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Date : 20000626


Dossiers : A-27-99

A-28-99

A-29-99

A-30-99


CORAM :      LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROBERTSON

         MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     IMPERIAL PARKING LIMITED,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.




Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le mercredi 14 juin 2000

JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 26 juin 2000


MOTIFS DU JUGEMENT DU:      JUGE ROBERTSON, J.C.A.

AUXQUELS A SOUSCRIT :      MADAME LE JUGE SHARLOW J.C.A.

MOTIFS CONCOURANTS DU :      JUGE ISAAC J.C.A.





Date : 20000626


Dossiers : A-27-99

A-28-99

A-29-99

A-30-99


CORAM:      LE JUGE ISAAC     

         LE JUGE ROBERTSON

         MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     IMPERIAL PARKING LIMITED,

     appelante,

     - et -

                    

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.




     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ISAAC

[1]          J'ai eu le privilège de lire le projet des motifs de jugement de mon collègue, le juge Robertson, dans le présent appel. Je reconnais comme lui l'existence d'une fourniture taxable au titre de la fourniture d'emplacements de stationnement et je suis d'accord avec la façon dont il propose de trancher l'appel. Toutefois, je préfère m'en tenir à des motifs plus simples et moins érudits.

[2]          Les motifs que le juge de la Cour canadienne de l'impôt a invoqués pour en arriver à sa conclusion sont énoncés aux paragraphes 6 et 7 de sa décision :

La Cour fait face à un groupe distinct, à savoir les personnes qui ont payé les tarifs indiqués sur le panneau ou le tarif réduit indiqué à l'endos de l'avis d'infraction lorsque le paiement était fait à l'intérieur de 72 heures. La Cour est d'avis que ces deux tarifs indiqués sur le panneau et l'avis d'infraction représentent les offres de l'appelante. Chaque personne qui stationne son véhicule accepte l'offre qui figure sur le panneau. L'offre consiste en un " tarif par jour ou partie de jour ". L'acceptation par le payeur crée un contrat prévoyant la fourniture d'un emplacement de stationnement, la contrepartie étant le montant inscrit sur le panneau ou le montant réduit indiqué sur l'avis d'infraction.
Dans chaque parc de stationnement, il était courant que des personnes se stationnent sans ticket ou dépassent le temps alloué par celui-ci. La perception de sommes d'argent dans les cas de stationnements irréguliers faisait partie des activités commerciales normales de l'appelante. Par conséquent, les montants en question se rapportent à des fournitures taxables1.

[3]          Je suis d'accord avec ces motifs et, par conséquent, je trancherais les appels comme mon collègue le juge Robertson l'a proposé. Une copie des présents motifs sera versée au dossier de la Cour dans les appels A-28-99, A-29-99 et A-30-99 et sera considérée comme les motifs du jugement dans chaque cas.

     « Julius A. Isaac »

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.





Date : 20000626


Dossiers : A-27-99

A-28-99

A-29-99

A-30-99


CORAM :      LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROBERTSON

         MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     IMPERIAL PARKING LIMITED,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.



     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROBERTSON


[1]          Il s'agit d'une autre affaire fiscale dont le sort dépend non pas des principes de droit fiscal ou d'interprétation législative, mais plutôt de l'application des principes contractuels. Il s'agit d'un cas classique, dans la mesure où il porte sur la question de l' « offre et de l'acceptation » dans le contexte d'un parc de stationnement sans personnel de surveillance où le paiement peut être effectué uniquement par l'achat d'un ticket horodaté depuis un distributeur situé à l'entrée du parc. La situation est différente de celle qui était examinée dans la jurisprudence précédente en ce que c'est le propriétaire du parc de stationnement plutôt que celui d'un véhicule qui plaide ici absence de contrat. Les faits essentiels sont les suivants.

[2]          Les appels réunis en l'espèce découlent d'un jugement en date du 18 décembre 1998 par lequel la Cour canadienne de l'impôt a rejeté les appels de l'appelante à l'égard de quatre nouvelles cotisations que le ministre du Revenu national a établies en application de la Loi sur la taxe d'accise. L'appelante exploite des parcs de stationnement un peu partout au Canada; certains de ces parcs sont surveillés par un préposé, tandis que d'autres sont entièrement automatisés. À l'entrée de chacun des parcs automatisés se trouve un panneau présentant une foule de renseignements très faciles à lire. La partie supérieure du panneau indique le tarif horaire, le tarif de jour et le tarif de soir ainsi que la procédure à suivre, qui consiste à prendre un ticket du distributeur et à le placer sur le tableau de bord du véhicule. Cette partie du panneau comporte ensuite une stipulation précisant que l'appelante n'est pas responsable du véhicule ou de son contenu et qu'elle loue simplement des emplacements. Les clients éventuels sont prévenus que, si aucun ticket valide (dont la période de validité n'a pas expiré) n'est exhibé sur le tableau de bord, un avis d'infraction sera délivré et le véhicule pourra être remorqué. Par ailleurs, la partie inférieure du panneau porte l'inscription suivante :

         [TRADUCTION] VEUILLEZ LIRE ATTENTIVEMENT... VOUS ÊTES SUR UNE PROPRIÉTÉ PRIVÉE
         AUX TERMES DE CE PANNEAU, IMPERIAL PARKING LIMITED OFFRE DES EMPLACEMENTS DE STATIONNEMENT PUBLICS. LE STATIONNEMENT DE VOTRE AUTOMOBILE DANS CE PARC SIGNIFIE QUE VOUS ACCEPTEZ LA PRÉSENTE OFFRE. IMPERIAL PARKING LIMITED RENONCE PAR LES PRÉSENTES À TOUTES LES EXIGENCES EN MATIÈRE D'AVIS ET D'ACCEPTATION. SI VOUS STATIONNEZ VOTRE AUTOMOBILE, MAIS QUE VOUS N'EXHIBEZ PAS DE TICKET OU DE LAISSEZ-PASSER VALIDE, LE TARIF EST DE 50 $ PAR JOUR OU PARTIE DE JOUR ET VOTRE AUTOMOBILE POURRA ÊTRE REMORQUÉE. DANS LES DEUX CAS, SI VOUS STATIONNEZ VOTRE AUTOMOBILE DANS CE PARC, IMPERIAL PARKING LIMITED CONSIDÈRE QUE VOUS AVEZ ACCEPTÉ SON OFFRE CONCERNANT L'OCCUPATION D'UN EMPLACEMENT DE STATIONNEMENT. SI VOUS N'ÊTES PAS D'ACCORD AVEC CES CONDITIONS, NE STATIONNEZ PAS VOTRE AUTOMOBILE DANS CE PARC. EN PERCEVANT LA SOMME DE 50 $, IMPERIAL PARKING LIMITED NE RENONCE PAS À SON DROIT DE REMORQUER UNE AUTOMOBILE STATIONNÉE DANS CE PARC SANS TICKET OU LAISSEZ-PASSER VALIDE EXHIBÉ SUR LE TABLEAU DE BORD.

[3]          Un avis d'infraction est établi à l'égard des véhicules qui sont stationnés dans le parc sans exhiber de ticket ou dont le ticket n'est plus valide. Dans cet avis, l'appelante réclame à titre d'indemnité un montant de 50 $ qui est ramené à 25 $ en cas de paiement dans les 72 heures suivant l'établissement de l'avis. L'avis d'infraction indique également que, si le montant n'est pas payé, le véhicule pourra être remorqué en cas de manquement ultérieur. En fait, seuls les « récidivistes » voient leur véhicule remorqué. L'appelante n'a jamais poursuivi en justice une personne qui n'a pas payé le montant exigé selon un avis d'infraction. Toutefois, elle utilise les services d'une agence de recouvrement afin d'encourager les contrevenants à payer lesdits montants.

[4]          La question qui se pose dans les appels interjetés en l'espèce est celle de savoir si les montants que l'agence de recouvrement perçoit et remet à l'appelante en application de l'avis d'infraction constituent la contrepartie d'une « fourniture taxable » assujettie à la TPS. L'appelante soutient qu'aucun lien contractuel n'est créé entre elle et les personnes qui stationnent leurs véhicules sans acheter de ticket ou dont le véhicule demeure stationné alors que le ticket n'est plus valide. En raison de l'absence de lien contractuel, l'appelante fait valoir que les sommes d'argent versées conformément à un avis d'infraction constituent une indemnité pour intrusion qui n'est pas une fourniture taxable selon la Loi. Par conséquent, aucun montant ne doit être payé au titre de la TPS à l'égard des montants en question. Au même moment, l'appelante admet que les sommes d'argent reçues à titre de dommages-intérêts pour bris de contrat sont assujetties à la TPS conformément à l'article 182 de la Loi.

[5]          À l'instar du juge de la Cour canadienne de l'impôt, j'estime que les sommes d'argent que l'appelante touche par suite de la délivrance d'avis d'infraction sont assujetties à la TPS. À mon humble avis, l'argument selon lequel aucun lien contractuel n'existe entre ceux qui omettent d'acheter un ticket ou dont le véhicule reste stationné après le délai prévu n'est pas fondé sur le plan juridique.

[6]          Dès le départ, j'aimerais indiquer clairement que je refuse de faire un rapprochement avec la jurisprudence concernant la formation d'un contrat dans le contexte de l'exploitation d'un parc de stationnement ou de faire une distinction avec les affaires qui sont invariablement tranchées en fonction de faits qui ne sont nullement pertinents en l'espèce : voir, par exemple, City Parking Services v. Murray et al, 99 Nfld. P.E.I.R. et 315 A.P.R. 11, et Controlled Parking Systems Ltd. v. Sedgewick, [1980] 4 WWR 425. Voir également, de façon générale, Heffron v. Imp. Parking Co. (1974), 46 D.L.R. (3d) 642 (C.A. Ont.); Smith (Samuel) & Sons Ltd. v. Silverman (1961), 29 D.L.R. (2d) 98 (C.A. Ont.); Palmer v. Toronto Medical Arts Bldg. Ltd. (1960), 21 D.L.R. (2d) 181 (C.A. Ont.); Mitchell v. Silverman, [1952] O.W.N. 130 (C.A.); Bata v. City Parking Can. Ltd. (1973), 43 D.L.R. (3d) 190 (C.A. Ont.); Brown v. Toronto Auto Parks Ltd., [1955] 2 D.L.R. 525 (C.A. Ont.); Adams (Durham) v. Trust Houses, [1969] 1 Lloyd's Rep. 380; Ashby v. Tolhurst, [1937] 2 K.B. 242 (C.A.).

[7]          Afin de faciliter mon analyse, je vais présumer qu'il y a lieu de faire une distinction entre les personnes qui n'achètent pas de ticket et celles qui en achètent, mais qui dépassent le temps alloué par celui-ci. Dans le cas de ce dernier groupe, l'appelante admet qu'un lien contractuel est créé au moment où un ticket est acheté. Toutefois, elle soutient que le lien contractuel prend fin après l'expiration de la période visée par l'achat. Par conséquent, l'acheteur en question serait un intrus. À mon avis, cet argument ne peut être retenu pour les raisons suivantes.

[8]          Je ne connais qu'un seul type de contrat qui pourrait être annulé après l'expiration d'une certaine période : il s'agit de la convention d'option, qui permet à une partie de contraindre l'autre à remplir ses obligations en découlant, pourvu que l'option soit exercée au plus tard à une date prescrite. Exception faite de ce type de contrat, il est certain, du point de vue juridique, que les droits et obligations contractuels sont éteints, par exemple, lorsque chacune des parties a entièrement exécuté ses obligations, lorsqu'il y a résiliation de part et d'autre ou lorsque les règles relatives aux contrats inexécutables sont jugées applicables. En cas de manquement important de la part de l'une des parties, il est souvent mentionné que la partie innocente n'est pas tenue de remplir ses obligations pour l'avenir. Cependant, cela ne signifie pas que cette partie perd le droit d'intenter une action pour inexécution de contrat ou que le contrat n'existe plus. Elle peut encore demander une indemnité selon les clauses du contrat. Dans la présente affaire, le fait que la période pour laquelle le ticket de stationnement a été acheté a expiré ne signifie pas que le contrat a pris fin.

[9]          Ainsi, je conviens de louer un camion à un taux de 50 $ l'heure pour une période de trois heures et de retourner le véhicule à la fin de cette période. Le fait que je retourne le camion deux heures plus tard ne signifie pas que le contrat de location a pris fin et que je ne puis être poursuivi pour inexécution de contrat. Mon obligation de payer une indemnité pour bris de contrat demeure intacte, tout comme le droit du locateur de faire valoir les dispositions contractuelles régissant ce type de manquement. Par conséquent, si le contrat de location comportait une clause m'obligeant à payer 60 $ l'heure pour chaque heure de retard, le locateur pourrait invoquer cette disposition au moment de réclamer une indemnité pour bris de contrat plutôt que de se fonder uniquement sur les principes de common law régissant l'évaluation des dommages.

[10]          Interprétée correctement, l'entente énoncée sur le panneau de l'appelante signifie que l'automobiliste paiera un montant maximal de 50 $ par jour pour l'utilisation d'un emplacement de stationnement et un montant inférieur si les conditions du contrat qui concernent le paiement du tarif horaire, du tarif de jour ou du tarif de soir sont respectées. Les conditions du contrat sont claires. Si vous voulez payer un montant inférieur pour un emplacement de stationnement, achetez un ticket pour la période nécessaire. Si vous dépassez ce temps, vous paierez davantage que le montant minimal et il se peut également que votre véhicule soit remorqué. Bref, l'automobiliste qui dépasse le temps prescrit demeure lié par contrat envers l'appelante jusqu'à ce que celle-ci reçoive le paiement conformément aux conditions dudit contrat.

[11]          À vrai dire, il n'est pas nécessaire que j'examine le lien juridique entre l'appelante et ceux qui n'achètent pas de ticket dès le départ afin de trancher les appels en l'espèce. En effet, l'appelante n'a nullement cherché à faire la distinction entre les personnes qui utilisaient l'emplacement de stationnement après la période allouée et celles qui n'achetaient tout simplement pas de ticket. L'existence d'un lien contractuel entre l'appelante et une catégorie de clients suffit pour trancher les appels. Cela étant dit, il m'apparaît juste d'expliquer pourquoi l'argument de l'appelante ne peut être retenu même si je présume que des sommes d'argent sont recouvrées uniquement des personnes qui n'achètent pas de ticket.

[12]          L'appelante admet d'abord que le panneau placé à l'entrée de chaque parc de stationnement constitue une offre de passer un contrat selon des conditions clairement affichées. Elle ajoute que l'acceptation de cette offre doit être démontrée par la conduite du chauffeur de véhicule et que cette conduite doit être claire et sans équivoque. Personne ne saurait mettre en doute ces propositions juridiques. C'est le raisonnement suivant de l'appelante qui est fautif. L'appelante allègue que le fait de stationner un véhicule à l'un de ses emplacements sans acheter de ticket indique le refus de l'offre affichée sur le panneau placé à l'entrée. À son avis, cette conduite indique davantage, aux yeux d'une personne raisonnable, l'intention de ne pas conclure de contrat avec elle. L'appelante ajoute qu'aucune personne raisonnable ne conclurait qu'un automobiliste qui a utilisé un emplacement du parc de stationnement qu'elle exploite sans acheter de ticket avait l'intention d'accepter les conditions de l'offre affichées sur le panneau. Selon elle, aucune personne raisonnable n'accepterait de payer 50 $ par jour pour stationner son véhicule et courir le risque de voir son véhicule remorqué, alors qu'elle pourrait payer un montant nettement inférieur et éliminer entièrement ce risque. De l'avis de l'appelante, la seule conclusion raisonnable, c'est que la personne qui stationne son véhicule sans acheter de ticket n'a pas l'intention de payer quoi que ce soit à cette fin et espère simplement ne pas se faire prendre ou voir son véhicule remorqué. Bref, l'appelante soutient que ces personnes sont de simples intrus. Tel ne peut être le cas, pour au moins quatre raisons.

[13]          D'abord, l'argument de l'appelante est fondé sur la conviction erronée selon laquelle le droit ne reconnaît pas facilement les ententes insensées. En droit, ce n'est tout simplement pas vrai. Les personnes qui pensent ce que d'aucuns pourraient considérer comme une entente insensée sont liées par contrat jusqu'à ce qu'elles soient en mesure de convaincre le tribunal qu'elles devraient être libérées de leurs obligations selon l'une ou l'autre des doctrines reconnues en equity, soit l'abus, la contrainte ou l'incapacité. Encore là, il n'y a aucune garantie que le tribunal annulera le contrat ab initio. En tout état de cause, la partie qui stationne son véhicule à l'un des emplacements de l'appelante et omet intentionnellement d'acheter un ticket ne peut invoquer l'équité, parce que son attitude n'a pas été irréprochable. De plus, dans les circonstances dépeintes par l'appelante, il n'y a pas d'inégalité touchant le pouvoir de négociation en ce qui concerne ceux qui décident d'occuper un emplacement de stationnement sans payer. Bien que l'appelante considère la personne qui stationne son véhicule sans acheter de ticket comme un « intrus » , l'étiquette qui convient le mieux est celle du « joueur » .

[14]          En deuxième lieu, l'appelante soutient qu'aucune personne raisonnable n'accepterait les conditions affichées sur son panneau. Elle conclut donc implicitement que les conditions du contrat sont un tant soit peu déraisonnables. En réalité, l'automobiliste qui dépasse le délai alloué par un parcomètre paie au moins 25 $ dans la ville d'Ottawa et court le risque que son véhicule soit remorqué. Dans la présente affaire, les automobilistes qui dépassent la période de stationnement allouée à un emplacement de l'appelante paient un montant minimal de 25 $ et un montant maximal de 50 $, tout comme ceux qui utilisent le système de façon abusive en omettant dès le départ d'acheter un ticket. Ceux qui décident de courir le risque ne peuvent se plaindre lorsqu'ils reçoivent un avis d'infraction ou que leur véhicule est remorqué. Compte tenu des intérêts commerciaux légitimes de l'appelante dans le cadre de l'exploitation d'un parc de stationnement entièrement automatisé et du problème que soulève l'utilisation du système de l'honneur pour poursuivre des activités commerciales, il ne m'apparaît pas évident que les conditions énoncées à l'entrée des parcs de stationnement de l'appelante sont abusives ou déraisonnables. Il se peut qu'elles aient pour but d'encourager les automobilistes à payer dès le départ, ce qui serait un objectif commercial légitime.

[15]          En troisième lieu, l'appelante allègue en réalité que le refus de payer prouve l'intention de ne pas conclure de contrat exécutoire. Cet argument ne tient pas compte de la distinction entre l'intention de créer des liens juridiques et l'intention de respecter ses obligations contractuelles. La première intention concerne la formation d'un contrat, tandis que l'autre porte sur la question de son exécution. La personne qui convient d'acheter des marchandises et qui les reçoit demeure tenue par contrat d'en payer le prix, que cette intention ait existé ou non. Par conséquent, la question de savoir si les personnes qui reçoivent des produits ou des services avaient ou non l'intention d'en payer le prix n'est pas pertinente quant à la question de la formation d'un contrat.

[16]          La dernière raison pour laquelle je rejette l'argument de l'appelante est le fait que la preuve de l'intention de passer un contrat est une preuve objective; par conséquent, même lorsqu'une personne croit qu'elle n'est pas liée, la formation d'un contrat sera reconnue en droit, sauf si l'autre partie contractante savait que tel n'était pas le cas. Selon la théorie objective de la formation d'un contrat, le critère à appliquer est la question de savoir s'il y a eu acceptation sans équivoque d'une offre. Dans le cas d'un parc de stationnement automatisé, l'acceptation doit se déduire de la conduite, car c'est la seule façon de déterminer objectivement l'intention dans les circonstances de la présente affaire. À mon avis, la conduite sans équivoque qui constitue une acceptation de l'offre d'emplacements de stationnement de l'appelante a lieu lorsque le chauffeur quitte le parc après y avoir stationné son véhicule. Cette interprétation est renforcée par le texte du grand panneau qui se trouve à l'entrée du parc de l'appelante. C'est le moment où il est permis de présumer que l'automobiliste a accepté l'offre de l'appelante. En tout temps avant ce moment, le chauffeur peut démontrer qu'il refuse l'offre de l'appelante en s'éloignant. Ceux qui achètent un ticket ont forcément accepté les conditions du contrat de l'appelante lorsqu'ils laissent leur véhicule stationné au parc de l'appelante. Dans le cas de ceux qui stationnent leurs véhicules sans payer, le défaut de paiement indique davantage l'intention de commettre un manquement à un contrat que celle de refuser d'en conclure un.

[17]          Pour les motifs exposés ci-dessus, j'en arrive à la conclusion que les sommes d'argent que touche l'appelante en réponse à un avis d'infraction constituent une fourniture taxable et sont donc assujetties à la TPS. Comme toutes les parties l'ont admis, le juge de la Cour canadienne de l'impôt n'a pas tenu compte du fait qu'elles s'étaient entendues pour que l'appel dans le dossier 98-351 (GST)G (A-28-99) soit accueilli en partie, de façon à donner effet à des crédits de taxe sur les intrants de 16 261,11 $ ainsi qu'à une réduction correspondante des intérêts et pénalités se rapportant à ce montant. À tous autres égards, les quatre appels devraient être rejetés et un seul groupe de dépens devraient être accordés. L'appel interjeté dans le dossier A-27-99 étant l'appel principal, une

    


copie des présents motifs sera versée dans les trois autres dossiers et sera considérée comme les motifs de la Cour dans chacun d'eux.


     « J.T. Robertson »

     J.C.A.


« Je souscris aux motifs du juge Robertson.

K. Sharlow, J.C.A. » .




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.



Date : 20000626


Dossiers : A-27-99

A-28-99

A-29-99

A-30-99

Ottawa (Ontario) le 26 juin 2000.

CORAM :      LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROBERTSON

         MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     IMPERIAL PARKING LIMITED,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     JUGEMENT

     Les appels interjetés dans les dossiers A-27-99, A-29-99 et A-30-99 sont rejetés. L'appel interjeté dans le dossier A-28-99 est accueilli en partie et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national au motif que l'appelante a droit à des crédits de taxe sur les intrants au montant de 16 261,11 $ ainsi qu'à une réduction correspondante des intérêts et pénalités se rapportant à ce montant. L'intimée a droit à un groupe de dépens relativement aux quatre appels.


     « Julius A. Isaac »


     J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



Nos DU GREFFE :                  A-27-99

                         A-28-99

                         A-29-99

                         A-30-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          IMPERIAL PARKING LIMITED

                                 c.

                         SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :              14 juin 2000
MOTIFS DU JUGEMENT DU :          JUGE ROBERTSON, J.C.A.
AUXQUELS A SOUSCRIT :          MADAME LE JUGE SHARLOW, J.C.A.
MOTIFS CONCOURANTS DU :          JUGE ISAAC, J.C.A.

EN DATE DU :                  26 juin 2000


ONT COMPARU :

Me Werner H.G. Heinrich                      POUR L'APPELANTE
Me Patricia Babcock                          POUR L'INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Koffman Kalef

Vancouver (Colombie-Britannique)                  POUR L'APPELANTE

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                          POUR L'INTIMÉE
__________________

1      Motifs du jugement, dossier d'appel, page 27.

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