Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




Date: 20001006


Dossier : A-67-99


OTTAWA (ONTARIO), LE 6 OCTOBRE 2000

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE SHARLOW

         LE JUGE MALONE

ENTRE :


SA MAJESTÉ LA REINE


appelante


et


LA MARITIME, COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE


intimée


JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens.


                 Robert Décary

             __________________________

                 J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.






Date: 20001006


Dossier : A-67-99

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE SHARLOW

         LE JUGE MALONE

ENTRE :


SA MAJESTÉ LA REINE


appelante


et


LA MARITIME, COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE


intimée




Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le jeudi 28 septembre 2000

JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2000



MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE DÉCARY

     LE JUGE MALONE





Date: 20001006


Dossier : A-67-99



CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE SHARLOW

         LE JUGE MALONE


ENTRE :


SA MAJESTÉ LA REINE


appelante


et


LA MARITIME, COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE


intimée



MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW

[1]      Il s'agit en l'espèce de savoir si le paragraphe 165(1) de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa forme modifiée, exige que La Maritime, compagnie d'assurance-vie, paie une taxe sur les produits et services (la TPS) sur certains montants appelés « frais d'administration de placements » qui ont été payés en 1991, en 1992 et en 1993 sur certains fonds réservés qu'elle avait créés et qui lui appartenaient. La Couronne interjette appel contre la décision par laquelle un juge de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que la TPS était payable : 99 G.T.C. 3055, [1999] G.S.T.C. 1, [1999] A.C.I. no 1 (QL).

[2]      Les faits sont bien énoncés dans la décision du juge de la Cour de l'impôt de sorte qu'aux fins qui nous occupent, il suffit que je les résume. La compagnie délivre des polices d'assurance de divers genres, dont un certain nombre de contrats de rentes différées qui sont visés par la définition de l'expression « police d'assurance » figurant au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise. Le juge de la Cour de l'impôt considérait la police dite « programme d'accumulation du capital » comme représentant le type de polices qui sont ici en cause, et je ferai de même.

[3]      Le titulaire d'une police dite « programme d'accumulation du capital » versait des primes périodiques à la compagnie en contrepartie du droit de recevoir, à une date future spécifiée, une somme d'argent ou une rente d'une valeur équivalente. Le montant en cause n'était pas fixé au début, mais il dépendait du rendement financier obtenu par le placement des primes dans au moins l'un des fonds réservés établis par la compagnie et appartenant à cette dernière.

[4]      Chacun des fonds réservés donnait un rendement du capital investi possible différent et comportait un risque correspondant. Ainsi, le fonds de croissance était surtout investi dans des titres canadiens choisis pour leur potentiel de croissance, alors que le fonds obligataire se composait d'obligations émises par des compagnies canadiennes et que le fonds équilibré consistait en actions et en obligations. Le fonds du marché monétaire était investi dans des titres à court terme. Le fonds d'investissement immobilier était investi dans des prêts hypothécaires.

[5]      L'expression « fonds réservé » se rapporte à un portefeuille détenu par un dépositaire, soit dans ce cas-ci la Banque de la Nouvelle-Écosse, à des fins d'investissement conformément aux lignes directrices établies par la compagnie. Sauf dans le cas du fonds du marché monétaire, les actifs des fonds était confiés à des conseillers en placement indépendants qui touchaient pour leurs services des frais sur les actifs du fonds. La TPS était payable et elle était payée sur ces frais. Les employés de la compagnie géraient le fonds du marché monétaire et surveillaient le rendement des conseillers en placement indépendants.

[6]      Le lien entre les primes investies dans les fonds réservés et le montant des prestations payables lorsque la police venait à échéance était une formule d'évaluation qui fonctionnait comme suit. Les primes que le titulaire d'une police choisissait de faire attribuer à un fonds particulier, ainsi que certains montants additionnels appelés « bonis » que la compagnie créditait au fonds si la police demeurait en vigueur pour une période spécifiée représentaient un certain nombre de « parts » du fonds attribuables à cette police. La valeur de ces parts à la date d'échéance de la police, telle qu'elle est déterminée ci-dessous, représentait le maximum des prestations en espèces payables à l'échéance.

[7]      La valeur de tous les placements effectués dans le fonds était déterminée sur une base hebdomadaire. Chaque évaluation tenait compte des changements survenus depuis l'ancienne date d'évaluation au point de vue du revenu ou des gains tirés des placements effectués dans le fonds et des pertes y afférentes, ainsi que des primes et bonis versés dans le fonds et des prestations payées à l'aide du fonds. La valeur des placements effectués dans le fonds était divisée par le nombre de parts qui étaient dans le fonds à la date en question. Puis, on déduisait de la valeur des parts attribuées à une police particulière les « frais d'administration de placements » applicables à cette police, ce qui donnait la valeur de rachat en espèces de la police à cette date.

[8]      Le titulaire d'une police qui décédait avant la date d'échéance de la police avait droit à une prestation de décès égale à la valeur d'une part (déduction faite des frais d'administration de placements) ou à 75 p. 100 des primes payées, selon le montant qui était le plus élevé. Cela constituait un aspect important sur le plan de l'assurance du contrat de rentes différées et protégeait dans une certaine mesure les titulaires de police contre le déclin de la valeur des placements effectués dans le fonds. De plus, dans certains cas, la compagnie garantissait un taux de rendement minimal sur les primes investies dans les fonds.

[9]      En général, les frais d'administration de placements applicables à une police étaient stipulés lorsque la police était délivrée, soit sous la forme d'un montant annuel fixe soit sous la forme d'un pourcentage de la valeur unitaire attribuable à la police, sous réserve dans certains cas d'un maximum. Le montant des frais d'administration de placements dans un cas particulier était régi par les forces du marché.

[10]      Le choix que faisait le titulaire d'une police à l'égard d'un fonds particulier ou d'une combinaison de fonds était parfois appelé « participation » . Toutefois, les titulaires de police n'acquéraient pas un intérêt propriétal dans les fonds ou dans les placements effectués dans les fonds. Les placements n'appartenaient qu'à la compagnie. Le titulaire d'une police avait uniquement un contrat renfermant l'engagement qu'avait pris la compagnie de payer un montant stipulé à la date d'échéance ou à la date du décès du titulaire de la police.

[11]      Les organismes de réglementation exigeaient que les actifs des fonds ne soient pas conservés avec les autres actifs de la compagnie. Pour satisfaire à cette exigence, et peut-être également aux fins d'une bonne gestion, la compagnie établissait et maintenait les fonds réservés qui garantissaient ses obligations en vertu des contrats de rentes différées. Cependant, elle ne pouvait permettre que toutes les primes soient investies dans les fonds. Elle devait avoir la faculté d'utiliser une partie de l'argent pour payer ses frais d'exploitation, comme les commissions de vente et le coût des bonis et des paiements garantis, ainsi que d'assurer un profit à ses propres investisseurs.

[12]      La division des primes entre les actifs généraux de la compagnie et les fonds réservés aurait pu être obtenue d'un certain nombre de façons. La compagnie a choisi un mécanisme qu'elle appelait les frais d'administration de placements. Le montant désigné sous le nom de frais d'administration de placements, déterminé conformément aux conditions de la police à laquelle il se rapportait, était simplement retiré du fonds réservé dans lequel les primes payables pour cette police avaient été investies, ce qui réduisait de ce montant les placements effectués dans le fonds. Comme il en a ci-dessus été fait mention, ce débours était accompagné d'une réduction de la valeur des placements effectués dans les fonds réservés attribuables à cette police.

[13]      Les frais d'administration de placements n'étaient pas des frais au sens habituel de ce terme, c'est-à-dire un montant qu'une personne verse à une autre personne en contrepartie d'un service. Ce que l'on a appelé le « paiement » de « frais d'administration de placements » était simplement un virement entre des comptes appartenant à la compagnie. Il ne s'agissait pas du versement d'une somme d'argent par une personne qui avait besoin de services ou qui avait la capacité juridique de payer des frais. Bref, les « frais d'administration de placements » constituaient simplement la partie des recettes de la compagnie provenant des primes qui n'était pas conservée dans les fonds réservés.

[14]      Ceci dit, il faut maintenant nous demander si, comme la Couronne l'affirme, la compagnie est tenue de payer la TPS sur ses frais d'administration de placements pour les années 1991, 1992 et 1993, conformément au paragraphe 165(1) de la Loi sur la taxe d'accise, qui se lit comme suit :

165(1) Subject to this Part, every recipient of a taxable supply made in Canada shall pay to Her Majesty in right of Canada tax in respect of the supply calculated at the rate of 7% on the value of the consideration for the supply.

165. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7_% sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[15]      La Couronne aura le droit de percevoir la TPS qu'elle demande uniquement si les frais d'administration de placements sont une « contrepartie » d'une « fourniture taxable » dont les fonds réservés sont l' « acquéreur » . Les mots cités sont tous définis dans la Loi sur la taxe d'accise; un grand nombre d'arguments ont été invoqués devant nous au sujet de la portée de ces définitions. Toutefois, compte tenu de l'avis auquel je suis arrivée en l'espèce, il n'est pas nécessaire d'examiner à fond ces définitions. Il suffit de dire que si l'interprétation que la Couronne donne à l'article 131 de la Loi sur la taxe d'accise est exacte, il n'y a rien dans les définitions qui empêche de conclure que la TPS est payable sur les frais d'administration de placements.

[16]      La compagnie soutient que si les frais d'administration de placements constituent la contrepartie de quelque chose, ils font partie de la contrepartie des polices d'assurance-vie délivrées aux titulaires de police, à l'égard desquelles ces derniers ont payé des primes. En pareil cas, aucune TPS n'est payable parce que la fourniture d'une police d'assurance constitue par définition la fourniture d'un « service financier » qui est exclu de la définition de « fourniture taxable » . Cet argument est intéressant en ce sens qu'il reconnaît la réalité commerciale, à savoir que la compagnie s'occupe d'assurance-vie et que les primes qui sont payées par les titulaires de police constituent en fin de compte l'unique source de recettes et de profits de compagnie.

[17]      Le juge de la Cour de l'impôt n'a pas retenu cet argument, mais il a néanmoins conclu qu'aucune TPS n'était payable. Il a dit que la compagnie fournissait deux genres de service aux titulaires de polices, les services d'assurance représentés par la délivrance et l'administration des polices, et les services représentés par la gestion des fonds réservés. Il a statué qu'étant donné que ces derniers services ne sont pas des « services financiers » au sens de la Loi sur la taxe d'accise, l'article 139 doit s'appliquer. En vertu de l'article 139, lorsque la fourniture d'un service financier est effectuée avec la fourniture d'un service autre que financier pour une seule contrepartie, et que la valeur du service financier représente plus de 50 p. 100 de la valeur des deux services ensemble, la contrepartie globale devrait être considérée aux fins de la TPS comme la contrepartie d'un service financier, et elle est donc exonérée. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'en fait, la valeur du service financier était supérieure à la valeur de l'autre service. Cela étant, il a conclu que la contrepartie dans son ensemble doit être considérée comme la contrepartie du service financier, soit une fourniture exonérée, et par conséquent qu'aucune TPS n'était payable.

[18]      Avec égards, je ne souscris pas à cette analyse. La fourniture de polices est la seule fourniture que la compagnie effectue en faveur des titulaires de police. La compagnie administre les polices et maintient les placements qui garantissent ses obligations en vertu de la police, mais tel est le travail qu'elle doit faire en vue de s'assurer d'être en mesure de s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la police. Ce travail ne devrait pas être considéré comme un service que la compagnie fournit aux titulaires de police, pas plus que le travail qu'un service d'entretien effectue en vue de maintenir en bon état son matériel n'est un service fourni à ses clients.

[19]      Si l'analyse fondée sur les deux fournitures est rejetée, il reste simplement la thèse selon laquelle les primes constituent l'unique contrepartie que la compagnie a reçue et que, puisque les primes ont été payées pour des fournitures exonérées, aucune TPS n'est payable sur les primes. Par conséquent, sous réserve de l'argument de la Couronne fondé sur l'effet de l'article 131 de la Loi sur la taxe d'accise sur lequel nous reviendrons ci-dessous, aucune TPS n'est payable sur la partie de la prime qui n'a pas été conservée dans les fonds réservés, mais que la compagnie a utilisée en vue de couvrir ses frais et à l'aide de laquelle elle ferait des profits. Comme nous l'avons ci-dessus expliqué, cette partie de la prime constitue ce qui a été appelé des « frais d'administration de placements » .

[20]      La Couronne ne soutient pas que les titulaires de police devraient être tenus de payer la TPS à l'égard de la contrepartie qu'ils versent à la compagnie. La Couronne soutient plutôt qu'aux fins de la TPS, chaque fond réservé est réputé, en vertu de l'article 131 de la Loi sur la taxe d'accise, être une personne exerçant ses propres activités, de sorte qu'il faut présumer que la compagnie fournit à cette personne réputée des services pour lesquels il faut présumer que cette dernière paie une contrepartie sous la forme de frais d'administration de placements. L'article 131 se lit comme suit :

131. For the purposes of this Part, a segregated fund of an insurer shall be deemed to be a trust that is a separate person from the insurer and that does not deal at arms's length with the insurer and

     (a) the insurer shall be deemed to be a trustee of the trust; and

     (b) the activities of the segregated fund shall be deemed to be activities of the trust and not activities of the insurer.

131. Pour l'application de la présente partie, le fonds réservé d'un assureur est réputé être une fiducie qui est une personne distincte de l'assureur et qui a, avec celui-ci, un lien de dépendance. À cette fin_:

a) l'assureur est réputé être un fiduciaire de la fiducie;

b) les activités du fonds réservé sont réputées être celles de la fiducie et non de l'assureur.

[21]      La Couronne dit que cette disposition crée une fiction légale uniquement aux fins de la TPS. Elle a sans aucun doute raison, mais il s'agit de savoir jusqu'où va cette fiction juridique. La Couronne voit dans l'article 131 un certain nombre de conséquences qui ne sont pas énoncées. Le principal point qui est ici en litige se rapporte à la question de savoir si ces conséquences s'entendent nécessairement de l'article 131.

[22]      L'existence d'une fiducie réputée en tant que personne distincte exerçant ses propres activités mène inexorablement à l'examen de l'article 267.1 de la Loi sur la taxe d'accise, qui porte sur les fiducies. Le paragraphe 267.1(5) reconnaît le caractère distinct, aux fins de la TPS, de la fiducie et des fiduciaires. Cette disposition se lit comme suit :


267.1(5). For the purposes of this Part, where a person acts as trustee of a trust,


     (a) anything done by the person in the person's capacity as trustee of the trust is deemed to have been done by the trust and not by the person; and

     (b) notwithstanding paragraph (a), where the person is not an officer of the trust, the person is deemed to supply a service to the trust of acting as a trustee of the trust and any amount to which the person is entitled for acting in that capacity that is included in computing, for the purposes of the Income Tax Act, the person's income or, where the person is an individual, the person's income from a business, is deemed to be consideration for that supply.

267.1(5) Les présomptions suivantes s'appliquent dans le cadre de la présente partie lorsqu'une personne agit à titre de fiduciaire d'une fiducie_:

a) tout acte qu'elle accomplit à ce titre est réputé accompli par la fiducie et non par elle;



b) malgré l'alinéa a), si elle n'est pas un cadre de la fiducie, elle est réputée fournir à celle-ci un service de fiduciaire et tout montant auquel elle a droit à ce titre et qui est inclus, pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans le calcul de son revenu ou, si elle est un particulier, dans le calcul de son revenu tiré d'une entreprise est réputé être un montant au titre de la contrepartie de cette fourniture.

[23]      Il semblerait que l'effet combiné de ces deux dispositions soit le suivant : si la compagnie reçoit une chose qui pourrait être considérée comme une contrepartie parce que la compagnie agit à titre de fiduciaire de la fiducie réputée, la TPS serait payable à l'égard de cette contrepartie. Toutefois, la Couronne ne soutient pas, et ne pourrait pas soutenir, que le paragraphe 267.1(5) s'applique aux faits de la présente espèce, parce que la fiducie réputée existe uniquement aux fins de la TPS. Il n'y a aucune disposition contractuelle ou autre qui puisse être interprétée comme une disposition par laquelle, en sa qualité de fiduciaire, la compagnie touche une contrepartie. Il n'y a pas non plus de disposition de la Loi sur la taxe d'accise en vertu de laquelle la compagnie est réputée avoir reçu à l'égard de ses fonds réservés une contrepartie qui serait visée par le paragraphe 267.1(5). À coup sûr, la disposition déterminative figurant à l'article 131 ne peut pas être interprétée d'une façon aussi large.

[24]      Toutefois, la Couronne prône une interprétation élargie différente de la disposition déterminative figurant à l'article 131. Je résumerai ci-dessous les étapes de l'analyse effectuée par la Couronne.

[25]      Premièrement, la Couronne soutient qu'en vertu de l'article 131, les fonds réservés sont réputés être une personne distincte qui exerce ses propres activités. C'est exact.

[26]      Deuxièmement, la Couronne affirme que les fonds réservés sont gérés par la compagnie. C'est également exact. Il est vrai que des services sont fournis par des tiers, mais c'est la compagnie qui possède le pouvoir décisionnel ultime à l'égard des fonds.

[27]      Troisièmement, la Couronne dit que les frais d'administration de placements doivent être considérés aux fins de la TPS comme s'ils constituent la contrepartie de services de gestion que la compagnie fournit à l'égard des fonds réservés, en tant que personne distincte, parce que la réalité commerciale veut que la compagnie ne fournisse pas ces services à une autre personne sans toucher une contrepartie.

[28]      C'est ici que l'analyse effectuée par la Couronne diffère de la mienne. À mon avis, le fait que la compagnie gère les fonds réservés ne donne pas nécessairement à entendre que les fonds réservés doivent être considérés comme le paiement d'une contrepartie à l'égard de ces services de gestion. Ainsi, il n'est pas inhabituel pour le propriétaire d'une compagnie de gérer cette compagnie sans être rémunéré au moyen de frais. Pourquoi? Parce que le propriétaire de la compagnie fournit ces services dans son propre intérêt, en s'attendant à ce que son travail augmente la valeur de la compagnie et lui assure une autre forme de rémunération, peut-être sous la forme de dividendes ou de l'augmentation de la valeur des actions. De même, il est raisonnable pour la compagnie, sur le plan commercial, de faire en sorte que ses propres employés gèrent les fonds réservés sans frais, parce que la gestion de ces fonds est un élément nécessaire de l'entreprise même de la compagnie. Il s'agit d'un travail que la compagnie elle-même doit faire afin de tirer ses propres profits de la délivrance de polices d'assurance.

[29]      À mon avis, il n'existe donc aucun fondement juridique permettant d'interpréter l'article 131 comme laissant nécessairement entendre qu'un assureur qui crée un fond réservé est réputé toucher des frais sur le fonds à l'égard de la gestion du fonds. Je ne vois rien dans l'article 131 qui exige ou qui permet que la Couronne considère les frais d'administration de placements comme autre chose que ce qu'ils sont réellement, soit, comme nous l'avons ci-dessus expliqué, la partie des recettes de la compagnie provenant des primes qui n'est pas conservée dans les fonds réservés.

[30]      Pour ces motifs, je conclus que la TPS est payable sur les frais d'administration de placements pour les années 1991, 1992 et 1993. Je rejetterais l'appel avec dépens.

                                 Karen R. Sharlow

                             __________________________

                                 J.C.A.

« Je souscris à cet avis.

     Le juge Décary »

« Je souscris à cet avis.

     Le juge Malone »

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      A-67-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Sa Majesté la Reine c. La Maritime, compagnie d'assurance-vie
LIEU DE L'AUDIENCE :      Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 28 septembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Sharlow en date du 6 octobre 2000, auxquels souscrivent les juges Décary et Malone


ONT COMPARU :

L. P. Chambers, c.r.          POUR L'APPELANTE

Edwin C. Harris, c.r.          POUR L'INTIMÉE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg          POUR L'APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Daley, Black & Moreira          POUR L'INTIMÉE

Halifax (Nouvelle-Écosse)



 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.