Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20031114

Dossier : A-727-02

Référence : 2003 CAF 425

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                 KIRK CHARETTE

                                                                                                                                                         appelant

                                                                                   et

                                                                DELTA CONTROLS,

                                       LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

                                                                                                                                                           intimés

                                     Audience tenue à Toronto (Ontario), le 21 octobre 2003.

                                    Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                   LE JUGE SEXTON

                                                                                                                                      LE JUGE MALONE


Date : 20031114

Dossier : A-727-02

Référence : 2003 CAF 425

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                 KIRK CHARETTE

                                                                                                                                                         appelant

                                                                                   et

                                                                DELTA CONTROLS,

                                       LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

                                                                                                                                                           intimés

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                 Kirk Charette fait appel d'un jugement du juge McGillis, de la Section de première instance (à l'époque), qui avait rejeté son appel à l'encontre d'une décision du protonotaire Lafrenière, lequel avait ordonné la radiation de la déclaration du demandeur. La déclaration était introduite selon les dispositions de l'article 36 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34. Le paragraphe 36(1) prévoit ce qui suit :


36. (1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite_:

a) soit d'un comportement allant à l'encontre d'une disposition de la partie VI;

b) soit du défaut d'une personne d'obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la présente loi,

peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et recouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n'a pas obtempéré à l'ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu'elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n'excède pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement à l'affaire et des procédures engagées en vertu du présent article.

36. (1) Any person who has suffered loss or damage as a result of

(a) conduct that is contrary to any provision of Part VI, or

(b) the failure of any person to comply with an order of the Tribunal or another court under this Act,

may, in any court of competent jurisdiction, sue for and recover from the person who engaged in the conduct or failed to comply with the order an amount equal to the loss or damage proved to have been suffered by him, together with any additional amount that the court may allow not exceeding the full cost to him of any investigation in connection with the matter and of proceedings under this section.

[2]                 La déclaration est, dans une large mesure, une contestation dirigée contre le Commissaire de la concurrence et les avocats et employés du bureau du Commissaire, ainsi qu'une répétition de certains aspects d'un appel distinct du demandeur à l'encontre d'un jugement de la juge Tremblay-Lamer, de la Section de première instance. Le jugement en question rejetait une demande de contrôle judiciaire contestant la décision du Commissaire de ne pas ouvrir une enquête aux termes de l'article 10 de la Loi sur la concurrence.

[3]                 L'essentiel de la déclaration qui traite de ces aspects, plus exactement les paragraphes 8 à 30 et 35 à 37, n'a aucun lien avec les causes d'action énoncées à l'article 36. La juge McGillis a eu raison de confirmer la décision du protonotaire pour cette partie de la déclaration. Puisque cette partie de la déclaration ne révèle pas la moindre cause d'action, elle devrait être radiée sans autorisation de la modifier (voir Larden c. Canada (1998), 145 F.T.R. 140, au paragraphe 26 (protonotaire.)).


[4]                 Lors de l'instruction du présent appel, le demandeur a été prié d'indiquer succinctement la nature de sa cause d'action à l'encontre de Delta Controls. Il s'est référé au paragraphe 5 de la déclaration, ainsi rédigé :

[traduction] Delta donne à l'entrepreneur local (l'associé de Delta), qui agit en guise de distributeur exclusif de produits pour le sud-ouest de l'Ontario, d'importantes ristournes qui ne sont pas offertes aux concurrents de l'associé de Delta, afin de permettre à l'associé de Delta d'exercer une concurrence déloyale dans les appels d'offres portant sur des services. L'associé (l'entrepreneur local) paie des prix de distribution, tandis que les autres entrepreneurs/soumissionnaires paient des prix de détail.

[5]                 L'alinéa 50(1)a), qui se trouve dans la partie VI de la Loi sur la concurrence, prévoit que toute personne qui, exploitant une entreprise, est partie intéressée à une vente qui est discriminatoire à l'endroit des concurrents d'un acheteur commet une infraction. Voici le texte de l'alinéa 50(1)a) :

50. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de deux ans toute personne qui, exploitant une entreprise, selon le cas_:

a) est partie intéressée ou contribue, ou aide, à une vente qui est, à sa connaissance, directement ou indirectement, discriminatoire à l'endroit de concurrents d'un acheteur d'articles de cette personne en ce qu'un escompte, un rabais, une remise, une concession de prix ou un autre avantage est accordé à l'acheteur au-delà et en sus de tout escompte, rabais, remise, concession de prix ou autre avantage accessible à ces concurrents au moment où les articles sont vendus à cet acheteur, à l'égard d'une vente d'articles de qualité et de quantité similaires;

50. (1) Every one engaged in a business who

(a) is a party or privy to, or assists in, any sale that discriminates to his knowledge, directly or indirectly, against competitors of a purchaser of articles from him in that any discount, rebate, allowance, price concession or other advantage is granted to the purchaser over and above any discount, rebate, allowance, price concession or other advantage that, at the time the articles are sold to the purchaser, is available to the competitors in respect of a sale of articles of like quality and quantity,

         ...

is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding two years.


[6]                 Dans une requête en radiation, les allégations de la déclaration doivent être tenues pour avérées (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, aux paragraphes 30 à 33). Le contenu du paragraphe 5 de la déclaration fait bien état d'une allégation qui tombe sous le coup de l'alinéa 50(1)a) de la Loi sur la concurrence, et le contenu en question pourrait bien, de lui-même, justifier le maintien, à tout le moins, de ce paragraphe. Le paragraphe 5 ne désigne pas l'acheteur avec qui le demandeur est en concurrence, mais le nom de l'acheteur apparaît au paragraphe 7 et, en toute hypothèse, une telle lacune pourrait être corrigée par modification, ou peut-être par une requête pour détails de la défenderesse.

[7]                 Cependant, le paragraphe 2 de la déclaration, qui doit lui aussi être tenu pour avéré, est ainsi formulé :

[traduction] Delta a une entente avec un entrepreneur général de London, qui tient lieu de distributeur exclusif de produits pour Delta. L'entente réduit la concurrence dans le marché concerné, au bénéfice de l'entrepreneur, lequel doit acheter une quantité minimale de produits à Delta, en échange du territoire exclusif accordé par Delta, au titre du programme des partenariats de Delta. L'entrepreneur local/distributeur exclusif est un « associé de Delta » . [Non souligné dans l'original]

[8]                 Un élément constitutif de discrimination selon l'alinéa 50(1)a) est qu'un escompte, un rabais, etc., est accordé à l'acheteur, mais non offert aux concurrents de l'acheteur à l'égard d'une vente d'articles « de quantité similaire » . Or, le demandeur affirme que l'acheteur (son concurrent) doit acheter une quantité minimale de produits. Ce que prétend donc le demandeur, c'est qu'il devrait pouvoir acheter le produit au même prix que son concurrent, même si le concurrent en question doit acheter une quantité minimale de produits.


[9]                 Le paragraphe 3 de la déclaration dit que tous les acheteurs rivaux devraient être sur le même pied, passant ainsi sous silence la condition de l'alinéa 50(1)a) de la Loi, condition selon laquelle une cause d'action fondée sur la discrimination doit porter sur des quantités similaires vendues à l'acheteur et offertes aux concurrents de l'acheteur. Le paragraphe 3 de la déclaration est ainsi formulé :

[traduction] Par l'alinéa 50(1)a) de la Loi, le législateur s'est assuré que, s'agissant des prix que paient des entreprises rivales pour leurs marchandises, toutes les entreprises ont la possibilité, sur le plan des coûts, d'être sur le même pied que leurs concurrentes, leurs résultats commerciaux étant déterminés par leur propre esprit d'entreprise et leurs propres aptitudes, et non par les actions de tiers (par exemple Delta) opérant ailleurs dans le réseau de distribution. [Non souligné dans l'original]

[10]            D'après l'alinéa 50(1)a), il n'y a pas de cause d'action fondée sur la discrimination si l'on n'a pas affaire à une quantité similaire. Comme la déclaration du demandeur ignore cette condition, alors les paragraphes 1 à 7 et 31 à 34 ne révèlent eux non plus aucune cause d'action valable.

[11]            Le demandeur avait prié la juge McGillis, et il prie la Cour, de l'autoriser à modifier la déclaration, le cas échéant, pour tout paragraphe que la Cour jugera déficient. La seule modification possible serait le retrait des paragraphes 2 et 3, qui ignorent un élément essentiel de la cause d'action. Ces paragraphes reviennent pour le demandeur à admettre qu'il n'a aucune cause d'action.

[12]            L'approche adoptée par la Cour à propos du moment où les admissions qui figurent dans un acte de procédure peuvent être retirées a été exposée dans l'arrêt Andersen Consulting c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 605, aux paragraphes 13 et 14 :


[13]    Le critère qu'elles [les juridictions de la Colombie-Britannique] observent pose que dans toutes les circonstances de la cause, il doit y avoir un point jugeable, qui devrait passer en jugement dans l'intérêt de la justice et qui ne devrait pas se résoudre par une admission de fait. Selon ce critère, l'inadvertance, l'erreur, la précipitation, l'ignorance des faits, la découverte de faits nouveaux, et l'introduction en temps opportun de la requête sont autant de facteurs à prendre en considération pour examiner s'il ressort des circonstances qu'il y a un point jugeable, lequel devrait passer en jugement dans l'intérêt de la justice.

[14]    Nous préférons la voie empruntée par les tribunaux de Colombie-Britannique, qui assure à la juridiction saisie d'une requête en modification des plaidoiries, même lorsque la modification vise à rétracter un ou des aveux, la souplesse nécessaire pour faire en sorte que les points jugeables passent en jugement, sans que les parties n'aient à subir d'injustice.

[13]            Rien ne laisse supposer que les paragraphes 2 et 3 de la déclaration ont été insérés par inadvertance, erreur, précipitation ou ignorance des faits de la part du demandeur. Le demandeur n'a pas non plus soulevé la découverte de faits nouveaux. Quant à l'introduction en temps opportun de la requête, le demandeur a décliné l'invitation que lui faisait le protonotaire à éclaircir ses allégations, affirmant que rien d'autre n'était requis. La première fois qu'il a soulevé l'idée d'une modification a eu lieu lors de son appel devant la juge McGillis. Devant la juge McGillis et devant la Cour, le demandeur n'a pas proposé de modifications particulières et, notamment, il n'a pas proposé le retrait des paragraphes 2 et 3. Finalement, la plus grande partie de la déclaration consistait en une contestation juridiquement non fondée à l'endroit du Commissaire et d'autres personnes. Vu l'ensemble des circonstances, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas ici d'un cas où le demandeur devrait être autorisé à modifier sa déclaration pour en retirer les admissions figurant aux paragraphes 2 et 3.


[14]            Pour ces motifs, la déclaration tout entière du demandeur ne révèle aucune cause d'action valable, et elle a été validement radiée par le protonotaire Lafrenière. La juge McGillis a eu raison de rejeter l'appel formé contre la décision du protonotaire Lafrenière. Le présent appel devrait lui aussi être rejeté, avec dépens. La déclaration du demandeur devrait être radiée, sans autorisation de la modifier.

                                                                              « Marshall Rothstein »                   

                                                                                                             Juge                                  

« Je souscris aux présents motifs

J. Edgar Sexton, juge »

« Je souscris aux présents motifs

B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                 A-727-02

INTITULÉ :                                                KIRK CHARETTE

appelant

et

DELTA CONTROLS, LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

intimés

LIEU DE L'AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 21 OCTOBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                 LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                              LE 14 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Kirk Charette                                                                                  POUR L'APPELANT,

EN SON PROPRE NOM

Melanie Aitken

Steve Mason                                                                                   POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kirk Charette                                                                                  POUR L'APPELANT,

London (Ontario)                                                                           EN SON PROPRE NOM

Steve Mason

Melanie Aitken

Toronto (Ontario)                                                                          

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                               POUR LES INTIMÉS


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.