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Date : 20050511

Dossier : A-543-04

Référence : 2005 CAF 176

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                         GARFIELD EDWARDS

                                                                                                                                                  intimé

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 mai 2005.

                             Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 11 mai 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                        LA JUGE SHARLOW


Date : 20050511

Dossier : A-543-04

Référence : 2005 CAF 176

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE ROTHSTEIN

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                         GARFIELD EDWARDS

                                                                                                                                                  intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                            (Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 11 mai 2005)

LA JUGE SHARLOW

[1]                Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration interjette appel de la décision non publiée par laquelle un juge de la Cour fédérale a accordé à l'intimé, le 27 septembre 2004, la suspension d'une mesure d'interdiction de séjour datée du 10 septembre 2004 et prise en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. La mesure d'interdiction de séjour devait être exécutée le 2 octobre 2004.


[2]                Le 13 septembre 2004, l'intimé a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une décision défavorable rendue relativement à l'examen des risques avant renvoi. La demande d'autorisation n'était pas en état lorsque sa requête de suspension de la mesure d'interdiction de séjour a été entendue, apparemment parce que les motifs de la décision n'avaient pas encore été reçus.

[3]                L'ordonnance du 27 septembre 2004 prévoit que la suspension devait expirer le 5 novembre 2004, à moins que deux événements soient survenus à cette date. Le premier événement était la mise en état de la demande d'autorisation par l'intimé. Le deuxième était le parachèvement de la demande de résidence permanente de l'intimé, dans laquelle il devait être parrainé par sa femme qui était résidente du Canada. Si ces deux événements survenaient avant le 5 novembre 2004, la suspension serait alors prolongée jusqu'à la décision sur la demande de résidence permanente de l'intimé.

[4]                Pour interjeter appel de l'ordonnance du 27 septembre 2004, le ministre se fonde sur l'article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui confère à la Cour d'appel la compétence pour connaître des appels interjetés des jugements définitifs et des jugements interlocutoires de la Cour fédérale.


[5]                Toutefois, l'ordonnance du 27 septembre 2004 est un jugement interlocutoire rendu relativement à une demande d'autorisation présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin de demander le contrôle judiciaire d'une décision rendue en vertu de cette loi. Habituellement les appels relatifs à ces ordonnances sont irrecevables en vertu de l'alinéa 72(2)e) de la Loi dont voici le texte :

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure - décision, ordonnance, question ou affaire - prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d'une demande d'autorisation.

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter - a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised - under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

(2) Les dispositions suivantes s'appliquent à la demande d'autorisation_:

(2) The following provisions govern an application under subsection (1):

                                       [...]

                                        ...

e)            le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d'appel.

(e)           no appeal lies from the decision of the Court with respect to the application or with respect to an interlocutory judgment.

[6]                Le 27 septembre 2004, lorsque l'ordonnance portée maintenant en appel a été rendue, une demande d'autorisation était en instance, même si elle n'était pas encore mise en état. À mon avis, l'article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales habilitait le juge à connaître de la requête en suspension présentée par l'intimé, afin de lui donner le temps de mettre en état sa demande d'autorisation, et de suspendre son renvoi au moins jusqu'à la décision sur la demande d'autorisation et au contrôle judiciaire en découlant, si l'autorisation était accordée. L'article 18.2 prévoit :


18.2 La Cour fédérale peut, lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, prendre les mesures provisoires qu'elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive.

18.2 On an application for judicial review, the Federal Court may make any interim orders that it considers appropriate pending the final disposition of the application.

[7]                Le motif de l'appel interjeté en l'espèce n'est pas que le juge n'a pas été régulièrement saisi de la requête en suspension, mais plutôt que l'ordonnance de suspension elle-même comporte un certain nombre d'erreurs de droit.

[8]                Il est vrai que l'ordonnance soulève à première vue un certain nombre de questions de droit. Premièrement, il y a lieu de se demander si le juge a commis une erreur de droit en accordant une suspension visant des questions extrinsèques à la demande d'autorisation, qui constitue le fondement de la requête en suspension. Deuxièmement, on peut se demander si le juge a commis une erreur de droit en accordant une suspension qui pourrait, selon ses termes, dépasser la date de la décision sur la demande d'autorisation ainsi que celle de la décision sur la demande de contrôle judiciaire en découlant, si l'autorisation est accordée. Troisièmement, on peut se demander si le juge a commis une erreur de droit en usurpant, de fait, le pouvoir du ministre d'examiner et d'autoriser une demande de dispense, pour des motifs humanitaires et de compassion, de l'obligation de présenter une demande de résidence permanente à l'extérieur du Canada, bien qu'à cet égard, il semble qu'on pourrait faire valoir qu'une personne ne doit pas être à l'extérieur du Canada pour être parrainée par son conjoint. Il reste également à trancher la question de l'étendue de la compétence inhérente de la Cour fédérale, comme il est expliqué dans l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626.


[9]                Il ne serait pas approprié d'exprimer une opinion sur ces questions parce que, même si l'ordonnance du 27 septembre 2004 comporte une erreur de droit, il s'agirait d'une erreur de droit commise dans le cadre d'un jugement auquel l'alinéa 72(2)e) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés s'applique. Le législateur a établi que ce genre d'ordonnance n'est pas susceptible d'appel.

[10]            En effet, il semblerait qu'un appel d'une telle ordonnance ne serait pas possible, même si le juge avait certifié une question : Ge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 234 N.R. 87 (C.A.F.). Il était question dans cette affaire de l'ancienne loi, la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2. La loi actuelle est probablement encore plus claire sur ce point.


[11]            La Cour a reconnu plusieurs situations où des appels de jugements interlocutoires dans des affaires d'immigration seront entendus, malgré l'alinéa 72(2)e) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Par exemple, dans l'arrêt Forde c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 210 N.R. 194 (C.A.), un arrêt antérieur à Liberty Net (cité ci-dessus), la Cour a autorisé le ministre à interjeter appel d'un sursis d'exécution accordé après que la décision définitive eut été rendue sur la demande de contrôle judiciaire. La Cour peut également autoriser l'appel d'une ordonnance interlocutoire refusant une demande de récusation fondée sur une allégation de partialité ou de crainte raisonnable de partialité : Re Zündel, [2004] A.C.F. no 1982 (QL) (C.A.F.). De plus, dans le cas extraordinaire de Subhaschandran c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 107 (QL) (C.A.F.), la Cour a autorisé le ministre à interjeter appel d'une ordonnance d'ajournement dans une affaire d'immigration parce que l'ordonnance a été interprétée comme un refus du juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser un sursis.

[12]            Le ministre soutient que l'appel en l'espèce doit être examiné parce que l'ordonnance portée en appel, tout comme l'ordonnance dans l'arrêt Forde, était une ordonnance qui échappait à la compétence conférée à la Cour fédérale par la loi. Accepter cet argument pourrait retirer tout sons sens à l'alinéa 72(2)e) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. En l'espèce, il n'y a aucun doute que la requête en suspension a été dûment présentée au juge, en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales. Par conséquent, le juge avait la compétence requise pour connaître de la requête en suspension et rendre une ordonnance sur celle-ci. Nous sommes tous d'avis que l'alinéa 72(2)e) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés empêche la Cour de connaître de l'appel du ministre.

[13]            L'appel sera annulé pour défaut de compétence.

« Karen R. Sharlow »

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-543-04

INTITULÉ :                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

appelant

et

GARFIELD EDWARDS

intimé

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 11 MAI 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                   (LES JUGES DESJARDINS, ROTHSTEIN, SHARLOW)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE

PAR :                                                  LA JUGE SHARLOW

COMPARUTIONS :

David Tyndale

Alison Engel-Yan

POUR L'APPELANT                         

Garfield Edwards

POUR L'INTIMÉ, POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L'APPELANT

Garfield Edwards

Mississauga (Ontario)

POUR L'INTIMÉ, POUR SON PROPRE COMPTE


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