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Date : 20050530

Dossier : A-486-04

Référence : 2005 CAF 204

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                   STEPHEN JOHN PATTERSON

                                                                                                                                                  intimé

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 30 mai 2005.

                             Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 30 mai 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE SHARLOW


Date : 20050530

Dossier : A-486-04

Référence: 2005 CAF 204

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                   STEPHEN JOHN PATTERSON

                                                                                                                                                  intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                              (Rendus à l'audience à Toronto (Ontario), le 30 mai 2005)

LA JUGE SHARLOW

[1]                La Couronne fait appel d'un jugement de la Cour fédérale (2004 CF 1292) rejetant sa demande d'injonction provisoire, qui aurait enjoint à l'intimé, M. Patterson, de remettre à la Couronne un grand polatouche qu'il avait importé au Canada le 26 juin 2004.

[2]                L'importation du grand polatouche par M. Patterson contrevenait auRèglement interdisant l'importation des chiens de prairie et certains autres rongeurs, DORS/2003-310, adopté en vertu de la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21. Le règlement prévoit :


1. Il est interdit, au cours de la période commençant à la date d'entrée en vigueur du présent règlement et se terminant le 31 janvier 2008, d'importer sur le territoire canadien et à tout point d'entrée canadien les rongeurs suivants :

a)             les chiens de prairie (Cynomys sp.), les rats géants de Gambie (Cricetomys gambianus) et les écureuils de la famille Sciuridae, quel qu'en soit leur pays de provenance;

b)             tout autre rongeur de l'ordre Rodentia provenant d'Afrique.

1. No person shall import into Canada or any Canadian port during the period beginning on the day on which these Regulations come into force and ending on January 31, 2008, any of the following:

(a)            prairie dogs (Cynomys sp.), African Giant Pouched Rats (Cricetomys gambianus) or any squirrel of the family Sciuridae, from any country; and

(b)           any other member of the order Rodentia from Africa.                            

[3]                La déposition du Dr Barr, un vétérinaire au service de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, révèle que les polatouches sont de la famille Sciuridae.

[4]                L'interdiction de l'importation du polatouche est justifiée par la crainte que l'animal soit, comme d'autres rongeurs, porteur d'une maladie virale très infectieuse appelée virus de la variole du singe. Le virus de la variole du singe est transmissible aux humains et peut être mortel. Aux États-Unis, les premiers cas connus de virus de la variole du singe sont survenus en juin 2003, lorsque plusieurs personnes ont été infectées à la suite d'un contact avec des chiens de prairie domestiques porteurs du virus.


[5]                À l'époque des événements pertinents, on n'avait pas observé la présence du virus de la variole du singe au Canada et il n'y avait apparemment pas de preuve portant que les polatouches puissent être porteurs du virus de la variole du singe.     

[6]                Toutefois, des représentants du gouvernement canadien tentaient et tentent toujours, à juste titre, de s'assurer que toutes les mesures raisonnables soient prises pour empêcher l'introduction du virus de la variole du singe au Canada par l'importation non réglementée de rongeurs.    

[7]                M. Patterson est un conservationniste et un naturaliste qui se décrit comme un expert des polatouches. Il avait obtenu la permission du gouvernement de l'Ontario et du U.S. Fish and Wildlife Service d'apporter le polatouche au Canada. À la frontière, il a présenté toute la documentation pertinente et a eu l'autorisation de poursuivre sa route.

[8]                Le dossier ne révèle pas pourquoi les douaniers à la frontière canadienne n'ont pas appliqué le règlement susmentionné interdisant l'importation des polatouches.

[9]                En vertu du paragraphe 18(1) de Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21, l'Agence canadienne d'inspection des aliments est autorisée à ordonner le renvoi du Canada de tout animal qui a été importé en contravention aux règlements adoptés en vertu de la Loi. Un tel ordre a été donné et signifié à M. Patterson le 6 juillet 2004.


[10]            Après avoir appris que la Couronne désirait renvoyer son polatouche du Canada, M. Patterson l'a fait examiner par un vétérinaire qui n'a décelé aucun signe de maladie.   

[11]            M. Patterson n'a pas obtempéré à l'ordre, ce qui a amené la Couronne à demander à la Cour fédérale une injonction provisoire (mentionnée précédemment). La demande de la Couronne se fonde sur l'article 18 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, L.R.C. 1985, ch. 6, qui se lit comme suit:

8. L'Agence peut demander à un juge d'une juridiction compétente une ordonnance provisoire interdisant toute contravention à une loi ou disposition dont elle est chargée d'assurer ou de contrôler l'application aux termes de l'article 11 - que des poursuites aient été engagées ou non sous le régime de celle-ci.

18. The Agency may apply to a judge of a court of competent jurisdiction for an interim injunction enjoining any person from contravening an Act or provision that the Agency enforces or administers by virtue of section 11, whether or not a prosecution has been instituted in respect of that contravention.

[12]            La demande de la Couronne a été rejetée au motif que le critère en trois étapes donnant ouverture à une injonction provisoire, établi par l'arrêt RJR Macdonald Inc. c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 311, n'a pas été rempli. La première étape du critère est l'existence d'une question sérieuse à juger. À la deuxième étape, le demandeur doit établir qu'il subira un préjudice irréparable en cas de refus du redressement. La troisième étape consiste à déterminer si la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur. Les trois étapes doivent être franchies avant que l'injonction provisoire ne soit accordée.


[13]            La juge a douté de l'existence d'une question sérieuse à juger mais n'a rendu aucune conclusion à cette étape. Sa décision se fonde sur le fait que le dossier dont elle dispose n'a révélé l'existence d'aucun préjudice irréparable. Elle a indiqué plus particulièrement que la Couronne n'avait pas soutenu, ni démontré, que la santé publique était en cause dans cette affaire.   

[14]            En octobre 2004, le Règlement interdisant l'importation des chiens de prairie et de certains autres rongeurs a subi des modifications (DORS/2004-240) afin de permettre l'importation d'écureuils à des fins de recherches scientifiques, de collections zoologiques ou d'éducation. Étant donné que l'importation du polatouche de M. Patterson est visée par cette exception, la question du statut de son polatouche est maintenant réglée à la satisfaction des autorités canadiennes. Celles-ci ne souhaitent plus le renvoyer du Canada, ce qui rend le présent appel théorique.

[15]            Toutefois, la Couronne soutient que le présent appel devrait être entendu malgré son caractère théorique et que la décision de première instance devrait être infirmée ou annulée en raison de l'importance des questions de droit soulevées. La Couronne craint nommément que la décision de la juge puisse être interprétée comme interdisant à la Couronne d'obtenir une injonction provisoire en vertu de l'article 18 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments sans d'abord obtenir et présenter une preuve portant que l'animal importé illégalement représente un risque réel pour la santé publique.


[16]            Nous sommes tous d'avis que la crainte de la Couronne n'est pas fondée. La juge n'a pas dit ni laissé entendre que la Couronne ne pouvait obtenir une injonction provisoire relativement à un animal importé illégalement au Canada sans preuve établissant que l'animal est infecté ou présente un danger pour la santé. La loi ne fait mention d'aucune condition préalable de la sorte et il serait inexact de dire qu'une telle condition est implicite dans la loi ou dans la nature du redressement. Chaque affaire dans laquelle une injonction provisoire est demandée doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres.

[17]            Nous ne sommes pas convaincus que le présent appel devenu théorique devrait être entendu. À notre sens, il s'agit essentiellement, dans la décision portée en appel, de l'exercice par la juge de son pouvoir discrétionnaire guidé par son appréciation des faits plutôt inhabituels. La décision n'établit aucun nouveau principe de droit, ni ne devrait être interprétée comme diminuant de quelque façon que ce soit l'efficacité des recours légaux dont la Couronne dispose pour remédier à l'importation illégale d'animaux.

[18]            Pour ces motifs, l'appel sera rejeté.

Karen R. Sharlow

                                                                                                                                                     Juge                             

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-486-04

INTITULÉ :                                        PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

STEPHEN JOHN PATTERSON

intimé

LIEU DE L'AUDIENCE:                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE:                 LE 30 MAI 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :            LES JUGES LINDEN, SEXTON ET SHARLOW

PRONONCÉS À L'AUDIENCE

PAR :                                                LA JUGE SHARLOW

COMPARUTIONS:

Eric O. Peterson                                    POUR L'APPELANT                         

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada        POUR L'APPELANT

RUBY & EDWARDH

Avocats

Toronto (Ontario)                                  POUR L'INTIMÉ


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