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Date : 20000713


Dossier : A-491-95



Entre


     LA SOCIÉTÉ FRATERNELLE ACTRA

     appelante

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée






MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS




L'officier taxateur CHARLES E. STINSON


[1]      L'appelante, ayant eu gain de cause avec allocation des dépens en appel comme devant la Cour canadienne de l'impôt, a présenté un mémoire de frais au montant total de 19 221,04 $, dont les articles suivants sont encore pendants :



Article

     Service à taxer

Somme

déboursée

Colonne du tarif et unités

Taux tarifaire

     18

Préparation du dossier d'appel

Avocat principal

3,2 heures @ 200,00 $ =          640,00 $

Avocat intermédiaire

23,5 heures @ 120,00 $ =          2 820,00 $

Avocat auxiliaire

7 heures @ 90,00 $ =          630,00 $

Étudiant en droit

34heures @ 50,00 $ =      1 700,00 $

                 5 790,00 $





5 790,00 $





III (1 unité)




     100,00 $

22a)

pour le premier avocat, taux horaire pour 1 journée de 8 heures - 18 mars 1997

Avocat principal

8 heures @ 200,00 $ =          1 600.00 $



1 600,00 $



III (3 unités)



2 400,00 $

22b)

pour le second avocat, sur directive de la Cour : 50 % du montant calcul à l'alinéa a) pour 1 journée de 8 heures - 18 mars 1997

Avocat intermédiaire

8.5 heures @ 120,00 $ =          1 020,00 $




1 020.00 $




50 % du montant a)




1 200.00 $

26

Taxation des dépens

III (6 unités)

600,00 $

Débours :

Transmissions par télécopie (envois locaux : 1,00 $ par page; interurbains : 3,00 $ par page; réception : 0,50 $ par page


     155,00 $

Photocopie (7 973 pages @ 0,30 $))

Déplacements

Martineau Provencher - Actuaire (consultation et comparution durant la période de juin 1995 à juillet 1995)

     2 391,98 $

     281,90 $



     753,28 $


L'argumentation de la Couronne

[2]      La Couronne soutient que l'article 18 ne se justifie que si les avocats de l'appelante ont compilé le dossier d'appel. Or, c'est la Couronne qui l'a compilé en l'espèce : il n'y a donc rien à taxer. Les avocats de l'une et l'autre parties devaient examiner et approuver ce dossier mais, dans le contexte des règles 400(3), 407 et 409, cela ne vaut pas préparation au sens de l'article 18. En principe, l'officier taxateur est investi du pouvoir discrétionnaire de décider de la fourchette des frais d'avocat et des débours. Étant donné cependant les arguments infra de l'appelante, seule la Cour a le pouvoir d'appliquer la règle des lacunes.

[3]      Pour ce qui est de l'article 22, la Couronne soutient que la Cour n'a donné aucune directive spéciale quant aux frais pour un second avocat, et qu'il faut rejeter la somme de 1 200,00 $ réclamée à ce titre. Pour le premier avocat, elle concède 6,5 heures, acceptant à cet égard les relevés de la Cour qui indiquent 6 heures 20 minutes, pause-déjeuner y comprise, à raison de 2 unités par heure. Il s'agissait d'une simple affaire de droit fiscal portant sur des réserves ou excédents servant dans la mise à disposition d'une assurance-vie. Il n'y a donc pas lieu d'allouer 3 unités, faute de complexité extrême. Il y avait devant la Cour canadienne de l'impôt d'autres points litigieux en matière de pratique actuarielle, mais notre Cour n'était pas appelée à se prononcer là-dessus. En ce qui concerne l'article 26, la Couronne soutient qu'il ne faut allouer que 2 unités, puisque la nécessité d'une heure d'argumentation de vive voix était fonction du nombre de points litigieux, et non de la complexité des questions à débattre.

[4]      La Couronne soutient qu'il faut rejeter les sommes réclamées pour les transmissions par télécopie et les photocopies, car aucune preuve n'a été produite pour justifier les prix avancés, ni pour confirmer si les sommes réclamées ont été vraiment déboursées par le cabinet d'avocats, ou si elles ont été vraiment facturées à la cliente, ni pour en identifier le but et la nécessité. L'affidavit en date du 2 juin 1999 de Keith Boldt énumère plusieurs documents photocopiés, y compris les précédents invoqués et les transcriptions de la Cour canadienne de l'impôt, mais seuls les mémoires des points de droit avaient un rapport avec cet appel. Dans Diversified Products et al c. Tre-Sil Corp.1, il a été jugé que seules les sommes qui ont été effectivement déboursées sont recouvrables. Il n'y a en l'espèce aucune preuve de sommes effectivement déboursées. La Couronne fait observer que les relevés de facturation (languettes 3, 4 et 5 du mémoire de frais de l'appelante) énumère divers articles sous la rubrique « Débours non facturés » . Il s'ensuit qu'à même supposer que les frais de transmission par télécopie et de photocopie soient admissibles, ils ne sont pas taxables à titre de dépens entre les parties puisqu'il n'y a aucune preuve qu'ils aient été jamais facturés à la cliente : ils ne sont donc pas remboursables par la Couronne. Celle-ci soutient encore que la pratique d'autres juridictions n'a rien à voir en l'espèce, puisque les Règles et le Tarif de la Cour fédérale sont plus restrictifs. Le précédent Diversified cité ci-dessus pose la règle jurisprudentielle à suivre par notre Cour. Le tarif B, article 1(4), investit les officiers taxateurs d'un certain pouvoir discrétionnaire, mais en l'espèce les pièces laissent à désirer et les chiffres avancés sans preuve ne justifient pas les sommes réclamées.

[5]      La Couronne fait observer qu'à part le ticket de stationnement de 5,50 $, il n'y a aucun détail sur les 281,90 $ réclamés au titre des frais de déplacement. Le Palais de justice se trouve à quatre pâtés de maisons du cabinet des avocats de l'appelante. Aucune preuve n'a été administrée quant aux circonstances extraordinaires qui eussent justifié les frais de déplacement et les dépenses de bouche. Le remboursement des dépenses de bouche des avocats pendant l'audience est quelque chose d'inédit. Qui plus est, le tarif B, art. 1(4), exclut cette somme puisqu'il n'y a aucune preuve qu'elle ait été jamais facturée à la cliente.

[6]      La Couronne soutient que le seul élément d'information produit à l'appui des 753,28 $ réclamés pour les services d'actuaire, savoir les paragraphes 9 et 10 de l'affidavit en date du 9 juin 1999 de Mark Jadd et la pièce C qui y est jointe, n'en établit ni le caractère raisonnable ni la nécessité. Les articles 1 à 5 de la première facture ont été raturés, ce qui laissait un montant de 273,92 $ directement facturé à la cliente pour juin 1995 pour « Étude de la décision de la Cour » . Il s'agit là de quelque chose qui s'est passé après le jugement de la Cour canadienne de l'impôt, mais avant que cet appel ne soit porté devant la Cour fédérale. La Couronne fait observer que, tout comme pour le poste précédent, les points litigieux soumis à la Cour ne nécessitaient pas l'expertise d'un actuaire. Les éléments de preuve produits ne donnent aucun détail sur la nature ou sur la pertinence des services assurés par cet expert. Notant que la seconde facture, établie pour juillet 1995, fait état d'une rencontre de l'expert avec « des vérificateurs comptables et des avocats pour étudier le contentieux fiscal et la stratégie à adopter en appel » , la Couronne soutient encore que selon l'avis majoritaire de notre Cour, les questions actuarielles n'ont aucun rapport avec cet appel. Il s'ensuit qu'aucuns frais y afférents ne soient admissibles. La Couronne reconnaît que la preuve absolue n'est pas nécessaire, mais insiste qu'il faut qu'il y ait quelque preuve permettant de conclure avec un certain degré raisonnable de certitude que le service revendiqué a un rapport avec les points débattus en appel, et non les points dont connaissait la Cour de l'impôt, et que les sommes réclamées ont été vraiment facturées et revendiquées.

L'argumentation de l'appelante

[7]      L'appelante soutient que les termes mêmes de l'article 18 du tarif, « Préparation du dossier d'appel » , lui donnent droit aux frais relatifs aux services rendus par ses avocats, tel l'examen du dossier d'appel pour s'assurer que celui-ci est complet. Et subsidiairement qu'il y a lieu d'appliquer la règle des lacunes pour incorporer l'usage des provinces en la matière, en particulier le tarif de l'Ontario qui admet des frais raisonnables pour les services de ce genre.

[8]      Pour ce qui est de l'article 22, l'appelante soutient que l'allocation de 6,5 heures, et non de 8 heures, exclut les rencontres et les consultations avec la cliente ainsi que les déplacements à destination et en provenance du Palais de justice, et ne traduit ainsi pas la réalité de l'exercice de la profession d'avocat. Ce litige n'était pas un conflit simple contrairement aux assertions de la Couronne. L'appelante soutient que l'allocation des frais d'un second avocat relève de l'appréciation discrétionnaire de l'officier taxateur. Au sujet de l'article 26, elle reconnaît l'esprit de coopération des avocats des deux parties dans les pourparlers de règlement à l'amiable, mais soutient que, vu la nécessité de préparer et de déposer plusieurs documents produits en preuve et compte tenu de la comparution de ses avocats, les 6 unités réclamées sont justifiées. Il se peut que, pris séparément, il n'y ait rien de compliqué dans les frais réclamés, mais il y en a plusieurs, ce qui a nécessité une préparation adéquate en vue de la production des documents pertinents à la taxation des frais.

[9]      En ce qui concerne les transmissions par télécopie et les photographies, l'appelante fait savoir qu'il est difficile de retrouver la trace d'opérations qui ont eu lieu il y a plusieurs années. Il n'y a aucune preuve établissant que ces opérations n'ont jamais été nécessaires ou n'ont jamais été payées. Dans une taxation des frais, il ne s'agit pas de découvrir le mobile derrière les décisions de dépense passées des avocats. Selon le précédent Allied Signal Inc. c. DuPont Canada Inc.2, il ne s'agit pas de disséquer les frais de façon à priver la partie ayant eu gain de cause du remboursement des dépenses effectivement subies. L'officier taxateur y a conclu que la preuve absolue n'était pas nécessaire, mais que la partie réclamante devait prouver, par probabilité prépondérante et non pas sans l'ombre d'un doute, le caractère raisonnable et la nécessité des frais réclamés. Il a examiné le précédent Diversified susmentionné, mais ne l'a pas trouvé applicable. Dans Ontario Cruisermarine Ltd. c. Canada3, l'officier taxateur a approuvé le taux de 0,25 $ par page de photocopie. En l'espèce, le dossier a de quoi justifier le prix de 0,25 $ par page au minimum et aussi, les 0,30 $ par page qui représentent les frais effectivement payés par la cliente. L'appelante soutient que la même norme de preuve s'applique aux frais de déplacement réclamés.

[10]      Pour ce qui des frais de consultation actuarielle, l'appelante soutient qu'il y a une certaine limite au degré de preuve qui peut être requis pour révéler le mobile derrière les décisions de dépense des avocats. Bien que l'appel ne portât pas sur des questions actuarielles, le témoignage d'expert-actuaire était nécessaire devant la Cour de l'impôt; aussi était-il prudent de faire intervenir l'expert lors de l'appel. Tout comme pour le poste précédent, le précédent Allied Signal Inc. susmentionné résout toute question de norme de preuve. Les factures établissent clairement un lien entre ces services et l'appel. Le processus de taxation des frais n'impose pas que le libellé de ces factures revête quelque autre forme pour pouvoir servir de preuve.

Taxation

[11]      Je conclus qu'à titre de contentieux fiscal, il ne s'agit en l'espèce ni de la procédure la plus complexe ni de la procédure la plus simple. Les articles compris dans la colonne III sont des éléments discrets, taxables indépendamment de toute autre considération. L'article 18 est alloué tel quel. Il ne faut pas donner du terme « préparation » une interprétation restrictive au point d'exclure le service dont l'appelante réclame les frais. Il était vraiment nécessaire que les deux parties participent, peu importe laquelle des deux a compilé le dossier d'appel. Pour l'article 22a), j'alloue 2 heures à 3 unités par heure, et 5 heures à 2 unités par heure. Le choix à effectuer dans cette fourchette, 2-3 unités, impose de faire des distinctions générales entre les échelons supérieur et inférieur. En conséquence, j'estime qu'un remboursement partiel de 1 600,00 $ est raisonnable. Le terme « Cour » figurant à l'article 22b) ne s'entend pas de l'officier taxateur au sens des règles 2 et 400(1). Je ne saurais usurper ce pouvoir pour donner la directive que demande l'appelante. J'enlève les 1 200,00 $ réclamés à l'article 22b). Pour l'article 26, j'alloue 4 unités.

[12]      Dans l'ensemble, j'ai taxé ce mémoire de frais conformément au précédent Grace M. Carlile c. Sa Majesté la Reine4. Plus spécifiquement, pour ce qui est des photocopies, je me suis référé au précédent Diversified dans le cadre de l'affaire Section locale 4004, Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada5. En l'espèce, la preuve produite au sujet des transmissions par télécopie et des photocopies ne justifie pas les montants réclamés. Je suis cependant convaincu qu'il y a eu effectivement des dépenses et qu'elles étaient nécessaires. J'alloue 130 $ et 400,00 $ respectivement pour les transmissions par télécopie et les photocopies. Je rejette les 281,90 $ réclamés au titre des frais de déplacement. Rien dans le dossier ne me convainc que la Couronne doit supporter ces frais. Je rejette les 753,28 $ pour les services d'actuaire. Les conclusions des deux cours au sujet de la pertinence de l'expertise actuarielle ainsi que les éléments de preuve produits ne permettent pas de dire que cette expertise était essentielle au-delà des besoins de la cause en Cour de l'impôt ou au-delà des l'expertise professionnelle des avocats compétents devant notre Cour.

[13]      Le mémoire de frais est formulé de façon que je puisse inscrire un taux annuel pour l'intérêt à courir du 30 avril 1997. Ainsi que je l'ai conclu dans Byers Transport c. Kosanovich6et dans Wilson v. La Reine7, je ne suis pas habilité à allouer des intérêts sur les frais et dépens. Le mémoire de frais de l'appelante, qui réclame 19 221,04 $, est taxé et fixé à 6 018,93 $.

     Signé : Charles E. Stinson

     Officier taxateur

Le mercredi 13 juillet 2000.




Traduction certifiée conforme,




Suzanne M. Gauthier

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




DOSSIER :                  A-491-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Société Fraternelle ACTRA c. Sa Majesté la Reine

    


LIEU DE L'AUDIENCE :          Téléconférence entre Vancouver, (C.-B.) et Toronto (Ontario)

DATE OF HEARING:          5 mai 2000

MOTIFS DE LA TAXATION DES FRAIS PRONONCÉS PAR CHARLES E. STINSON



LE :                      13 juillet 2000


ONT COMPARU:

Subrata Bhattacharjee              pour l'appelante
L.P. Chambers, c.r.                  pour l'intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Heenan Blaikie

Toronto (Ontario)                  pour l'appelante

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                  pour l'intimée
__________________

1      (1991), 41 F.T.R., 227, p. 233.

2      [1997] AC.F. no993 (O.T.).

3      [1991] A.C.F. no1077 (O.T.).

4      97 D.T.C. 5284.

5      T-323-98, 25 mars 1999.

6      [1996] A.C.F. no760.     

7      T-1677-79 et al., 13 avril 2000.

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