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Date : 20060321

Dossiers : A-48-05

A-49-05

A-50-05

Référence : 2006 CAF 118

CORAM :       LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MALONE

ENTRE :                                                                                                                                A-48-05

GRK FASTENERS

demanderesse

et

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD., FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

défendeurs

ENTRE :                                                                                                                                A-49-05

TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD.

demanderesse

et

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

défendeurs

ENTRE :                                                                                                                                A-50-05

STAR STAINLESS SCREW CO.

demanderesse

et

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD., FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

défendeurs

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 février 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 mars 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE PELLETIER


Date : 20060321

Dossier : A-48-05

Référence : 2006 CAF 118

CORAM :       LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MALONE

ENTRE :

GRK FASTENERS

demanderesse

et

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD., FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

défendeurs

ENTRE :                                                                                                                                A-49-05

TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD.

demanderesse


et

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

défendeurs

ENTRE :                                                                                                                                A-50-05

STAR STAINLESS SCREW CO.

demanderesse

et

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD., FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

I. Introduction

[1]                Il s'agit de trois demandes de contrôle judiciaire fondées sur des allégations de manquement à l'équité procédurale et d'atteinte aux principes de justice naturelle lors d'une enquête de dommage effectuée par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) fin 2004 (publiée sous la référence Dumping et subventionnement - Conclusions et motifs - Enquête no NQ-2004-005 - Certaines pièces d'attache). Ces trois demandes, essentiellement fondées sur les mêmes motifs, ont été entendues conjointement.

[2]                Le 4 mars 2004, la défenderesse Leland Industries Inc. (Leland) a déposé une plainte qui a fait l'objet d'une décision provisoire le 10 septembre 2004. Le Tribunal disposait en vertu de la loi d'un délai de 120 jours pour rendre ses conclusions (voir le paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation,L.R.C. 1985, ch. S-15 (LMSI)). Le Tribunal a rendu les conclusions de son enquête le 7 janvier 2005 et il a fait connaître les motifs sur lesquels elles reposaient le 21 janvier 2005.

[3]                Le Tribunal a fait son enquête conformément à l'article 42 de la LMSI afin de déterminer si le dumping au Canada de pièces d'attache métalliques en provenance de la Chine et de Taipei, ainsi que le subventionnement éventuel de ces produits avaient, entre janvier 2001 et juin 2004, causé ou menacé de causer un dommage au marché intérieur.

[4]                La procédure d'enquête suivie par le Tribunal comportait essentiellement un questionnaire sur la question de savoir si et comment il convient de classer les divers types d'attaches et d'en exclure certains du champ de l'enquête, puis une audience ayant duré sept jours sur la question d'un éventuel dommage sensible et à laquelle ont participé 19 personnes et 29 témoins. Le dossier de l'enquête comprend quelque 68 volumes de preuves et de témoignages, plus trente mille pages concernant plus de vingt mille demandes d'exclusion et documents annexes.

[5]                Selon les demanderesses, l'énormité de la tâche et les contraintes de temps ont amené le Tribunal à s'écarter de la procédure habituelle. Ces écarts de procédure sont à l'origine des arguments fondés sur l'équité procédurale et la justice naturelle. Les demanderesses soutiennent en outre que les atteintes à la justice naturelle, qu'elles reprochent au Tribunal, ont donné lieu à des conclusions de fait manifestement déraisonnables concernant la question du dommage sensible ainsi qu'au refus du Tribunal de faire droit aux demandes d'exclusion n'ayant pas obtenu l'aval des producteurs nationaux. GRK fait valoir que le refus du Tribunal d'accorder une exclusion à son produit est manifestement déraisonnable.

L'équité procédurale et la justice naturelle

[6]                En règle générale, les questions d'équité procédurale sont des questions de droit et la norme de contrôle qui leur est applicable est celle de la décision correcte (voir Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [2001] 1 R.C.S. 221, au paragraphe 65). Les questions d'équité procédurale ne sont pas assujetties à une analyse pragmatique et fonctionnelle (voir S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100, et Procureur général du Canada c. Fetherston, 2005 CAF 111, au paragraphe 16).

[7]                Le contenu de l'obligation d'équité varie selon le contexte de l'affaire. La présente demande renvoie au paragraphe 43(1) de la LMSI qui confère au Tribunal, un organisme spécialisé pouvant déterminer le dommage sensible, le pouvoir discrétionnaire de décider quelles sont, dans le cadre de la définition de « marchandises en question » , les marchandises qui ont effectivement subi un dommage et quels sont les produits qui devraient, éventuellement, être exclus des conclusions du Tribunal (voir Hetex Garn A.G. c. Le Tribunal antidumping, [1978] 2 C.F. 507).

[8]                Le Tribunal est une cour d'archives dont le fonctionnement est soumis à des règles de procédure établies (Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (LTCCE), paragraphe 17(1)). Il n'y a pas appel de plein droit des décisions que rend le Tribunal en vertu de l'article 42 de la LMSI et ces décisions ne peuvent être contestées que dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire (LMSI, article 76). Le paragraphe 17(2) de la LTCCE confère au Tribunal, pour toute question liée à l'exercice de sa compétence, les attributions d'une cour supérieure d'archives. En outre, ses règles de procédure (Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91-499) précisent les conditions d'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît la loi. Ainsi, l'article 5 des Règles prévoit que les questions de procédure non visées par les Règles sont résolues de la manière ordonnée par le Tribunal. L'article 6 permet au Tribunal de modifier les règles, notamment par adjonction, ou d'exempter une partie de leur application si, en vue du règlement plus expéditif ou moins formel d'une question, les circonstances et l'équité le permettent.

[9]                Les demanderesses font essentiellement valoir qu'en raison des procédures préalables à l'audience dont a décidé le Tribunal, les participants ont appris si tardivement quelles seraient les catégories de produits faisant l'objet de l'enquête qu'il ne leur a pas été possible de présenter des observations utiles. Ce qui est donc en fait reproché au Tribunal, c'est la manière dont il a exercé son pouvoir discrétionnaire résiduel pour administrer la procédure visant la plainte déposée par Leland.

[10]            En règle générale, la Cour respectera le choix des procédures effectué par un tribunal spécialisé dans l'exercice de son mandat (voir Genex Communications Inc. c. Canada (Procureur général) (2005) CAF 283, du paragraphe 165), à la condition que l'équité procédurale à laquelle les parties peuvent légitimement prétendre ait été respectée. En l'espèce, l'équité procédurale obligeait le Tribunal à informer les parties suffisamment à l'avance de la preuve qui serait invoquée contre elles afin qu'elles puissent présenter des observations utiles (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 23 à 26).

[11]            Après un examen attentif du dossier, je rejette, pour les motifs exposés ci-dessous, les plaintes formulées par les demanderesses en ce qui concerne l'équité procédurale.

[12]            Dans l'énoncé des motifs de la décision provisoire du 10 septembre 2004, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a défini les marchandises en question et a apporté d'autres précisions concernant notamment les spécifications techniques, l'utilisation du produit et les spécifications tarifaires. L'enquête effectuée par le Tribunal en vertu du paragraphe 38(1) de la LMSI devait se baser sur la définition des marchandises en question dans la décision provisoire et cela ressortait clairement de l'avis d'enquête initialement transmis par le Tribunal, ainsi que de l'avis suivant en date du 1er décembre 2004.

[13]            Avant même que ne soit rendue la décision provisoire, le Tribunal avait par ailleurs consulté les parties et convenu avec les avocats des demanderesses qu'aux fins des questionnaires, il y avait lieu de classer les marchandises en quatre catégories distinctes pour faciliter l'analyse des données. Dans son avis du 10 septembre 2004 informant les parties de son intention de procéder par voie d'observations écrites, le Tribunal a non seulement défini les marchandises, mais il a aussi fourni des renseignements sur la procédure régissant les demandes d'exclusion.

[14]            Le 24 septembre 2004, une équipe de recherche du Tribunal s'est réunie avec les participants dans le cadre d'une téléconférence pour discuter du déroulement de la procédure applicable aux demandes d'exclusion. Leland a alors unilatéralement offert de préciser la catégorie de marchandises visées par sa plainte. À la suite de cette offre, Leland a envoyé au Tribunal, le 4 octobre 2004, sa liste accompagnée de trois lettres expliquant comment cette liste devait être interprétée. Le 8 octobre 2004, soit deux mois environ avant le début de l'audience, le Tribunal a fait parvenir cette liste à toutes les parties.

[15]            Le Tribunal a donné des instructions supplémentaires les 19, 22 et 25 octobre ainsi que le 3 novembre 2004. Ces instructions concernaient le déroulement de la procédure d'exclusion compte tenu du nombre exceptionnel de documents en cause. Le grand nombre d'éléments en cause a imposé tant aux participants qu'au Tribunal un travail considérable mais, selon mon analyse, la procédure transparente que le Tribunal a suivie à toutes les étapes de cette affaire a respecté l'équité procédurale et les principes de justice naturelle et était conforme au pouvoir discrétionnaire du Tribunal. En aucun cas cette procédure n'a porté atteinte au droit des demanderesses de connaître la preuve qu'elles devraient réfuter.

[16]            Les demanderesses soutiennent en outre que ce n'est après que le Tribunal eut exposé ses conclusions et ses motifs qu'elles ont appris l'existence des trois lettres que Leland avait envoyées au Tribunal le4 octobre 2004. Elles reprochent maintenant au Tribunal d'avoir, sans le vouloir et sans que les participants aient eu la possibilité de se faire entendre sur ce point, permis à Leland de définir elle-même le régime applicable aux produits concernés et aux demandes d'exclusion. Elles font essentiellement valoir qu'en accueillant des communications ex parte, le TCCE a manqué à son obligation d'équité procédurale.

[17]            J'estime que les demanderesses se trompent quant à la nature des communications faites par Leland. Dans une première lettre accompagnant la liste envoyée au Tribunal, Leland a expliqué comment cette liste devait être interprétée. Les deux communications suivantes, transmises le même jour, apportaient des précisions à cet égard et fournissaient en outre des descriptions génériques et commerciales nécessaires à l'interprétation de la liste. L'avis du Tribunal, en date du 8 octobre 2004, faisait part de cette liste à toutes les parties, précisait que la liste avait été préparée par Leland et indiquait les articles qui, selon Leland, étaient fabriqués ou pouvaient être fabriqués par des branches de production nationales. La teneur des lettres de Leland a été communiquée en temps opportun à tous les participants, y compris aux demanderesses. Rien dans cet avis ne permettait de préjuger, ainsi que les demanderesses le font maintenant valoir, de la décision éventuelle du Tribunal sur le fond de l'affaire, sur les marchandises auxquelles s'appliquerait cette décision ou sur les marchandises qui bénéficieraient d'une exclusion. Je ne constate, dans la manière dont le Tribunal a mené ce dossier, aucun manquement à l'équité procédurale.

[18]            Je rejette également l'argument selon lequel le Tribunal a porté atteinte au droit des demanderesses de présenter des observations utiles. Je signale, comme exemple des observations que le Tribunal a sollicitées des demanderesses, le fait qu'il leur a demandé et a reçu au cours de l'étape préalable à l'enquête leurs avis concernant la conception des questionnaires, les ajustements qu'il convenait d'apporter à la procédure et les délais prévus pour présenter des demandes d'exclusion. Les demanderesses ont également présenté des observations au sujet de la demande de Leland de répondre par catégories relativement à l'exclusion de catégories d'articles similaires à ceux concernés par l'enquête, ainsi qu'aux réponses de la branche de production nationale aux demandes d'exclusion. Ces observations s'ajoutaient aux observations très complètes et aux dépositions des témoins que les demanderesses avaient transmises par écrit lors de la phase orale de l'enquête.

[19]            La dernière plainte que les demanderesses formulent au sujet de la procédure suivie par le Tribunal concerne l'omission de Leland de donner suite à une directive en date du 22 novembre 2004 enjoignant à tous les participants de répondre aux demandes de renseignements provenant d'autres parties. Au début de l'audience, les demanderesses ont demandé des instructions au Tribunal parce que Leland n'avait pas rempli le tableau préparé par la Coalition des importateurs de pièces d'attache du Canada (CIPAC) concernant l'âge de sa machinerie. Leland a répondu que les informations qu'elle avait déjà transmises étaient beaucoup plus détaillées que ne le prévoyait le tableau préparé par la CIPAC, mais qu'elle était disposée à remplir ce tableau si le Tribunal le lui demandait et que, dans ce cas, elle solliciterait la protection des informations ainsi transmises. Le Tribunal a admis cette réponse et a demandé aux avocats de la CIPAC de mener leur contre-interrogatoire sur la base des documents déposés dans le cadre de la procédure d'exclusion, en plus du tableau type, ajoutant que la question pourrait être à nouveau examinée lors du contre-interrogatoire. Voilà ce que nous apprend le dossier. Je considère qu'il s'agissait d'un exercice correct du pouvoir discrétionnaire du Tribunal et que cela ne constitue aucunement un manquement à l'équité procédurale.

Les erreurs de fond alléguées dans la décision du Tribunal

[20]            Toutes les parties conviennent que, ainsi qu'il a été décidé dans l'arrêt Pushpanathn c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, la norme de contrôle applicable aux conclusions de fond du Tribunal est celle de la décision manifestement déraisonnable. Le critère de la décision manifestement déraisonnable est un critère très strict qui n'est rempli que lorsque la décision est clairement irrationnelle et non conforme à la raison (voir Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, aux pages 963 et 964; et Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247).

[21]            GRK fait valoir qu'en lui refusant l'exclusion d'articles brevetés, le Tribunal a commis une erreur manifeste et dominante. La seule partie des motifs du Tribunal qui portent sur ce point se trouve au paragraphe 221 dont voici le texte :

Le Tribunal a aussi examiné des demandes d'exclusion concernant une forme ou une autre de conception ou de dessin exclusif. Dans la plupart des cas, le Tribunal n'a pas pu déterminer qui était le titulaire des droits exclusifs liés à une conception, à un dessin ou à un brevet. Lorsqu'il a pu le faire, comme dans le cas d'un certain nombre de producteurs nationaux, il a rejeté de telles demandes au motif que les producteurs nationaux produisaient les marchandises à l'échelle nationale en petite quantité et avaient décidé de les faire fabriquer outremer en plus grande quantité, particulièrement dans les pays visés, en concurrence avec la branche de production nationale. Ces producteurs nationaux n'étaient pas prêts à affecter leur équipement à la production de grandes quantités de telles marchandises et n'étaient pas non plus disposés à en confier la production sous licence à la branche de production nationale. Le Tribunal était donc d'avis que cette façon de faire de certains producteurs nationaux qui s'opposaient à la plainte ne devait pas déboucher sur l'obtention d'une exclusion, parce qu'elle rendait de tels producteurs nationaux assimilables aux producteurs des pays visés qui livrent concurrence à la branche de production nationale.

[22]            GRK fait valoir que le Tribunal n'a pas tenu compte de certains éléments de preuve et demande l'annulation de la décision du Tribunal en ce qui concerne les demandes d'exclusion déposées par GRK. Il s'agit là d'un redressement que la Cour est habilitée à accorder en vertu de l'alinéa 8.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

[23]            Dans cet argument, GRK affirme qu'en raison de ces écarts de procédure, le Tribunal a tiré des conclusions de fait qui ne se justifient pas. Ces prétendues erreurs de fait comprennent notamment le rejet de sa demande d'exclusion visant certaines vis en acier inoxydable brevetées et la conclusion que le dumping de vis en acier inoxydable menaçait de dommage la branche de production nationale.

[24]            Pour démontrer le bien-fondé de ces arguments, GRK doit établir que le Tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont il disposait (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales). Selon la jurisprudence de la Cour, l'examen des erreurs de fait alléguées est assujetti à la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir Stelco c. British Steel Canada Inc., et al., [2000] 3 C.F. 282, aux paragraphes 17 à 20, et Defasco c. Macsteel International (Canada) Ltd., 2002 CAF 419, au paragraphe 6). La décision qui comporte un défaut manifeste au vu du dossier fait partie des décisions manifestement déraisonnables (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748).

[25]            En ce qui concerne les produits brevetés de GRK, la preuve montrait sans équivoque quels étaient les titulaires des brevets invoqués par GRK pour justifier sa demande d'exclusion. La demande datée du 18 octobre 2004 par laquelle GRK sollicitait l'exclusion de certains de ses produits était accompagnée de trois certificats délivrés par le Bureau des brevets indiquant que le titulaire de ces brevets est Uli Walther, contact ou représentant de GRK Fastener. Il ressort des documents produits par GRK que c'est une entité non constituée en personne morale qui a consenti à l'exclusion de ces produits brevetés.

[26]            GRK affirme que le Tribunal a agi de manière déraisonnable en ne lui accordant pas une exclusion pour ses produits brevetés parce qu'il n'y a eu aucun élément indiquant que la branche de production nationale serait capable ou aurait le droit de fabriquer les attaches de GRK. Étant donné que GRK est titulaire du brevet pour le produit et que personne d'autre ne peut le fabriquer, on voit mal comment l'importation de ce produit pourrait nuire à la branche de production nationale.

[27]            Il semblerait qu'en raison des contraintes de temps et du très grand nombre de demandes d'exclusion, le Tribunal n'a pas suffisamment examiné les documents dont il disposait concernant la demande d'exclusion présentée par GRK et qu'il n'a pas analysé l'argument de GRK selon lequel personne au Canada n'a le droit de fabriquer son produit. La conclusion concernant les demandes d'exclusion présentées par GRK n'était pas conforme à la raison, était manifestement déraisonnable et devrait donc être annulée.

[28]            Les demanderesses ont en outre soutenu que la décision du Tribunal selon laquelle le dumping de vis en acier inoxydable en provenance de Taipei risquait de causer au Canada un dommage sensible est manifestement déraisonnable étant donné l'absence de données susceptibles d'étayer une telle conclusion. Cet argument doit, cependant, être écarté en raison des éléments de preuve qui se trouvent dans les rapports rédigés par l'équipe de recherche et dans les réponses données au questionnaire. Ces éléments permettent effectivement au Tribunal de conclure que l'importation de vis en acier inoxydable en provenance de Taipei menacerait, à court terme, la branche de production nationale.

[29]            Les demandes présentées par Tong Hwei Enterprise Co., Ltd. et Star Stainless Screw Co. devraient être rejetées. La demande de GRK Fasteners devrait être accueillie en partie, la décision du Tribunal concernant la demande d'exclusion présentée par GRK relativement à certaines vis en acier inoxydable brevetées devrait être annulée et l'affaire devrait être renvoyée au Tribunal pour qu'il rende une nouvelle décision fondée sur le dossier existant. Je ne rendrais aucune ordonnance concernant les dépens dans aucune de ces demandes.

« B. Malone »

Juge

« Je souscris à ces motifs

K. Sharlow, juge »

« Je souscris à ces motifs

J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                               A-48-05/A-49-05/A-50-05

INTITULÉS :                                                              A-48-05

                                                                                    GRK FASTENERS et

                                                                                    LELAND INDUSTRIES INC. et al.

                                                                                    A-49-05

                                                                                    TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD et

                                                                                    LELAND INDUSTRIES INC. et al.

                                                                                    A-50-05

                                                                                    STAR STAINLESS SCREW CO. et

                                                                                    LELAND INDUSTRIES INC. et al.

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 22 FÉVRIER 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                                     LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                  LA SHARLOW

                                                                                    LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                               LE 21 MARS 2006

COMPARUTIONS :

Cynthia Amsterdam / Matthew Diskin

POUR LES DEMANDERESSES

Lawrence L. Herman

POUR LA DÉFENDERESSE - LELAND INDUSTRIES INC.


Page : 2

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Heenan Blaikie LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Herman & Company

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE - LELAND INDUSTRIES INC.

Heenan Blaikie LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES ACCURATE FASTERNERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA ET EVOLUTION FASTENERS

Gottlieb & Pearson

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES UNCAN FASTENING PRODUCTS, USCAN INDUSTRIAL FASTENERS LTD.

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