dans les données était plus élevée que la JVM fixée par le ministre.

 

[43]           L’analyse effectuée par la CCI au sujet de la question de savoir si une opération entre personnes ayant un lien de dépendance a été conclue en l’espèce soulève trois questions. Premièrement, il s’agit de savoir si le tribunal d’instance inférieure a choisi la bonne opération pour procéder à son analyse fondée sur l’alinéa 69(1)a). Deuxièmement, il s’agit de savoir quelles entités, parmi celles qui étaient en cause dans l’opération, devaient n’avoir entre elles aucun lien de dépendance pour éviter l’application de la présomption figurant à l’alinéa 69(1)a) de la Loi. Troisièmement, il s’agit de savoir si les bonnes entités, dans la bonne opération, n’avaient en fait entre elles aucun lien de dépendance. Si je conclus à l’existence d’un lien de dépendance, je dois ensuite tenir compte de la JVM de l’intérêt de l’intimé dans les données.

 

b)      La bonne opération

[44]           La question de savoir quelle est l’opération qu’il convient d’analyser pour l’application de l’alinéa 69(1)a) de la Loi est une question de droit. Le tribunal d’instance inférieure devait répondre à cette question correctement; Housen, paragraphe 8.

 

[45]           Malheureusement, la décision d’instance inférieure n’indique pas clairement quelle opération la CCI considérait comme pertinente dans son analyse fondée sur l’alinéa 69(1)a). À certains moments dans ses motifs, il semble que le tribunal d’instance inférieure ait considéré l’opération pertinente comme étant celle par laquelle l’intimé avait souscrit à la coentreprise et avait signé la convention de souscription. Ainsi, aux paragraphes 57 et 58 de ses motifs, la CCI a dit ce qui suit :

[57]         En l’espèce, l’appelant a décidé d’accepter les conditions énoncées dans la notice, où il était précisé que CRC serait l’exploitant de la coentreprise et qu’elle achèterait un intérêt indivis dans les données de l’entreprise au nom des investisseurs. La notice indiquait que les activités d’exploration devaient avoir lieu dans l’Ouest du Canada. Par conséquent, même si M. Sapieha a élaboré le plan et a soumis la notice à l’appelant, c’est en fin de compte l’appelant qui a décidé d’engager des capitaux. Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’instruction pour indiquer que M. Sapieha avait influencé la décision de l’appelant ou de quelque participant à la coentreprise. La relation qu’il convient d’apprécier est celle qui existait entre CRC et l’appelant.

 

[58]         L’appelant a décidé de souscrire à la coentreprise et il a signé la convention de souscription, confirmant ainsi qu’il acceptait d’être lié par la convention de coentreprise et par la notice.

 

 

[46]           Cependant, d’autres passages de la décision d’instance inférieure pourraient être considérés comme indiquant que la CCI estimait que l’achat des données par l’intimé était l’opération pertinente sur le plan juridique. Par exemple, la CCI a dit au paragraphe 60 :

Aucun élément de preuve ne montre que l’appelant et CRC, par l’entremise de M. Sapieha, aient agi de concert sans intérêts distincts. Il n’y avait non plus aucun élément montrant que M. Sapieha avait unilatéralement imposé l’achat des données de l’entreprise à l’appelant ou qu’il avait le pouvoir de le faire. Il n’y avait pas de collusion pour gonfler le prix des données de l’entreprise, parce que l’appelant avait accepté les conditions énoncées dans la notice, lesquelles limitaient le prix d’achat au montant de l’évaluation la plus basse. Dans ce cas‑ci, il n’y a pas de partie qui soit en mesure d’imposer sa volonté aux autres et on ne peut pas dire que les parties agissaient de concert sans intérêts distincts. [Ibid., Beaumont v. The Queen, 86 DTC 6264; Special Risk Holdings Inc. v. The Queen, 86 DTC 6035.] J’ai donc conclu que l’achat par l’appelant de l’intérêt de 1,57 p. 100 dans les données de l’entreprise constituait une opération entre parties sans lien de dépendance.

 

 

[47]           Il semblerait donc que la CCI ait omis de déterminer l’opération à analyser pour l’application de l’alinéa 69(1)a).

 

[48]           De fait, afin de déterminer quelle est l’opération pertinente, le tribunal doit se rappeler qu’il se demande si l’opération a été conclue entre des personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance en vue de décider si, selon l’alinéa 69(1)a), le contribuable est réputé avoir effectué l’acquisition à la JVM. En l’espèce, l’acquisition en question se rapporte aux données. Par conséquent, l’opération cruciale est celle par laquelle les données ont été acquises. Comme j’en ai fait mention ci-dessus, les données ont été achetées par les coentrepreneurs, et notamment par l’intimé, conformément à la convention d’achat de la base de données technique.

 

c)      Les bonnes entités

[49]           Maintenant que j’ai déterminé la bonne opération, je dois déterminer laquelle des relations parmi les entités en cause dans cette opération est importante sur le plan juridique. Aux termes de la convention d’achat de la base de données techniques, l’opération mettait en cause CRC, pour le compte des coentrepreneurs, qui a acquis d’elle‑même un intérêt indivis de 30,35 p. 100 dans les données. Par conséquent, trois entités étaient en cause dans l’opération : l’intimé, qui était l’un des coentrepreneurs; CRC, à titre de « mandataire » des coentrepreneurs; et CRC, à titre de vendeur. CRC a toujours été représentée par M. Sapieha, l’unique actionnaire, dirigeant et administrateur de CRC.

 

[50]           Cet aperçu donne lieu à deux façons de formuler la question primordiale sur ce point. On pourrait se demander si le fait que l’intimé et CRC en sa qualité de vendeur n’avaient entre eux aucun lien de dépendance suffit pour que la présomption figurant à l’alinéa 69(1)a) ne s’applique pas en l’espèce. Subsidiairement, on pourrait se demander si la relation entre CRC en sa qualité de « mandataire » et CRC en sa qualité de vendeur doit également être une relation sans lien de dépendance afin d’éviter l’application de l’alinéa 69(1)a). À mon avis, indépendamment de la façon dont la question est libellée, il s’agit d’une question de droit, susceptible de contrôle et pour laquelle la norme de contrôle applicable est la décision correcte; Housen, paragraphe 8.

 

[51]           L’intimé fait valoir que le fait qu’il n’existait aucun lien de dépendance entre lui et CRC en sa qualité de vendeur est suffisant pour éviter les restrictions de l’alinéa 69(1)a). Somme toute, l’alinéa 69(1)a) ne s’applique pas à moins que « le contribuable [n’ait] acquis un bien auprès d’une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance » [non souligné dans l’original]. Or, CRC n’est pas le contribuable en cause. Elle est plutôt simplement le « mandataire » de l’intimé dans l’opération. En effet, en sa qualité de « mandataire », CRC n’était même pas acquéreur dans l’opération. Voir par exemple Adams c. Canada (appel de Robinson), [1998] A.C.F. no 397 (C.A.). Par conséquent, l’intimé conclut que la relation existant entre CRC en sa qualité de « mandataire » et CRC en sa qualité de vendeur n’est pas pertinente dans l’analyse concernant le lien de dépendance.

 

[52]           Je ne souscris pas à cette approche. À coup sûr, la convention d’achat de la base de données techniques prévoyait qu’elle était conclue entre :

[traduction]

COMPTON RESOURCE CORPORATION, une personne morale ayant un bureau à Calgary (Alberta), (ci‑après le vendeur)

 

D’UNE PART

 

ET

 

COMPTON RESOURCE CORPORATION, une personne morale ayant un bureau à Calgary (Alberta), achetant en sa qualité de mandataire des participants à la coentreprise de Compton Resource Corporation Oil and Gas Investment Fund, constituée conformément à la convention de coentreprise conclue le 31 décembre 1992, (ci‑après l’acquéreur)

 

                                                                                                                  D’AUTRE PART

[53]           Toutefois, la Cour ne doit pas simplement s’arrêter à la relation de droit existant entre le mandant et le mandataire; elle doit également tenir compte de ce qui est de fait arrivé dans l’opération. L’alinéa 251(1)b) prévoit ce qui suit :

 

251. (1) Pour l’application de la présente loi :

 

 

251. (1) For the purposes of this Act,

 

[…]

 

[…]

 

b) la question de savoir si des personnes non liées entre elles n’avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

 

(b) it is a question of fact whether persons not related to each other were at a particular time dealing with each other at arm’s length.

 

[Non souligné dans l’original.]

[emphasis added]

 

 

[54]           Dans la décision RMM Canadian Enterprises Inc. c. Canada, [1997] A.C.I. no 302, paragraphe 33, le juge Bowman (maintenant juge en chef), de la Cour de l’impôt, a dit ce qui suit au sujet de cette disposition :

Il est vrai que pour déterminer si des personnes ont entre elles un lien de dépendance, le tribunal doit tirer des conclusions de fait, mais la question de savoir si, compte tenu des faits, il existe en droit un lien de dépendance est nécessairement une question de droit. Même le législateur qui, sous réserve de restrictions constitutionnelles, est suprême et a le pouvoir de présumer qu’une chose en est une autre, ne peut pas transformer une question de droit en une question de fait. L’alinéa 251(1)b) veut simplement dire qu’en déterminant si, en droit, des personnes non liées ont entre elles un lien de dépendance, le fondement factuel de leur relation doit être déterminé. Le sens de l’expression « lien de dépendance » figurant dans la Loi est de toute évidence une question de droit. [Non souligné dans l’original.]

 

 

Eu égards aux faits, le lien existant entre un soi‑disant « mandataire » et un vendeur peut en effet influer sur la réponse à la question de savoir si une opération est conclue entre des personnes sans lien de dépendance.

 

d)      Analyse concernant le lien de dépendance

[55]           Le tribunal d’instance inférieure ne semble pas avoir examiné la question de savoir si la convention d’achat de la base de données techniques résultait d’une opération conclue entre des personnes sans lien de dépendance, compte tenu des relations existant entre l’intimé et CRC à titre de vendeur d’une part et CRC à titre de « mandataire » et CRC à titre de vendeur d’autre part. Je dois donc examiner la question à partir de zéro. Les prétentions des parties montrent qu’il n’est pas contesté que l’intimé et CRC à titre de vendeur n’avaient pas entre eux de lien de dépendance. Mon analyse mettra donc l’accent sur la relation qui existe entre CRC à titre de « mandataire » et CRC à titre de vendeur.

 

[56]           Dans l’arrêt Peter Cundill & Associates Limited (appelante) c. Sa Majesté la Reine (intimée), 91 DTC 5543 (C.A.F.) (Peter Cundill), la Cour a énoncé trois questions qui peuvent servir de cadre d’analyse de la question de savoir si les entités sont des personnes sans lien de dépendance :

a) l’existence d’une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

 

b) les parties à une transaction agissent de concert et n’ont pas d’intérêts distincts, et

 

c) le contrôle « de facto » (réel).

 

 

[57]           À mon avis, l’opération en question a été conclue entre des personnes ayant un lien de dépendance étant donné que « le même état d’esprit orientait la négociation pour les deux parties à l’opération ». Les conclusions tirées par le tribunal d’instance inférieure donnent à penser que l’intimé et, de fait, les coentrepreneurs dans l’ensemble ont fort peu contribué à l’élaboration des dispositions de la convention d’achat de la base de données techniques. Il est vrai que la notice exigeait que le prix d’achat des données ne soit pas plus élevé que le montant de l’évaluation la plus basse obtenue de trois évaluateurs indépendants chevronnés. Toutefois, cela semble être toute la mesure dans laquelle l’intimé exerçait un contrôle sur les conditions du marché. Au bout du compte, c’était M. Sapieha qui était chargé d’obtenir les évaluations. Les conclusions du tribunal d’instance inférieure ne laissent pas entrevoir que l’intimé aurait participé au choix des évaluateurs ou même qu’il aurait examiné leurs évaluations avant l’achat.

 

[58]           M. Sapieha, comme il l’a admis dans son témoignage, a plutôt simplement déterminé le prix d’achat en multipliant 21 000 000 $ par 30,35 p. 100. Comme je l’ai expliqué ci‑dessus, l’origine de ce montant de 21 000 000 $ est selon moi bien loin d’être claire. À coup sûr, ce chiffre ne correspond pas aux montants que les acquéreurs antérieurs avaient payés pour les données, y compris CRC. Somme toute, CRC a acheté de Seitel toute la bibliothèque de données, et non simplement les données, pour la somme de 21 000 000 $. En outre, ce montant de 21 000 000 $ n’avait rien à voir avec les évaluations que M. Sapieha avait obtenues. Or, ces évaluations représentaient à la rigueur le seul contrôle que les coentrepreneurs avaient sur le prix d’achat.

 

[59]           Mon avis, en ce qui concerne l’importance qu’il convient d’attacher au manque de participation de l’intimé à l’établissement des conditions du marché, est confirmé par l’arrêt de la Cour dans l’affaire Deptuck c. Canada, 2003 CAF 177 (Deptuck). Dans cette affaire, le demandeur avait soutenu que l’opération en question était une opération entre des personnes sans lien de dépendance parce que la société de personnes en question était composée de trois commanditaires. Or, ces commanditaires n’avaient aucun lien avec l’individu qui contrôlait le vendeur. En outre, ils détenaient neuf des douze unités de société en commandite émises par la société de personnes. Par conséquent, la société de personnes en question était assujettie au contrôle de droit de ces individus non liés à la date de l’opération. En examinant cet argument, la Cour a expliqué ce qui suit au paragraphe 18 :

Pour répondre laconiquement à cet argument, on peut dire qu’il n’existe pas de preuve que ces autres associés avaient un mot à dire dans la décision d’acquérir les biens au prix déclaré. [...]

 

 

[60]           Enfin, je tiens à faire certaines remarques au sujet des deux dernières considérations de l’analyse à effectuer selon l’arrêt Peter Cundill. Étant donné que CRC en sa qualité de « mandataire » et CRC en sa qualité de vendeur étaient une seule et même entité, on ne peut pas dire que les intérêts en jeu étaient distincts. De même, il a clairement été satisfait en l’espèce au dernier facteur de l’analyse énoncée dans l’arrêt Peter Cundill puisque M. Sapieha exerçait un contrôle réel sur CRC en sa qualité de « mandataire » et sur CRC en sa qualité de vendeur.

 

[61]           En conclusion, le tribunal d’instance inférieure a commis une erreur en ne tenant pas compte de la relation existant entre CRC en sa qualité de « mandataire » et CRC en sa qualité de vendeur lorsqu’il a analysé la question de savoir si la convention d’achat de la base de données techniques était le produit d’une opération conclue entre des personnes sans lien de dépendance. Étant donné que M. Sapieha était l’âme dirigeante des deux parties pour ce qui est de la question cruciale du prix d’achat des données, cette opération n’a pas été conclue entre des personnes sans lien de dépendance. Compte tenu de cette conclusion, il incombe à l’intimé de réfuter la JVM que le ministre a imputée à son intérêt dans les données.

 

e)      La JVM

[62]           Contrairement aux prétentions de l’intimé, la CCI n’a pas tiré de conclusions au sujet de la JVM des données ou de l’intérêt y afférent de l’intimé. La CCI a plutôt uniquement conclu que le montant de 100 000 $ que l’intimé avait payé pour son intérêt dans les données était raisonnable au sens de l’article 67 de la Loi. La CCI a dit aux paragraphes 73 et 74 :

[73]         Compte tenu de la nature fort spéculative de l’industrie de l’exploration pétrolière et gazière, du fait qu’il est fort difficile d’évaluer les données sismiques ainsi que de l’expérience de M. Sapieha dans l’industrie de l’exploration pétrolière et gazière, il ne convient pas ici de douter du jugement des participants. Il ne serait pas déraisonnable dans ce cas‑ci de payer un prix supérieur à la juste valeur marchande. Toutefois, je conclus qu’un homme d’affaires raisonnable qui se trouverait dans la même situation que l’appelant aurait payé au moins 100 000 $ en échange de l’intérêt indivis dans les données de l’entreprise et pour l’accès illimité que l’appelant a obtenu.

 

[74]         Étant donné qu’il s’agissait d’une opération entre parties sans lien de dépendance et que la dépense était raisonnable, la question de la juste valeur marchande n’entre pas en ligne de compte. [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[63]           Néanmoins, la CCI a brièvement examiné la preuve de M. Siebert, un expert cité par l’appelante sur la question de la JVM. À coup sûr, la preuve fournie par M. Siebert n’a pas convaincu la CCI. La CCI a donné à entendre que M. Siebert n’avait pas exprimé d’opinion au sujet de la JVM de l’intérêt de l’intimé dans les données. En outre, le tribunal d’instance inférieure a exprimé certaines préoccupations au sujet de l’évaluation des données dans leur ensemble effectuée par M. Siebert. Selon la CCI, M. Siebert n’avait pas tenu compte de la valeur des données aux fins de l’exploration et du fait qu’il y aurait pu y avoir un acheteur spécial. M. Siebert s’était également montré trop prudent dans ses prévisions relatives aux rentrées de fonds et aux taux d’actualisation.

 

[64]           L’appelante rappelle également à la Cour que dans le cas où l’on conclut à une opération entre des personnes ayant un lien de dépendance, il incombe à l’intimé d’établir que la JVM des données était plus élevée que celle que le ministre a présumée.

 

[65]           Comme l’appelante le signale, l’intimé n’a pas soumis, à l’instruction, de preuve d’expert au sujet de la question de la JVM. Toutefois, la CCI disposait sur ce point d’autres éléments de preuve qui pourraient être pertinents, notamment les valeurs obtenues par les trois évaluateurs de M. Sapieha, ainsi que la preuve des ventes antérieures de données. Toutefois, la juge de la CCI n’est arrivée à aucune conclusion au sujet de la question de la JVM; en effet, elle a conclu que l’opération avait été conclue entre des personnes sans lien de dépendance. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées, il faut déterminer la JVM des données acquises par l’intimé. Il s’agit d’une question de fait qu’un tribunal de première instance est mieux placé pour régler.

 

[66]           Par conséquent, l’affaire devrait être renvoyée à un juge différent de la CCI pour qu’il décide si l’intimé peut s’acquitter de l’obligation qui lui incombe d’établir selon la prépondérance des probabilités que la JVM de son intérêt dans les données était supérieure à la valeur que le ministre y a attribué. Dans cette autre instance, les parties devraient avoir la faculté de soumettre des éléments de preuve supplémentaires au sujet de la question de la JVM.

 

[67]           L’appel devrait être accueilli, les dépens étant adjugés à l’appelante; l’ordonnance de la CCI est annulée et l’affaire est renvoyée à un juge différent de la CCI pour qu’il décide si l’intimé peut prouver que la JVM des données est supérieure à celle à laquelle le ministre est arrivé.

 

 

 

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

     John M. Evans, juge »

 

 

« Je souscris aux présents motifs

     B. Malone, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   A‑85‑05

 

 

INTITULÉ :                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                       c.

                                                                       ALLAN MCLARTY

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          LE 20 MARS 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE SEXTON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                    LE JUGE EVANS

                                                                       LE JUGE MALONE

                                                                      

DATE DES MOTIFS :                                 LE 27 AVRIL 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wendy Burnham

Deborah Horowitz

POUR L’APPELANTE

 

 

Jehad Haymour

Carman McNary

Marek Jacina

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John J. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Fraser Milner Casgrain LLP

Calgary (Alberta)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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