Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                 Date : 20001103

                                                                                                                             Dossiers : A-15-00

                                                                                                                                             A-290-00

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE

                       INTERNATIONAL LONGSHORE AND WAREHOUSE UNION,

                              SHIP AND DOCK FOREMEN, SECTION LOCALE 514

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                  EMPIRE INTERNATIONAL STEVEDORES LTD.

                                                           et WILLIAM HARRIS

                                                                                                                                          défendeurs

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 1er novembre 2000

Jugement rendu à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 1er novembre 2000; motifs du jugement signés le 3 novembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT

PRONONCÉS PAR :                                                                                              LE JUGE EVANS


                                                                                                                                 Date : 20001103

                                                                                                                             Dossiers : A-15-00

                                                                                                                                             A-290-00

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE

                       INTERNATIONAL LONGSHORE AND WAREHOUSE UNION,

                              SHIP AND DOCK FOREMEN, SECTION LOCALE 514

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                  EMPIRE INTERNATIONAL STEVEDORES LTD.

                                                           et WILLIAM HARRIS

                                                                                                                                          défendeurs

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                                              (prononcés à l'audience tenue à Vancouver

                                           (Colombie-Britannique), le 1er novembre 2000)

LE JUGE EVANS

[1]         Par ce recours en contrôle judiciaire, le syndicat demande l'annulation d'une décision en date du 17 décembre 1999 du Conseil canadien des relations du travail, et la révision de cette décision, faite par le Conseil le 3 avril 2000, aux termes desquelles ce syndicat avait manqué à l'obligation qu'il tenait de l'article 37 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-1, savoir celle de ne pas « agir de manière arbitraire ou de mauvaise foi » dans la représentation d'un de ses membres, en l'occurrence le défendeur M. William Harris.


[2]         M. Harris avait porté plainte auprès du Conseil contre le syndicat pour refus arbitraire de s'occuper du grief qu'il entendait présenter contre son employeur, qui l'avait injustement renvoyé parce qu'il était incapable, pour des raisons médicales, de faire son travail.

[3]         Il convient d'examiner si le Conseil a été manifestement déraisonnable dans sa conclusion que le syndicat avait manqué à l'obligation qui lui incombait d'approfondir la réclamation de M. Harris, faute de se renseigner davantage auprès des deux médecins qui avaient soumis des lettres indiquant, en novembre 1997 et en janvier 1998, que M. Harris n'était pas apte au travail pour cause d'ostéo-arthrite à une cheville. Pour prouver le traitement arbitraire du syndicat et, par conséquent, son manquement à l'article 37, le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient juste pour la forme.

[4]         La Cour observe une grande réserve vis-à-vis des décisions des tribunaux administratifs spécialisés, en particulier de ceux qui, comme le Conseil, sont protégés par une disposition privative rigoureuse. Il appert cependant que le Conseil a commis une erreur susceptible de censure en concluant que l'obligation de représentation de bonne foi signifiait que le syndicat devait se renseigner davantage auprès des médecins avant de refuser de donner suite au grief de M. Harris.

[5]         À notre avis, les éléments de preuve dont disposait le syndicat et qui indiquaient que le grief n'avait probablement aucune chance de succès étaient si concluants qu'il était manifestement déraisonnable, dans ces conditions, d'obliger le syndicat à s'informer davantage sur les deux rapports médicaux sur lesquels s'appuyait principalement M. Harris.


[6]         En premier lieu, deux autres rapports médicaux indiquaient que, si M. Harris avait indéniablement des troubles à la cheville, son état n'était pas grave au point de lui interdire tout travail. En fait, l'employeur avait accepté de lui confier des « tâches légères » en conséquence. Cependant, M. Harris décida de ne pas revenir de Vancouver, où il avait travaillé pendant l'été, à Prince Rupert pour voir s'il était en mesure de faire le travail proposé par l'employeur.

[7]         En deuxième lieu, les deux rapports médicaux étaient fondés dans une large mesure sur ce que M. Harris avait dit aux médecins sur les douleurs dont il souffrait. Pour les raisons évoquées plus bas, le syndicat avait lieu de penser que M. Harris ne disait peut-être pas la vérité à ces deux médecins.

[8]         En troisième lieu, tout en allant voir les médecins pour demander des attestations médicales, M. Harris cherchait activement du travail à Vancouver, avec l'aide du syndicat. À ce moment-là, il ne lui disait pas qu'il était inapte au travail pour des raisons médicales.

[9]         En quatrième lieu, et ce qui est le plus important, le Conseil a pris acte que M. Harris avait dit aux responsables du syndicat qu'ayant déménagé sa famille dans la vallée du bas Fraser au moment où il avait un emploi temporaire à Vancouver durant la saison des croisières, il n'avait pas l'intention de revenir à Prince Rupert, où il avait travaillé pendant plusieurs années avant sa réimplantation temporaire à Vancouver. Le Conseil n'a pas cherché à savoir si l'intention manifeste de M. Harris de ne pas revenir à Vancouver était en soi une raison suffisante pour que le syndicat décidât de ne pas donner suite au grief, puisque celui-ci était voué à l'échec s'il était prouvé que M. Harris ne se présentait pas au travail à Prince Rupert parce qu'il voulait rester à Vancouver.

[10]       En cinquième lieu, M. Harris s'était vu refuser la pension d'invalidité après en avoir fait la demande auprès du fonds de pension géré par l'employeur et le syndicat, et la Commission des accidents du travail a rejeté une demande de prestations de sa part parce que sa maladie n'avait pas été contractée en cours de travail.


[11]       En sixième lieu, l'avocat du syndicat a fait savoir à celui-ci, à la lumière de tous les documents en sa possession, qu'un grief présenté au nom de M. Harris serait probablement rejeté, laquelle prédiction s'est confirmée par la suite.

[12]       En septième lieu, M. Harris, ayant perdu confiance dans le syndicat, s'est fait représenter par son propre avocat pour essayer de convaincre le syndicat de s'occuper de son grief. Il était donc raisonnable de la part du syndicat de conclure que, s'il y avait d'autres renseignements disponibles pour prouver que M. Harris était totalement inapte au travail, son avocat devait veiller à ce qu'ils lui fussent communiqués.

[13]       Dans ce contexte, il était manifestement déraisonnable de la part du Conseil d'exiger du syndicat qu'il poussât plus loin ses investigations en se renseignant sur le fondement des rapports des deux médecins qui avaient déclaré M. Harris inapte au travail. Le Conseil n'était donc pas fondé à conclure que le syndicat avait violé l'article 37 du Code canadien du travail par ses agissements arbitraires à l'égard de M. Harris.

[14]       Pour ces motifs, lesquels s'appliquent aux dossiers A-15-00 et A-290-00, la Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire et annule la décision et la révision de cette décision par le Conseil. L'affaire n'est pas renvoyée au Conseil puisque, par décision en date du 12 octobre 2000, un arbitre a récemment débouté le défendeur de son grief. Le syndicat aura droit à ses dépens du recours.

                                                                                                                                « John M. Evans »                  

                                                                                            ________________________________

                                                                                                                                                  J.C.A.                          

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 3 novembre 2000

Traduction certifiée conforme,

Yvan Tardif, B.A., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS No :                                  A-15-00

A-290-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             International Longshore and Warehouse Union, Ship and Dock Foremen, Section locale 514

c.

Empire International Stevedores Ltd. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                1er novembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :              Le juge Rothstein

Le juge Sexton

DATE DES MOTIFS :                       3 novembre 2000

ONT COMPARU:

M. Derek R. Corrigan                           pour le demandeur

M. Ib S. Petersen                                              pour le défendeur William Harris

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Lindsay Kenney                                                 pour le demandeur

Avocats

Vancouver (C.-B.)

Ib S. Petersen                                                    pour le défendeur William Harris

Avocat

Vancouver (C.-B.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.