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Date : 20060313

Dossier : A‑82‑05

Référence : 2006 CAF 116

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

TREVOR JACOBS

appelant

 

et

 

SPORTS INTERACTION

intimée

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 mars 2006.

Jugement prononcé à l’audience à Montréal (Québec), le 13 mars 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                  La juge Desjardins

 


Date : 20060313

Dossier : A‑82‑05

Référence : 2006 CAF 116

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

TREVOR JACOBS

appelant

 

et

 

SPORTS INTERACTION

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 13 mars 2006)

 

LA JUGE DESJARDINS

[1]               Il s’agit d’un appel de la décision par laquelle la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par l’intimée et a déclaré qu’une décision d’un arbitre nommé en vertu du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, était invalide pour défaut de compétence constitutionnelle (Sports Interaction c. Trevor Jacobs (2005), 268 F.T.R. 218, 2005 CF 123).

 

[2]               Ni l’appelant ni l’intimée n’ont contesté la compétence de l’arbitre lorsqu’ils ont comparu devant lui.

 

[3]               Dans sa demande de contrôle judiciaire, l’intimée a allégué que la décision de l’arbitre était manifestement déraisonnable. Comme autre motif, elle a fait valoir que « […] en vertu de l’article 88 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5, l’arbitre n’avait pas compétence pour juger l’affaire ».

 

[4]               La décision de la juge des requêtes reposait sur une analyse de la compétence constitutionnelle en matière de relations de travail. Un argument fondé sur l’article 88 de la Loi sur les Indiens comme celui dont il est question en l’espèce déclenche inévitablement une analyse du partage des pouvoirs.

 

[5]               Il ne convenait donc pas qu’en l’absence de l’avis requis par l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, la juge des requêtes se prononce sur l’inapplicabilité constitutionnelle du Code canadien du travail (Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), [2004] 3 R.C.F. 436, par. 74 à 81 (C.A.F.), la juge Sharlow, dissidente : la majorité ne s’est pas prononcée sur ce point; Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, Renvoi relatif à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, [1997] 3 RC.S. 3, par. 263-264). Ce dernier arrêt a trait à une contestation en vertu de la Charte, mais les mêmes considérations s’appliquent aux questions constitutionnelles fondées sur le partage des pouvoirs (Offshore Logistics Inc. c. Halifax Longshoremen's Association, section locale 269 (2000), 257 N.R. 338, par. 57 (C.A.F.)).

 

[6]               Dans l’arrêt Northern Telecom c. Travailleurs en communications du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115, p. 139‑140, le juge Dickson (alors juge puîné) a dit ce qui suit :

Je suis donc enclin à penser qu'en l'absence de preuve des faits essentiels, cette Cour serait malavisée de tenter de résoudre la question d'ordre constitutionnel sous‑entendue dans la question sur laquelle l'autorisation d'appel a été accordée. Il ne faut pas oublier qu'un litige constitutionnel ne s'arrête pas aux intérêts privés des deux parties devant la Cour. Par définition, les intérêts des deux paliers de gouvernement sont également concernés. En l'espèce, l'appelante n'a pas demandé que la question constitutionnelle soit arrêtée en conformité de la Règle 17 des Règles de la Cour suprême. Si l'appelante avait l'intention de contester l'applicabilité constitutionnelle du Code canadien du travail, elle devait s'assurer que la question constitutionnelle soit valablement soulevée. Or comme aucune question constitutionnelle n'a été définie et comme les procureurs généraux respectifs n'ont pas été avisés du débat, la Cour n'a pas les garanties qu'offre la procédure qui accompagne habituellement ce genre de litiges ni le bénéfice des interventions des gouvernements concernés. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[7]               Le matin de l’audience, l’avocat de l’intimée a déposé une lettre du procureur général du Canada indiquant qu’on lui avait signifié une copie de la demande de contrôle judiciaire et qu’il n’avait pas l’intention de comparaître à l’audience. La signification d’une copie de la demande de contrôle judiciaire n’est pas un avis suffisamment explicite aux fins de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, surtout en l’espèce, où l’on a brièvement invoqué, sans beaucoup d’explication, l’article 88 de la Loi sur les Indiens comme autre motif du contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, les procureurs généraux des provinces n’ont pas reçu signification d’un avis de question constitutionnelle comme l’exige l’article 57.

 

[8]               L’affaire sera donc renvoyée à la Cour fédérale pour nouvelle décision. L’avis de question constitutionnelle prévu à l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales devrait être notifié par l’intimée puisque c’est elle qui invoque l’article 88 de la Loi sur les Indiens et, par conséquent, qui soulève la question constitutionnelle (voir aussi la formule 69). Au besoin, la juge des requêtes tranchera alors les autres questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire. 

 

[9]               Le présent appel sera accueilli avec dépens, la décision de la juge des requêtes sera annulée et l’affaire sera renvoyée à la Cour fédérale pour la tenue d’une nouvelle audience une fois que l’intimée aura notifié un avis en bonne et due forme conformément à l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

    « Alice Desjardins »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A‑82‑05

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA JUGE TREMBLAY‑LAMER DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 26 JANVIER 2005, DOSSIER NO T‑1411‑04.

 

INTITULÉ :                                                                           TREVOR JACOBS c. SPORTS INTERACTION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 13 MARS 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE NOËL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LA JUGE DESJARDINS

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chantal Poirier

POUR L’APPELANT

 

Dan Goldstein

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matteau Poirier avocats Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANT

 

Schneider et Gaggino s.e.n.c.

Dorval (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 


Date : 20060313

Dossier : A‑82‑05

Montréal (Québec), le 13 mars 2006

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

TREVOR JACOBS

appelant

et

 

SPORTS INTERACTION

Intimée

 

JUGEMENT

 

                        L’appel est accueilli avec dépens, la décision de la Cour fédérale est annulée et l’affaire est renvoyée à la Cour fédérale pour la tenue d’une nouvelle audience sur la question constitutionnelle soulevée dans la demande de contrôle judiciaire si un avis valide d’une question constitutionnelle est notifié par l’intimée conformément à l’article 57, et, si besoin est, sur les autres questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire.

 

« Alice Desjardins »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

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